Après plusieurs années de suprématie américaine, Akai revient en force au pays des gros échantillonneurs. Avec le S6000, la firme nipponne a créé un monstre prêt à piétiner ceux qui lui ont fait tant de mal. A la lecture des spécifications, nous ne donnerons qu’un seul mot d’ordre : tous aux abris !
(Test initialement paru en janvier 1999)
L’échantillonnage, développé au début des années 80, fait partie des technologies qui n’ont cessé de progresser pour avaler et digérer de plus en plus de données à chaque nouvelle génération. Le pionnier en la matière a été E-mu en 1981 avec l’Emulator, un échantillonneur 8 bits mono doté de 128 K de Ram. Mais la fin des années 80 verra la victoire d’Akai avec le S1000, capable de sampler en stéréo sur 16 bits avec 16 voix de polyphonie et une Ram de 32 Mo. Que de progrès en moins de 10 ans ! C’est à peine le temps nécessaire à E-mu pour retrouver sa suprématie grâce à l’E-mu IV puis l’E-Synth, offrant dans sa version boostée 128 voix de polyphonie, 128 Mo de Ram et 32 Mo de Rom. Egalement présent aujourd’hui sur le segment haut de gamme, le K2500 de Kurzweil avec 48 voix de polyphonie (ou 192 oscillateurs numériques), 128 Mo de Ram et 28 Mo de Rom. Chez E-mu comme chez Kurzweil, on a également mis l’accent sur la synthèse (filtres Z-plane ou algorithmes VAST) avec modulation matricielle surpuissante. Toutes ces caractéristiques impressionnantes, Akai a du les décortiquer pendant sa longue traversée du désert qui a suivi la série 3000 et pour tenter de reprendre ses positions sur un marché en nouvel essor, la firme nippone a dû créer une bestiole presque deux fois plus grosse que ses condisciples. Avec un grand LCD 320 × 240 points, 128 voix de polyphonie, 256 Mo de Ram (maximum), 32 canaux Midi, 2 ports SCSI et 16 sorties, le S6000 est venu d’extrême orient pour tout atomiser sur son passage. Voyons si l’ergonomie, le grain et d’autres qualités essentielles ont aussi fait le voyage.
Belle est la bête
Du haut de ses 4 unités de couleur crème, le S6000 affiche une face avant extrêmement bien conçue. En fait, le panneau de commandes peut se détacher pour venir se poser à plat, éliminant ainsi la tremblotte ou les courbatures après six heures d’utilisation non stop. A gauche du panneau, seuls le bouton d’alimentation, le lecteur de disquettes et la trappe pour disque dur 3,5 pouces (type amovible Zip, Jaz, Syquest ou autre) restent solidaires de l’unité. A droite, il en est de même pour le potentiomètre de volume, le potentiomètre de casque (très chic), la sortie casque et les deux entrées sampling jack 6,35 mm asymétriques. La partie détachable est constituée d’un magnifique LCD 320 × 240 points à fort contraste (réglable), trônant au beau milieu de 16 touches logicielles (2 rangées de 8 de part et d’autre) et 8 autres touches de fonction juste en dessous. Ces dernières, bénéficiant de leur propre diode lumineuse, servent à sélectionner les modes essentiels de la machine : multitimbral, effets, édition échantillon, programme, échantillonnage, utilitaires, sauvegarde et chargement disque.
La droite du LCD est consacrée aux réglages d’édition, avec un pavé numérique, un alphadial cranté accompagné de 2 touches <>, 3 touches assignables, les touches Mark, Jump, Window, Undo, Enter et Exit. Window permet d’ouvrir un sous-menu local en cours d’édition, lorsque cela est indiqué par une petite flèche près des fenêtres des paramètres. Le panneau détachable est relié à l’unité par un tout petit câble multibroches solidement vissé des deux côtés. A l’heure de la téléphonie mobile, on rêve de transmissions sans fil ! Enfin, une prise permet de raccorder un clavier ASCII (QWERTY) pour entrer rapidement des noms. Passons maintenant à la face arrière du S6000, un autre modèle du genre. Tout y est en double : 2 rangées de 8 sorties (ou 8 paires stéréo) format jack 6.35 mm asymétriques, 2 sorties stéréo et 2 entrées sampling en XLR symétrique, 2 interfaces SCSI 50 broches halfpitch (dur dur !), 2 trio Midi (32 canaux obligent) et 2 trappes pour extensions, dont une interface numérique ADAT 16 pistes . Même le ventilateur a 2 vitesses (par logiciel) et on trouve aussi des entrées / sorties numériques AES / EBU (ou S/PDIF) en jack et optique, ainsi qu’une entrée BNC Wordclock. Voilà, c’est complet et vraiment maousse costaud !
