On mesure un peu plus chaque jour à quel point la fameuse Tiny Terror d’Orange a bouleversé le marché de l’amplification guitare. Ce fut le début d’une mode (assez salutaire si vous voulez mon avis) d’amplis peu chers, de puissance réduite et de qualité irréprochable (enfin, la plupart du temps). Malgré la profusion actuelle, Orange conserve la haute main sur ce créneau singulier qu’est celui des amplis à tubes de faible puissance.
La Tiny Terror ayant déjà été déclinée en de multiples modèles tous plus fruités les uns que les autres (la Tiny Terror Handwired, câblée à la main en Angleterre, la Dark Terror, la Dual Terror, la Micro Terror, la Jim Root Terror Signature, la Planet Terror, cherchez l’intrus !), Orange ont décidé de changer leur fusil d’épaule le temps d’une tête d’ampli, cette fameuse OR15, afin de répondre à une demande bien réelle : celle des musiciens qui désirent une petite tête certes, mais qui sont allergiques aux grille-pains et qui cherchent le « vrai » grain Orange des années 70…
Ôrange, ô désespoir
Pour ceux qui ne sont pas familiers de la marque anglaise, il faut tout d’abord expliquer qu’Orange, c’est avant tout une philosophie : simples, efficaces, agressifs et dynamiques, les amplis Orange sont destinés principalement à ceux qui aiment quand ça gratte, quand ça pique, quand ça racle, quand ça tord, bref, aux rockers de tous poils.
On retrouve ici tous les « gimmicks » d’Orange : la couleur emblématique (Duuh !) qui vous permettra d’être vus de loin, les pictogrammes typiques des modèles vintage de la marque décrivant le rôle de chaque potard (je me suis permis de vous mettre une petite légende, même si je les trouve assez explicites on ne sait jamais, ça peut servir !), le logo très « 70’s »… Le tout dans un format étonnant puisque cette tête d’ampli est au format « mini » !
En effet, les dimensions sont pour le moins inhabituelles : 30 × 17 × 14 cm, pour une tête, on ne voit pas cela tous les jours. En général ce format est réservé à des têtes d’amplis sans coffrage, comme la Tiny Terror de la même marque. Le poids de 7 kilos rend le transport vraiment facile, à moins que l’on ne mette cette tête en flightcase. A ce sujet, c’est là un des grands avantages de cette tête : là où la Tiny Terror et ses cousines étaient géniales pour aller faire un gig en train en empruntant un baffle sur place, mais devenaient problématiques dès qu’il fallait les mettre dans le camion avec le reste du matériel (étant donné qu’elles sont transportées en housses et ne disposent pas de coffrage en bois ni de flightcase dédié), l’OR15 permet vraiment de s’imaginer partir en tournée avec, étant donné qu’il est possible de la protéger plus facilement du fait de son format plus « normal », malgré sa taille réduite. Par ailleurs, il va sans dire que le prix s’en ressent, ce qui est plutôt une bonne nouvelle en ces temps de disette généralisée !
Affichant une puissance de 15 watts, elle est équipée de deux EL84 en puissance, de trois 12AX7 en préamplification et d’une lampe 12AT7 dédiée à la boucle d’effets. Celle-ci est tout à fait transparente et fonctionne à merveille, c’est un vrai plus par rapport aux autres « mini-modèles » existants. On aurait aimé quelques centimètres supplémentaires pour l’accès aux lampes, en particulier celles de préamplification, mais la miniaturisation présente forcément quelques petits désagréments qui ne sont pas pour autant de gros défauts ! La puissance est de 7 ou 15 watts, selon la position du Switch dédié. Mais ne vous laissez pas avoir, on est très loin d’un ampli qui restera confiné à votre chambre ou votre salon, vous pouvez aisément faire trembler les murs avec si vous le désirez ! Même en mode 7 watts on peut sans problème faire face à un batteur, cette tête me semble en avoir bien plus sous le capot en termes de puissance que sa cousine la Tiny Terror qui affiche pourtant une puissance égale…
Jus de bruit
Là où les modèles « tout lampes » de faible puissance précédents (Tiny Terror, Dark Terror etc…) étaient résolument tournés vers un son moderne et agressif, finalement plus américain qu’anglais (vous m’aurez compris), cette tête OR-15 revient aux sources de ce qui a fait le succès d’Orange : le gros son gras et sans concession des années 70, permettant de naviguer dans les eaux boueuses du blues, du blues rock ou du heavy rock.
La présence de l’égalisation à trois bandes permet de disposer malgré tout d’une palette sonore assez large, mais la nature profonde de cette tête est très clairement connotée « classic rock », pour faire simple. Comme souvent avec Orange, la saturation se règle d’une manière un peu particulière, car les sons sont assez vite fort compressés, ce qui est loin d’être désagréable, mais demande une sensibilité particulière dans le réglage, en particulier dans le cas présent comme nous allons le voir. Cela apporte une densité sonore et un côté très « organique », typique des produits vintage de la marque. Pourtant, cette OR15 est fabriquée avec des composants très similaires à ceux utilisés pour le modèle signature Tiny Terror Jim Root, mais avec une configuration permettant des sons beaucoup plus « old school ».
