En motorisant sa station de production rythmique la plus élaborée avec son échantillonneur le plus puissant, Akai présente la boîte à échantillonner la plus performante jamais conçue. Ergonomie, spécifications et qualité sonore les points forts de la MPC4000. Nous fera t'elle oublier ses ancêtres ?
(Test initialement paru en octobre 2002)
Qu’il est loin le temps où les constructeurs se bagarraient sur le marché de la boîte à rythme à échantillonner. Il y a 20 ans, on rêvait de posséder une Linn, une Sequential ou une E-mu. Aujourd’hui, ce type de produit dédié est plutôt rare. Les boîtes à sampler Ensoniq ont disparu de la circulation et E-mu se fait attendre. Quant aux autres constructeurs, ils offrent une approche un peu différente, à l’instar de Yamaha ou de Korg, avec des machines hybrides échantillonneurs / synthétiseurs / grooveboxes. Sans attendre de savoir qui a raison, Akai a profité de ce marché relativement libre pour enfoncer le clou, avec un instrument monstrueux destiné à ceux que l’informatique repousse. Bienvenue dans le monde des commandes immédiates, des grands boutons, de la solidité et de l’autonomie.
Commandes larges et généreuses
Embarqué dans une solide console métallique de 53 centimètres de large et 45 de profondeur, la MPC4000 affiche 11 kilos sur la balance. La façade est logiquement organisée, avec des commandes larges et généreuses : encodeur / navigateur rotatif, 16 pads dynamiques très agréables au toucher, pavé numérique, pavé de mode de jeu, transport du séquenceur et section de commandes Q-Link. Cette dernière, composée de 4 potentiomètres rotatifs, 2 grands curseurs linéaires et 6 boutons d’activation, permet de contrôler des paramètres internes ou externes en temps réel et peut également fonctionner comme un séquenceur analogique 16 pas synchronisé au séquenceur principal. Bien venus, les potentiomètres de gain situés en façade, avec interrupteur de sensibilité micro / ligne. Pour assurer une ergonomie maximale perdue sur les Z4 / Z8, un LCD graphique orientable 320 × 240 points et 6 touches logicielles offrent une navigation aisée. Les pages menu sont très claires, contiennent beaucoup d’informations et permettent l’édition transversale des paramètres ou des sons, comme sur les S5000 / S6000.
Le panneau arrière propose une connectique très poussée, avec pas moins de 2 paires de sorties stéréo symétriques XLR et jack, 2 entrées stéréo symétriques combo XLR-jack, 2 entrées RCA avec préampli Phono, une interface Midi musclée, avec 2 entrées et 4 sorties permettant de gérer 64 canaux distincts, un port SCSI, des ports USB hôte et esclave, des entrées et sorties SMPTE et 2 prises pour pédales. 3 trappes permettent d’accueillir des cartes audio optionnelles : une carte 8 sorties analogiques symétriques (IB-48P), une carte entrée / sortie S/PDIF et entrée BNC Wordclock (IB-4D), ainsi qu’une carte 2 entrées / 8 sorties numériques ADAT (IB-4ADT). Sur le devant, on trouve une prise casque avec potentiomètre dédié, une prise USB hôte pour raccorder un lecteur CD-ROM ou un clavier et 2 baies libres (3,5 / 5 pouces) pour unités de stockage internes ou externes.
L’intégralité des fonctions du Z8
Pour les parties échantillonnage et synthèse, la MPC4000 reprend l’intégralité des fonctions du Z8. C’est donc bien plus qu’une boîte à percussions. A commencer par la polyphonie de 64 voix sur 128 parties multitimbrales et 32 canaux Midi. Les 16 Mo de Ram peuvent être étendus à 512 Mo. Les fréquences d’échantillonnage sont 44, 48 ou 96 kHz, choix qui doit être effectué en mode Global et qui affecte toute la machine. Pas très grave, in fine, d’autant que la fréquence de sortie est indépendante, ce qui permet d’assurer la synchronisation numérique. Les convertisseurs 24 bits / 96 kHz assurent une qualité optimale, avec un son clair et dynamique. Lorsqu’on pousse la fréquence à 96 kHz, la bande passante réelle s’étend à 42 kHz, ce qui peut s’avérer utile pour restituer des fréquences très élevée de la source. Ceci dit, travailler en 24 bits / 48 kHz est largement suffisant, car le ticket d’entrée à 96 kHz coûte la moitié de la polyphonie. Un sacrifice pas facile à faire.
