Rien ne vaut une réverbération naturelle, par exemple celle d'une cathédrale ou d'une salle de concert pour orchestre symphonique. La réverbération est composée d'un nombre quasiment infini d'ondes qui rebondissent dans l'espace. Ces ondes possèdent des temps de déclin et des réponses en fréquence qui changent constamment. Pour un processeur de réverbération numérique, reproduire un tel niveau de complexité est un tout simplement impossible. Pourtant, la qualité et le réalisme des reverbs s'améliorent constamment.
Les processeurs de réverbération actuels se répartissent en deux grandes familles : les reverbs à convolution et les reverbs synthétiques (aussi appelées reverbs algorithmiques).
- Les reverbs à convolution utilisent l’échantillonnage : le principe consiste à enregistrer « l’empreinte sonore » d’un espace réel (aussi appelée impulsion), puis à appliquer cette empreinte aux signaux audio. Les reverbs à convolution excellent quand il s’agit de recréer l’acoustique d’un lieu donné.
- Les reverbs synthétiques créent quant à elles des espaces acoustiques en utilisant des algorithmes. Ces algorithmes tentent de reproduire des réverbérations réelles en simulant leurs caractéristiques, notamment la taille du lieu, les surfaces réfléchissantes, etc. Cette technique permet de modifier les propriétés de la reverb grâce à de nombreux paramètres. On pourra par exemple décider de placer les sons dans un lieu virtuel de 5 m² plutôt que 20 m².
Bien qu’ils ne sonnent pas exactement comme des espaces acoustiques réels, les processeurs de réverbération algorithmiques présentent des avantages indéniables. Tout d’abord, les reverbs numériques offrent toute une palette de presets tandis qu’un environnement acoustique réel possède une seule et unique réponse. Deuxièmement, la réverbération numérique permet d’adapter l’effet à la situation musicale. Ainsi, on peut utiliser les paramètres pour simuler un espace réel ou, au contraire, pour créer une acoustique volontairement artificielle.
Quoi qu’il en soit, le seul moyen d’exploiter toute la puissance des reverbs numériques est de comprendre comment leurs paramètres influencent le rendu final. Bien sûr, vous pouvez vous contenter de charger un simple preset et d’espérer qu’il fonctionne dans le cadre de votre application. Mais pour obtenir un effet reverb de très bonne qualité, vous devrez modifier ses paramètres pour qu’il s’adapte parfaitement au signal à réverbérer. Je vous propose donc de passer en revue les paramètres standard des reverbs algorithmiques. Notez également que vous retrouverez une partie de ces paramètres dans de nombreux processeurs à convolution.
Les paramètres de la reverb
L’effet reverb est composé de deux éléments essentiels :
- Les premières réflexions, parfois appelées réflexions précoces, sont le premier groupe d’échos qui apparaissent lorsque l’onde sonore frappe les murs, le plafond, etc. Le temps nécessaire aux ondes sonores pour atteindre l’une de ces surfaces est appelé pré-delay. Les premières réflexions sonnent comme un écho car elles sont généralement mieux définies que la réverbération en elle-même.
- Le paramètre Decay (déclin/résonance) correspond quant à lui au son créé par ces ondes lorsqu’elles continuent à rebondir dans l’espace sonore. Ce sont ces « remous » sonores que la plupart des auditeurs associent à la réverbération.
Voici les différents paramètres que vous trouverez dans tous les bons processeurs de réverbération. Les outils plus simples, et donc souvent moins onéreux, ne contiendront qu’une sélection de ces paramètres.
Taille du lieu (Room Size)
Ce paramètre détermine la distance parcourue par les ondes sonores, autrement dit la durée de leur trajet, avant de rebondir sur les parois du lieu virtuel. Si le son de la reverb ressemble à une oscillation bizarre (un genre de gazouillement synthétique), modifiez la valeur de ce paramètre en conjonction avec la durée du déclin (Delay Time) pour obtenir un son plus réaliste.
Temps de déclin (Decay Time)
La durée du déclin (résonance) correspond au temps que mettent les réflexions à perdre leur énergie. Remarquez qu’une reverb longue donne souvent un résultat impressionnant avec un instrument seul mais qu’elle fonctionne rarement avec un ensemble d’instruments, sauf si l’arrangement est très aéré.