Antre du monstre
Nous avons testé le S6000 dans sa version 1.01, car nous refusons de baser nos bancs d’essai sur des versions béta incomplètes ou d’annoncer des spécifications sans vérifier la véracité de nos propos dans la version commercialisée, par respect pour le lecteur. D’ailleurs, les nouveaux OS sont toujours disponibles et gratuits sur le site Internet Akai (www.akai.com/akaipro). Pour assurer une qualité optimale, le signal audio passe en entrée par des convertisseurs A/N 18 bits avec suréchantillonnage 64 fois, DS du 5ème ordre et traverse en sortie des convertisseurs N/A 20 bits avec suréchantillonnage 128 fois. La carte EB20 (processeur d’effets) travaille elle aussi sur 4 canaux de 20 bits. Curieusement, nous avons réussi à obtenir de l’aliasing sur une cymbale échantillonnée à 22 kHz (tirée des 4 pauvres disquettes en format natif fournies avec la machine) et transposée 2 octaves vers le haut, ce qu’un K2500 produit une demie-octave plus haut sur le même échantillon. Nous avons donc poussé notre curiosité sur des ondes moins riches en transitoires et moins complexes (dents de scie) : même résultat en moins exagéré.
Mais qu’on se rassure, un échantillon à 44 kHz passe sans problème, ouf ! Le son est cristallin et la bande passante ne semble pas rabotée dans l’aigu. Ceux qui n’aiment pas la coloration seront comblés alors que ceux qui recherchent une personnalité plus marquée (un grain) seront en reste. Le S6000, c’est transparent comme du Baccarat. La seule question à se poser, c’est pourquoi Akai n’en a-t-il pas profité pour passer en 24 bits 96 kHz afin d’enfoncer définitivement le clou par rapport à ses concurrents ? En fait, il semble que le passage amène plus d’inconvénients (compatibilité de banques pour les utilisateurs) que d’avantages. Le marché ne semble pas encore tout à fait mûr. Ceci dit, la récente sortie d’une carte 24/96 pour le DD8 et les connecteurs internes du S6000 portent à penser qu’un passage en 24/96 est tout à fait envisageable. A suivre…
De Charybde en Scylla
Pour naviguer entre les différents éditeurs, le S6000 nous propose une approche très conviviale, à partir des 16 touches logicielles (sélection directe du paramètre) et du data entry (édition du paramètre). En fait, on se rend compte qu’il n’y a la plupart du temps qu’un niveau d’arborescence (deux au maximum) pour atteindre la bonne fonction. Mieux, certaines pages autorisent des allers et retours directs à d’autres pages (par exemple, page du filtre / page enveloppe de filtre), ou encore accès direct aux pages des sources / destinations de modulation d’un paramètre (par exemple, saut aux pages LFO ou enveloppes depuis la page d’amplitude). Fin du fin, l’édition est à double sens, c’est-à-dire que l’on peut changer le programme ou l’échantillon en cours de réglage d’un paramètre donné. Application (un jour de grande forme) : bouclage de tous les multiéchantillons d’un orchestre philharmonique au grand complet sans sortir de la page d’édition des boucles. C’est convivial, c’est rapide et d’une puissance remarquable. Seul reproche, la touche Undo est inactive dans la version actuelle de l’OS.
