Boostée par le succès mérité des Supernova et Nova, Novation récidive avec un modèle clavier haut de gamme, mélangeant puissance et convivialité en un puissant synthétiseur taillé à la fois pour la recherche et pour la scène. Nous avons testé le modèle Platinum.
(Test initialement paru en octobre 2001)
Débarqué il y a deux ans d’Angleterre, le Supernova a bouleversé les références de la synthèse à modélisation analogique et a secoué les concurrents, Clavia et Access en tête. Dans son rack 3U couvert de commandes, il offrait au départ 16 voix de polyphonie sur 8 canaux multitimbraux, 3 oscillateurs, un filtre multimode résonant, une modulation matricielle, un arpégiateur surpuissant, un OS en FlashRam et 56 effets simultanés (!). Un an plus tard, le Nova débarquait avec la même chaîne de traitement du signal, mais une polyphonie réduite à 12 voix et une multitimbralité à 6 canaux. Non seulement le petit futé était monté dans une console à plat couverte de commandes plus logiques, mais il disposait d’entrées audio et d’un vocodeur 42 bandes. Dans le Supernova II, Novation a rassemblé le meilleur des deux mondes pour mettre aujourd’hui à notre disposition une machine tout à fait complète, encore plus puissante, à qui il ne manque que la parole…
Gris platine
La série Supernova II (OS 1.5 testé) comprend aujourd’hui un clavier 61 touches et un rack 3U, décomposés chacun en modèles standard (Polyphonie 24 voix), Pro (36 voix) et Pro X (48 voix). Deux cartes de 12 et 24 voix permettent d’upgrader les « petits » modèles. Le Supernova II Platinum est une série limitée du Pro X clavier, carrossé dans un robuste châssis métallique gris argenté. Le tableau de bord, couvert de commandes toutes capables d’émettre des messages Midi (contrôleur ou Sysex), est un exemple d’ergonomie. Il se divise de gauche à droite en sections reprenant toute la chaîne de traitement du signal : oscillateurs, filtres, LFO, enveloppes et effets. Au total, on a sous la main 43 potentiomètres, 8 curseurs d’enveloppes et 136 boutons (!) avec déclenchement par saut ou par seuil. Au centre trône un LCD bleu fluo de 2 × 20 caractères, visible en toute saison. Il permet d’éditer deux paramètres simultanément grâce à deux encodeurs rotatifs situés à sa droite. Il n’y a pas de pavé numérique mais deux rangées de 13 et 10 touches permettant d’appeler n’importe quel programme en deux coups de doigt. Très utiles, les touches Copy et Solo pour les DCO ainsi que Mute et Solo pour les canaux multitimbraux rehaussent davantage l’ergonomie de la machine, que seul le Nord Lead 3 Clavia peut contester avec ses potentiomètres cerclés de diodes.
Le clavier 61 touches, sensible à la vélocité et à la pression, est également une invitation à la manipulation. C’est un Fatar TP/8, ce qui se fait de mieux en clavier semi-lesté ; il offre de longues touches à la frappe sèche, avec des touches noires au contact granuleux fort agréable. Il permet le contrôle de 8 canaux Midi externes en plus des 8 canaux internes, faisant du Supernova II KB un excellent clavier de commande. A gauche, le duo de molettes bien dimensionnées complète ce sans faute. Le panneau arrière est lui aussi bien rempli, avec 4 paires stéréo de sorties analogiques, 2 entrées audio symétriques faisant également office d’entrées pédales, une sortie casque, une troisième entrée pédale, un trio Midi et une trappe pour une interface numérique optionnelle avec entrées et sorties S/PDIF et ADAT.