Le temps de déclin (Decay Time) et la taille du lieu (Room Size) doivent être réglés avec soin car seules certaines combinaisons donnent de bons résultats. Les reverbs à presets bloquent ces réglages afin que vous ne puissiez pas faire d’erreur. Par exemple, la combinaison d’un lieu vaste avec un temps de déclin court (et inversement) produit généralement un résultat très artificiel. Cependant, ces réglages « impropres » peuvent créer des effets sympas, tout spécialement avec des instruments synthétiques, lorsque le but n’est pas de simuler un espace acoustique réel.
Amortissement (Damping)
Lorsque les ondes sonores rebondissent de toute part dans un lieu vaste doté de surfaces dures, les queues de reverb possèdent un son brillant et bien défini. Avec des surfaces plus absorbantes, par exemple des murs en bois et non pas en béton, ou dans un lieu rempli de monde, les queues de reverb perdent des hautes fréquences à chaque rebond, ce qui conduit à un son plus chaud et plus doux. Sachant que les processeurs ont certaines difficultés à produire des hautes fréquences précises, si la reverb possède un aigu trop artificiel, utilisez l’amortissement pour réchauffer le son.
Atténuation du grave et de l’aigu
Ces paramètres restreignent la bande de fréquences qui alimente la reverb. Si votre réverbération a un son métallique, essayez de réduire les hautes fréquences en commençant entre 4 et 8 kHz. N’oubliez pas que la plupart des vieilles reverbs à plaque, dont le son est toujours aussi apprécié, possédaient une réponse très faible au-delà de 5 kHz. Par conséquent, ne vous en faites pas si votre reverb n’est pas capable de produire un aigu très scintillant.
Si la quantité de grave qui alimente la reverb est trop élevée, le son peut devenir baveux et imprécis. L’impact de la grosse caisse et de la basse peut s’en trouver atténué. Pour que le bas du spectre reste efficace et précis, essayez d’appliquer une atténuation dès 100 à 200 Hz.
Diffusion (parfois appelée diffusion des premières réflexions)
Il s’agit d’un des paramètres les plus importants des processeurs de réverbération car il permet d’adapter l’effet au signal source. En augmentant la diffusion, vous resserrez les premières réflexions, ce qui densifie le son. Lorsque vous réduisez la diffusion, l’effet produit de plus en plus d’échos perceptibles individuellement. Avec les instruments à percussion, on utilisera généralement une diffusion importante pour éviter l’effet de « billes rebondissant sur une plaque métallique » qui rend chaque écho perceptible. En revanche, avec les voix et les instruments dont le sustain est important, réduisez la diffusion pour éviter de « surgonfler » le signal source. Attention cependant à ne pas exagérer la diffusion sur les voix qui perdraient alors en clarté.
Notez également que certains processeurs proposent un second paramètre de diffusion pour le déclin de la réverbération. D’autres possèdent un seul réglage de diffusion qui regroupe ces deux paramètres.
Pré-delay des premières réflexions
Dans la réalité, les premières réflexions apparaissent au bout de quelques millisecondes. Ce retard correspond au temps que les sons mettent à frapper les surfaces du lieu. Pour simuler cette propriété, ce paramètre possède généralement une plage de réglage allant de 0 à 100 ms. Augmentez la durée du pré-delay pour créer l’impression d’un espace vaste. Par exemple, si vous avez opté pour un lieu de grande taille, vous aurez certainement besoin d’une valeur de pré-delay plutôt élevée.
Densité de la reverb
Les densités réduites accentuent l’espace entre les premières réflexions de la reverb et les réflexions suivantes. Inversement, les densités élevées les rapprochent. Comme avec la diffusion, on choisira généralement des valeurs importantes pour les signaux possédant des attaques franches et des valeurs faibles pour les voix et les instruments ayant beaucoup de sustain.