Côté sons, la MPC4000 est livrée avec le même CD-ROM que les Z4 / Z8. Il comporte 750 Mo d’échantillons : sons de synthèse (Arp Odyssey, MiniMoog), électroacoustiques (guitare, B-3, basses, pianos électriques), kits de percussions, boucles et différentes déclinaisons d’un grand piano acoustique stéréo à quatre niveaux de vélocité, dont la version ultime monte à 235 Mo. Si la plupart des programmes sont très honnêtes, le grand piano, sensé être le clou du spectacle, nécessite d’être retravaillé, en particulier le quatrième niveau de vélocité où la dynamique s’effondre curieusement. Par contre, Akai n’a même pas fait l’effort de reprogrammer le CD en lui adjoignant des fonctions propres à la MPC4000. Résultats, des kits de percussions incompatibles avec les pads (où sont donc les caisses claires et autres percussions ?) et pas la moindre séquence à se mettre sous la dent. Sur une machine de cette gamme, c’est très limite ! Tant qu’on se plaint, ne parlons même pas du manuel anglo-japonais absolument lapidaire.
Echantillonnage de standing
La MPC4000 possède les mêmes fonctions simplifiant l’échantillonnage que les Z4 / Z8, tout en offrant le confort de lecture et l’ergonomie des S5000 / S6000. Ainsi, il est très facile de capturer une série de sons à la volée sur un CD Audio. Il suffit pour cela de régler les seuils de déclenchement et d’arrêt ; la MPC4000 se charge alors de les échantillonner, normaliser, nommer et placer dans un programme. Tous les paramétrages habituels sont présents : résolution (16 ou 24 bits), source audio, durée, assignation, type de déclenchement (seuil audio ou Midi), envoi vers les effets internes avant sampling. L’afficheur, toujours très généreux, permet de visualiser l’ensemble des paramètres essentiels sur la même page. En enregistrement, la MPC4000 affiche les niveaux puis signale les éventuels écrêtages présents dans le signal. Une fois le son en mémoire, il convient de le toiletter et de le boucler. L’afficheur se révèle là encore très précieux, avec visualisation simultanée de la forme d’onde et de la zone de bouclage avec zoom. Le bouclage offre 2 modes (à l’endroit et alterné) et un fondu (linéaire, logarithmique, sinusoïdal) avec recherche automatique des points zéro.
Viennent ensuite les traitements numériques destructifs. Certains sont globaux (normalisation, fusion, mélange, conversion de fréquence, réduction de résolution, Timestretch en tempo, Pitch shift, conversion mono – stéréo), d’autres s’opèrent entre deux points au choix (troncature, copie, insertion, effacement, inversion, fondu). Une fonction permet de marquer des portions d’échantillon et de le découper en tranche. Pour faciliter les choix, la machine permet de comparer les versions avant et après édition avant de faire son choix. De plus, elle permet une édition à double sens, c’est-à-dire de modifier tous les paramètres d’un même échantillon (classique) ou de modifier un même paramètre pour tous les échantillons sans sortir de l’éditeur (édition transversale). Une fonctionnalité remarquable que les programmateurs apprécieront à l’usage. Depuis la série S6000, les échantillonneurs Akai gèrent leurs échantillons directement au format Wave. La MPC4000 n’échappe pas à la règle, tant mieux !
Synthèse au complet
Une fois capturés, les échantillons peuvent être assemblés en Keygroups afin de recevoir des traitements de synthèse indépendants. Un Keygroup peut contenir 4 couches de samples stéréo avec réglages de tessiture, fondus (haut / bas) et vélocité. Le signal sonore passe par une chaîne classique de traitements « hauteur, filtre, amplificateur, panoramique ». Morceaux de choix, Le filtre multimodes résonnant comporte 33 algorithmes avec différentes courbes de réponse et différentes pentes (1 à 6 pôles). On trouve les réponses passe-bas, passe-haut, passe-bande, réjection, peak, phasers et formant. Il y a même un mode avec 3 filtres 1 ou 2 pôles en série, dont les courbes de réponse, les fréquences de coupure et les résonances sont indépendantes. Ce filtre est une très belle réussite qui ravira les mordus de synthèse.
La section de modulation offre une matrice de 64 cordons, avec 36 sources et 51 destinations. Les sources comprennent 3 enveloppes multisegments, 2 LFO synchronisables et des contrôleurs Midi (section Q-Link, molettes, vélocité, aftertouch, note Midi, etc.). Parmi les destinations, on trouve les paramètres des LFO, les segments des enveloppes, les fréquences des filtres, les résonances des filtres, le panoramique, le point de lecture des samples, etc. Le large écran affiche un tableau des réglages de la matrice de modulation, superbe ! L’enveloppe d’amplitude est de type ADSR ; l’enveloppe du filtre et l’enveloppe auxiliaire sont multisegments. Les LFO offrent 6 formes d’ondes, avec phase et décalage réglables. En mode « Drums », les échantillons sont assemblés en kits de percussions et disposent des même paramètres que les programmes classiques, à savoir 4 couches stéréo, paramètres de synthèse et modulations au complet.
