Qu’a donc à offrir la cinquième version du logiciel historique de Propellerhead ? Tour d’horizon.
Sans refaire tout l’historique de Reason, il faut reconnaître à Propellerhead de la constance, au sens où ils n’ont jamais dévié de la ligne de départ : offrir un logiciel autonome, fermé (en ce sens qu’il ne permet pas d’utiliser de logiciels de tierce partie en son sein), mais quand même ouvert à l’extérieur (grâce au ReWire) et offrant tous (ou presque) les outils nécessaires à la production de musique plus ou moins à consonance électronique.
L’arrivée de Record (test à venir) conforte Reason dans cette position, puisqu’au lieu d’importer l’enregistrement audio dans le premier (quoique…), on l’intégrera, avec toutes ses qualités, dans le premier logiciel dont l’une des fonctions est de remédier aux “manques” du premier.
Cette cinquième version du studio virtuel intégrant synthés, sampleurs, effets et compagnie, apporte améliorations et nouveautés. Passons à la revue de détail.
Introducing Reason 5
Reason 5 est livré dans une boîte contenant un DVD, un livret de prise en main (plus de manuel papier, mais une aide HTML, en anglais seulement…), une plaquette sur laquelle sont inscrits numéro de licence et numéro d’enregistrement, nécessaires pour l’activation du logiciel et l’accès aux mises à jour. Petite remarque : que l’éditeur cherche à faire des économies de papier, c’est tout à son honneur, d’où le peu de documents imprimés. Mais pourquoi alors proposer une boîte cartonnée, dont les 6 à 7 centimètres sont de trop, là où 2,5 auraient largement suffi ? Ce qui, ramené à la quantité de logiciels vendus, représente quand même un sacré gâchis ? J’avoue être dépassé par cette logique…
Pas de raison de revenir sur l’installation, tout est suffisamment clair pour pouvoir ouvrir son premier projet après une quinzaine de clics.
Petite précision : j’ai utilisé pour le test la version en anglais (une petite bidouille à faire dans les Resources du paquet, rien de compliqué) tant la francisation du logiciel m’a rappelé certaines expériences tentées avec celle de Logic 8, comme les traductions mot à mot sans compréhension du sens musical (ceux qui se souviennent des fameux “Images par Clique avec Poids” ou “Appliquer des Bémols” comprendront…). Et après tout, l’aide en ligne étant en anglais uniquement, c’est le plus sûr moyen de retrouver à quoi correspondent les explications du manuel.
Un sampleur sachant sampler…
Chaque nouvelle version apporte son lot d’améliorations graphiques et utilitaires. En haut du rack figurent donc quatre boutons pour ouvrir/fermer les paramètres avancés audio et Midi et un Big Meter configurable en VU, PPM, Peak, VU+Peak ou PPM+Peak, avec sélection du canal de sortie, ou d’entrée. Car Reason 5 accepte enfin l’audio, non pour enregistrer des pistes à la façon d’un séquenceur, mais pour transformer ses échantillonneurs en “vrais” échantillonneurs. Il y a en effet abus de langage de la plupart des éditeurs qui considèrent, malgré toutes leurs possibilités parfois assez hallucinantes, leurs lecteurs/éditeurs d’échantillons comme des sampleurs.
Mais chez Propellerhead, grâce à cette version, les NN-XT, NN19, Redrum et Kong (nouveau module, voir plus bas) peuvent enfin récupérer l’audio entrant par n’importe laquelle des entrées reconnues, ou directement depuis un des modules du rack, avec circuit indépendant de monitoring du signal entrant. On peut même router de l’audio directement au sein de l’ordinateur, si l’on utilise Soundflower par exemple (une création de boucle audio est aussi possible sur la carte son, même si moins pratique). La possibilité d’échantillonner les modules pourrait pousser nombre d’éditeurs à utiliser les possibilités de Reason pour créer des banques de sons depuis ses instruments (qui offrent un panorama sonore très vaste, rappelons-le), ce qui n’était pas impossible avant, bien sûr, mais qui obligeait à faire appel au ReWire, à des éditeurs externes, etc.