Variétés sonores
Tous les Supernova II renferment 1024 programmes, 512 performances, 392 programmes de percussions arrangés en 8 kits et 128 favoris (programmes, performances ou arpèges) en Ram. Ouf ! Heureusement, les sons sont classés en vingt catégories dont quatre sont à définir par l’utilisateur. Avec les deux encodeurs, on fait peut faire défiler indépendamment les catégories et les programmes, c’est si simple ! Très polyvalente, la machine est capable à la fois de produire des basses punchy, des nappes denses, des sonorités FM aigrelettes, des percussions redoutables, des arpèges délirantes et des effets spéciaux à tomber. On remarque immédiatement le potentiel sonore, la pléthore de filtres, la rapidité des enveloppes, la puissance des matrices de modulation et la débauche de processeurs d’effets.
Examinons quelques sonorités typiques : les nappes sont très riches, faisant appel au mode à double dents de scie désaccordées et aux trois oscillateurs. Les grosses synchros sont également là avec balayage spectaculaire et grain inimitable. Les simulations FM à la DX7 sont surprenantes, que ce soit les basses, les sons percussifs ou les pianos électriques. Autre bonheur, les kits de batterie, simulant à merveille les TR-808 et TR-909, avec un punch remarquable et une réponse du filtre hyper rapide. Dans la série vintage Roland, la TB-303 est parfaitement imitée grâce au filtre passe-bas 3 pôles et au « Glide » sur l’arpégiateur. Les sons de Stabs hyper agressifs démontrent la rapidité d’ouverture des enveloppes, un des points forts du Supernova. Certains sons ont des qualités vocales, ça sent le filtre à formants. En mode performance, on découvre des sections rythmiques complètes, très tintées techno, réalisées grâce à l’arpégiateur multitimbral. C’est aussi dans ce mode que l’on apprécie la richesse de certains empilages mixtes de sons analogiques et FM. Au fur et à mesure que l’on égrène les banques, on découvre avec stupeur l’étendue du potentiel sonore du Supernova II, aussi à l’aise dans la restitution analogique que dans la simulation FM.
Synthèse profonde
Le potentiel sonore impressionnant du Supernova II prend sa source dans la section oscillateurs, composée de trois oscillateurs séparés. Chacun est doté d’un oscillateur esclave virtuel permettant des synchros sans consommation d’oscillateur. Trois formes d’ondes sont disponibles : dent de scie, impulsion à largeur variable et Double Saw, mode dans lequel deux dents de scie désaccordables modulables avec un LFO sont générées sans réduction de polyphonie, ce qui permet d’atteindre six oscillateurs par voix. Mieux, on peut enrichir ou appauvrir le contenu harmonique des oscillateurs et travailler sur les formants. On est donc très loin des 3 ondes de base élémentaire et on peut aisément créer des triangles, sinusoïdales, trapézoïdales et autres exotismes plus ou moins riches en contenu harmonique. S’y ajoutent deux modulations en anneau et un générateur de bruit à couleur variable. Une matrice de modulation permet de commander indépendamment cinq paramètres par oscillateur (volume, pitch, largeur d’impulsion, synchronisation et harmoniques) pour chacun des six générateurs de signal. Il est également possible de substituer aux oscillateurs une ou deux sources audio externe à envoyer dans le filtre et les effets. Merci ! Mais la nouveauté de cette série II, c’est la possibilité de simuler la FM trois opérateurs (voir encadré).
Le filtre est de type multimode résonant. Il est capable d’entrer en auto oscillation et possède un étage de saturation. En plus des modes passe-bas / passe-bande / passe-haut à 2 / 3 / 4 pôles chacun, Novation a ajouté 9 algorithmes à filtres doubles : 3 modèles hyper résonants en série (passe-bas, passe-haut, passe-bande), 6 combinaisons en parallèle (la réjection de bande n’a cette fois pas été oubliée, merci). On dispose alors de deux fréquences de coupure séparées à modulation indépendante, idéal pour créer des filtres à formants. Une seconde matrice de modulation bipolaire permet de piloter indépendamment la fréquence de coupure et la résonance (ou la séparation en mode à deux filtres) à partir de cinq sources (2 LFO, 2 enveloppes et la molette). S’y ajoutent des paramètres calibrant l’action de la molette de modulation et de l’aftertouch sur le second LFO affecté à la fréquence de coupure. Franchement, ces filtres sont très musicaux et sans pitié, en partie responsables du caractère sonore du Supernova II. Dommage qu’on ne puisse router séparément les oscillateurs dans l’un ou l’autre en mode double. Il existe cependant un mode permettant de ne faire passer que le générateur de bruit dans le filtre, idéal pour les sons de percussions. Signalons enfin l’existence d’un Portamento polyphonique, d’un Unisson et d’un mode de déclenchement des oscillateurs, synchronisés pour les sons punchy et libres pour les sons doux. La totale !
