Line 6 a déjà séduit guitaristes et bassistes avec un système sans fil numérique pour instruments permettant de conserver la qualité audio et offrant une belle fiabilité dans la liaison. Le même coup est tenté pour un micro de chant avec, en bonus, des modélisations de plusieurs standards de la scène, le tout à trois fois moins cher que la moyenne du marché. Pari tenu ?
Le sans-fil et le numérique
Tous ceux qui ont essayé vous le diront : sur scène, le sans fil est une merveille. Débarrassé du câble qui le relie comme une laisse au système audio, le chanteur éprouve une énorme sensation de liberté qui lui permet de faire le show sans penser à des choses triviales comme le risque de se prendre les pieds dans les câbles, de faire tomber ou casser quelque chose ou de se retrouver malencontreusement débranché, donc silencieux au moment qui aurait dû être son instant de gloire.
Mais le sans fil a aussi des inconvénients. Car qui dit sans fil dit problèmes de qualité audio (dégradation du signal, souffle, affaiblissement avec la distance) et risques d’interférences avec toutes les ondes et parasites qui font partie de notre environnement, sans compter celles des autres systèmes HF. Concevoir des systèmes d’émissions – réception de qualité et étanches aux perturbations n’est donc pas si simple et c’est pourquoi le bon HF est si coûteux.
L’introduction du numérique dans le domaine du HF, s’il en grève encore beaucoup le prix, a apporté un plus indéniable. En codant le signal audio avant de l’envoyer au récepteur, les systèmes numériques le rendent moins sensible aux perturbations liées aux ondes. L’utilisation de processeurs pour les codage/décodage permet aussi d’introduire des traitements dans le son.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas Line 6, rappelons que la marque californienne s’est d’abord rendue fameuse grâce à la simulation, notamment avec les fameux « Pod » pour guitaristes et bassistes. On retrouve sur ce système la simulation de 7 micros différents. Nous y reviendrons dans la partie consacrée au son. Mais Line 6 a aussi intégré des systèmes visant à atténuer les sons ambiants. Il s’agit d’une sorte de noise gate qui agit différemment selon les fréquences. Ce système est réglable, de la totale désactivation à une forte puissance quand le micro est utilisé uniquement pour du speech.
Bon matos ?
À l’ouverture de la boîte, l’impression est bonne. D’abord, le pack semble très complet. On trouve les cornières pour la mise en rack du récepteur (qui peut aussi être simplement posé, bien stable sur ses pieds caoutchouc). Ces cornières peuvent accueillir les antennes afin qu’elles soient en façade du rack. Les câbles pour déporter les antennes permettent aussi de lier entre eux plusieurs récepteurs (jusqu’à 6) qui partageront une seule paire d’antennes. Pratique.
Bonne trouvaille : une pièce de liaison permet de solidariser plusieurs récepteurs grâce à des encoches présentes sur toutes les faces de ceux-ci. De quoi constituer des blocs complets et évolutifs en fonction des besoins. Les boutons présents sur le récepteur n’appellent pas de critique et sérigraphie comme écran sont clairs et lisibles.
Tout ceci offre une esthétique et une finition plutôt bonnes qui donnent une impression globale de qualité. On est très loin de l’aspect cheap de certaines marques « à pas cher ». La qualité ressentie est même un peu au-dessus de ce qu’on trouve souvent sur les appareils de cette marque. Mais des éléments montrent tout de même qu’on n’est pas dans le haut de gamme. Ainsi, si deux manuels (un pour le micro, un pour le récepteur) avec une partie en français sont bien présents, il faudra aller télécharger un PDF en ligne pour avoir le manuel « avancé ». Celui-ci n’est qu’en anglais et ne comporte que quelques pages de plus que sa version raccourcie. Il aurait donc très bien pu être présent dans notre langue en version papier sans mettre en danger la survie de la forêt amazonienne. Une économie vraiment mesquine alors que sa version papier fournie est incomplète (mais suffisante pour un usage basique).
L’alimentation (universelle, merci) déportée est légère. Un plus pour le montage en rack et le transport, mais elle peut susciter des inquiétudes de longévité hors rack. Elle est cependant standard (9V 350 mA) et pourra donc être facilement remplacée.
Le micro est livré dans une housse semi-rigide (avec emplacement pour les piles) qui le protégera ainsi que sa pince dédiée. Un très bon point, même si une valisette rigide aurait été plus proche des standards pour la scène. La mousse de la housse risque de mal vieillir, au moins esthétiquement, et la position de la pince est un peu délicate. Cette housse devrait cependant longtemps protéger votre investissement.
