Une flûte à électrons, une interface à vent ou un contrôleur à boussole ? L'ensemble Sylphyo/Link est un peu tout cela, et vice versa...
Depuis quelques temps (et peut-être certaines petites prises de conscience qui sait) on a vu apparaître sur le marché des instruments électroniques et des contrôleurs MIDI de nouveaux outils qui mêlent à la fois la recherche de nouvelles expériences musicales et la volonté de valoriser la production industrielle hexagonale.
Après le Joué que nous avions testé l’année dernière, c’est au tour du Sylphyo 2e du nom de la petite équipe d’Aodyo de passer entre nos mains et sous notre scrutation. Celui-ci, vendu au prix de 650 € en moyenne se veut à la fois un instrument autonome et un contrôleur MIDI, et présente notamment la particularité d’être le premier instrument à vent électronique à disposer d’une véritable colonne d’air. Il est accompagné du module Link vendu séparément au prix de 249 € environ dont nous allons étudier la raison d’être et l’utilité en détail dans cet article.
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Exploration externe
Le Sylphyo ainsi que le Link sont livrés chacun avec un chargeur USB type smartphone accompagné d’un câble USB A – USB mini B, ainsi qu’un petit dépliant cartonné présentant respectivement les principales fonctions de chaque appareil. Les informations contenues sont étonnamment nombreuses pour ce type de document et l’on ne s’en plaindra pas. Un mode d’emploi complet est téléchargeable en PDF.
Le Sylphyo mesure 43 cm de haut avec un pavillon de 7 cm de diamètre et un poids de 712 g. Il est intégralement en plastique et dispose pour le jeu de huit touches en façade et cinq sur la face arrière pour le changement d’octaves. Le logo Aodyo sert de bouton d’accès aux paramètres qui sont lisibles dur le petit écran à l’arrière. À la base de l’instrument on trouve la connectique qui se compose d’une prise USB mini B femelle, d’une prise mini-jack pour un casque et d’un bouton de mise sous tension.
Le Link quant à lui mesure 14 cm de large, 7,7 cm de profondeur et 4,5 cm de haut pour un poids de 250 g. Il dispose en face avant d’un bouton d’allumage, de deux boutons fléchés et d’une LED. La face arrière regroupe toute la connectique d’ailleurs plutôt riche : une entrée ligne, une sortie casque, deux sorties prévues pour une sono, le tout au format jack 6,35 mm, une paire de prises MIDI DIN pour l’entrée et la sortie de signal du même nom, une prise USB Host pour connecter un clavier maître MIDI-USB et une prise USB Power Supply pour alimenter l’appareil ainsi que pour assurer sa connexion avec un ordinateur, une tablette ou un smartphone.
Le Sylphyo comme instrument indépendant
Le Sylphyo premier du nom n’était qu’un « simple » contrôleur MIDI à vent intégrant toutefois d’astucieuses particularités sur lesquelles nous allons revenir incessamment, et le Sylphyo actuel se voit en plus équipé d’un moteur de synthèse sonore numérique sur lequel nous n’avons malheureusement pas de détail mais qui nous permet de bénéficier dorénavant d’un instrument à part entière. N’étant pas moi-même un « soufflant » exceptionnel, je préfère vous diriger vers une vidéo officielle de la marque pour vous faire une idée des sonorités disponibles :
L’instrument dispose en tout de 18 sons à l’heure où nous publions ces lignes, mais l’équipe de développement propose très régulièrement de nouveaux presets et des mises à jour du firmware, le tout de manière entièrement gratuite. On notera que le suivi du produit semble être sérieux. Mais nous nous égarons.
Le Sylphyo est un instrument à part entière, et il s’agit de dissiper rapidement ce qui pourrait s’avérer une ambiguité : il n’est pas fait pour remplacer un quelconque instrument à vent acoustique ou permettre l’exercice « silencieux » d’un tel instrument ! Ce n’est pas son but, et de toutes façons les spécialistes des instruments à vent auront remarqué à la simple vue des photos à quel point le Sylphyo peut être différent de leurs instruments respectifs. Toutefois, la disposition générale des touches rappelle celle que l’on peut trouver sur une flûte à bec. Les habitués d’autres instruments à vent pourront paramétrer lesdites touches pour reprendre l’accordage et se rapprocher le plus possible des doigtés de la clarinette, la flûte traversière (standard et alto), du saxophone (ténor et alto), du hautbois, de la trompette, du hulusi, de la cornemuse, de la clarinette orientale, et du whistle. On dispose également de 36 modes harmoniques. Les touches spécifiquement attribuées à l’auriculaire gauche et à l’auriculaire droit servent respectivement de dièse et de bémol universels.