Modulations complexes
Pour moduler le tout, le Supernova II propose 2 LFO et 3 enveloppes. Dotés de quatre formes d’onde élémentaires (carré, dent de scie, triangle et aléatoire) à offset variable (décalage vertical bipolaire de la modulation), les LFO sont capables d’opérer dans une plage extraordinaire allant de zéro (arrêté) à plusieurs centaines de Hertz (niveaux audio). Le déclenchement du cycle peut être synchronisé ou non à chaque enfoncement de touche et un paramètre de Fade permet d’agir sur l’apparition ou la disparition de la modulation. La vitesse des LFO est synchronisable via Midi et peut être modulée par la molette et la pression. Mieux, l’une des enveloppes peut devenir source de modulation bipolaire de cette vitesse. Bien vu !
Côté enveloppes, le Supernova II est là aussi très bien équipé, même mieux que ses aînés. On dispose de trois ADSR avec pente et temps réglables sur le segment Sustain (il peut donc être oblique et à durée variable). La première enveloppe est dédiée à l’amplitude globale alors que les autres sont libres d’affectation. Toutes sont générées à des niveaux audio, ce qui leur confère un punch remarquable et une plage de travail étendue, de 1 milliseconde à 20 secondes. Toutes possèdent un générateur de tracking, la répétition des segments AD jusqu’à 126 fois ou indéfiniment, le redéclenchement simple ou multiple et l’affectation de la vélocité sur les niveaux. Par contre, il est impossible de faire agir directement la vélocité sur autre chose que les enveloppes. Dommage.
Prolifération d’effets
La section effets du Supernova II est encore plus musclée que celle de ses prédécesseurs. On dispose toujours de sept effets simultanés : trois effets mono en série (distorsion, égaliseur et filtre en peigne avec Exciter) et quatre effets stéréo en sortie en parallèle (chorus, délai avec synchro Midi, panoramique et réverbération). Le Chorus propose différents modes dont un quadruple chorus et un haut-parleur tournant. La réverbération possède 16 algorithmes (Room, Plate et Gate). Le nombre de paramètres par effet a pas mal augmenté, dépassant les 40 par programme, donc 320 en mode multitimbral ! Sur le plan qualitatif, nous avons trouvé la réverbération assez métallique quand elle est surdosée. Les autres effets sont en revanche très bons, même le délai dont la synchronisation au tempo est bien meilleure. Par ailleurs, on peut agencer les blocs d’effets délai / chorus / réverbération suivant 18 configurations différentes dans lesquelles les effets sont ordonnés en série et/ou en parallèle. Mieux, la machine permet d’effectuer un morphing entre la configuration de base et la configuration agencée. D’où une infinité de configurations d’effets et une manière intéressante de les utiliser.
Toujours mieux, le Supernova II permet de traiter des signaux internes ou externes via un vocodeur numérique 42 bandes dont les réglages sont sauvegardés au sein des programmes. Rappelons qu’un vocodeur permet d’analyser en temps réel un signal source (analyse) en le découpant en bandes de fréquence et de commander un signal porteur (synthèse) en fonction de l’évolution de ces fréquences. Le vocodeur est ici associé à un détecteur de sifflantes avec niveau et caractère programmables permettant d’augmenter l’intelligibilité du signal. En mode « Highpass », les hautes fréquences sont extraites du signal d’origine avant traitement et remixées au signal vocodé : en mode « noise », le Supernova II recrée artificiellement la sifflante avec un générateur de bruit. Enfin on peut doser la largeur stéréo du vocodeur, mais pas accéder aux 42 bandes pour les reconfigurer.
