Grand spécialiste des enregistreurs portables et des effets guitare, Zoom avait bien proposé par le passé quelques boîtes à rythmes et un sampleur, mais ne s’était jamais fendu d’un concept aussi barré que cet ARQ dont nous allons tenter de faire le tour.
Et le tour se fera pour le coup en vidéo, l’instrument de Zoom étant extrêmement visuel :
En vis-à-vis de cette émission, on reviendra toutefois sur les points essentiels de cet instrument à nul autre pareil.
Le Zoom ARQ réunit pas moins de cinq fonctions : séquenceur, sampleur, looper, synthétiseur et contrôleur MIDI, pour un tarif oscillant entre 529 et 599 € selon les revendeurs. Le tout est piloté en partie par un anneau proposant trois fois 32 pads lumineux et équipé d’un accéléromètre. De quoi bien « pimper » votre prochaine prestation DJ ou performance électro. Ou pas.
Plus d’une corde à son arc
Le Zoom ARQ, c’est en fait deux appareils en un. Nous avons tout d’abord la base, qui abrite le cœur du dispositif : toute la partie logicielle, le moteur sonore, les effets, le stockage des sons, des enregistrements et des séquences. Sur cette base vient se connecter un anneau détachable composé de 32 segments de 5 pads chacun (3 jouables et deux dédiés au suivi visuel des séquences), ainsi que de boutons de commande de lecture, effets, etc., et un lecteur de carte SD pour le backup et l’échange de fichiers Wav avec d’autres appareils.
C’est cet anneau qui va servir d’interface, soit pour piloter la base, soit comme contrôleur MIDI pour d’autres appareils dans des conditions… pour le moment bien particulières, comme nous allons le voir. Soulignons que les pads en question sont sensibles aussi bien à la vélocité qu’à l’aftertouch monophonique, avec des sensibilités paramétrables. Ils sont également éclairés grâce à des LEDS RGB dont on peut définir manuellement les couleurs. L’ARQ nous donne d’ailleurs la possibilité d’utiliser des presets pour bénéficier d’animations visuelles lors de leur déclenchement.
Musique en kit
Le principe de fonctionnement de l’appareil repose sur un ensemble de kits de sons pré-établis et qui couvrent principalement les styles qui font bouger les fesses aujourd’hui, de la techno au reggaeton en passant par la house et le hip-hop. Soulignons que pour l’instant, il n’est pas possible de modifier ces kits avec ses propres sons enregistrés. En revanche, on peut utiliser les capacités de synthèse et de sound design de l’appareil pour créer ses propres sonorités « from scratch » et se fabriquer ainsi ses propres kits.
Les kits permettent de construire des patterns, soit par enregistrement en temps réel, soit via un step-séquenceur, patterns qui peuvent ensuite être agencés en « songs ». On peut enregistrer également ses propres sons au format Wav pour les utiliser au sein d’un looper avec les patterns et les songs… mais cela se fait toutefois avec de grosses limitations.
Concernant la manipulation des kits, on regrettera de ne pouvoir copier un son d’un pad à l’autre par une manipulation simple, ce qui implique donc la nécessité de reprogrammer intégralement le pad de destination selon les paramètres du pad d’origine. Mais puisque nous parlons des pads, penchons-nous sur ce qui représente sans doute l’intérêt principal de cet appareil, j’ai nommé l’anneau !
Un anneau pour contrôler tout
C’est ce qui fait à mon sens tout le sel de l’ARQ. Sa prise en main est très agréable et son utilisation s’avère extrêmement ludique, tant que l’on ne souhaite pas switcher entre le contrôle de la base et le contrôle MIDI via un ordinateur comme nous le verrons plus bas. Soulignons également que la vélocité et l’aftertouch répondent plutôt bien une fois qu’on a paramétré leur sensibilité comme on le souhaite.
Si l’on peut affecter très simplement une suite de pads à un même son tant que l’on contrôle la base, cela s’avère plus complexe concernant le contrôle MIDI. À l’inverse, l’affectation de paramètres à l’utilisation de l’accéléromètre s’avère plus limitée au niveau de la base que via le contrôle MIDI, où pour le coup toutes les affectations sont possibles.
Et comme je le disais précédemment, l’aspect visuel avec ses multiples couleurs et animations possibles ne manquera pas d’apporter une véritable plus-value à toute prestation scénique.
En terre synth
L’ARQ propose un moteur de synthèse assez puissant basé sur 468 formes d’ondes au format PCM. Ces formes d’ondes pourront être soumises à un filtre, deux LFOs, deux enveloppes, des effets d’insert, une modulation de gain et de panoramique. On pourra également envoyer les sons en question vers les effets de retour.
On notera que si chaque segment de trois pads utilisables de l’anneau ne peut recevoir véritablement qu’un seul son pour les trois, chaque de ces trois pads pourra bénéficier de certains réglages différenciés, par exemple au niveau du panoramique. Attention toutefois, ces derniers paramètres ne sont pour l’instant pas pris en compte lors de la programmation via le step-séquenceur !