Grâce à son large LCD, le S6000 indique en son centre le nombre de multi, programmes et échantillons chargés ainsi que la mémoire restante, histoire de garder le Nord. Passons au manuel, en français bien traduit et très concis (moins de 200 pages). Il est commun aux S5000 et 6000, ces deux machines étant très proches. Akai suggère d’ailleurs avec humour (au second degré) que c’est là sa contribution à l’environnement et une manière de réduire les coûts. Dans ce cas, pourquoi avoir ajouté un addendum de 20 pages qui vient corriger un coup parti trop vite ? En fait, il s’agit du premier « substractum » à notre connaissance, dans lequel le constructeur s’excuse, courbettes à l’appui, pour avoir parlé un peu trop vite dans le manuel de base. Ah, ces Japonais, quelle correction ! Ainsi, on apprend qu’il faudra attendre un prochain OS pour avoir un affichage graphique de la courbe du filtre, pour convertir directement des samples de S1000, pour « crossfader » lors de l’extraction d’une portion d’échantillon, pour disposer d’un lecteur de Midi File ou pour « timestretcher » entre deux points au choix. Nous saluons cette franchise mais nous attendons une réaction rapide, maintenant que nous avons l’eau à la bouche !
Proie pour Jabba
Le S6000 est la réponse aux besoins des amateurs de congélation carbonique : un échantillonneur pur et dur conçu pour les professionnels les plus exigeants. La machine travaille sur 16 bits linéaires à 44.1 et 48 kHz et stocke les échantillons au format .WAV entrelacé. Deux avantages : le choix d’un format universel (PC) et la conservation d’une cohérence stéréo lors du stockage et de l’édition. En version de base, la machine contient 8 Mo de Ram soudés sur la carte mère, extensible à 256 Mo au moyen de 4 barrettes Simm 64 Mo, de type 72 broches et de temps d’accès inférieur à 70 ns. Dans ce dernier cas, les 8 Mo d’origine sont ignorés. Pour échantillonner sur le S6000, il suffit de connecter une source audio et presser la touche Record située sous le LCD pour entrer dans la page adéquate. Celle-ci permet le réglage logiciel du niveau d’enregistrement (avec l’aide de 2 vu-mètres), la source audio (analogique, numérique, optique ou interne), le mode de déclenchement (manuel, seuil, automatique ou note Midi), la durée et la note originelle (celle-ci peut être directement choisie en appuyant sur la touche correspondante du clavier Midi tout en maintenant la touche logicielle du S6000). Le mode de déclenchement automatique est assez original, puisqu’il permet le démarrage au-delà d’un seuil puis l’arrêt en deçà du seuil. En mode source interne, le S6000 est capable de ré-échantillonner ses sorties principales avec les effets.
Une fois l’enregistrement effectué, une fenêtre indique si le signal a subi un écrêtage et une autre demande de confirmer ou non le passage immédiat en congélation. Là où le S6000 passe à la vitesse supérieure, c’est dans sa capacité à envoyer les sons directement au bac à surgeler (disque dur, amovible) sans consommer de Ram (256 Mo, c’est si peu !). Seules restrictions, la durée d’échantillonnage est curieusement fonction de la Ram disponible (ce n’est donc pas du pur DtD), les échantillons virtuels ne peuvent pas être joués en accord ni en boucle. Par contre, il est possible d’en déclencher plusieurs en même temps suivant la rapidité du disque dur (au moins 8 pistes stéréo avec un Jaz 1 Go). La lecture est instantanée et il est assez facile de convertir des samples Ram en samples virtuels et réciproquement. De plus, ils sont traités comme des samples classiques au sein d’un programme ou d’un multi, avec tous les traitements numériques et synthétiques à disposition. Assez souple pour un gros lézard !
