Cela fait déjà plus de deux ans que la version 5 de Studio One est sortie, et c’est tout naturellement que nous arrive la sixième mouture de la STAN de Presonus avec un mot d’ordre : répondre aux attentes des utilisateurs !
Il faut en effet le savoir : contrairement à certains concurrents qui vivent plus ou moins coupés de leur communauté, Presonus est très à l’écoute de ses utilisateurs qu’il consulte notamment via son forum. Sur ce dernier, on trouve d’ailleurs un système de suggestions de nouvelles fonctionnalités pour lesquelles tous les membres ont la possibilité de voter : une bonne façon de mesurer les attentes du public donc, et de constituer une roadmap dont on est à peu près sûr qu’elle fera des heureux.
Quitte à briser le suspense, disons donc que cette sixième version répond à certaines des demandes les plus populaires, ce qui est une très bonne chose, comme nous allons le voir…
Pot d’accueil
Sans qu’on arrive vraiment à mettre le doigt sur ce qui a changé, la première impression qui domine en découvrant l’accueil tient dans un côté un peu plus clair, un peu plus aéré… On note aussi quelques changements puisqu’en dépit d’une organisation similaire à la v5, cette fenêtre vous propose à son sommet trois commandes : Nouveau…, Ouvrir… et Rejoindre…
On se passera de commentaire sur Ouvrir… pour détailler le Rejoindre… lié à votre éventuel abonnement au Presonus Sphere. Un clic ouvre ainsi une fenêtre où sont réunis vos documents et espaces de travails présents dans le Cloud de Presonus, ainsi que la liste de vos collaborateurs… Quant à Nouveau…, c’est par ce biais que vous allez évidemment créer un nouveau document via un Assistant largement remanié.
Du coup, quand on valide, la nouvelle Song ou le nouveau Projet se crée avec une interface pensée pour les besoins déclarés, et un petit tuto vous prend même par la main pour vous mettre à pied d’œuvre. Ça ne changera pas la vie des utilisateurs chevronnés qui pourront aussi créer une nouvelle Song, un nouveau Projet ou un nouveau Show en plus de leurs templates personnalisés, mais facilitera grandement la prise en main du logiciel par des débutants : une bonne idée !
Mais vous vous en doutez, les nouveautés les plus intéressantes ne se situent pas à ce niveau ; sautons donc à pieds joints dans cette version 6 en chargeant un morceau…
Un peu de rangement
Nous le disions d’entrée de jeu : cette version 6 semble un peu plus aéré dans son interface que la précédente. Cela tient sans doute à quelques pixels rajoutés ici ou là en termes d’espace ou taille de caractères, mais c’est manifeste dans la fenêtre d’arrangement également. Et de fait, c’est un des axes de travail qui a été retenu dans cette version 6…
Tant qu’on en est aux détails d’ergonomie, notons que la gestion des présets dans la navigateur a elle aussi évolué : il est désormais plus simple de créer des sous-dossiers de présets et de taguer ces derniers comme favoris. Une bonne chose même si l’on regrettera qu’il ne soit toujours pas possible d’organiser les présets en se départant de l’organisation des plug-ins auxquels ils sont rattachés. Il faudra pour cela passer par les nouveaux présets des pistes dont nous parlerons plus tard. Or, notons qu’il est impossible de faire des miniatures de présets, ce qui est bien dommage vu qu’en l’occurence, sous des plateformes comme Kontakt ou Reaktor, les présets sont autant d’instruments complètement différents : synthé, guitare, piano, batterie, etc.
On peut désormais double cliquer sur les panoramiques comme sur les glissières d’envoi pour en afficher une version plus grande dans une pop-up, mais on dispose surtout d’une fonction Fader-Flip qui, comme sur certaines consoles matérielle, permet d’affecter le fader du canal à un envoi ou un retour. Quand on active le mode Fader-Flip, tous les faders deviennent vers et l’on peut les assigner à tel ou tel envoi…
De la sorte, on bénéficie de plus de précision pour régler ces paramètres et de plus de confort quand on travaille avec une surface de contrôle.
La voici donc tout comme nous arrivent également les icônes de pistes, histoire de voir en un coup d’oeil grâce à un picto la nature d’une piste…
Voici pour l’essentiel des nouveautés ergonomiques, sachant qu’au niveau des fonctionnalités, la première chose notable concerne non pas la musique, mais les…
Paroles, paroles, paroles…
On l’a bien compris avec l’évolution de Studio One, l’objectif de Presonus est de proposer un environnement complet pour gérer la production musicale de A à Z : composition, mixage et mastering dès les premières versions, mais aussi Live depuis Studio One 5. Et c’est dans ce même esprit que certaines des nouveautés de cette version 6 ont été pensées, à commencer par une intégration des paroles.