Cette limite n’est toutefois pas la plus regrettable, deux points noirs ayant retenu notre attention à ce stade : premièrement, le nombre maximum d’effets d’insert affectables par kit (oui je dis bien par kit complet !) est de… 4 ! Et c’est extrêmement peu. Et deuxièmement, on pourrait imaginer plus pratique pour l’édition des sons qu’un minuscule écran LCD et quelques boutons rotatifs. Un éditeur externe déporté sur l’ordinateur, par exemple…
À cela viennent s’ajouter, pour l’ensemble du kit, un filtre, un delay et une réverbe qui seront utilisés tous les deux en tant qu’effets de retour, et un « master FX » général que l’on choisira parmi une liste (chorus, disto, compresseur, etc.).
On pourra gérer le volume de chaque pad individuellement à condition d’aller fouiller dans les paramètres tandis que pour le mixage général, chaque son pourra être affecté à l’un des trois grands sous-groupes disponibles. Or, si cela fonctionne pendant la création de patterns, on perd l’accès à ces sous-groupes lorsqu’on fait jouer une song complète ! Et si vous voulez repasser en mode pattern pour retoucher à vos gains pendant la lecture d’une song, cette dernière s’interrompt ! Pratique en live…
Looper loupé
Une autre manière de produire des sons grâce à l’ARQ se fait via l’enregistrement au format Wav (exclusivement) de signaux externes et leur utilisation conjointe ou non avec les patterns et songs au sein d’un looper. Mais il ne s’agit pas, il faut bien le dire, de la fonction la plus réussie de l’appareil.
Elle présente en effet de multiples limitations. Je ne reviendrai pas dessus, celles-ci étant détaillées dans la vidéo. Sachez simplement que la capture entraîne la coupure de l’éventuelle lecture d’une séquence. Précisons également qu’à part une fonction sommaire de définition des points de bouclage, aucun traitement de votre enregistrement n’est possible a posteriori.
Du coup, ces limitations affectent directement le looper, et ceux qui souhaitaient l’utiliser à la manière d’une Boss RC-505 par exemple en seront pour leurs frais. Impossible de looper en live. Quant aux patterns et aux songs, ils ne peuvent être intégrés qu’en les recapturant en temps réel, ce qui s’avère totalement absurde. Cela reste malgré tout un moyen de récupérer ses créations au format Wav sur la carte SD pour les exploiter dans un autre contexte…
MIDI restrictif
La gestion MIDI n’est pour l’instant pas aboutie à mon sens. Tout d’abord, nous avons bien une connexion via USB, mais celle-ci n’est pour l’instant utilisable que pour piloter l’ARQ via une STAN, et pas inversement. Le pilotage d’un logiciel via le Ring Controller ne peut en effet se faire qu’en basculant sa connexion Bluetooth de la base vers un ordinateur, une tablette ou un smartphone… exclusivement de marque Apple qui plus est !
Qui dit basculement de connexion Bluetooth dit aussi manipulation supplémentaire à effectuer sur le nouvel appareil de destination, qui devra également détecter le Ring Controller. Bref, beaucoup de manipulations et de perte de temps inimaginables en live, sans compter que la déconnexion Bluetooth d’avec la base, si elle est théoriquement possible simplement en retirant l’anneau, ne s’avère réellement efficace qu’en éteignant ladite base. Si vous aviez une séquence qui tournait à ce moment-là, tant pis pour vous.
Pourquoi vouloir basculer la connexion Bluetooth, alors qu’il aurait été tellement plus simple a priori de conserver celle-ci avec la base une fois pour toutes et de définir sur cette dernière la destination des messages reçus de la part de l’anneau (vers l’ARQ ou vers l’ordinateur connecté à l’USB) ? Mystère.
Précisons pour finir que le mode MIDI permet d’utiliser plusieurs layouts pour les pads (note, drums, faders, etc.) dont un destiné exclusivement à l’utilisation avec Ableton Live. Toutefois, ce layout n’est pour l’instant pas accompagné d’un véritable script, mais juste d’un projet Ableton téléchargeable avec des affectations MIDI sommaires.
Conclusion
L’ARQ est un appareil extrêmement ambitieux. Mais pour l’heure, on sent qu’il lui manque les moyens d’atteindre pleinement ses objectifs. On appréciera le Ring Controller, les capacités de synthèse sonore de l’appareil, le step-séquencer simple et efficace, mais on regrettera les multiples défauts d’ergonomie, et surtout la gestion calamiteuse de la capture audio et du MIDI, sans compter les multiples fois où la lecture du son se trouve interrompue.
Toutefois, les défauts que nous pointons sont tous d’ordre informatique, et si l’on en croit l’importateur de l’ARQ, tout porte à croire que Zoom effectuera des mises à jour ultérieures. On le souhaite vivement car d’une part, l’anneau s’avère très fun à utiliser sur scène et de l’autre, il serait dommage de saborder un projet qui fait preuve, reconnaissons-le, d’un certain courage industriel.