Chez le Yeti
Les musiciens à l’aise en milieu gelé vont pouvoir s’éclater avec le S6000. Non pas qu’il dispose de traitements DSP hors du commun, mais ils sont faciles à utiliser, les temps de calcul sont corrects et l’édition graphique est superbe. De plus, les pointeurs (début, fin, boucle) sont exprimés en secondes ou en échantillon, la classe ! Un échantillon peut être édité à sec ou dans le contexte d’un programme. Le LCD affiche presque en permanence sa durée, sa fréquence d’échantillonnage, son type (Ram ou virtuel) et ses principales caractéristiques (mono, stéréo, en boucle…) par des petites icônes. Des fonctions de base permettent de rendre mono un sample stéréo, d’en inverser la lecture et de le normaliser. La troncature est dotée de possibilités de recherche automatique de début et fin avec un réglage de seuil qui élimine les portions d’audio non significatives, histoire de couper au bon moment scientifiquement plutôt qu’au pif. Chop permet de couper, supprimer ou extraire des portions d’audio entre deux points. Seuls manquent à l’appel des réglages de crossfade, promis pour une future version de l’OS. Pour leurs parts, les fonctions de bouclage permettent la recherche de points zéro, la lecture en avant ou bidirectionnelle (mais pas en arrière), l’accord de la boucle (indispensable pour les boucles courtes) et le crossfade (linéaire, logarithmique ou sinusoïdal, mais pas de courbe « mix » ou « equal »).
Autres fonctions, Join et Mix permettent de coller deux échantillons bout à bout (avec crossfade) ou l’un sur l’autre (avec la possibilité de passer en stéréo à partir de deux samples mono). Fade permet un fade in et out avec trois courbes disponibles (linéaire, log ou sinus), Resample peut effectuer une conversion de la fréquence d’échantillonnage et/ou une réduction de bits (bonjour les sons grungy !). Passons maintenant aux fonctions en vogue, Timestretch (de 50% à 200% avec 18 presets et 3 qualités) et son alter ego Pitch Shift. Ayant compris l’importance de la qualité que l’on était en droit d’attendre, Akai n’a pas hésité à emprunter les algorithmes de sa station numérique haut de gamme DD1500. Bilan, des résultats très corrects avec un grand respect pour le verrouillage de phase des sons stéréo. D’ailleurs à + ou – 10%, le Timestretch est parfait. Mieux, la fonction est couplée à un calculateur de tempo, BPM Match, capable de faire coïncider la vitesse de 2 boucles pour peu qu’on en ait indiqué le tempo d’origine. Pour terminer, un égaliseur 3 bandes (2 semi-paramétriques et 1 paramétrique) peut être utilisé. Seul regret (mais il est important), toutes les fonctions destructives sont globales et ne peuvent pas s’effectuer sur une portion d’un échantillon, contrairement au K2500 par exemple. Par contre, dès qu’un traitement numérique est effectué, la machine propose d’écouter le son avant et après traitement afin de sauvegarder sa version préférée ou les deux. Difficile de faire plus simple. Bien sûr, toutes ces fonctions tirent largement partie du grand LCD, capable d’afficher en même temps le sample édité intégralement et la portion en cours d’édition, avec possibilités multiples de zoom. Gros plan sur la bête !
Thriller night
Pour ramener à la vie nos sons congelés, rien de tel qu’une puissante synthèse sonore et de nombreuses possibilités de modulation. Dans ces domaines, le S6000 excelle là encore. En fait, les samples sont assemblés en Keygroups (99 par programme) pouvant contenir chacun jusqu’à 4 samples stéréo, avec réglages séparés de fenêtre de tessiture, de crossfade et de vélocité. Grâce au grand écran, la répartition des samples sur le clavier se fait graphiquement, royal ! Chaque Keygroup dispose alors de ses propres réglages de paramètres de synthèse, sachant qu’on peut passer de l’un à l’autre au sein d’un même paramètre (édition là aussi à double sens) ou éditer tous les Keygroups d’un même programme en même temps. L’architecture sonore d’une voix est basée sur le schéma classique « hauteur, filtre, amplificateur, panoramique » avec respectivement 2, 4, 2 et 3 entrées de modulation. Les sources de modulations sont constituées d’une enveloppe auxiliaire multi segments, de 2 ADSR (entre autre sur le filtre et le volume), de deux LFO et des contrôleurs Midi (molettes, vélocité, aftertouch, note Midi et un contrôleur externe au choix). Les LFO disposent de 9 formes d’ondes et peuvent eux-mêmes être modulés en vitesse, délai et profondeur. Voilà qui représente tout de même 17 destinations et 14 cordons de modulation possibles par voix ! Bien sûr, chaque Keygroup peut être accordé (avec gamme microtonale preset ou utilisateur), dispose d’un départ effet indépendant, et plusieurs groupes peuvent se couper mutuellement (charley ouverte / fermée).