Multieffets 4 bus
Tout comme le Z8, la MPC4000 possède, dans sa version de base, un processeur d’effets 4 bus travaillant en 24 bits / 96 kHz. Chaque bus est assigné à un multieffets doté de 50 algorithmes, comprenant réverbérations, délais, chorus / flanger / HP tournant, compresseurs, EQ, distorsions, etc. Les réverbérations offrent des modèles de pièces et de plateaux. Elles sonnent un peu métallique à haute dose et sont donc à revoir. Le nombre de paramètres est un peu juste à notre goût et il n’y a pas de combinaisons d’effets. Limitation que l’on peut contourner en routant la sortie d’un bus vers l’entrée d’un autre pour se fabriquer un effet en série.
Pour aller plus vite, le mode Quick FX offre des programmes d’usine au nom évocateur, permettant de salir le son, de le spatialiser, de le grossir… une bonne idée, d’autant que la MPC4000 autorise le resampling à travers les effets Quick FX. Seul hic, il faut paramétrer à l’aveuglette, puis comparer les versions avant et après traitement, la machine manquant cruellement de temps réel sur ce point. Tous les effets sont mono en entrée et mono / stéréo en sortie. Pour traiter des signaux stéréo en entrée, un mode permet de lier les effets par paire (1&2 et/ou 3&4). Enfin, chaque bus d’effet peut être routé vers la sortie ou la paire stéréo de son choix.
Un puissant séquenceur
Au centre de la MPC4000 réside un puissant séquenceur de 300 000 notes (mémoire volatile), offrant pas moins de 128 séquences à 128 pistes, 32 canaux Midi internes et 64 canaux Midi externes. La résolution est de 960 bpqn, soit 10 fois plus que la MPC2000XL. L’élément de base d’une séquence est la piste. Chaque piste peut être de 2 types : « Drums » ou « Instrument ». Dans le premiers cas, l’éditeur a la forme d’une matrice sur laquelle sont représentées les coups de percussions ; dans le second cas, l’éditeur apparaît sous la forme d’un clavier déroulant. On peut passer d’un mode à l’autre après enregistrement. Pour programmer une piste, il suffit d’assigner un programme puis de déterminer le nombre de mesures, la signature, le tempo et la quantisation. Chaque piste peut contrôler 2 destinations simultanées (2 programmes internes, 2 canaux Midi ou la combinaison des 2).
En mode temps réel, l’enregistrement peut se faire avec décompte, bouclage, doublage ou remplacement et quantisation à l’entrée ou à la sortie. La programmation peut se faire soit avec les pads (6 banques de 16 pads pour assigner des sons internes ou externes), soit avec un clavier Midi. Pour effacer une ou plusieurs notes, il suffit de passer en mode d’effacement et d’appuyer sur le pad ou la note correspondant. En enregistrement pas à pas, la MPC4000 travaille en mode microscopique. Chaque événement peur alors être entré à l’emplacement précis désiré. Pour éditer une piste, la MPC4000 offre de nombreux modes très sophistiqués, qui n’ont pas grand chose à envier aux séquenceurs logiciels : grilles graphiques, marqueurs horizontaux et verticaux, fonctions couper / copier / coller, courbes de contrôleurs continus et édition microscopique par liste déroulante. La compréhension est quasi immédiate, sans recours systématique au manuel. Les 128 séquences peuvent ensuite être assemblées au sein de 128 morceaux de 250 pas. Chaque pas contient des marqueurs de lecture partielle ou répétée des séquences. Un morceau peut également être converti en séquence. Rien à redire sur cette section très sophistiquée.
Un très haut de gamme
Au final, la MPC4000 est une excellente surprise. Très professionnelle, la machine hausse le standard des stations de production rythmiques à échantillonnage. Avec son ergonomie, ses qualités audio de très haut niveau, ses spécificités techniques et sa connectique généreuse, elle séduira les musiciens professionnels encore réfractaires aux solutions logicielles, ou ceux qui recherchent une station de production autonome sans compromis (raison de plus pour trouver le CD-ROM et le manuel un peu légers). Bref, un très haut de gamme.