Le corps du micro lui-même est en métal, sans doute pas très épais vu son poids. Ce n’est pas un bon vieux SM58 ou d’autres micros construits comme des chars d’assaut capables d’endurer la scène pendant des années. La partie basse qui se dévisse pour découvrir l’emplacement des piles est en plastique, certes visiblement solide, mais c’est loin de garantir ni une grande longévité (notamment en cas de chute sur sol dur), ni une durabilité de l’aspect.
Une fois la base dévissée on trouve la trappe de pile qui… ne ferme pas bien (mais ce n’est pas nécessaire). Tout ceci semble relativement fragile pour un équipement de scène et il vaudra mieux changer vous-mêmes les piles de votre (tout de même) cher micro plutôt que de le laisser dans les mains de quelqu’un pas très soigneux. Par contre, la prise en mains du micro est excellente. Il a peu de chances de vous échapper. Malgré une taille et un diamètre assez imposants (comme toujours chez les HF), son poids est plutôt faible. La surface très légèrement grainée est plaisante et ne devrait pas glisser, même avec les mains moites (sur scène, ça arrive !) Tout ceci le rend agréable et équilibré en main.
Bref, tout ça est propre et vous en avez pour votre argent, même si on est plus dans un produit destiné à un usage personnel qu’à faire partie d’un parc de location. Notez qu’un avantage important de ce micro est que vous pouvez changer la capsule Line 6 pour y mettre des capsules de Shure SM58, Beta58 et Beta 87a ou de Heil RC-22 et RC-35 c (versions HF bien sûr).
Utilisation ? Tranquille !
La mise en route est extrêmement simple. D’autant que le nombre de boutons est très limité. Pas besoin d’être ingénieur du son : même un chanteur peut s’en servir ! (vous ne croyez pas que j’allais écrire tout un article sur un micro sans chambrer les chanteurs, quand même ?) Les réglages sur le micro se font à l’aide de deux boutons et d’un petit écran qui s’éclaire dès qu’on presse un des boutons. On peut ainsi régler le canal (12 canaux disponibles), la puissance (un mode « Hi » et un « Lo » permettant d’économiser les piles), la simulation de micro souhaitée… On peut même donner un nom au micro, nom qui apparait également sur l’écran du récepteur. Extrêmement pratique en cas d’utilisation simultanée de plusieurs systèmes. Bien vu ! Ajoutons que le récepteur affiche également le niveau de batterie du micro, le niveau de réception et le signal audio grâce à trois colonnes de leds. Il n’y a d’ailleurs aucun réglage à faire pour le niveau de réception ou ce genre de chose : le système le gère automatiquement. D’une façon générale, une fois le paramétrage de base réalisé, il ne devrait jamais rien à avoir à régler en usage courant. Que c’est bien !
Les boutons du micro sont enfoncés dans la carcasse ce qui empêche toute manœuvre involontaire, mais rend leur manipulation peu aisée, ce qui n’est pas très grave vu qu’ils serviront peu. Un switch « hold » situé dans la trappe des piles désactive totalement les boutons du micro. Si l’on peut « muter » le micro, il n’y a pas de mode veille : on allume ou un éteint. Le récepteur se coupe automatiquement sans émettre de bruit. Impeccable. Très bon point : l’écran du micro affiche clairement l’autonomie restante en heures/minutes. Les deux piles alcalines fournies affichent 8 heures d’autonomie. Tout à fait convenable. En passant la puissance en mode « Lo », l’affichage est monté à 10 heures. Vu la durée restante face au temps d’utilisation pendant le test, cette indication semble fiable. Et elle est précieuse, bien plus claire que l’habituel symbole de batterie.
Portée & qualité sonore
La doc indique une portée de 100m. Je n’ai pas pu vérifier au-delà de quelques dizaines de mètres en champ libre en extérieur. Déjà de quoi couvrir largement toute utilisation scénique, sauf peut-être d’énormes shows dans des stades. L’étonnant est le bon comportement avec obstacles. Le récepteur dans mon studio recevait le signal du micro situé à une quinzaine de mètres… dans le jardin, avec 3 murs de pierre et béton (dont un de 40 cm) entre eux. Impossible de s’éloigner, mais ça passait.
Le seul inconvénient, c’est qu’en limite de portée, la coupure est assez brutale. Pas d’affaiblissement qui prévienne, juste quelques ruptures dans le son : ça capte ou pas. Ce système ne devrait donc jamais poser de problème en utilisation scénique courante, même sur de grandes scènes. Il peut montrer ses limites dans des stades ou en utilisation speaker pour une foire ou un salon étendu, ou encore en installation où il faudra probablement conserver récepteur et micro dans une même salle. Un classique dans les systèmes HF de toute façon.