Enfin, un menu « tools » permet d’avoir des infos sur la mémoire, d’appeler une liste de sons ou de sauvegarder / charger rapidement ses programmes. Passons au filtre multimode résonant, disposant de pas moins de 26 algorithmes différents : on trouve des LP 2 et 4 pôles, des BP 2 et 4 pôles, des HP 1 et 2 pôles, des combinaisons LP/HP ou BP, des notch simples et doubles, des peak simples et doubles, des phasers et un « voyelliseur » pour générer des voyelles et des diphtongues. De plus, un paramètre Headroom permet de réduire en amont les risques de distorsion dus à certains réglages de résonance élevés. Les résultats sont très bons, à des années-lumière du S1000, et pas mal de programmes importés de cette machine devront être retravaillés au niveau des filtres, tant l’efficacité de ces derniers a été améliorée. Par contre, la résonance n’est hélas pas modulable, un axe de progrès pour un futur OS. Pour en finir avec le mode programme, le S6000 fonctionne sans buffer, donc toute modification est définitive et ne nécessite aucune procédure de sauvegarde interne. A la fois dangereux et rapide !
Jurassic Park
Nous avons vu la puissance du S6000 au travers de ses programmes, collections de Keygroups rassemblant eux-mêmes des échantillons. Pour la première fois chez Akai, il a été décidé de permettre à l’utilisateur de rassembler ses programmes au sein d’un mode multitimbral sur 32 canaux contenant 128 mémoires utilisateur simultanées dans la machine. Ceci représente un progrès de taille par rapport aux précédents modèles où il était nécessaire de renuméroter les programmes pour pouvoir les utiliser dans un même set multitimbral (la prise de tête !). Une fois dans la page multi, l’utilisateur peut choisir de visualiser 6, 12 ou 18 parties en même temps (au-delà, cela devient vraiment trop petit). Le grand LCD permet un affichage clair des parties, des canaux Midi et des noms de programme. Chaque partie dispose des réglages du volume, de l’accordage, du panoramique, du statut de jeu (mute / solo) et de la fenêtre de tessiture. Le mieux, c’est que l’on peut assigner n’importe quel canal Midi à chacune des 32 parties, ce qui laisse envisager des empilages monstrueux. De plus, chaque canal peut être dirigé indépendamment vers l’un des 4 bus d’effets, avec réglage séparé du départ, ou vers une (ou une paire) des 16 sorties séparées.
A partir du mode multi, une fonction Part Edit permet de basculer dans l’éditeur de programme et ainsi éditer les sons dans leur contexte multitimbral, avec les effets activés. Toute modification est immédiatement répercutée sur le programme, puisque le S6000, nous l’avons vu, ne possède pas de buffer d’édition de programme ou de multi, et n’invite donc pas l’utilisateur à sauvegarder ses nouvelles éditions avant de sortir de l’éditeur. Comme en mode programme, un menu Tools permet d’obtenir des informations sur la mémoire ou d’effectuer des chargements et des sauvegardes rapides. Il est ainsi possible de se fabriquer un set multitimbral à partir de plusieurs programmes importés depuis des unités de disques différentes en un tour de main, sans sortir du menu Tools. Enfin, une fonction « purge » permet d’éliminer impitoyablement de la mémoire tous les programmes et les échantillons qui ne sont pas utilisés par des multi. Sauve qui peut !
