On avait adoré la Beatbox Anthology 2 sortie il y a à peine plus d’un an et voici qu’UVI nous revient avec Drum Designer, une nouvelle boîte à rythmes logicielle qui, comme son nom l’indique, met l’accent sur le design sonore.
À dire vrai, à voir l’impressionnante collection de samples de la Beatbox Anthology 2 (11 862 échantillons tirés de 111 boîtes à rythmes matérielles pour 3,1 Go), on avait ce sentiment que les gens d’UVI avaient fait le tour du sujet et on ne s’attendait pas forcément à ce qu’ils reviennent avec ce Drum Designer qui, à première vue, semble faire un peu double emploi dans le catalogue de l’éditeur. À bien y regarder toutefois et en dépit de quelques similitudes dans les interfaces comme dans l’ergonomie, les deux instruments s’avèrent finalement assez différents. Si Drum Designer n’a pas le projet d’inventorier toutes les boîtes à rythmes de la création, il met bien plus l’accent sur le Sound Design en combinant une banque de 1,73 Go de samples (5736 échantillons) avec des possibilités d’édition, de synthèse et de traitement bien plus abouties que ce que l’on trouve dans Beatbox Anthology. Si vous cherchez le son d’une Lindrumm ou d’une Simmons au sens strict du terme, ce n’est donc pas forcément l’instrument rêvé, mais si vous cherchez à produire votre propre son à vous et rien qu’à vous, vous avez frappé à la bonne porte. Drum Designer semble en effet avoir à cœur de rassembler au sein d’un même instrument tous les outils nécessaires à la fabrication d’un Beat, que ce soit au niveau du pattern même, ou du kit de sons qu’il utilise.
Comme d’habitude, vous pouvez choisir la visite guidée en vidéo de l’Internet numérique, ou bien avec des bons vieux mots analogiques…
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le Seq
Comme d’habitude chez UVI, l’instrument se présente sous la forme d’un fichier UFS à décompresser où bon vous semble pour le charger ensuite dans l’UVIworkstation gratuite ou dans Falcon, le sampler emblématique de la marque, tous deux étant disponibles aux formats AAX, VST et AU. Sitôt la chose faite, vous arrivez directement sur la page SEQ, soit le séquenceur qui n’est pas sans rappeler celui de Beatbox Anthology sur le plan graphique, même si plusieurs évolutions sont à noter du côté des fonctionnalités. On passe ainsi de kits de 12 instruments sur Beatbox à 8 seulement sur Drum Designer, soit un Kick, deux Snare, un Clap et quatre cymbales, sachant que ces dernières sont susceptibles d’accueillir bien d’autres choses que… des cymbales : des percussions, des shakers ou des tambourins et même des effets spéciaux. Et les toms ? Aux abonnés absents, d’où le passage de 12 lignes à 8. Voilà qui est bien dommage même si UVI a à cœur de se rattraper en offrant beaucoup plus de possibilités en termes de programmation.
Drum Designer offre en effet des patterns bien plus longs (on passe de 64 pas à 32 pas x 4 pages, soit 128 pas) tout en offrant une subdivision rythmique encore plus élevée (1/32 au max sur Beatbox, 1/64t au max sur Drum Designer). Mais c’est surtout au niveau de ce qui est séquençable que l’on gagne en puissance. Là où Beatbox Anthology proposait un simple réglage de panoramique et un volume pour la globalité de chaque instrument, Drum Designer vous propose désormais de prgrammer chaque paramètre au travers de quatre step séquenceurs : un pour la vélocité, un pour le panoramique, un pour le déclin et, plus intéressant encore, un pour le pitch. Pourquoi cela serait-il plus intéressant ? Parce qu’en jouant sur le pitch des samples, on parvient à réaliser des riffs ou des lignes de basse, ce qui étend grandement le terrain de jeu. On peut même de la sorte combler le manque de toms en jouant sur la hauteur tonale d’un kick ou d’une caisse claire.