On sait que les téléphones portables font des ravages dans les systèmes audio. Mais là, ce HF tient bien ses promesses en y étant très peu sensible. Si l’on téléphone avec le micro en main à hauteur du visage (cas assez peu fréquent), on fera subir à son auditoire les affreux bruits caractéristiques du GMS. Cependant, il suffit d’éloigner un peu le micro du téléphone (ou l’inverse) pour avoir un niveau d’interférences présent, mais faible (au point qu’il est possible de parler à la fois dans le micro et le téléphone). Au-delà d’une cinquante de centimètres, plus aucun parasite n’est audible. Ce qui signifie que le micro ne sera pas impacté par un téléphone oublié allumé dans une poche.
Quant au récepteur, mes tests semblent montrer qu’il est extrêmement résistant aux perturbations. Notez que l’ensemble fonctionne sur la même bande de fréquences que le WiFi. Je n’ai constaté aucune perturbation du micro par le WiFi. Par contre, la doc signale que la présence du système à proximité d’un système WiFi peut ralentir le débit de celui-ci. À prendre en considération si vous utilisez des liaisons WiFi sur scène, par exemple entre contrôleurs et ordinateurs.
Côté son, le XD-V70 propose 7 simulations sonores différentes :
- Shure SM58
- Shure Beta 58A
- Sennheiser e 835
- Audio-Technica AE4100
- Audix OM5
- Electro-Voice® N/D767
- Line 6 optimized model
Le seul micro que j’avais pour comparer directement était le SM58. J’ai réalisé des enregistrements simultanés avec les deux micros placés sur pied à une dizaine de centimètres de ma bouche. Je vous laisse juger de vous même sur les enregistrements, lesquels sont totalement bruts. Ils ont été réalisés avec le récepteur comme le SM58 branché directement dans deux entrées d"un préampli RME QuadMic, lui-même connecté à une RME Multiface. J’ai réglé les préamplis au même gain. Aucun traitement n’a été appliqué ni avant, ni après la prise.
- Shure SM5800:35
- XD-V70 emul SM5800:35
- XD-V70 emul Shure beta5800:35
- XD-V70 emul EV ND76700:35
- XD-V70 emul Audix OM500:35
- XD-V70 emul Sennheiser e83500:35
- XD-V70 emul AT AE410000:35
- XD-V70 optimized00:35
On constate un très léger manque d’ampleur et de chaleur dans le bas de la simulation Line 6 par rapport à l’original. Cependant, les deux pistes se retrouvent avec un léger écart de niveau et il est possible que la distance entre ma bouche et les deux capsules ne soit pas parfaitement identique. La sensibilité extrême du SM58 à la proximité pourrait alors expliquer cette légère différence.
Avec le micro en main, on constate peu de bruits de manipulation.
Même si je n’avais pas les autres modèles de micros sous la main, je retrouve la signature sonore de ceux que je connais. Je vous laisser juger par vous-même, mais pour ceux qui manqueraient de références, je trouve que la qualité sonore délivrée par ce micro peut être qualifiée de tout à fait honorable à bonne. Dans tous les cas, bien meilleure que ce qu’offrent généralement les systèmes HF analogiques.
Pour valider tous mes tests, j’ai confié le XD-V70 à mon ami Loïc Kerdelué pour un test sur scène. Loïc est à la fois prestataire son (il assure souvent la sonorisation de têtes d’affiche à l’Océanis de Ploemeur (56), une des plus belles salles de la région) et est musicien et sonorisateur de « Suspens », un orchestre de belle taille puisqu’il comporte 11 personnes sur scène et… 17 systèmes HF (Shure).
Voici l’enregistrement de ses commentaires après le test. Pour résumer, c’est du tout bon. Un grand merci à lui pour avoir pris le temps de ce test.
Conclusion
Ce système est diablement séduisant, à part quelques détails, dont la construction. Ce n’est pas que le micro semble particulièrement fragile, mais il lui manque la construction robuste des standards de scène pour rassurer les sonorisateurs et loueurs. Pourtant, cet ensemble offrant une bonne qualité sonore, une belle résistance aux interférences (notamment des téléphones portables), une portée et une autonomie largement suffisantes pour 99% des situations, une grande facilité d’utilisation et un prix intéressant (pour un système numérique) mérite attention. Comme micro personnel pour un chanteur ou pour un groupe, c’est un excellent choix.