Le huitième passager
Le S6000 n’usurpe pas le qualificatif de monstre de l’espace, incarné sous les traits d’un quadruple processeur d’effets disponible sur 4 bus séparés. Les deux premiers, identiques, sont de véritables multi-effets alors que les deux derniers sont dédiés à la réverbération. Les possesseurs de S5000 pourront mettre leur machine à niveau grâce à la carte optionnelle EB20. Les 2 multi-effets peuvent être scindés en 3 sections : les effets en série monodiques (3 simultanés), envoyés dans des effets de modulation (2), le résultat étant à son tour injecté dans une réverbération. Les effets en série se composent systématiquement d’une distorsion, d’un égaliseur et d’un modulateur en anneau. Ce dernier dispose de réglages de fréquence et de profondeur, l’égaliseur est quant à lui un quadruple bande LP / BP1/ BP2 / HP (les 2 extrêmes étant semi-paramétriques et les 2 centrales paramétriques) et la distorsion ne dispose que d’un réglage de volume. Mieux, les 2 bandes centrales possèdent leurs propres LFO permettant de se concocter de splendides effets wah-wah. Passons à la seconde section, combinant un effet de modulation (chorus, flanger, phaser, haut-parleur tournant, FM, autopan et pitchshifter) et un délai stéréo avec crossover (670 ms). Cette section est très complète, mais il manque des possibilités de modulation dynamique (seule la simulation de HP tournant le permet) et de synchronisation Midi des LFO et des temps de délai.
Passons enfin à la réverbération stéréo, identique sur les 4 bus. Elle comporte des algorithmes Hall, Room, Gate et Reverse (donc pas de Plate) et autorise les réglages de prédélai, déclin, diffusion, proximité, atténuation des graves et des aigus. Les modèles Gate et Reverse ne possèdent pas les trois derniers paramètres, pourquoi donc ? De plus, nous avons trouvé cette réverbération métallique. Pour ne pas partir de zéro, les effets complexes possèdent des modèles d’usine. Et pour ceux qui cherchent plus de souplesse, la disposition des blocs des deux multi-effets peut être modifiée grâce à un paramètre Path astucieux. Celui-ci agit sur les envois réciproques des effets de modulation et de réverbération, ce qui permet d’inverser complètement leur ordre, de les mettre en parallèle ou de choisir n’importe quelle valeur intermédiaire. Superbe ! De plus, un routage permet d’envoyer les signaux du multi-effets n°1 (pré effets série, pré effets de modulation, pré ou post réverbération) au bus n°3 de réverbération. Idem pour le couple multi-effets 2 / réverbération 4. Mais comme toute nouveauté, le processeur d’effets a aussi ses inconvénients : d’une part, il n’est pas compatible avec les effets de la série 3000 et d’autre part, les réglages sont sauvegardés au niveau des 128 multi et pas avec les programmes, qui restent « secs ». Quoi qu’il en soit, Akai a réalisé un processeur d’effet intéressant qu’il serait dommage d’expédier dans l’espace par le premier sas venu !
Terminator SCSI
Grâce à sa double interface SCSI, le S6000 s’insère parfaitement dans un environnement d’unités externes. Nous l’avons fait fonctionner sans problème à l’extrémité d’une chaîne comportant un Jaz, un lecteur de Cdrom Pioneer 12X et un K2500 comportant lui-même un disque dur interne Fireball Quantum 1,2 Go : tous ont été reconnus. Pour ceux qui veulent rester autonomes, le S6000 est livré avec une nappe SCSI pour le raccordement d’une unité 3,5 pouces amovible (Zip, Jaz, Syquest…) juste à droite du lecteur de disquettes. Très curieusement, le S6000 peut formater des disques SCSI mais est incapable de formater une disquette. C’est beau le progrès ! Pire, il est impossible de charger des fichiers .WAV directement depuis un Cdrom PC. Le seul remède est de les copier sur disquette ou sur disque dur formaté MS-DOS. Là, c’est un peu trop !
Ceux qui connaissaient les anciens échantillonneurs Akai et leur manie de découper les disques en partitions vont être ravis par l’approche du S6000. En effet, celui-ci gère les fichiers comme un « bête » ordinateur, c’est-à-dire sous forme de répertoires arborescents. Autrement dit, on va pouvoir s’organiser comme on le souhaite, car quoi de plus stressant en studio, sous la pression du producteur qui se prend soudain pour King Kong, de retrouver ce p… de son de hurlement de chouette mâle en rut un soir de pleine lune. Alors qu’avec une logique arborescente « être vivant / animal / oiseau / nocturne / mâle / cris », notre chouette hulule du premier coup. Mieux, les programmes et les échantillons, stockés dans des fichiers séparés, se reconnaissent mutuellement. Ceci signifie que l’on peut très bien charger un programme avant ou après un échantillon et une fois les deux en mémoire, l’échantillon retrouve son Keygroup tout seul comme un grand. Il sonne alors correctement dans son programme. Cette faculté, pas assez mise en avant dans le mode d’emploi, est la solution à bien des tracas quotidiens dans la gestion mémoire (échantillons orphelins ou redondants, programmes vides). Pour faire la jonction avec les anciens samplers de la marque, le S6000 est bien évidemment compatible S1000 / S3000 (avec les petits inconvénients évoqués précédemment sur les banques S1000) mais n’autorise pas, dans sa version actuelle, la conversion directe des samples effectués sur ces anciennes machines. Cela viendra dans un prochain OS, parole d’Akai !
