Le FM7 de Native Instruments est un synthétiseur virtuel dont le moteur audio est basé sur le légendaire synthétiseur Yamaha DX7.
La synthèse utilisée par ces deux instruments est dite à modulation de fréquence (FM pour « Frequency Modulation »), synthèse à la fois originale, riche dans les sonorités qu’elle sait générer, et complexe à maîtriser de par ses aspects non linéaires et parfois imprévisibles pour le néophyte. En effet, là où la variation d’un paramètre comme la fréquence de coupure agit simplement et de manière intuitive sur le son (dans le cas d’une synthèse soustractive « classique »), on peut être un peu perdu lorsque l’on bidouille un son en FM, car la modification d’un paramètre peut radicalement changer le son. Cet aspect permet également de créer des sons dont le timbre évolue sans cesse, ce qui est l’une des causes principales de la richesse des sons FM.
Installation
A l’ouverture de la boîte, on est tout d’abord agréablement surpris par le manuel, conséquent, et en quatre langues (dont le français, bien sûr). Rassurez-vous, la prise en main de l’instrument est assez aisée, et une partie non négligeable du manuel est simplement consacrée à tous les types d’installations possibles (Mac ou Windows, Stand Alone, VST, DXi pour Sonar, DirectConnect pour ProTools, et enfin FreeMIDI et MAS pour Digital Performer). On arrive rapidement dans le vif du sujet et les premiers pas avec l’instrument se font avec facilité (et enthousiasme, je le reconnais !).
Je choisis d’installer le FM7 en tant que plug-in VST afin de l’utiliser avec Cubase VST, en plus de l’installation en stand alone (c’est à dire en tant que logiciel indépendant, par opposition aux plug-ins). J’ai testé par la suite l’instrument dans ces deux modes, afin d’avoir une vision la plus large possible de son fonctionnement.
Lorsque le logiciel est lancé pour la première fois, il vérifie la présence du CD d’installation, afin de valider la licence d’utilisation. Notez au passage une nouvelle forme de vérification anti-piratage : pour éviter que le CD ne soit copié, on trouve deux creux profonds sur le CD même ! (On n’arrête pas le progrès contre le piratage…)
Je commence par lancer la version « stand alone ». Une rapide configuration de la carte son permet de s’assurer que l’on a choisi les bonnes propriétés audio. Une fois cette petite formalité remplie, l’instrument virtuel est opérationnel. Il m’a suffi de choisir dans le menu « System > MIDI Settings » le port MIDI de réception et le synthé virtuel suit mon jeu sur le clavier maître avec une latence imperceptible (en tous cas avec ma carte son, une RME Audio Hammerfall).
Performances acoustiques
Certains se disent peut être la chose suivante : « Le FM7, est ce un n-ième synthétiseur virtuel qui ne nous apporterait rien de plus ? ». Détrompez-vous, le FM7 n’est pas un synthétiseur comme les autres. En effet, la synthèse qu’il utilise (à modulation de fréquence, d’où le nom « FM ») lui confère une richesse sonore et des possibilités incroyables. A ce propos, je vous invite grandement à écouter les démonstrations dans la rubrique « Démos en MP3 ». Les enregistrements ont été faits en MP3 haute qualité et non en un format trop compressé parce que la brillance des sons issus de la synthèse FM est spectaculaire et qu’une compression destructive comme le MP3, en 128 kbps, pourrait dénaturer et cacher cet aspect très important des sons générés par le FM7.
Les sons sortis du FM7 sont très purs, incroyablement précis et, avouons le, tout simplement beaux. On a l’impression d’être devant un instrument analogique (du point de vue de la « chaleur du son »). On est bien devant une machine numérique (du point de vue des possibilités, de la facilité d’accès aux paramètres du son et surtout au niveau des effets, simples mais efficaces).
Si vous voulez un son encore plus gros, le FM7 dispose d’un mode « unison » qui, lorsqu’il est bien utilisé, peut donner des résultats assez puissants. Il s’agit de jouer deux ou plusieurs fois le même son, chaque voix étant légèrement désaccordée par rapport aux autres pour donner un effet de chœur. Jusque là, rien de nouveau me direz-vous, cela existe dans de multiples synthétiseurs (comme les Juno de Roland). Certes, à la différence que la limite du nombre de sons joués dans ce mode unison n’est autre que la limite de la polyphonie de 64 voix. Théoriquement, cela correspondrait à un chœur de soixante-quatre instruments jouant simultanément ! En pratique, mieux vaut se limiter à deux ou trois voix simultanées, le son étant déjà très puissant dans ces conditions. De plus, cela permet de mieux contrôler la dynamique du son par rapport à un instrument utilisant 16 oscillateurs simultanément !