Oubliez vite les sons clairs, même avec le gain au plus bas on obtient tout de même un peu de Crunch dans les attaques (moi, j’adore, mais les aficionados de pureté absolue ne s’y retrouveront pas !), même en utilisant une guitare à faible niveau de sortie. Pour vous donner un exemple, voici deux tests, l’un avec une Les Paul, l’autre avec une Mustang (le baffle utilisé est un Orange 2×12’’ et la tête est en mode 15 watts) :
- clean LP center 00:13
- mustang clean 00:13
Comme vous pouvez le constater, on n’est pas à proprement parler dans le domaine du cristallin même si les aigus pétillent comme il faut. C’est un style, très British, qui plaira ou non selon vos goûts musicaux, mais dans tous les cas cela a le mérite d’être cohérent avec la personnalité de cette tête qui est définitivement tournée vers des sons un peu plus « caliente » que cela. Pour le comprendre, il suffit de tester la bête avec un réglage simple, le drive un peu après 10h et l’égalisation à plat, avec un master aux trois quarts de la course (toujours en mode 15 watts).
L’OR 15 annonce la couleur (sans jeu de mots) : un son gras, dynamique et riche. Le potentiomètre de gain est l’un des plus implacables que j’aie pu voir et entendre : tout ce qui se passe après le réglage à midi n’est qu’enfer sur terre, désolation et guerre nucléaire. On peut vraiment obtenir des distorsions assez folles… Il est possible, en jouant avec l’égalisation, d’obtenir de ce côté des sons métal très convaincants. Faire siffler et crier les harmoniques artificielles est un jeu d’enfant et c’est un festival de « scrountch scrountch » jouissifs dès qu’on joue en palm-muting !
- drive eqcreusee LP solo 00:18
- drive eqcreusee LP 00:14
Mais, même si les résultats sont excellents dans ce domaine fort velu, la vraie beauté de cette tête est dans un domaine plus classique, riche en médiums et plus léger en gain selon moi :
- crunch medium LP 00:11
- sg jr jeu en nuances 00:16
- jazzmaster crunch mic neck 00:15
- sg Jr meme reglage que jazzmaster 00:14
On se régale ici à s’amuser avec la dynamique en jouant sur les attaques de médiator pour saturer plus ou moins le son, à jouer tout en nuances ou au contraire à envoyer de bons gros accords pleins sans se priver. Il ne faut pas bouder les plaisirs simples… Bien évidemment, ce genre de réglage sera très sensible à la nature des micros de la guitare utilisée. Avec une guitare équipée en humbuckers (Les Paul en l’occurrence), on est tout de suite dans des taux de saturation importants, tandis que les guitares à simples bobinages laissent plus de marge de manœuvre (ce qui est logique !). Dans les deux cas, la dynamique du son est vraiment singulière et très énergique. Chaque attaque de médiator est rendue avec un mordant vraiment très séduisant. On retrouve ici la rondeur des vieilles têtes Orange de type OR80 et OR120, ce qui est vraiment étonnant dans un format si petit ! Pour peu que l’on égalise en poussant un peu plus les bas et les médiums, on obtient facilement un son à la fois gras et énergique qui prend littéralement aux tripes…
- mustang son phat 00:16
- sg jr son phat 00:15
C’est, à mon sens, là que toutes les qualités de cette tête s’expriment réellement. C’est tantôt crémeux, tantôt agressif, jamais énervant, toujours expressif. Du pur bonheur ! Et si vous êtes vraiment des sauvages, vous pouvez toujours essayer de tout mettre à fond, vous verrez que même dans ce cas… C’est loin d’être inintéressant !
Alors ça, c’est fort de fruit
Malgré sa petite taille et son apparente simplicité, cette OR15 est une vraie petite bombe. Elle ne trahit pas une seconde les caractéristiques sonores qui ont fait de cette marque ce qu’elle est aujourd’hui, à savoir un son irréprochable dans le domaine de la saturation, avec cette petite touche « so British » qui lui donne tout son charme : une espèce de bosse dans les médiums vraiment charmeuse et attachante, une réponse dynamique qui sublime le jeu et un look inimitable… Dans une version naine qui ne manque pour autant pas de glamour. Véritable chaînon manquant entre la série des « Tiny » et les modèles plus haut de gamme, cette tête permettra de se payer à moindre coût une « vraie » Orange, avec une réelle viabilité dans un contexte de tournée. Loin d’être un jouet ou un ampli « pour la maison », cette OR15 satisfera à coup sûr les rockers exigeants appréciant le son anglais dans sa version la plus mordante. Franchement, à ce prix et avec un tel niveau de qualité sonore, pour une puissance largement suffisante pour jouer en groupe, il n’y a pas à hésiter une seule seconde…