Notez que pour vous simplifier la vie, une quantité de patterns prêts à l’emploi vous attendent, avec la possibilité de naviguer dans toute ou partie de ces derniers : on peut ainsi choisir de charger la totalité d’un pattern ou simplement changer une ligne en particulier, tandis que, comme dans Beatbox Anthology, on peut changer les kits indépendamment des patterns. Bien évidemment, des fonctions permettent de répliquer telle ou telle programmation d’un instrument sur un autre et UVI nous propose même un système permettant la saisie rapide d’événements répétitifs : via la système Event Link, on peut ainsi en un unique clic placer un HiHat sur toutes les croches du pattern, ou encore un kick à la noire, ce qui s’avère d’autant plus pratique que la saisies des notes n’est pas forcément évidente lorsqu’on veut réitérer avec précision une même valeur. Mentionnons enfin que le paramètres swing est toujours de la partie et que l’on peut exporter sa programmation en MIDI via un simple clic sur le bouton Generate, suivi d’un cliqué/glissé dans la fenêtre d’arrangement de la STAN.
Bref, c’est quasiment mieux à tout point de vue même s’il faut souligner qu’UVI est demeuré très sage, trop sage même, sur certains aspects : les dingos de polyrythmies seront déçus de constater qu’on ne peut pas gérer des longueurs de patterns pour chaque élément du kit : impossible donc d’avoir un kick sur 16 pas, une caisse claire sur 13 et un hi-hat sur 11… Impossible aussi de bosser sur un métrique ternaire simplement : ici, c’est du binaire et rien d’autre, ce qui ne gênera pas la plupart des utilisateurs, tandis que les autres pourront se rebattre sur leur STAN pour piloter Drum Designer comme un simple Rompler. Enfin, on ne dispose d’aucun moyen de faire intervenir un peu d’aléatoire dans les séquences comme on le voit sous Reason ou Studio One.
Idée FX
Ceux qui cherchent à faire des choses un peu plus barrées seront toutefois ravis de découvrir que l’onglet Mix permet de régler pour chaque élément du kit, outre son volume et son panoramique, son décalage temporel, ce qui s’avère moins simple à gérer mais autrement plus puissant qu’un simple bouton swing global pour accoucher de grooves improbables. En pouvant avancer ou reculer le calage de chaque élément de 200 ms au max, il y a ainsi de quoi mettre un beau bazar dans le plus sage des tchakpoums : c’est une excellente idée. C’est aussi sur cette page de Mix que l’on accède aux envois vers le Delay et la Réverb de la section d’effets principale, qui nous attend sagement dans l’onglet FX.
Là encore, les progrès par rapport à Beatbox Anthology sont notables puisqu’en vis-à-vis des deux delays, des deux réverbes et de l’EQ qu’on trouvait dans ce dernier, on se retrouve avec une section bien plus complète proposant un compresseur de bus, une saturation post fader, un EQ paramétrique, un delay et un processeur à convolution proposant des réponses à impulsions allant bien au-delà des simples réverbes. On y trouve en effet des simulations de divers HP ou appareils comme un répertoire Sound Design capable de transfigurer le son de votre beat.
Rien qu’avec tout cela et la sympathique banque de sons fournis, Drum Designer aurait déjà de quoi susciter l’intérêt. Or, il offre bien plus encore, comme on s’en rend compte lorsque, revenu sur le page SEQ, on clique sur le nom de l’un des éléments.
Le nez dans les couches
On accède ainsi à un second niveau d’édition où l’on dispose, pour chaque élément du kit, des trois onglets MAIN, EDIT et FX. MAIN permet de régler les paramètres globaux de l’instrument (pitch, enveloppe, déclin, gate, relâchement, loudness, vélocité, etc.) mais c’est surtout dans EDIT que les choses intéressantes commencent puisqu’on accède aux différentes couches (layer en anglais) composant chaque instrument, et à leur paramètres avancés. Dans Drum Designer, un kick se compose ainsi de deux layers : Body (qui contient le corps mais aussi le son de batte de l’instrument, soit le « clic » qui se situe à l’attaque) et Tone qui amène un contenu plus harmonique dans lequel réside le sub.
On retrouve également deux couches pour les cymbales (Noise 1 et Noise 2), tandis que les caisses claires et les claps se composent quant à eux de quatre layers : Body, Tone, Noise 1 et Noise 2 pour les snares, et Shot 1, Shot 2, Shot 3 et Noise pour les claps. Outre le choix du son servant à chaque couche sonore, la possibilité de l’activer/désactiver, de régler son niveau, son panoramique, son gain, son pitch et de déterminer les fréquences de coupure de filtres passe-haut et passe-bas, on dispose d’un onglet d’édition pour chaque layer, lequel varie en fonction de la nature du son édité. Cela pourra être une simple enveloppe de volume (sur les onglets Noise et Body), un jeu d’enveloppe d’amplitude/pitch assorti d’un générateur sonore (Tone) ou un triple filtre (Cymbales). Bref, il y a de quoi tweaker à loisir… avant d’attaquer la section d’effet propre à chaque instrument.