Cela passe évidemment par un nouveau type de piste, globale ou fédérée à une piste particulière, qui s’affichera dans la vue Arrangement comme sur l’éditeur de partition, mais également via une fenêtre ou sur l’appli iOS qui, lors de la lecture, mettra en surbrillance les paroles à chanter en synchro avec la musique, façon karaoké : ligne à chanter en bleu, ligne à venir en blanc, ligne déjà chantée en gris.
De la sorte, les prises chant seront grandement facilitées (pas besoin de gaffer une feuille sur le pied de micro), tout comme les lives puisque cette même fenêtre se retrouve dans la partie Show…
On aimerait toutefois un peu plus de latitude du côté du formatage du texte : certes, on peut choisir la taille de la police et l’alignement global du texte (à gauche ou centré, quid de langues se lisant de droite à gauche ?), mais il n’est pas possible de choisir la police même (tant pis pour les utilisateurs de polices pour dyslexiques) et on ne dispose d’aucune option de formatage du texte (pas de gras ou italique, pas de couleur). Et vous vous en doutez : on ne dispose évidemment d’aucun outil linguistique, qu’il s’agisse d’un correcteur orthographique ou grammatical ou encore d’un dictionnaire de rimes.
Bref, ce n’est pas dans Studio One que vous écrirez vos paroles, mais cette fonction prompteur est un vrai bon ajout néanmoins, tout comme l’addition tant attendue d’une piste vidéo…
Number 6 fait son cinéma
Voilà qui change tout, même s’il ne faudra pas vous attendre à ce que Studio One devienne un Premiere ou un Resolve : pas question de traitement vidéo ici, ni même de fondus, ce qui est très compréhensible car là n’est pas le but, mais on dispose en revanche de la possibilité de désolidariser l’audio de la vidéo pour en faire une piste de votre projet, et évidemment des nouvelles possibilités d’export… Là encore : ça manquait, et ça ne manque plus. Tant mieux !
Bon, mais la musique dans tout ça ? Quoi de neuf du côté audio ? Eh bien une foule de choses, dont quelques nouveaux plug-ins…
FX for Six
Quoi de nouveau dans cette dernière ? Le fait de pouvoir écouter chaque bande en solo, mais surtout qu’elle puisse ou non désormais travailler en mode EQ dynamique, avec la possibilité de définir un seuil de déclenchement et une plage dynamique pour chaque point de l’égalisation. Rappelons qu’à la différence d’un compresseur multibande qui compresse le signal par bande, un EQ dynamique permet d’égaliser proportionnellement à la force du signal : on est donc sur une façon beaucoup plus subtile de faire de l’égalisation, idéal pour réduire des résonances n’apparaissant que sur certaines notes à un certain volume, ce qui sera pratique en mix comme en mastering.
Certes, cela ne fera pas abandonner leur Fabfilter à ceux qui possèdent Pro-Q, mais cela pourrait bien dissuader les autres d’investir dans l’achat d’un EQ de tierce partie, tant ce que nous propose Presonus s’avère fonctionnel et, sinon aussi exhaustif qu’un Pro-Q, du moins grandement suffisant pour couvrir les besoins en matière d’égalisation. Ne manque vraiment ici que des fonctions « intelligentes » de clonage d’EQ ou de détection des résonances, ainsi que la gestion du M/S même s’il est possible de faire cela facilement dans Studio One avec le composant adéquat en amont de l’égalisation…
Reposant probablement sur l’égalisation dynamique de ProEQ, il se règle en quelques boutons seulement pour un résultat efficace même si certains regretteront l’absence de visualisation détaillée du traitement comme on en trouve dans le Pro-DS de Fabfilter : on peut en tout cas écouter les sifflantes détectées et on ne se perd pas en réglages inutiles. Encore une fois, cela sera utile pour le mixage comme pour le mastering…
Ne manquent en effet à Studio One que trois choses du côté des plug-ins d’effets : une réverb True Stéréo, en algorithmique comme en convolution, un multieffet à patterns dans le genre de ce que Cableguys peut produire, et surtout un processeur de transitoires : quand on sait le rapport simplicité/efficacité de ce genre de traitement, on s’étonne de ne pas voir cela ici…
Et côté instruments me direz-vous ? Pas grand-chose à mentionner de ce côté si ce n’est que Mai Tai, Sample One XT et Presence XT sont désormais compatibles MPE et disposent d’une entrée audio latérale pour les piloter en sidechain, comme tous les instruments sous Studio One désormais s’ils le gèrent : voilà qui simplifiera l’usage de plug-ins « MIDI » d’arrangement ou encore celui des OVNI à la Fluidpitch.