Niveau des premières réflexions
Ce paramètre détermine le niveau des premières réflexions (Early Reflections) par rapport au niveau du déclin de la reverb (Reverb Decay). Ici, le but est d’équilibrer ces deux composantes de sorte que les premières réflexions se comportent comme des échos discrets, autrement dit qu’elles ne soient ni trop marquées, ni masquées par le déclin (Decay). Notez également que plus vous abaissez le niveau des premières réflexions, plus vous placez l’auditeur au fond de la pièce simulée, mais également en son centre.
Déclin (Decay) du grave et de l’aigu
Certaines reverbs proposent des temps de déclin (Decay Time) séparés pour le grave et l’aigu. Selon le processeur utilisé, les fréquences correspondantes sont soit fixes, soient variables. Dans ce dernier cas, un paramètre supplémentaire permettra de sélectionner la fréquence séparant la bande basse de la bande haute.
Ces réglages affectent fortement le caractère global de l’effet. Augmentez le déclin des basses fréquences pour créer une reverb plus épaisse et plus massive. Augmentez le déclin des hautes fréquences pour obtenir un son plus éthéré. Un déclin étendu dans l’aigu, que l’on ne retrouvera quasiment jamais dans un espace acoustique réel, peut donner de très bons résultats avec les voix car il accentue la reverb sur les sibilantes et les fricatives tout en réduisant l’effet sur les occlusives et les portions basses de la voix. Le résultat est une reverb nette et bien définie qui ne supplante pas la voix.
Une ou plusieurs reverbs ?
Généralement, je n’utilise pas beaucoup de reverbs différentes, et lorsque je le fais, c’est pour simuler un espace acoustique précis. Mais il n’y a pas de règle et certains producteurs appliquent volontiers diverses reverbs aux différentes pistes de l’arrangement. Personnellement, je préfère insérer le processeur de réverbération dans un bus auxiliaire et utiliser différents niveaux d’envoi dans les pistes pour positionner chaque source dans l’espace acoustique : les niveaux de départ élevés font reculer l’instrument tandis que les niveaux de départ faibles déplacent le son vers l’avant. Étant donné que la reverb traite quasiment tout l’arrangement, j’utilise une diffusion plutôt forte et un amortissement (Damping) suffisant des hautes fréquences.
Les seules exceptions sont la batterie et les voix : la batterie profite parfois d’un effet de type Gated Reverb qui ne simule pas un espace acoustique réel, tandis que les voix sont souvent mises en valeur par une reverb plus brillante de type Plate (simulation de reverb à plaque) avec moins de diffusion et d’amortissement (Damping). Généralement, j’envoie certaines voix dans la reverb principale de type Room et d’autres dans la reverb Plate, puis j’équilibre les deux de sorte que la reverb des voix (Plate) se fonde dans l’environnement acoustique global (reverb Room).
Retour à la réalité
Pour une reverb numérique, les premières réflexions sont la chose la plus difficile à simuler de façon réaliste. Si vous disposez d’une pièce ayant des surfaces dures, par exemple une salle de bains ou même une pièce avec un sol carrelé, placez une enceinte dans la pièce et alimentez-la avec la sortie d’un bus auxiliaire. Ensuite, mettez un micro dans la pièce pour enregistrer ses réflexions naturelles. Enfin, mélangez les premières réflexions réelles et le déclin (résonance) d’une reverb numérique. Vous obtiendrez une reverb de type Chamber au son très réaliste.
Deux fois plus de plaisir
Nous avons vu comment faire sonner correctement un plugin de reverb de qualité moyenne, mais il existe aussi un moyen d’améliorer encore le son d’un bon plugin de reverb : ouvrez deux instances d’une même reverb, chacune étant insérée dans son propre bus auxiliaire. Utilisez des réglages légèrement différents dans chaque reverb pour créer une image stéréo plus large que précise, puis placez une instance légèrement sur la gauche de l’espace stéréo et l’autre légèrement sur la droite. Vous pouvez même essayer ce genre de manipulation avec deux reverbs différentes. Par rapport à l’utilisation d’une seule reverb, la différence est ténue mais l’amélioration sonore peut être réelle.
Originellement écrit en anglais par Craig Anderton et publié sur Harmony Central.
Traduit en français avec leur aimable autorisation.