L'Orgue à tuyaux et l'Organiste
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Anonyme
27133
Sujet de la discussion Posté le 29/11/2011 à 12:19:50L'Orgue à tuyaux et l'Organiste
Citation :
http://laurent.tarrisse.perso.sfr.fr/test_gif/organiste.gif Voici le topic dédié au roi des instruments http://laurent.tarrisse.perso.sfr.fr/test_gif/organiste.gif
ci-dessus: l'orgue de Dole (Jura)
Venez à la découverte de cet instrument secret et si particulier... un instrument très différent des autres, tant par son histoire et sa littérature, que par le rapport inhabituel qu'entretient son musicien avec lui, et puis sa situation si singulière, au cœur d'un bâtiment (c'est vrai surtout en France) très... connoté.
C'est ici le topic réservé à tous ceux qui veulent découvrir cet instrument.
Je vais tenter de vous ouvrir à lui. Vous dévoiler ses mille secrets. Faire voler en éclats les a-priori et les préjugés qui lui collent aux tuyaux : non, l'orgue n'est pas qu'un pousseur d'alléluias! Oui, on joue autre chose que des messes dessus! Et oui, c'est l'instrument le plus difficile au monde...
On n'est pas ici entre élitistes de l'instrument, entre vieux barbons.
Ce lieu est ouvert à tous.
Puissé-je vous intéresser au monde fabuleux qui se cache derrière ces austères rangées de hauts tuyaux (cela, qu'on appelle véritablement "les orgues" au féminin pluriel) et ce monumental buffet en bois massif, qui trône au-dessus de l'entrée, en hauteur, dominant la nef comme la passerelle de commandement domine le pont du navire...
Tè, bé, venez avec moi! Empruntez à ma suite le petit escalier dérobé au fond de l'église, en colimaçon, et montons à la tribune, cette petite place réservée au commandant de bord... Pour ouvrir le débat de manière surprenante et ma foi, plutôt agréable, je laisse la place à une commandante: miss Carol Williams, dans un morceau classique très, très connu: le Vol du Bourdon de Rimski-Korsakov.
L'occasion, peut-être, pour certains d'entre vous, de voir pour la première fois un organiste en action à sa tribune. L'occasion, probablement, d'en prendre également plein la gueule: admirez le jeu de jambes de madame et songez à la diabolique précision de ses pieds... nous reparlerons de tout ça, juste après.
(PS) Je sais: sa petite oeillade assassine à 00:08 a fait trembler tous les matous du forum. http://laurent.tarrisse.perso.sfr.fr/test_gif/loving.gif
Avez-vous aimé ce premier argument en faveur de mon instrument chéri ?
MaiMai
1772
AFicionado·a
Membre depuis 14 ans
811 Posté le 09/10/2018 à 09:39:52
Interprète et instrument magnifiques, merci...
moi, j'ai pas d'blé mais j'ai du son...
Anonyme
27133
812 Posté le 09/10/2018 à 13:50:26
ouais Gert est une des prochaines bombes de l'orgue, il a de façon certaine un avenir dans le quinté de tête de l'élite, aux côtés d'une autre grosse pointure, l'américain Cameron Carpenter. Il partage avec lui, d'ailleurs, cette volonté d'ouvrir l'instrument et de sortir franchement du strict répertoire d'orgue.
Il poste des vidéos de lui à l'orgue depuis qu'il a une dizaine d'années. Voici le même gars, le même morceau, certes pas le même orgue, et probablement pas le même siècle non plus (quoique...)
(ps) le putain de final de cette putain de fugue est un orgasme absolu. Mettez le son à 11, et reprenez la vidéo de Migo à 9:00...
Il poste des vidéos de lui à l'orgue depuis qu'il a une dizaine d'années. Voici le même gars, le même morceau, certes pas le même orgue, et probablement pas le même siècle non plus (quoique...)
(ps) le putain de final de cette putain de fugue est un orgasme absolu. Mettez le son à 11, et reprenez la vidéo de Migo à 9:00...
[ Dernière édition du message le 09/10/2018 à 13:58:58 ]
El Migo
24005
Vie après AF ?
Membre depuis 16 ans
813 Posté le 09/10/2018 à 13:59:53
Je trouve assez fascinant sa façon de jouer, on a l'impression que sous doigts l'orgue devient sensible à la vélocité.
Et j'aime beaucoup sa façon de lâcher son instrument et de se reculer comme pour laisser la musique vivre seule pendant les transitions. C'est peut-être un peu pompeux, mais on dirait qu'il a une relation organique avec la bête
Et j'aime beaucoup sa façon de lâcher son instrument et de se reculer comme pour laisser la musique vivre seule pendant les transitions. C'est peut-être un peu pompeux, mais on dirait qu'il a une relation organique avec la bête
Anonyme
27133
814 Posté le 09/10/2018 à 14:08:08
Oui je pense sincèrement que l'orgue offre plus que tous les autres instruments...
