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Pédago
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Le tube : sa vie, son oeuvre - Des Tewbs pour les Newbs (partie 2)

Cette semaine, on part à plus de 80 miles/h vers l'origine du petit tube en verre qui amplifie dans nos appareils préférés : retour sur l'histoire d'un composant qui a dominé le monde des communications pendant plus de 5 décennies, et qui continue de chanter pour le bonheur de nos oreilles.

Des Tewbs pour les Newbs (partie 2) : Le tube : sa vie, son oeuvre

Alors, bien sûr, quand je dis « l’his­toire du tube », je ne parle pas très sérieu­se­ment : vous croyez pas que je vais vous faire l’his­toire complète d’un petit bidule qui a révo­lu­tionné le monde des tech­no­lo­gies, qui a dominé toutes les trans­mis­sions, émis­sions et trai­te­ments de signaux durant un peu plus de cinquante ans… bref, d’une des grandes inven­tion du XXème siècle avec les quelques 30 000 signes d’un dossier pédago d’AF ? Car, le tube, c’est cinq décen­nies (et plus, car il n’a pas immé­dia­te­ment cédé la place au tran­sis­tor) de trans­mis­sions radio, de déve­lop­pe­ment des lignes télé­pho­niques, de tech­no­lo­gies mili­taires et scien­ti­fiques, de trai­te­ment des signaux basse fréquence, haute fréquence et ultra haute fréquen­ce… C’est la TSF, la sono­ri­sa­tion des ciné­mas, la télé­vi­sion, les appa­reils de légendes fabriqués par Western Elec­tric, Altec, Marantz, le son de la BBC, de la RTF. N’en jetez plus !

Ce que l’on va plutôt propo­ser dans cet article c’est, dans un premier temps, quelques dates impor­tantes du déve­lop­pe­ment de la tech­no­lo­gie du tube, et en parti­cu­lier des tubes qui inté­ressent les musi­ciens. Dans un second et troi­sième temps, on expliquera succinc­te­ment, à partir de cette base histo­rique, comment est conçu un tube. Et pour finir, on se penchera sur la ques­tion de l’hé­ri­tage des tubes d’an­tan : tubes vintages vs. nouvelles produc­tions, que choi­sir ?

Le tube en quelques dates

Le tube est une inven­tion du tout début du XXème siècle. À cette époque, depuis quelques décen­nies déjà, des recherches sont conduites sur les phéno­mènes élec­triques dans des ampoules, soit sous vide, soit remplies de gaz. De même, l’an­cêtre du tube élec­tro­nique, la diode à vide (cf. première date ci-dessous) n’est pas la première « diode », et son prin­cipe de fonc­tion­ne­ment (l’émis­sion ther­moïo­nique, que j’ex­plique dans la seconde partie) est observé par Becque­rel dès 1853. Commençons toute­fois en 1904…

1904 : John Ambrose Fleming invente la diode à vide qu’il nomme oscil­la­tion valve. C’est alors qu’il travaillait pour la Wire­less Tele­graph and Signal Company de Guglielmo Marconi (société qui est à l’ori­gine, entre autres exploits, de la première trans­mis­sion radio trans­at­lan­tique, et qui posa les fonde­ments de ce qui devien­dra la BBC) que Fleming, en se basant sur les travaux d’Edi­son, déve­loppa sa diode : une ampoule à vide dans laquelle se trou­vaient deux élec­trodes : un fila­ment de tungs­ten (comme dans une ampoule à fila­ment) et une plaque de métal. Lorsque le fila­ment chauffe suffi­sam­ment, des élec­trons (les charges néga­tives) s’en détachent et flottent dans le vide. Si la plaque de métal reçoit une tension élec­trique posi­tive, elle attire les élec­trons, créant ainsi un courant élec­trique dans le vide de l’am­poule.

Valve de Fleming

Valves de Fleming

1906 : Lee De Forest crée le tube audion, la première triode (tube à trois élec­trodes), qui va permettre l’am­pli­fi­ca­tion d’un signal. La triode permet le contrôle du courant qui traverse le tube en insé­rant, entre le fila­ment et la plaque, une grille. Celle-ci, rece­vant une tension néga­tive permet de repous­ser les élec­trons, qui atteignent moins, voire plus du tout, la plaque. On peut donc, à partir d’une tension fixe ou modu­lée, contrô­ler le courant qui traverse le tube. Dans nos amplis, la triode se trouve utili­sée dans tous les tubes de préam­pli : 12AX7, 12AT7, 12AY7, etc.