Ces bonnes nouvelles ne compenseront pas toutefois la faiblesse de l’offre de Presonus sur ce point précis : quand on voit ce que proposent un Cubase, un Logic ou un Reason, on se dit qu’il y a largement de quoi faire pour se mettre au niveau de la concurrence, ne serait-ce qu’en liant des partenariats avec des éditeurs de tierce partie comme l’avait fait Presonus à ses débuts avec Toontrack et Native Instruments. On aimerait en tout cas bien voir débarquer quelque chose de la trempe d’Alchemy, ou pour le moins des synthés explorant autre chose que la synthèse soustractive. Soulignons par ailleurs qu’Impact, même s’il est un excellent drum sampler, est loin de compenser l’absence d’une batterie virtuelle…
Une chose est donc sûre pour l’heure : ce n’est pas pour ses instruments virtuels qu’on achète Studio One… C’est pour son workflow, son ergonomie ! Et là encore, les Allemands font avancer leur logiciel fétiche…
Le bonheur est dans le préset
On dispose pour commencer de présets de piste dont le fonctionnement est exemplaire car tout ce qui concerne une piste peut être sauvegardé et rappelé rapidement. Et le meilleur, c’est que ça marche sur plusieurs pistes : imaginons que vous désiriez sauvegarder les réglages de vos 10 pistes de batterie. Il vous suffit de les sélectionner, de sauvegarder un Track Preset pour pouvoir rappeler cette configuration dans n’importe quel autre projet.
Et songez bien que tout ce qui concerne chaque piste sera restauré, en dehors de son contenu : ses réglages de pan et de volume, ses inserts, mais aussi ses envois et donc les pistes auxiliaires qui vont avec, munies de leur plug-ins et réglage. En marge des Smart Templates, c’est vraiment une excellente façon de faire gagner du temps à l’utilisateur : bien joué !
Mais il y a plus intéressant encore sur le terrain des fonctionnalités pures…
Le routing du quotidien
Certains ajouts qui ne sont pas les plus mis en avant par l’éditeur méritent enfin qu’on les mentionne, comme la possibilité du côté du routing de disposer d’envois auxiliaires… sur un bus auxiliaire ! Une très bonne idée qui décuple les possibilités de traitements : il devient ainsi aisé de faire passer un bus de délai dans un bus de réverbe, qu’on enverra lui-même dans un bus de compression. Et pour répondre à votre question : oui, Presonus a pensé à interdire les boucles de feedback à ce niveau…
En route pour la 6.5 ?
Eh bien voilà : nous voici enfin arrivés au bout de l’essentiel des nouveautés, ce qui nous permet de nous prononcer sur les apports de cette mise à jour. Une mise à jour majeure ? Assurément si l’on considère que cette sixième version répond aux principales attentes de sa communauté d’utilisateurs et que les nouveautés ont toutes été correctement intégrées. Il y a donc de quoi rendre le logiciel bien plus agréable et productif au quotidien pour quantité de gens, qu’il s’agisse de la gestion des paroles ou de la vidéo, des nouveaux modes de panoramique, du routing des envois, des Track Presets ou encore de la possibilité d’alléger l’interface graphique.
