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coyote14
« Une workstation-sampler qui fera date! »
Publié le 16/02/14 à 17:57Workstation-sampler(avec un grand « W ») comportant donc un sampler, un séquenceur MIDI et audio 16 pistes chacun, 9 moteurs de synthèse (nous y reviendrons plus tard), ainsi que pléthore d'effets, dont 12 utilisables simultanément en insert.
Ce modèle précisement (Kronos73) propose un toucher 73 touches (et non 76!) lourd utilisant une mécanique RH3 (là aussi, nous y reviendrons). C'est la raison de mon choix pour ce modèle : avoir un toucher lourd sur un clavier le plus léger possible.
La connectique est bonne, sans excès : S/PDIF en entrée et sortie, 6 sorties analo, une paire d'entrées analos (munis de préampli avec gain réglable), 3 ports USB (tous utiles), et 3 prises pédale. Pas d'ADAT, pas d'option au niveau connectique, d'ailleurs.
Le grand écran est tactile et en couleur avec une excellente définition (et pas multitouch comme l'a affirmé bêtement le plus grand magazine francophone lors de son banc d'essai. Il n'a pas non plus de lecteur CD comme l'a indiqué ce même rédacteur dont on se demande s'il n'a pas écrit son test à l'aide de son Oasys...Bref).
Le Kronos reprend à l'identique le moteur sonore de l'Oasys et de toutes ses options. Il lui rajoute d'autres moteurs sonores, des technologies plus récentes, au prix d'une finition nettement moins bonne. Par contre, niveau son, ce n'est pas une déclinaison vers le bas de son prédécesseur. Il en reprend la dynamique des convertisseurs, un point fort de la machine.
Au sujet du banc d'essai, je vous invite à lire l'excellent test de Synthwalker sur ce site (cliquez sur « test » en haut de la page), ce qui va me permettre d'alléger un peu l'exercice (quoique...) Le site https://www.kronoscopie.fr est aussi la ressource francophone la plus complète sur l'instrument.
UTILISATION
C'est un synthé vraiment très, très complet et, reconnaissons-le : complexe. L'organisation des pages d'édition est logique et cohérente quelques soient les menus abordés, mais la quantité de paramètres est impressionnante, ce qui fait du Kronos une machine nécessitant un long temps d'apprentissage. Tout ce qui relatif au Karma est vraiment nébuleux.
Dans son approche, dans son architecture surtout, il retrouve des similitudes avec des fonctionnalités issues du monde du logiciel (flexibilité du routing, fonctions side-chain, Vu-mètre dynamiques, jauge CPU, etc).
Le Kronos se présente donc comme une machine dotée d'un logiciel (non, ce n'est pas un gros mot ; c'est surtout le cas de n'importe quel synthé numérique depuis des dizaines d'années) très souple et personnalisable dans la façon dont la machine répond aux commandes en façade. C'est aussi un synthé fabriqué à l'aide de composants informatiques (carte-mère Intel, processeur Atom). Personnellement, je n'y ai trouvé que des avantages, car cela procure beaucoup d'avantages à l'utilisation (connection immédiate d'un iPad avec MIDI et audio dans les 2 sens sans aucune installation, facilité à upgrader mémoire et disque dur si nécessaire avec des composants du commerce, mise en réseau aisée), le tout de façon économique.
Vu ainsi, il est réducteur de présenter un Kronos comme une machine de studio, comme cela est trop souvent perçu. La finition de la machine ne pose pas de problème particulier, même s'il faut reconnaître qu'on n'est plus du tout dans l'esprit de l'Oasys. Ses concurrents actuels bénéficient aussi d'un aspect plus robuste dans la solidité des matériaux utilisés, dont acte.
Personnellement, je me balade avec, que ce soit en répète avec mon groupe, en vacances, etc... et je n'ai jamais, je dis bien jamais, rencontré de défaillance. Il est vrai que je suis soigneux, et je respecte la crainte qu'il peut inspirer en terme de fragilité. Je dirais en conclusion que c'est un instrument qui exige d'être plus soigneux dans la manipulation.