Audion des Forest

1910 : Walter Schottky invente la tétrode, c’est-à-dire un tube à quatre élec­trodes. L’ajout d’une seconde grille, que l’on nomme l’écran, permet plusieurs inno­va­tions, dont un facteur d’am­pli­fi­ca­tion plus impor­tant (de 100 max pour une triode à 500, au maxi­mum, pour une tétrode). Ces tubes peuvent produire une puis­sance beau­coup plus impor­tante que les meilleures triodes. Mais cette seconde grille peut poser quelques problèmes, dont des oscil­la­tions et des distor­sions du signal. On déve­loppa alors…

EL34 Mullard1926 : la pentode. Inven­tée par Gilles Holst et Bernard D. H. Telle­gen, travaillant chez Phil­lips (voir ci-contre), la pentode intro­duit une cinquième élec­trode, encore une grille, que l’on nomme la grille d’ar­rêt. Sans rentrer dans trop de détails, cette grille très proche de la plaque permet une meilleure effi­ca­cité de la trans­mis­sion du flux d’élec­trons jusqu’à celle-ci, avec moins de pertes. Deux pentodes courantes dans vos amplis de guitare : EL84, EL34. Il existe une varia­tion…

1933, Isaac Shoen­berg, Cabot Bull et Sidney Rodda, travaillant chez EMI, déposent le brevet de la tétrode à fais­ceau dirigé. Il s’agit pour eux d’of­frir une alter­na­tive à la pentode dont Phil­lips et son parte­naire, Mullard, déte­naient le brevet. Le but est le même : réali­ser un tube de puis­sance aux pertes limi­tées. Leur idée ? Colli­ma­ter les fais­ceaux d’élec­trons. Oui, oui, vous avez bien lu : colli­ma­ter des fais­ceaux, cela veut dire les aligner, les rendre paral­lèles. Pour cela deux solu­tions sont employées : parfai­te­ment aligner les ouver­tures de la grille et de l’écran, pour permettre un meilleur passage des fais­ceaux, puis insé­rer avant la plaque une élec­trode (qui n’est, pour une fois, pas une grille)  qui va aider à diri­ger les fais­ceaux vers la plaque. Si EMI, via sa société MOV, breveta cette tech­no­lo­gie diffi­cile à réali­ser (l’ali­gne­ment des grilles demande une grande préci­sion d’usi­nage), elle vendit le brevet à RCA qui déve­loppa les tétrodes à fais­ceau dirigé les plus courantes dans nos amplis : les 6V6 et 6L6.

Vous remarquez qu’à ce stade je n’ai pas vrai­ment expliqué à quoi servent, exac­te­ment, toutes ces élec­tro­des… Mais cela ne va pas durer !

De la diode à la triode

Dans cette partie je vais tenter une expli­ca­tion simple du fonc­tion­ne­ment basique d’une triode, ce qui nous permet­tra d’abor­der les fonc­tion­na­li­tés des diffé­rentes élec­trodes que l’on peut lui ajou­ter.

Le prin­cipe de base du fonc­tion­ne­ment d’un tube élec­tro­nique, c’est l’émis­sion ther­moïo­nique : lorsque l’on chauffe suffi­sam­ment une élec­trode, des élec­trons vont se déta­cher de sa surface et venir flot­ter dans le vide, ou le gaz, à l’in­té­rieur du tube. Dans les premières diodes à vide, un fila­ment de tungs­tène est chauffé jusqu’à envi­ron 777°C, les élec­trons s’en détachent et viennent former un nuage que l’on appelle la charge d’es­pace.

DiodeL’in­tro­duc­tion d’une plaque de métal face au fila­ment permet d’ex­ploi­ter cette émis­sion ther­moïo­nique : la charge d’es­pace étant néga­tive (les élec­trons sont des parti­cules néga­tives), si la plaque reçoit une tension élec­trique posi­tive, celle-ci va commen­cer à atti­rer les élec­trons : cela crée un courant dans le tube. On obtient alors un dispo­si­tif qui peut fonc­tion­ner conti­nuel­le­ment : le fila­ment étant chauffé grâce au courant élec­trique, il est en mesure de conti­nuer à four­nir des élec­trons, qui conti­nue­ront d’être atti­rés par la plaque posi­tive. On nomme ces deux éléments la cathode (le fila­ment, noté K) et l’anode (la plaque, notée A).

NB : utili­ser direc­te­ment le fila­ment comme cathode (on appelle cela une cathode à chauf­fage direct) a vite été remplacé par l’usage d’une plaque de métal très proche du fila­ment, et qui est chauf­fée par lui (voir schéma ci-contre). On parle alors de cathode à chauf­fage indi­rect.