Dans cette dernière, on disposera d’un processeur de transitoires, d’une saturation douce, d’un élargisseur de champ stéréo, d’un EQ paramétrique et d’un processeur à convolution. Et cela, je le souligne, pour chaque élément du kit en plus de la section d’effets globale que nous avons évoquée plus haut. En résulte un beau mille-feuille sound-designesque, susceptible de produire quantité de sons utilisables dans un grand nombre de genres musicaux et de contextes.
Voyez d’ailleurs ce qu’il en est avec ces exemples audio :
- DRUMDESIGNERmelodic00:11
- DRUMDESIGNERtechno00:15
- DRUMDESIGNERfuture00:18
- DRUMDESIGNERdubstep00:13
- DRUMDESIGNERelectro00:15
- DRUMDESIGNERtrap00:13
- DRUMDESIGNERdrum&bass00:11
- DRUMDESIGNERUrban00:19
- DRUMDESIGNERglitch00:19
- DRUMDESIGNERvinyl00:18
- DRUMDESIGNERglitch200:19
- DRUMDESIGNERDisco00:16
- DRUMDESIGNERCinematic00:15
- DRUMDESIGNERReggae00:15
Le son est là : c’est indéniable. Toutefois, en dépit de toutes les bonnes choses que nous venons de lister, Drum Designer est encore loin d’être parfait.
Outre les limitations du séquenceur évoquées précédemment et le fait qu’on aurait sans doute apprécié de disposer d’effets supplémentaires dans la section dévolue à chaque instrument (un delay notamment et un bitcrusher/downsampler, même si l’on peut tout à fait utiliser la version à sorties séparées du plug-in pour compenser ces manques soi-même), on regrettera enfin le côté fermé de l’instrument : à moins de plonger dans les entrailles de la bête en passant par Falcon, impossible d’y importer ses propres samples, et même impossible d’y utiliser les samples proposés par la Beatbox Anthology 2 de l’éditeur. C’est bien dommage pour ceux qui voudraient faire des beats avec des sons plus barrés ou qui voudraient chopper une pâte sonore plus vintage, plus acoustique ou plus expérimentale. Je vous rassure : il y a déjà largement de quoi faire sans se sentir frustré, mais en raison de cette fermeture et du parti-pris moderne de sa banque, Drum Designer n’est pas ce monstre de polyvalence qu’il aurait pu être. Pour la Trap contemporaine, ça marche. Pour faire du hip-hop oldschool organique ou des chiptunes, ce n’est pas forcément l’instrument le meilleur que l’on puisse trouver. Pour faire du Matthew Herbert encore moins. Ultime complainte : si l’on est heureux de pouvoir séquencer le pitch, le panoramique ou le déclin des instruments, on notera qu’il n’y a pas grand chose de proposé du côté des modulations : il n’est pas possible de faire varier avec un LFO, une enveloppe ou step séquenceur le dry/wet de la réverbe ou le temps du delay par exemple. Bref, le design demeure ici contraint à une simplicité que chacun appréciera à l’aune de ses ambitions en matière de création.
Conclusion
Il faut en convenir : ce Drum Designer est une réussite parce qu’il offre pour un prix raisonnable un environnement très cohérent tant pour le design sonore que pour la programmation de beats. Certaines de ses limitations côté séquence comme sa fermeture ne lui permettront pas forcément de renvoyer les Breaktweaker et autres Geist dans les cordes en termes de puissance comme de polyvalence, mais face à ces usines à gaz, le dernier né d’UVI a l’argument d’un excellent rapport simplicité/possibilités et devrait satisfaire ceux qui cherchent un outil simple pour produire la musique du moment. Bravo pour cela, donc, même si l’on sent bien que ce Drum Designer a une marge de progression suffisante pour qu’on attende avec impatience sa prochaine version, et tenir peut-être enfin LA boîte à rythmes logicielle ultime.