Vous l’avez compris, le FM7 est un excellent synthétiseur. Mais ses filtres et opérateurs peuvent également être utilisés en tant que processeur d’effets. Ainsi, les trois derniers patchs fournis avec le logiciel sont en fait des effets et non des sons en tant que tels. J’ai essayé le dernier patch, « Filtered & Distorted », qui sonne plutôt bien sur un morceau complet. Vous pouvez également appliquer une modulation FM au son, ou bien une combinaison complexe d’effets générés par les opérateurs du synthé.
Un bon point une fois de plus : tous les programmes sont catégorisés et peuvent appartenir à une ou plusieurs catégories. Très pratique lorsque l’on recherche un son selon des critères spécifiques (par exemple : un effet sonore, un son évoluant, un son froid…)
DX7 versus FM7
La grande question des nostalgiques du DX7 est évidemment la suivante : retrouve-t-on le véritable DX7 en utilisant le FM7 ? Mon humble avis est oui, au niveau du son, mais aussi des possibilités d’édition. Bien sûr, le « feeling » que l’on a avec une machine hardware se retrouve difficilement dans un logiciel. Néanmoins, le son du FM7 ressemble à s’y méprendre à celui du DX7. Ajoutez à cela des effets de bonne qualité, et vous remettrez certainement en cause l’intérêt d’acheter un DX7 d’occasion plutôt qu’un FM7 !
Vous allez certainement me dire : « et mes anciens sons que j’ai programmés avec amour sur mon DX7, je ne vais pas pouvoir les réutiliser avec le FM7 ! Quel gâchis ! » Et bien si ! Le FM7 accepte les SysEx utilisés avec les synthétiseurs suivants : DX7, DX7 II et DX200. Les données sont ensuite converties au format du FM7 pour pouvoir être exploitées par ce synthé. Pour ceux qui n’auraient pas saisi l’ampleur de la bonne nouvelle que constitue ce détail, cela signifie aussi que les SysEx que vous pouvez récupérer sur Internet pour le DX7, le DX7 II ou le DX200 sont exploitables avec le FM7 ! Et des SysEx pour le DX7, il y en a quelques uns sur Internet, depuis que l’instrument mythique existe…
Performances techniques
Afin de donner une impression la plus objective possible, je vous cite la configuration que j’ai utilisée pour faire les tests :
- Processeur Pentium PIII 833 MHz
- Carte mère ASUS CUSL2-C
- 512 Mo de RAM PC133
- DD IDE 45 Go IBM (utilisé pour les programmes, le système d’exploitation, et les archives)
- DD UW SCSI 18 Go IBM (utilisé pour la partie audio « intense »)
- Contrôleur SCSI Tekram DC-395 UW
- Carte audionumérique RME Audio Hammerfall DIGI9652
- Steinberg Cubase VST 5.1
On pourrait être déçu par le fait que le synthétiseur FM7 est monotimbral. Personnellement – et comme je pense que beaucoup utiliseront ce synthé en tant que plug-in – cela ne m’a guère dérangé. En effet, en tant que plug-in (dans Cubase VST, par exemple), nous pouvons ouvrir plusieurs FM7 distincts, ce qui revient à avoir un FM7 multitimbral. De plus, en activant cinq FM7 dans Cubase et en les utilisant réellement dans le morceau, on ne dépasse même pas les 25 % de CPU avec la configuration utilisée.
Avec la configuration citée ci-dessus, en mode stand alone, j’ai quelques clics si je descends la latence en dessous de 12 ms dans les paramètres de ma carte son, alors qu’en plug-in VST, je peux très bien descendre à 6ms, voire en dessous. Je contacterai Native pour leur demander conseil et si j’ai du nouveau, je modifierai ce paragraphe du test avec les nouveaux éléments fournis par Native Instruments.
Par défaut, l’instrument a une polyphonie de 8 voix. On peut augmenter simplement cette valeur jusqu’à 64 voix à l’aide d’un curseur dans le menu « master ». Bien sûr, les ressources processeur consommées sont proportionnelles au nombre de voix jouées. Par conséquent, il faut savoir se limiter un minimum, même si théoriquement nos cinq FM7 pourraient se voir attribuer 64 voix chacun ! A titre expérimental, j’ai mis le maximum autorisé (64 voix) sur l’un des synthés virtuels, joué 64 voix en même temps (grâce à la pédale de sustain, n’ayant pas 64 doigts !) et le jeu de toutes ces voix prend tout de même 50% du CPU à lui tout seul (soit un total sur la barre de performance de Cubase VST de 75%). Il vous reste à voir si vous allez utiliser 64 voix en même temps.
Travail du son
Encore une bonne chose : pour modifier dynamiquement un paramètre du son (brillance, harmoniques, etc) à partir d’un contrôleur MIDI externe, c’est très simple : il suffit de cliquer sur le fader qui modifie ce paramètre sur le FM7, puis de cliquer sur « learn », et enfin de faire varier le paramètre en question à partir du contrôleur MIDI (clavier maître, synthé…). Ainsi, ce contrôleur est automatiquement assigné à la variation du paramètre choisi. Prenons un exemple concret : vous voulez que votre molette de modulation (correspondant au control change n°1) contrôle la brillance du son. Sur le synthé virtuel FM7, cliquez sur le bouton « Easy », qui regroupe les paramètres principaux en une seule fenêtre. Ensuite, cliquez sur le fader « brightness », puis sur le bouton « learn ». Bougez la molette de modulation de votre clavier maître (ou votre synthétiseur). Le contrôleur MIDI n°1, qui correspond à la molette de modulation, est automatiquement attribué au paramètre de brillance du FM7 (« Brightness » en anglais).