Ici, tout se passe en interne. On sélectionne l’entrée ou le module en les routant dans le Sampling Input à l’arrière du rack, on clique sur l’icône “forme d’ondes” du module choisi (ou dans la fenêtre Outils), l’enregistrement démarre aussitôt (on aurait préféré avoir la main sur le départ…). On peut ainsi imaginer des configurations extrêmes, puisque Sampling peut accepter tout signal stéréo : rien n’interdit d’empiler les modules et de récupérer la sortie Main (ou les Send) d’une table de mixage, elle-même reliée à plusieurs tables, etc. Possibilités illimitées en interne, donc, n’ayons pas peur des mots… Une fois l’acquisition faite, on clique sur “Éditer”, qui ouvre l’éditeur d’échantillons intégré.
Affichage de la forme d’onde, sélection, options de bouclage, crop, normalisation, inversion, fondus entrant et sortant, et trois modes de lecture (normal, en boucle, en boucle avant-arrière), que du basique (l’impression de se retrouver devant l’un de nos “chers” vieux échantillonneurs matériels), mais amplement suffisant si l’on veut préparer un sample. Ensuite, toutes les modifications de resynthèse se feront dans l’un ou l’autre des modules, les échantillons devenant alors disponibles pour tous les instruments compatibles, y compris dans l’autre monde, celui des AudioUnits, VST, etc. Même si par défaut, les échantillons enregistrés seront sauvegardés avec le Song en cours, on peut en effet choisir de les exporter, ce qui permet de les utiliser avec n’importe quel outil compatible .Wav.
Encore, et toujours plus de Rex ?
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Reason a bénéficié à chaque nouvelle incarnation de nouveaux modules. La version 5 ne déroge pas à la règle, et en dehors des améliorations et fonctions déjà évoquées (plus la gestion du Multicore, de nouvelles entrées CV dans Combinator, de nouveaux outils d’édition, l’enregistrement Midi multipiste, quelques améliorations d’ergonomie, etc.) il propose Dr OctoRex et Kong. Peu de compagnies peuvent se vanter d’avoir inventé à la fois un logiciel très spécialisé et (au départ) fermé comme Reason, et un format audio depuis devenu un standard, compatible avec pratiquement tous les produits de la concurrence, le format Rex. Au sein de Reason, on l’utilise la plupart du temps avec Dr:rex, le lecteur dédié, qui permet d’utiliser pleinement les avantages du format, à savoir les modifications de hauteur et/ou de tempo avec le minimum d’artefacts (à condition de rester dans des proportions raisonnables…).
Dr OctoRex multiplie ces possibilités par huit, et prend la place du Dr:rex, qui a tout simplement disparu. Propellerhead a conçu le module avec une première interface regroupant les contrôles de base et un Programmer donnant accès à tous les paramètres. Dans la première, les habituelles molettes, la quantification pour le déclenchement de la boucle à venir : mesure, battement (4/4, noire, 3/8, croche, etc.) ou seizième de note (toujours en relation avec la métrique choisie), on aurait cependant aimé plus de choix. Ensuite on trouve huit boutons et leurs mini-écrans permettant de charger huit boucles différentes dans huit slots différents. Passées les habituelles commandes de gestion de presets (à noter un format regroupant les réglages des huit slots, le .drex), on trouve un bouton de transposition globale, un de lecture (Run), un de volume, une Led Mute et un Enable Loop Playback (qui fait ce qu’il dit…).
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Donc, on clique sur Run, et là, surprise, on ne peut lire qu’une boucle à la fois ! Même en essayant toutes les astuces, les commandes via clavier Midi et autres tentatives, on doit se rendre à l’évidence : une boucle à la fois ! Alors qu’on rêvait d’un équivalent intégré à Reason de ce qui fonde les principes de Stylus RMX par exemple, on ne se retrouve qu’avec un “bête” lecteur “monophonique” surmultiplié. La déception est à la hauteur des attentes… Alors, évidemment, le Programmer donne accès à toutes les fonctions du Dr:rex d’origine (plus quelques nouvelles, notamment dans l’édition de Slices, comme Reverse, un offset sur le filtre, des sous-groupes pour la lecture aléatoire, etc.), indépendantes pour chaque boucle et pouvant être sauvegardées (aussi bien dans le Song que dans un patch .drex).
Bon. On en vient à espérer qu’il ne s’agit que d’une stratégie de l’éditeur, qui lui permettra de sortir un 5.0.1 apportant cette possibilité de lecture “polyphonique”.