Les touches tombent très naturellement sous les doigts. On s’habitue à naviguer entre les 5 octaves immédiatement accessibles selon l’accordage choisi grâce aux touches d’octave situées à l’arrière du corps de l’instrument. Le touch strip au-dessous est à mon sens d’une utilisation un peu plus complexe. Sa surface est en effet divisée en trois espaces redimensionnables et qui seront par défaut affectés respectivement au pitch bend, à la modulation MIDI et à la manipulation d’un effet différent selon les presets. Cela demande un peu d’entraînement pour être totalement maîtrisé. Tout comme la fonction Key-Bend, actuellement encore en version beta, et qui permet de bénéficier du pitchbend indépendant pour chacune des touches. Toutefois, même un « soufflant » débutant comme moi se surprend très vite à produire des petites mélodies et s’essayer à différentes expérimentations sonores avec le Sylphyo. L’instrument réagit très bien au jeu, et ce en bonne partie grâce aux astucieuses particularités que j’évoquais plus haut et dont il me faut absolument vous parler maintenant.
Les secrets du Sylphyo
Le Sylphyo est en effet équipé d’un gyroscope et d’une boussole qui accroissent significativement les capacités expressives de l’instrument en le rendant sensible aux mouvements de tangage, de roulis, de secousses verticales ainsi qu’à son orientation dans l’espace ! Ces différents mouvements peuvent être préalablement paramétrés, notamment en ce qui concerne le numéro de message MIDI.
Ouvrir un filtre en dirigeant le pavillon du Sylphyo du sol vers l’horizon ou faire grincer une distorsion en pivotant l’instrument sur la gauche ou la droite s’avère alors d’une simplicité et d’une évidence rarement atteintes avec un contrôleur. En effectuant des mouvements de va-et-vient dans l’axe vers la bouche (rien de cochon là-dedans, je vous le garantis !), on obtient par défaut un effet de vibrato. Nous ne sommes toutefois pas encore au bout de nos surprises. Vous pensiez que le Sylphyo n’était qu’un instrument à vent animé par le souffle de son utilisateur ? Que nenni ! En effet le mode « mouvement », que l’on active en appliquant à l’instrument quelques secousses dans le vide, permet de déclencher la génération sonore sans souffler dans le Sylphyo mais en l’orientant dans l’espace tout en jouant aux doigts les notes que l’on souhaite.
Le signal audio produit par le Sylphyo sort par la prise casque dont l’instrument est équipé. Pour diffuser ce son dans l’espace, on pourrait bien entendu relier cette sortie casque à une sono via un câble, mais cela serait tout de même bien contraignant en termes de liberté de mouvement, concept si crucial dans la philosophie même du produit. C’est à ce moment-là qu’intervient le Link, vendu séparément. Celui-ci assure une connexion sans fil avec le Sylphyo et peut donc grâce à sa connectique audio faire office d’interface avec la sono mentionnée à l’instant. Or le Sylphyo ne transmet pas d’informations audio via sa connexion sans fil. Comment alors le son est-il alors véhiculé vers la sono ? Tout simplement grâce au fait que le Link est équipé du même moteur audio que le Sylphyo et qu’il fait alors office d’expandeur. Les entrées audio permettent de mixer n’importe quelle source externe au signal généré par le synthé interne du Link. Mais intéressons-nous à présent à la connectique MIDI du Link et aux riches relations que le duo Sylphyo/Link entretient avec cette norme.
Le Sylphyo, le Link et le MIDI
Le Sylphyo a conservé de ses origines son ADN de contrôleur MIDI et peut d’ailleurs tout simplement être connecté à un ordinateur pour piloter des plug-ins via son câble USB d’alimentation. Il peut également l’être à un iPhone ou un iPad via le kit de connexion Apple, avec l’obligation toutefois de relier l’ensemble au secteur ou de recourir à une batterie externe. Mais nous nous retrouvons alors dans le même cas de figure qu’avec les connexions audio : notre liberté de mouvement s’en trouve fortement entravée.
