Dans l’article précédent, nous avons exploré des sons reposant sur des formes d’onde plus ou moins chargées en harmoniques, mais toutes basées sur des cycles périodiques.
Comme nous l’avons vu, qui dit cycle périodique dit fréquence, et qui dit fréquence dit hauteur de son, voire note musicale. Aujourd’hui, nous allons nous intéresser aux sons dits non périodiques, c’est-à-dire aux bruits.
Alors là, j’entends déjà les détracteurs de la musique électronique s’en donner à cœur joie : « J’ai toujours dit que ce n’était que du bruit ! ». Oui elle était facile celle-là, je vous demande pardon… Quoi qu’il en soit, le bruit est une matière sonore passionnante, et nous en distinguons plusieurs types — eh oui, en synthèse sonore, nous les avons en effet normalisés et labellisés selon un code de couleurs des plus seyants.
Bruit blanc
Le bruit blanc s’appelle ainsi en référence à la lumière blanche, somme de toutes les couleurs existantes, et représente la somme de toutes les fréquences sonores à puissance égale. Mais ceci n’est que théorique. En réalité, bien sûr, il ne s’agit que des fréquences contenues entre certaines limites, comme celles de la perception humaine (20–20.000 Hz, petit rappel). Un bruit blanc englobant une infinité de fréquences aurait une puissance également infinie — « appelez-moi Dieu »…
Si l’on s’en réfère aux définitions des précédents articles, le bruit blanc est l’archétype même d’un son complexe non périodique. D’un point de vue concret, c’est le son émis par un téléviseur lorsque celui-ci n’est programmé sur aucune chaîne précise. Et quoi de plus normal finalement qu’un bruit « blanc » sur un effet de « neige », hmm ?
Bruit rose
Le bruit rose, moins présent que le bruit blanc sur les appareils de synthèse, est surtout utilisé dans le domaine audio à des fins de test ou de calibrage de systèmes de diffusion. Le bruit blanc est inapte à cette fonction, et ce pour la raison suivante.
Si l’on regarde le tableau de l’article « Synthèse sonore 3 : À haute fréquence (ou pas…) », on constate que le champ de fréquences couvert par la dernière octave est beaucoup plus important que celui couvert par la première. L’énergie sonore du bruit blanc – toutes les fréquences à égalité de puissance — est donc beaucoup plus importante dans les octaves supérieures qu’inférieures. Avec un tel déséquilibre, impossible de calibrer quoi que ce soit !
Le bruit rose est donc un bruit blanc dont on abaisse la puissance sonore de 3 dB à chaque octave (doublement de fréquence), afin d’obtenir une puissance homogène sur l’ensemble des octaves.
Bruit rouge (brownien)
Hop, pour découvrir les origines de ce bruit, faisons un petit saut par la botanique et la thermodynamique, rien que ça !
En 1827, le botaniste écossais Robert Brown découvrit au microscope que des particules de pollen plongées dans l’eau étaient soumises à une agitation continuelle et irrégulière, appelée depuis « mouvement brownien » en hommage à son découvreur. Il fallut toutefois attendre le tout début du 20e siècle pour qu’Einstein et – indépendamment – Smoluchovski proposent une théorie valide expliquant le phénomène : les mouvements desdites particules de pollen résulteraient des chocs de celles-ci contre les particules d’eau les entourant. Cette théorie permettra entre autres d’expliquer les relations entre pression, température et volume des gaz…
Bref, nous nous éloignons de la musique ! Mais le mouvement brownien peut lui aussi être traduit en onde sonore complexe non périodique.
Nous constaterons, à l’écoute des différents exemples, que chacun de ces bruits semble à l’oreille plus chargé en basses fréquences que le précédent. C’est normal : si, comme nous l’avons vu, le volume sonore des fréquences du bruit rose décroît de 3 dB par octave, celui du bruit rouge décroît quant à lui de 6 dB par octave.
Autres bruits
On peut trouver ça et là des références à d’autres types de bruits — bleu, violet, gris –, mais on ne les rencontre quasiment jamais en synthèse sonore, je ne m’étendrai donc pas sur leurs caractéristiques.
Quand au bruit « marron » (à ne surtout pas confondre avec le bruit « brownien », parfois d’ailleurs improprement intitulé « brown noise » en anglais) il représenterait d’après les créateurs de « South Park » une gamme de fréquences à même de déclencher une irrépressible envie de courir aux toilettes…
Aucune étude scientifique n’a pour l’instant validé cette intéressante théorie.