Il y a un côté mystique dans le fait de devoir entrer dans ce bâtiment.
Il y a un côté dépendant, dans cette obligation d'aller à l'orgue et de ne pas pouvoir en disposer chez soi.
Et puis il y a cette puissance brute, phénoménale, organique... le seul que je vois capable d'arriver second, sans rougir ni baisser la tête, c'est le guitariste et son mur de triple corps Marshall. Je ne vois que ce genre d'installation qui puisse apporter la puissance de la vibration que fournit l'orgue. Car tout vibre au son de l'orgue, et tout vibre avec lui: les murs, le volume de la cathédrale (ou de la simple église), la pierre, les voûtes... un orgue est intimement mêlé au lieu qu'il habite. Prenez l'un des meilleurs (si ce n'est LE meilleur) orgue de France: celui de Dôle dans le Jura, démontez-le, transportez-le dans le hangar à Toulouse qui sert à fabriquer l'A380, remontez-le au milliardième de millimètre prés... et vous aurez une grosse bouse. L'orgue de Dole ne sonne bien qu'à l'endroit où il a été construit: à Dôle même.
Il y a un côté mystique dans le fait de devoir entrer dans ce bâtiment.
Il y a un côté dépendant, dans cette obligation d'aller à l'orgue et de ne pas pouvoir en disposer chez soi.
Et puis il y a cette puissance brute, phénoménale, organique... le seul que je vois capable d'arriver second, sans rougir ni baisser la tête, c'est le guitariste et son mur de triple corps Marshall. Je ne vois que ce genre d'installation qui puisse apporter la puissance de la vibration que fournit l'orgue. Car tout vibre au son de l'orgue, et tout vibre avec lui: les murs, le volume de la cathédrale (ou de la simple église), la pierre, les voûtes... un orgue est intimement mêlé au lieu qu'il habite. Prenez l'un des meilleurs (si ce n'est LE meilleur) orgue de France: celui de Dôle dans le Jura, démontez-le, transportez-le dans le hangar à Toulouse qui sert à fabriquer l'A380, remontez-le au milliardième de millimètre prés... et vous aurez une grosse bouse. L'orgue de Dole ne sonne bien qu'à l'endroit où il a été construit: à Dôle même.
Anonyme
27133
815 Posté le 09/10/2018 à 14:11:00
Citation :
C'est aussi une obligation.... on n'est pas maître de la résonance de l'église. Il faut composer avec elle, et la laisser s'exprimer avant de passer à la suite. Sinon elle brouille l'écoute.Et j'aime beaucoup sa façon de lâcher son instrument et de se reculer comme pour laisser la musique vivre seule pendant les transitions.
Jimbass
11603
Drogué·e à l’AFéine
Membre depuis 18 ans
816 Posté le 09/10/2018 à 14:23:07
Citation de El :
une relation organique
Citation de daRinze :
Sinon elle brouille l'écoute.
Même quand on a une panne de micro ?
En tout cas c'est ce qu'il y a de plus compliqué avec un orgue : changer le preset de réverb.
Musikmesser 2013 - Bullshit Gourous - Tocxic Instruments - festivals Foud'Rock, Metal Sphère et la Tour met les Watts
MaiMai
1772
AFicionado·a
Membre depuis 14 ans
817 Posté le 09/10/2018 à 14:24:02
...ça brouille l'écoute et on sent les pains...!
moi, j'ai pas d'blé mais j'ai du son...
sonicsnap
86142
AF, je suis ton père
Membre depuis 18 ans
818 Posté le 09/10/2018 à 15:37:30
Citation de daRinze :
(ps) le putain de final de cette putain de fugue est un orgasme absolu.
Je suis d'accord! Cette Toccata et Fugue en ré mineur n'est-elle pas le plus grand chef d'œuvre jamais écrit pour l'orgue?
Anonyme
27133
819 Posté le 09/10/2018 à 16:04:20
Ah ça c'est chacun ses goûts...
A la BWV 565 (la toccata et fugue en ré mineur qu'on vient d'entendre) je préfère (mais ceci est hautement personnel, bien entendu) l'ébouriffante BWV 540, dite Toccata en FA.
Vous avez j'imagine tous en tête une certaine séquence d'Indiana Jones, je pense tirée du premier film : Indiana Jones est dans une sorte de tranchée, et y a une boule de pierre énorme qui lui cavale au cul. Et lui, il court, il court devant pour lui échapper, et la boule le suit, écrasant tout sur son passage.