Kong, peuchère...
Alors, au regard de la déception causée par Dr OctoRex (même si le module sera satisfaisant pour d’autres utilisateurs), que doit-on attendre de Kong (quel nom…), le Drum Designer ajouté à Reason ? Disons sans trop en dévoiler tout de suite que la barre est placée haut. Et que Propellerhead a su tirer les leçons de la concurrence, qu’il s’agisse de BFD2, Superior ou RMV, tout en faisant référence à d’antiques BAR comme les Roland, Linn, Simmons et autres ancêtres de la “batterie synthétisée”, la sérigraphie de certains éléments y renvoyant de façon plus ou moins avouée. Qu’on ne se méprenne pas : on n’a pas affaire ici à du multisampling avec 127 niveaux de vélocité (si c’est ce qu’on recherche, un NN-XT s’en chargera sans problèmes). Quand je cite les produits concurrents, c’est plus par rapport à une philosophie d’usage, à des astuces de routing, de possibilités de synthèse, de traitements…
L’interface est familière, proposant un ensemble de 16 Pads (avec envoi de vélocité de 0 à 127), un écran bien dimensionné affichant des raccourcis sur quelques fonctions d’édition, et un ensemble de boutons sous le Master Level, fondamentaux quant à l’usage des Pads et sons. Le module reconnaît 16 canaux de sons différents (Drum sound channel, ce qui correspond en gros à un instrument), identifiés via le gros chiffre sous le mot Drum visible dans l’écran. Par défaut le Pad 1 commande le son 1, etc. On peut modifier les assignations, rassembler les Pads en groupe, choisir quel(s) groupe(s) mute(nt) l’autre, etc.
Une application typique sera d’assigner plusieurs Pads à un instrument, par exemple le charley, instrument 3, via le pavé Drum Assignment. On peut ensuite appliquer à chaque Pad une des quatre nuances disponibles, fermée, demi-fermée, demi-ouverte, ouverte via les quatre boutons Hit Type.
À noter, Propellerhead a programmé une interface très pratique d’édition rapide, qui superpose aux Pads une grille permettant de visualiser et saisir très rapidement des choix d’assignation (accès via le petit bouton loupe).
De l’autre côté du rack, on dispose de 16 sorties librement assignables et d’une entrée/sortie Gate par Pad, de deux départs d’effets, d’une entrée audio de commandes des effets, d’un point d’insertion pour un effet (ou une chaîne d’effets) supplémentaire, etc.
Synthèse à la Kong
Au cœur de Kong reposent trois moteurs de synthèse, que l’on choisira dans le Drum Module : moteur à base d’échantillons, de modélisation physique ou de modélisation analogique. Plus un petit lecteur Rex baptisé NurseRex, mais qui embarque quand même des fonctions d’édition par Slice, ce qui permet, au choix, d’isoler un élément d’une boucle pour le triturer dans tous les sens, ou de déclencher des boucles complètes via les Pads, avec action de la vélocité sur l’attaque, la chute, le release (deux types d’enveloppe au choix, ADSR ou Gate), la hauteur et le niveau, pas mal…
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On continue avec le moteur Physical Modelling. Ou plutôt les trois moteurs (appelons-les PM) : un pour la grosse caisse, un pour la caisse claire et le dernier pour les toms. Chacun offre un nombre respectable de réglages, de la batte à l’accord des peaux, de l’étouffement au timbre des baguettes (eh oui…), de la résonance de la peau opposée au pitch, de la taille du fût à la tension du timbre, etc. Si l’on est content de trouver autant de réglages, en revanche le son des PM Bass Drum et PM Snare Drum seuls n’est pas renversant. On arrive à créer de jolis tambours, avec une réelle sensation de volume, de bois, mais le timbre de la caisse, par exemple, a un comportement peu réaliste si l’on veut une caisse très résonante.