Il est en outre possible de se créer une véritable matrice de correspondance entre les contrôleurs MIDI et les paramètres du synthétiseur et de les sauvegarder pour les réutiliser plus tard avec d’autres sons. Ainsi, si vous disposez d’un clavier de contrôle possédant plusieurs potentiomètres et que vous voulez assigner systématiquement tels contrôleurs MIDI à tels paramètres du FM7, vous faîtes le travail de réglage une bonne fois pour toutes.
Point intéressant pour les utilisateurs expérimentés, concernant la gestion du timbre sonore : une analyse spectrale du son est affichée en haut à droite du synthé virtuel, ce qui permet aux yeux avertis de repérer les aspects spectraux du son avant même de le jouer. Par exemple, les sons pauvres en harmoniques (comme certains sons de cloche) présenteront seulement quelques raies isolées. Ce type de sons conviendrait donc à un morceau qui est déjà riche en harmoniques, ou à un morceau d’ambiance. Si le son présente des raies plus élevées dans les aiguës (donc à droite du spectre), mieux vaut baisser le son dans un premier temps (les sons générés en FM peuvent être très agressifs !) Notez à ce propos que le spectre affiché est indicatif (d’une précision sommaire, donc) et surtout qu’il correspond au spectre du son joué pendant une période très longue. Vous ne serez donc pas étonné de voir un spectre correspondant théoriquement à un son très brillant alors que le son est très sourd lorsque vous commencez à le jouer. Comme je le disais plus haut, les sons créés en FM peuvent évoluer (que dis-je, subir une complète mutation !) sur de très longues périodes. Aussi, un son comme le patch n°116, « OscilloCore », possède un spectre avec beaucoup d’harmoniques dans les aiguës sur le schéma alors que c’est un son très sombre lorsque l’on commence à le jouer. Je vous conseille de l’écouter dans la rubrique "e;Démos en MP3"e; et vous comprendrez le sens de « la richesse sonore de la FM » !
Je vous parlais de bidouille en introduction de l’article, et nous y voilà enfin. Le FM7 est un incroyable provocateur de bidouille sonore, notamment grâce à la fonction « randomize », assez spectaculaire (et relativement imprévisible !). Cette fonction permet de modifier, de manière aléatoire, les paramètres que vous avez choisis et dans des proportions que vous aurez décidées. Comme je vous le disais, la synthèse FM peut générer des phénomènes acoustiques imprévus. Avec cette fonction, chaque clic sur « do it ! » génère un nouveau son ! Si vous choisissez des petites valeurs, votre son d’origine ne sera que légèrement modifié, ce qui peut être une bonne chose si vous voulez créer de nouveaux sons à partir d’un patch que vous avez programmé et dont vous aimez certaines caractéristiques. Si vous voulez recréer totalement au hasard un nouveau son, vous pouvez mettre les valeurs à 100. La nouveauté du son est garantie ! Là encore, il faut tâtonner : trop de modifications peuvent mener à des sons totalement inutilisables. Lors de mes expérimentations, par exemple, j’ai évité de toucher au paramètre « OP » car cela a pour conséquence d’augmenter la hauteur du son. Conclusion : on désaccorde l’instrument et si l’on clique beaucoup de fois sur « Do it », le son finit par être tellement aigu qu’il en devient inaudible. Je vous laisse découvrir cette fonction par vous même…
Conclusion
Je dois vous l’avouer, je suis tombé amoureux du FM7. Malgré la longueur du test, je sais que tous les aspects n’ont pas été traités. A vrai dire, il serait possible d’écrire un livre entier sur le sujet (pour peu que l’on aborde plus profondément la synthèse FM).
Les sonorités sont incroyablement belles, riches en harmoniques, originales. Les possibilités de créer des sons inédits semblent illimitées. L’utilisation « de base » est simple et assez intuitive. Bien sûr, créer des sons en FM est une gymnastique d’esprit un peu plus poussée que lorsque l’on se trouve devant un synthétiseur à synthèse soustractive. Mais qu’importe, le temps passé à créer des sons vaut bien le résultat, et, après tout, la programmation d’un son peut faire partie du processus créatif du musicien (En ce qui me concerne, la question ne se pose même pas, j’adore passer du temps à créer des sons.) Et pour les moins courageux, les sons d’usine sont d’excellente facture. Attention, si vous y touchez, vous risquez de ne plus jamais vous en séparer ! Cela vaut donc bien le prix, certes un peu élevé, du logiciel.