La Grande 540 me fait penser à chaque fois à cette boule. C'est-à-dire que c'est un truc énorme, plein, qui déboule, qui remplit tout l'espace sonore, bouche l'horizon, et écrase tout sur son passage. C'est d'une densité folle, d'une technicité démentielle. Le final de la toccata, à 8:40, est apothéotique, je pourrais en parler des heures: lorsqu'on l'étudie, c'est une construction harmonique qui défie les lois, tout autant qu'elle les pousse avec une logique et une rigueur "toute bachienne" dans leurs derniers retranchements.
L'intro est une exposition en arpèges, sur une basse continue très inhabituelle pour l'époque, lesquels arpèges sur les claviers se concluent par un solo de pédale.
On remet ensuite le couvert.
On dirait qu'on joue deux fois la même chose, mais c'est pas deux fois la même chose.
Et puis... on rentre dans le lard pour se vautrer dans l'orgie et la luxure.
Chaque fois que je ressors de ce morceau j'ai envie d'aller faire un sprint de 600 kilomètres, ou bien de déplacer un A380 avec les dents, ou bien d'aller péter la gueule à Chuck Norris.
A la BWV 565 (la toccata et fugue en ré mineur qu'on vient d'entendre) je préfère (mais ceci est hautement personnel, bien entendu) l'ébouriffante BWV 540, dite Toccata en FA.
Vous avez j'imagine tous en tête une certaine séquence d'Indiana Jones, je pense tirée du premier film : Indiana Jones est dans une sorte de tranchée, et y a une boule de pierre énorme qui lui cavale au cul. Et lui, il court, il court devant pour lui échapper, et la boule le suit, écrasant tout sur son passage.
La Grande 540 me fait penser à chaque fois à cette boule. C'est-à-dire que c'est un truc énorme, plein, qui déboule, qui remplit tout l'espace sonore, bouche l'horizon, et écrase tout sur son passage. C'est d'une densité folle, d'une technicité démentielle. Le final de la toccata, à 8:40, est apothéotique, je pourrais en parler des heures: lorsqu'on l'étudie, c'est une construction harmonique qui défie les lois, tout autant qu'elle les pousse avec une logique et une rigueur "toute bachienne" dans leurs derniers retranchements.
L'intro est une exposition en arpèges, sur une basse continue très inhabituelle pour l'époque, lesquels arpèges sur les claviers se concluent par un solo de pédale.
On remet ensuite le couvert.
On dirait qu'on joue deux fois la même chose, mais c'est pas deux fois la même chose.
Et puis... on rentre dans le lard pour se vautrer dans l'orgie et la luxure.
Chaque fois que je ressors de ce morceau j'ai envie d'aller faire un sprint de 600 kilomètres, ou bien de déplacer un A380 avec les dents, ou bien d'aller péter la gueule à Chuck Norris.
[ Dernière édition du message le 09/10/2018 à 16:31:09 ]
Anonyme
27133
820 Posté le 09/10/2018 à 16:19:01
Un autre plat roboratif ? L'impressionnant Allegro de la 6° Symphonie pour Orgue de C-M Widor, le voici interprété par l'un des maîtres français, Monsieur Olivier Latry, titulaire des orgues de ND de Paris.
On s'éloigne de l'esprit Bach.
Charles-Marie Widor est un organiste français de la fin du 17° (donc deuxième moitié des années 1800). Organiste et fils d'organiste : à 11 ans, il remplace régulièrement son père sur le banc. Y a des destins comme ça...
Le baroque cher à Bach n'est plus. On aborde ce qui sera connu plus tard sous le nom de romantisme, en fait vers cette époque, l'école d'orgue voit se développer deux courants majeurs: au nord, l'école allemande, encore toute tournée vers la théorie et l'intériorisation, et au sud, les écoles française et italienne, où on commence à s'écarter des grands principes pour oser des débuts d'extravagance et d'ébourrifation (j'ai pas le mot, là)...
Le final de cet Allegro est tout au moins aussi jouissif que le final de la BWV 565.
On s'éloigne de l'esprit Bach.
Charles-Marie Widor est un organiste français de la fin du 17° (donc deuxième moitié des années 1800). Organiste et fils d'organiste : à 11 ans, il remplace régulièrement son père sur le banc. Y a des destins comme ça...
Le baroque cher à Bach n'est plus. On aborde ce qui sera connu plus tard sous le nom de romantisme, en fait vers cette époque, l'école d'orgue voit se développer deux courants majeurs: au nord, l'école allemande, encore toute tournée vers la théorie et l'intériorisation, et au sud, les écoles française et italienne, où on commence à s'écarter des grands principes pour oser des débuts d'extravagance et d'ébourrifation (j'ai pas le mot, là)...
Le final de cet Allegro est tout au moins aussi jouissif que le final de la BWV 565.
[ Dernière édition du message le 09/10/2018 à 16:20:09 ]
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