Ici aussi l’usage du Link fera des miracles, et ce à plusieurs niveaux. Il affranchira tout d’abord le Sylphyo des connexions filaires à nos ordinateur, smartphone et tablette, ce qui nous permettra par exemple de déambuler librement dans notre studio tout en pilotant les instruments virtuels stockés sur le disque dur de notre grosse tour bien peu movible. J’avoue à ce sujet avoir eu beaucoup de plaisir à jouer par l’intermédiaire du Sylphyo la simple petite flûte VSL incluse dans le pack de base de Kontakt et qui réagit particulièrement bien à ce type de contrôleurs. Mais l’utilité du Link ne s’arrête pas là. Grâce à la prise MIDI OUT du module, le Sylphyo pourra piloter un synthé matériel. Si ce dernier est compatible MIDI-USB, on pourra également le relier directement à la prise USB Host. Cette dernière permettra également de piloter les sons internes du Link via un clavier maître USB. Un clavier maître plus ancien se branchera tout naturellement sur la prise MIDI IN. Enfin cette dernière, en conjonction avec la prise MIDI OUT et la prise USB Power Supply, assure au Link une fonctionnalité d’interface MIDI-USB complète, toujours utile en environnement de studio.
Le paramétrage
Toutes les fonctionnalités de jeu que nous avons citées plus haut peuvent évidemment être gérés en accédant aux menus de paramétrage de l’instrument.
Le paramétrage du Sylphyo s’avère simple et pourtant assez profond. On atteint en effet très facilement les options disponibles par un simple effleurement sur le logo Aodyo de la face avant de l’appareil. En maintenant son doigt sur ledit logo on peut aisément accéder aux réglages rapides d’accordage, de choix de sonorité et de canal MIDI. Un glissement de doigt sur le slider de la face arrière nous ouvre les portes des réglages plus avancés. La navigation, la sélection de paramètres et la modification de valeurs à l’intérieur des menus se font par l’emploi exclusif des touches d’octave. Celles-ci étant extrêmement sensibles, l’opération nécessite un petit peu d’entraînement, mais après quelques tentatives pouvant venir titiller notre patience, on s’habitue à l’ergonomie de cette section et le paramétrage du Sylphyo devient un jeu d’enfant. Cette aisance est favorisée par la très bonne lisibilité de l’écran : non seulement le rétro-éclairage est suffisamment puissant et peut être inversé, mais la résolution de l’écran lui permet malgré sa petite taille d’afficher souvent les paramètres en toutes lettres, rendant évidente leur identification.
Les paramètres accessibles et modifiables sont assez nombreux. Tout d’abord, on peut bien entendu régler le volume du signal et celui de la réverbe interne. Mais c’est surtout le paramétrage des messages MIDI qui a mobilisé toute l’attention des développeurs du Sylphyo, ce qui est cohérent au vu des capacités de contrôle que nous avons évoquées dans le paragraphe précédent. Les numéros de messages MIDI par défaut envoyés par les différents capteurs peuvent naturellement être modifiés. En revanche, il s’agira quasiment toujours exclusivement de messages de Control Change, à l’exception du paramètre de souffle auquel on pourra affecter l’envoi de messages d’aftertouch si on le souhaite. Ce paramètre dispose également de la particularité de pouvoir envoyer trois messages MIDI, soit simultanément soit à la suite. On peut également régler la manière dont sera géré le débit de notre souffle, débit qui générera un flot plus ou moins important de données à traiter. Et si les générateurs internes du Sylphyo et du Link sont parfaitement aptes à gérer de fortes quantités de données, ce n’est pas forcément le cas de tous les VST qui vous seront reconnaissants d’avoir éventuellement diminué leur charge de travail. Dans un même souci de s’adapter aux capacités du module piloté, le Sylphyo offre la possibilité de remplacer le contrôle d’expression affecté par défaut aux capteurs de souffle par celui de la vélocité. La réponse de cette dernière en fonction du souffle émis peut également être paramétrée. Enfin, on peut définir les quantités minimales et maximales de souffle nécessaires pour émettre un son ainsi que la courbe de réponse du son en fonction du souffle, ou bien encore lisser les données générées par ce dernier.