Il y a cependant quelques astuces : Propellerhead a intégré quelques effets (voir encadré) à insérer à côté du moteur (quel qu’il soit), afin de peaufiner la conception du son. Notons aussi que l’on dispose d’un Bus FX et d’un Master FX. Et les choses prennent alors une autre dimension, sans nécessairement être plus convaincantes au niveau des SD et BD version PM…
Dans l’exemple suivant, on entend une Snare avec ses effets (Parametric EQ en insert, Drum Room Reverb en Bus), puis sans, puis en annulant le Damp (l’étouffement). On entend aussi quelques exemples sans le timbre, avec différents accords :
Parmi les effets disponibles, deux sont d’une grande aide dans le sound design, baptisés par l’éditeur Support Generator : le premier, Tone, est un oscillateur avec enveloppe AD, une fonction Bend (avec Decay et répondant à la vélocité) et un réglage d’ajouts d’harmoniques (sans précision d’une forme d’onde quelconque). Le second, Noise, est un générateur de bruit, avec enveloppe AD, résonance, décalage de sweep et niveau de “clic” dans l’attaque. Ces deux modules peuvent être assignés au choix à l’un des quatre Hit Type (et à n’importe quelle combinaison de ceux-ci).
Dans l’exemple suivant, cette cloche est composée d’une caisse claire PM, d’un Tone (puis les deux ensembles), un Ring Modulator et de la Drum Room Reverb :
On trouve aussi de jolies timbales d’orchestre construites à partir du Tom Tom PM, de Noise et du Filter plus la réverbe.
Analog analogue ?
On connaît la qualité de l’échantillonneur de Reason, elle est au cœur de ce mini-sampler qu’est NN-Nano. Au menu, la possibilité d’enregistrer de l’audio, bien sûr, mais aussi quatre Layers correspondant aux quatre Hit Type, avec réglages de déclenchement par la vélocité, Level et Pitch indépendants par Layer. Pas de véritable son multi-échantillon sur un même Pad, donc, dommage. Le reste des commandes est commun à tous les échantillons chargés (enveloppe, réaction à la vélocité, hauteur, etc.).
Dernier moteur, le Analog Modelling (AM), décliné en quatre versions : Bass Drum, Hi Hat, Snare et Tom Tom. Elles ont toutes en commun les réglages de niveau, de hauteur et d’enveloppe. Puis selon l’instrument, on trouve des générateurs de bruit, de click, de résonance, de Bend avec proportion et durée (indispensables pour les sons à la Simmons…). On retrouve bien sûr les sons typiques du genre, et encore une fois, les différents FX permettent bien des combinaisons et créations sonores. Ainsi, ce Vibraslap est constitué du moteur Snare Drum AM, d’un modulateur en anneau et du Resonator (ici en combinaison avec le moteur SD AM, on entend très clairement la sensation de profondeur ajoutée) :
Kong est vraiment un ajout de poids, qui permet de créer rapidement toutes sortes de sons de batterie, réalistes (sans la sophistication des instruments logiciels dédiés, bien sûr) ou électroniques (son terrain de prédilection). Une fois accoutumé aux différents moteurs et FX, tout va très vite, et la plupart du temps, ça sonne bien. Le fichier suivant compile plusieurs presets enchaînés au hasard, une façon de donner un aperçu de l’orientation sonore du module :
Sur celui-ci, on entendra le Transient Shaper à l’œuvre :
Bilan
L’incontestable avantage de cette version est l’introduction du véritable échantillonnage au sein du logiciel, et dans tous les modules gérant de l’audio, bravo Propellerhead ! De quoi donner des idées, on l’espère, à la concurrence. On peut toutefois espérer pour une mise à jour (ou une prochaine version ?) un éditeur d’échantillons plus sophistiqué, offrant plus de fonctions.
Côté modules, malgré la déception du Dr Octorex et son impossibilité à lire plusieurs boucles de façon simultanée, Kong fait très bien son travail, en gardant à l’esprit que Reason est avant tout un logiciel idéal pour la musique électronique. On peut cependant regretter l’impossibilité d’avoir de vrais pads à quatre layers.
En ce qui concerne les autres nouveautés, qu’elles soient ergonomiques ou fonctionnelles, l’équipe de développeurs maîtrise son sujet depuis maintenant un certain temps, et Reason 5 en bénéficie autant que ses prédécesseurs. Bref, si l’enregistrement direct d’échantillons dans un module pouvant l’utiliser immédiatement et un instrument performant dédié au sound design rythmique vous intéresse, n’hésitez pas. Et comme l’éditeur propose une version démo du logiciel, rien n’empêche de se faire sa propre idée.