On comprend donc à partir de cette expli­ca­tion succincte, qu’un élément primor­dial pour comprendre le fonc­tion­ne­ment d’un tube, c’est de le penser en terme de pola­rité : l’anode (la plaque) doit rece­voir une tension posi­tive par rapport à la cathode. Mais atten­tion, cette dernière n’a pas besoin d’être néga­tive en soi (il ne faut pas penser leur rela­tion sur un mode symé­trique) mais seule­ment d’avoir une tension moins posi­tive que l’anode. Souvent on raccorde la cathode à la masse (0V), avec parfois l’usage d’une petite résis­tance qui fait monter sa tension à quelques volts, tandis que l’anode en reçoit plusieurs centaines.

Une fois cette idée assi­mi­lée, on comprend bien comment, en insé­rant entre la cathode et l’anode une ou plusieurs autres élec­trodes on va pouvoir contrô­ler le courant : si ces élec­trodes sont posi­tives, elles vont atti­rer à elle les élec­trons ; si ces élec­trodes sont néga­tives, elles vont les repous­ser.

TriodeAinsi, naît l’idée de base de la triode : on insère une fine grille métal­lique entre la cathode et l’anode, et on lui donne une pola­rité néga­tive. Elle va donc repous­ser les élec­trons, et les empê­cher d’at­teindre l’anode. Mais, comme il s’agit d’une grille (notée G), elle a des trous : une partie des élec­trons va quand même réus­sir à passer. On va donc pouvoir varier la tension néga­tive de cette grille pour obte­nir un flux d’élec­trons (un courant) plus ou moins impor­tant.

Alors, si l’on injecte dans cette grille un signal audio (qui prend la forme d’une tension variable), ce signal va permettre de comman­der le flux d’élec­trons qui rejoint la plaque. On pourra alors mesu­rer, au niveau de la plaque, un courant dont les varia­tions repro­dui­ront le signal audio d’en­trée. Il suffit ensuite de raccor­der une résis­tance à l’anode pour obte­nir une tension (sur ce point je vous renvoie à l’ar­ticle sur la loi d’Ohm, où l’on voit bien comment une tension est le produit de la rencontre d’un courant et d’une résis­tance). Cette tension d’anode repro­duira fidè­le­ment la tension d’en­trée, à ce détail près que son ampli­tude aura augmenté : c’est la propriété d’am­pli­fi­ca­tion du tube.

Toujours plus d’élec­trodes

À partir de là, on peut abor­der l’ajout d’autres élec­trodes :

  • Dans la tétrode (4 élec­trodes), l’écran entre la grille et l’anode, pola­risé posi­ti­ve­ment, a pour fonc­tion d’aug­men­ter le flux d’élec­trons depuis la cathode. L’écran accé­lère la course des élec­trons, qui le traversent et viennent rejoindre l’anode plus vite et en plus grand nombre, sans avoir eu besoin pour cela d’aug­men­ter la tension de l’anode. À tension d’anode égale, une tétrode permet­tra de géné­rer une plus grande puis­sance (et aura un plus grand facteur d’am­pli­fi­ca­tion) qu’une triode. Mais il y a un problème : en frap­pant la plaque, les élec­trons viennent délo­ger d’autres élec­trons : on appelle cela l’émis­sion secon­daire. Ces élec­trons auront tendance à ne pas reve­nir à la plaque, mais au contraire à être atti­rés par l’écran. C’est pour éviter cela qu’on a inven­té…
  • La grille d’ar­rêt, dans la pentode. Elle est relié à la cathode (soit direc­te­ment dans le tube, soit dans le circuit), ainsi sa pola­rité est néga­tive par rapport à la plaque et elle repous­sera donc les élec­trons d’émis­sions secon­daire. Dans la tétrode à fais­ceau dirigé, la grille d’ar­rêt prend la forme de deux plaques convexes aidant tous les élec­trons (y compris ceux de secondes émis­sions) à rester au sein de fais­ceaux paral­lèles, depuis la cathode jusqu’à la plaque.

Tétrode à faisceau dirigé

Les fais­ceaux dans une tétrode

Il existe de nombreux autres modèles de tube (hexode, hepto­de…) ainsi que des mélanges (une triode et une pentode dans un même tube). Toute­fois, en ampli­fi­ca­tion de guitare, les modèles que j’ai présen­tés restent, de loin, les plus courants.

Tubes neufs ou vintages, que choi­sir aujour­d’hui ?