Arpèges élaborés
L’arpégiateur du Supernova II est très similaire à celui de ses aînés. Mais l’accès direct à de nombreux paramètres depuis le panneau avant en permet une utilisation quasi boulimique, avec coupure et transposition à la volée. On dispose d’une mémoire confortable de 192 motifs monophoniques et 192 motifs polyphoniques en Ram, auxquels s’ajoutent 128 motifs monophoniques et 128 motifs polyphoniques en Rom. Très performant, l’arpégiateur peut travailler sur 64 pas avec analyse de 12 notes par pas ! En édition, on détermine le mode de déclenchement (tenu ou redéclenché), la quantisation, l’action de la vélocité, la tessiture (1 à 4 octaves), la signature, la transposition, le temps de gate, la transmission des notes via Midi et le motif. En mode monophonique, on paramètre pour chaque pas l’ordre des notes jouées (jusqu’à 12), la vélocité et le temps de gate. Un paramètre « Glide » permet de faire glisser les notes, façon TB-303. En mode polyphonique, les notes enfoncées sont jouées en accords et transposés à chaque pas suivant le paramétrage programmé par l’utilisateur.
Partenaires multiples
Le Supernova II est capable de regrouper plusieurs de ses programmes pour créer des kits de percussions. Il y a 8 kits de 49 instruments (4 octaves) et 392 programmes de percussions en Ram. La sélection du son à éditer dans un kit s’opère en appuyant sur un bouton et une touche du clavier, rien de plus simple. On a bien sûr également un accès direct aux programmes, mais la première méthode permet de savoir précisément quel son du kit on édite, bien joué ! Les programmes de batterie ont exactement les mêmes paramètres que les autres. La faculté du Supernova II à recréer des percussions analogiques est d’ailleurs fascinante, on sent l’expérience DrumStation. Seul bémol, il n’y a pas d’envois séparés des instruments individuels vers les processeurs d’effets ni vers les sorties audio puisque c’est le réglage effectué globalement au sein du kit qui prend le dessus, un point à améliorer. A noter que 8 kits peuvent tourner en même temps en mode performance.
Ce mode est le mode multitimbral du Supernova II. Pour chacun des 8 canaux possibles, on accède aux paramètres de volume, d’accord, de tessiture (programmation directe par appui sur le clavier), de vélocité (7 fenêtres fixées), de sortie audio, de niveaux d’entrées audio, de canal et de filtrages Midi. Spécialité maison impressionnante, chaque programme vient avec ses 7 effets et son arpégiateur, ce qui fait un total de 56 effets et 8 arpèges simultanées. Mieux, tous les paramètres d’effets peuvent être reprogrammés et mémorisés sans altérer les programmes sources, c’est très fort ! Pour les arpèges, la désactivation est possible mais pas la double mémorisation. Quant au vocodeur, il reste bien sûr unique en mode Performance mais n’importe quel programme peut en devenir le signal d’analyse et/ou de synthèse.
Simplement le meilleur
Le Supernova II Platinum est la seule machine dans son domaine qui offre une telle ergonomie, une telle profondeur de traitement, de telles spécifications techniques, une telle diversité sonore et une telle qualité sonore. Les petits défauts du premier modèle sont comblés : entrées audio, drum kits, nouveaux filtres et logique des commandes. En partant d’un son basique, nous nous sommes surpris à nous amuser des heures, en faisant tourner l’arpégiateur, en coupant les pistes, en modifiant les paramètres en temps réel. La machine est très intuitive, elle donne envie d’expérimenter, sans sacrifier à la performance pure ni à la musicalité. En d’autres termes, voici – et de loin – le meilleur synthétiseur à modélisation analogique du moment.