En-dehors du souffle, le deuxième pilier de l’utilisation du Sylphyo est bien sûr les touches de l’instrument. Au-delà des configurations d’accordage et d’affectations de clés selon les doigtés que l’on souhaite employer, les options proposées vous permettront notamment de définir la réactivité des touches, d’inverser les octaves et la direction des demi-tons envoyés par les touches d’auriculaires (bémol au lieu de dièse et vice versa), de définir la gestion de répétition de note, et d’activer les fonctions de key-bend et même le bruit des touches. Enfin nous avons le troisième pilier de le l’expressivité du Sylphyo, j’ai nommé les contrôleurs liés au mouvement, que ce soit le tangage, le roulis ou la boussole, ainsi que l’activation du jeu « sans souffle » ou du vibrato.
Mais les différents menus de paramétrage de l’instrument, s’ils s’avèrent relativement complets et simples, ne cachent pas le défaut majeur de l’instrument … ni quelques autres.
Les points négatifs
Car si je disais précédemment que nous ne savions pas beaucoup de choses sur le moteur sonore du Sylphyo, c’est que nous n’y avons tout bonnement pas du tout accès en tant que simple utilisateur. Il n’existe en effet aucune possibilité d’éditer de quelque manière que ce soit les sons du Sylphyo ni du Link. À titre personnel j’aurais notamment souhaité pouvoir régler l’attaque de certains sons pour l’allonger un poil : certains sons présentent en effet des enchaînements un peu brutaux entre les notes, rappelant davantage le jeu au clavier que celui animé par le souffle de l’instrumentiste. Cette impossibilité d’éditer les sonorités existantes ou d’en créer de nouvelles est au moins aussi regrettable que l’autre principal défaut du moteur audio, qui est qu’on ne peut pas le désactiver, par exemple pour piloter par le Sylphyo exclusivement un synthé externe dont le signal audio entrerait dans le Line-in du Link. On ne peut baisser que le volume général de sortie du Link, donc incluant celui du Line-in. Ceci entame fortement l’intérêt d’avoir équipé le module d’une entrée ligne. On est toutefois en droit de penser que l’équipe Aodyo réfléchit à ces questions, l’entreprise ayant déjà démontré par le passé sa volonté de faire progresser son produit malgré sa petite taille.
Enfin, j’assume le côté extrêmement subjectif du dernier point que je souhaitais souligner, et qui est d’ordre purement esthétique. Le Sylphyo est conçu dans un plastique léger qui, il faut bien le dire, ne semble pas refléter totalement le prix de l’appareil. Surtout qu’il se veut être un instrument à part entière, il entre donc en comparaison avec des instruments acoustiques qui, même dans cette gamme de prix certes basse pour de l’acoustique, ont tout de même autrement plus de gueule ! Dans le cas du Sylphyo on a visuellement un peu l’impression d’avoir affaire à un prototype — qui fonctionne très bien mais un prototype quand même. Certains pourront en conséquence trouver le prix élevé, mais c’est malheureusement toujours la contrepartie d’une conception et d’une fabrication intégralement françaises.
Conclusion
Le Sylphyo est un instrument d’autant plus agréable à utiliser en standalone comme en contrôleur MIDI qu’il offre des sensations passablement nouvelles dans le domaine de la musique électronique, l’offre des instruments et contrôleurs à vent étant extrêmement limitée. Mais le plaisir à utiliser le Sylphyo est tel et ne provient pas uniquement du fait qu’il n’ait que peu de concurrence. Le plaisir du jeu naît en effet principalement des caractéristiques propres de l’instrument, notamment la prise en compte des mouvements de l’instrumentiste qui rend naturelle et simple la moindre opération de modulation. Cette liberté de mouvement est bien sûr exacerbée par l’emploi du module Link autorisant la connexion sans fil ainsi qu’une bonne polyvalence dans les connexions filaires audio et surtout MIDI. On regrettera toutefois de ne pouvoir ni accéder au moteur de synthèse des sonorités internes du Sylphyo et du Link pour les modifier ou créer ses propres presets, ni couper ledit générateur. Mais tout espoir n’est pas perdu, Aodyo ayant par le passé déjà montré sa volonté de faire progresser son produit.