Quasimodo and Co
Avec ses deux trios Midi, nous avons vu que le S6000 fonctionnait comme un échantillonneur multitimbral 32 canaux. En mode Utilities, le LCD est capable d’afficher l’activité des 32 canaux sous forme de vu-mètres dynamiques (comme sur un bon vieux module GM). Un filtrage par canal permet d’affecter les messages de note, l’aftertouch, les molettes et le volume Midi. Ceci peut aider à désengorger la machine de messages inutiles et encombrants, surtout lorsqu’ils arrivent sur 32 canaux simultanés et créent des temps de retard dans les réponses aux signaux. Prévu initialement, un lecteur de Midi Files est passé à la trappe avant la commercialisation pour cause de bug. On ne plaisante pas chez Akai !
Parmi les autres utilitaires intéressants, la machine peut être configurée pour que le processeur d’effets interne traite un signal externe stéréo via les entrées sampling (analogiques uniquement). Il est possible d’assigner l’entrée de son choix (L ou R) au bus de son choix (1 à 4). Enfin, pour ceux qui veulent vérifier la liste des périphériques SCSI reliés à la machine, une fonction Show Hardware permet de les afficher automatiquement sur l’écran (c’est aussi le cas à l’allumage de l’appareil). Enfin, une page autorise la sauvegarde des réglages globaux de la machine soit en FlashRam, soit sur disquette. Dans ce cas, celle-ci sera transformée en boot et lue immédiatement à l’allumage de la machine (si elle est dans le lecteur !). Les paramètres seront alors automatiquement rechargés dans la FlashRam, un peu comme une disquette .BIN de mise à jour de l’OS. Scrontch scrontch !
Un Nessie Mille ?
Au final, le S6000 est un échantillonneur de très haut niveau. Son écran géant amovible lui confère une ergonomie exemplaire et de loin supérieure à la concurrence. La grande force de la machine réside également dans son OS extrêmement souple, qui permet de voyager à volonté et à vue sans se perdre dans des dédales de sous-menus. Le point le plus marquant, c’est à notre sens la faculté d’éditer dans les deux sens, c’est-à-dire de faire défiler soit les paramètres pour un même programme / Keygroup / échantillon, soit les programmes / Keygroups / échantillons pour un paramètre donné. Là, le S6000 ne nous enferme pas dans sa logique de travail, il s’efface au contraire devant le geste de l’utilisateur. Imbattable ! C’est également un monstre en regard des caractéristiques techniques chiffrées, en moyenne deux fois plus élevées que la concurrence : polyphonie, mémoire, interfaces audio, Midi, SCSI… tout y est plus gros. D’un point de vue qualitatif, la machine ne déçoit pas non plus, avec un son cristallin digne du 16/44.
Là où Akai doit faire progresser son gros bébé, c’est sur la compatibilité S1000, sur les transformations destructives des échantillons (entre deux points libres et non globalement) et sur toutes les fonctions retirées avant commercialisation. Bref, des écueils purement logiciels, donc très simples à résoudre. Côté hardware, les extensions externes et les slots internes laissent présager un bel avenir, avec, nous pensons, une porte ouverte au 24/96. Akai a la réputation de développer et d’entretenir ses produits pour qu’ils durent longtemps. C’est pour cela qu’aujourd’hui, le S6000 mérite de trôner au royaume des monstres sacrés de l’échantillonnage. D’ailleurs vue la bête, peut-on encore parler d’échantillon ?