Comme on le voit égale­ment, le déve­lop­pe­ment des milliers de modèles de tubes qui exis­tèrent entre les années 1930 et 1960, fut orga­nisé par des socié­tés qui se concur­rençaient rude­ment, et tentaient de réali­ser les meilleurs tubes pour décro­cher des contrats avec des société de radio­pho­nie, de télé­vi­sion, ou avec l’ar­mée. Le tube était partout, d’où un produc­tion alors plétho­riques, et des contrôles quali­tés dras­tiques. Sans oublier que, dans ce portrait rapide, j’ai laissé de côté l’URSS, et ses produc­tions natio­nales de tubes, en parti­cu­lier pour l’ar­mée.

Aujour­d’hui, les tubes que nous utili­sons sont produits dans deux usines. En 2019, il y en avait trois, mais l’usine de Shuguang Elec­tric Company a fermé suite à un incen­die, et sa relo­ca­li­sa­tion prévue n’a toujours pas eu lieu, la pandé­mie et des problèmes finan­ciers étant passés par là. Il reste donc l’usine de JJ Elec­tro­nics, à Čadca en Slovaquie, et l’usine Reflek­tor Corpo­ra­tion, à Sara­tov, en Russie, propriété de Mike Matthews, patron d’Elec­tro Harmo­nix (à ce jour, cette usine peut à nouveau impor­ter ses produits en France, mais à un prix en hausse).

Alors que choi­sir ? Les tubes anciens, si possible NOS (new old stock) ou NIB (new in box) ? Ou les produc­tions actuelles ?

Dans cet article, je ne serais pas en mesure de dicter un goût car, comme on le sait, ils ne se discutent pas. Je vous propose toute­fois une liste de points à prendre en compte pour choi­sir

L’in­té­rêt du tube actuel est qu’il est neuf à l’achat, et qu’il est proba­ble­ment sous garan­tie (au moins du SAV du vendeur). Le contrôle qualité actuel est correct, dans mon expé­rience, mais les tubes ont des durées de vie assez limi­tées (en parti­cu­lier les tubes de puis­sance qui, dans un ampli utilisé quoti­dien­ne­ment, néces­sitent le rempla­ce­ment tous les deux ans, en moyenne). C’est une esti­ma­tion moyenne de ma part, basée sur mon expé­rience de tech­ni­cien et back­li­ner : rien ne vous empêche d’avoir vécu une situa­tion tota­le­ment diffé­rente (et tant mieux si c’est le cas). Les prix de ces tubes sont variables selon la gamme, mais restent dans une mesure raison­nable pour la plupart d’entre eux, avec pour un même modèle de tube des prix rela­ti­ve­ment simi­laires d’un construc­teur à l’autre.

L’in­té­rêt du tube ancien, c’est la dura­bi­lité : on voit des tubes des années 1930, 40, 50 ou 60 qui fonc­tionnent toujours parfai­te­ment, sans même prove­nir de stocks inuti­li­sés. Les amplis de guitare, avec leur biasing (on en parle dans le prochain article) plutôt costauds, on tendance à user plus vite les tubes, mais en HiFi, je vois régu­liè­re­ment des appa­reils tour­ner avec leurs tubes d’ori­gine, sans aucun problème. Le souci du tube ancien, c’est l’ab­sence totale de garan­tie sur les heures d’uti­li­sa­tion, et l’état de fonc­tion­ne­ment. Le mieux, dans ce cas là, est d’avoir un testeur de tube sous la main, mais c’est un inves­tis­se­ment impor­tant (Entre 200 et 1000 euros pour un testeur Metrix vintage, quand à un traceur de courbe Tektro­nix 576… Je ne sais pas, je n’en ai jamais vu en vente !). L’op­tion d’un traceur numé­rique est possible, mais il s’agit souvent de kits à assem­bler, qui demande un mini­mum de connais­sance en élec­tro­nique. Pour ce qui est du prix des tubes anciens, cela va de moins cher que le neuf (moins de 10 euros pour certains tubes peu usités) à des prix astro­no­miques pour une EL34 Mullard ou une ECC83 Tele­fun­ken.

NIB ECC83

Le Saint Graal ! 228 dollars tout de même…

Pour résu­mer, le marché du tube ancien est beau­coup plus varié et complexe à navi­guer que celui du tube neuf, mais le jeu peut en valoir la chan­delle pour des tubes de grande qualité, et pour celui qui n’a pas peur de l’in­ves­tis­se­ment (de temps et d’ar­gent). Pour les autres, les tubes actuels sont nette­ment plus recom­man­dés, et offri­ront des perfor­mances adéquates.


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