Et pourtant, malgré toutes ces bonnes choses, on sent bien qu’on reste un peu sur notre faim car aucune fonctionnalité ne parvient réellement à nous surprendre comme on avait l’habitude que Studio One le fasse dans ses précédentes versions. C’est probablement là une conséquence du système de suggestion de fonctionnalités mis en place par l’éditeur dans sa communauté : d’un côté, on est sûr de satisfaire le plus grand nombre, de l’autre, on se retrouve fatalement à faire des choses plus consensuelles. Steve Job l’expliquait très bien : si Apple avait demandé aux gens d’imaginer le téléphone parfait, l’iPhone n’aurait été qu’un super Blackberry et non le produit de rupture qui a révolutionné le marché. De fait, répondre aux attentes des utilisateurs, c’est en effet bien plus souvent reproduire ce qui se fait ailleurs qu’innover, alors qu’on sait que les auteurs de Studio One ont par le passé accouché de fonctions qui faisaient réellement avancer le schmilblick et mettaient la concurrence en retard : on se souvient qu’ils étaient les premiers à intégrer Melodyne via Ara, à permettre par un simple cliquer-glisser de passer du MIDI à l’audio et vice versa, on se souvient du Scratch Pad, de l’intégration du mastering et du mode Show, des musicloops, des MixFX permettant de retrouver le comportement d’une console en matière de sommation, etc. Alors bien sûr, la gestion des paroles est ici bien foutue (mieux que chez la plupart des concurrents), mais tout cela manque un peu de réelle innovation…
Et pourtant, il y aurait bien des domaines où l’on pourrait innover en s’inspirant des rivaux bien sûr (on attend toujours des modulateurs MIDI de la trempe de Bitwig par exemple, ou la possibilité de gérer des envois sur un objet audio comme dans Samplitude, une gestion du multicanal et des fonctions d’arrangement avancées comme dans Cubase), mais aussi des plug-ins de tierce partie : le Pana de Klevgrand dont nous parlions, tout comme les visualiseurs multipistes façon Blue Cat, la gestion du monitoring au casque ou le calibrage à la Sonarworks / Realphones, l’auto-gain staging à la Klangfreund… Autant de choses qu’on ne trouve dans aucune STAN du marché et qui pourraient permettre à Studio One de continuer à être ce trublion innovant qu’on avait l’habitude de voir… Je le redis enfin : proposer un véritable outil pour organiser les projets existants, avec attributs, pré-écoute, me semble être une fonction qui ferait une énorme différence dans l’usage quotidien. Et puis, sans parler de fonctions originales, notons que la communauté attend toujours le support du multicanal, dont l’absence est encore plus notable avec cette nouvelle piste vidéo, comme l’évolution du système de coloration de pistes un peu trop rudimentaire…
Relativisons tout de même ces critiques à l’heure des conseils d’achat : Studio One demeure l’un des softs les plus aboutis du marché en termes d’ergonomie et pour cette raison, on le conseillera vivement à ceux qui veulent un soft tout terrain et complet qui ne soit pas une usine à gaz pour autant. C’est vrai pour sa version Pro, mais ça l’est tout autant pour sa version Artist qui, depuis qu’elle permet d’héberger des plug-ins de tierce partie, a vraiment de solides arguments pour plaire aux grands débutants qui pourraient se perdre dans le Reaper qui leur est trop souvent systématiquement conseillé sans considération de son côté geek…
Quant à savoir si les possesseurs de la version précédente se doivent de faire la mise à jour : on serait bien tenté de dire oui car le Send dans le Send, le sidechain sur les instruments ou les nouveaux modes de panoramiques peuvent changer bien des choses côté mixage, oui aussi s’ils utilisent les plug-ins de base du logiciel sans recourir à des plugs de tierce partie. Oui encore pour ceux qui font du son à l’image ou parce que la gestion des paroles va aussi grandement simplifier les prises ou les concerts des chanteurs… Bref, vous connaissez la chanson : chacun voit midi à sa porte…
Conclusion
Il serait difficile de dire que cette version 6 n’est pas réussie dans la mesure où tous ses ajouts répondent à des demandes de la communauté, des fonctionnalités que Presonus a bien conçues et pensées en termes d’intégration, de sorte que certaines changeront probablement le quotidien de pas mal d’utilisateurs… À la lueur de tout cela, il ne fait aucun doute que nous tenons là un logiciel encore plus abouti qu’il ne l’était déjà et que la mise à jour est conseillée aux anciens, tout comme l’achat aux nouveaux : sur le créneau des STAN généralistes (c’est-à-dire pas celui de Live/Bitwig/FL Studio/Reason qui ciblent plus les musiques urbaines ou électroniques), Studio One demeure l’un des plus fameux logiciels du marché parce qu’il concilie puissance et simplicité avec ce qu’il faut d’originalité pour plaire, en plus de s’inscrire dans un écosystème matériel et cloud dont les prix sont accessibles contrairement à certains concurrents… quand ils ont quelque chose à proposer sur ce terrain. De fait, avec Studio One, on va vite de l’idée à sa réalisation, et à l’heure où Ozone fait l’impasse sur l’application autonome, le fait de pouvoir passer d’un environnement de composition/mixage à un environnement dédié au mastering, tout comme l’ouverture sur le monde du live, sont de vrais plus parmi les nombreuses qualités du soft.
Pour autant, sans doute parce que Presonus nous a mal habitués sur ce point, il y a dans cette nouvelle mouture un manque de folie ou d’audace qui nous laisse un peu sur notre faim. On ne parlera certainement pas de déception, mais on avait connu les allemands plus inspirés pour nous étonner par le passé, en proposant des choses qui n’existaient pas ailleurs ou du moins pas sous la forme qu’ils leur donnaient… De fait, cette version 6 est à peine sortie qu’on a déjà hâte de voir ce que contiendra la 6.5 puis la 7…