En terme de stabilité, bug, etc : j'ai du avoir un freeze depuis un an (soit autant que mon Motif XS), et pourtant, on ne peut pas dire que je n'en fais pas une utilisation intensive. Les quelques problèmes rencontrés jusqu'à l'OS 1.6 étaient surtout des fonctionnalités mal implémentées, ou une gestion un peu lourde (les fichiers sampling impossible à écraser, par exemple), toutes choses résolues avec la mise en ligne de l'OS 2.02 qui a apporté d'autres fonctionnalités, tel que le support d'un disque dur SSD supplémentaire, de l'ethernet et le streaming des samples, une première sur une workstation Hardware ! Cette dernière fonctionnalité, qui fut l'invention du Gigasampler de Tascam en son temps, a été repris depuis par tous les samplers logiciels (Kontakt, Halion, MachFive...). Le Kronos est le premier synthé Hardware à offrir cette fonctionnalité, comblant un retard technologique évident entre les synthés hardware et les logiciels. Il est évident que les autres grandes marques devront s'y mettre lors de leurs prochaines Workstations. On peut ainsi sampler confortablement de gros plug-in et emporter les sons avec soi sur la route, sans ordinateur.
En revanche, pour ceux qui jouent sur scène, l'adjonction d'un onduleur me semble vraiment obligatoire, car le temps de boot de la machine dépasse allègrement les 2 minutes (voir plus en fonction du nombre de samples à charger). La moindre coupure serait dramatique sans alimentation secourue ! On peut considérer qu'il s'agit là d'un défaut.
Au niveau utilisation, il faut aussi reconnaître que l'écran tactile, très beau et bien défini, est réactif, mais que les commandes sont très petites. Cela requiert, malgré sa taille, l'agilité d'un smartphone, et donc ça ne plaira pas à tout le monde. Pas mal de personnes utilisent un stylet, par exemple.
J'apprécie particulièrement la possibilité d'affecter, quelque soit le mode, à peu près n'importe quel paramètre à n'importe quelle commande en façade, et il faut souligner que le Kronos est mieux pourvu que ses concurrents actuels de ce point de vue. La machine se prête très bien aux manipulations en temps réel, manipulations qu'il est possible d'enregistrer en temps réel dans le séquenceur, rendant les mix très vivants si on le souhaite. Le seul manque, ce sont des pads, comme sur un Fantom G, mais heureusement la plupart des contrôleurs MIDI munis de pad sont reconnus, et auto-alimentés, par le Kronos. Pour ma part, l'Akai MPD32 est son compagnon idéal. Seul défaut : il faut brancher le contrôleur APRES avoir booté le Kronos, sans quoi le contrôleur n'est pas reconnu.
Tant qu'on parle du séquenceur, il y a du bon et du moins bon : les capacités sont nombreuses, avec 16 pistes MIDI et 16 pistes audio (16 ou 24 bits au choix). Les pistes audio peuvent être jumelées pour être lues en stéréo. L'import de fichier WAV (pas MP3, ni ogg, malheureusement...) est possible mais pas intuitif. Chaque piste bénéficie d'un EQ à 4 bandes (très pratique). Mais malheureusement, celui-ci tire un bénéfice limité du grand écran, les informations reportées ne sont pas très claires ni facilement éditables (uniquement des listes, pas de graphique, comme sur le Krome, dont le séquenceur ressemble de plus en plus à un Cubase simplifié). Parmi les points forts, on peut noter que les fonctionnalités du Karma et des effets sont complètes en mode séquenceur, il n'y a pas de restriction engendrée par leur utilisation dans ce mode. Un bon point.
Le sampler est très bon, le plus complet qu'il m'ait été donné de voir sur un synthé hardware. L'OS 2.0 rajoute la possibilité d'utiliser des samples en streaming : seul les premiers instants d'un son sont chargé en RAM, le reste est lu en flux depuis le disque dur SSD qui ne bronche jamais. Du coup, on n'est plus limité à la capacité de la RAM pour charger des samples, et on peut lire des banques gigantesques, tout comme sur un sampler logiciel. C'est à ma connaissance la seule Workstation à faire cela (exception faite des solutions type Receptor). C'est une fonctionnalité qui réduit l'écart entre le logiciel qui avait pris l'avantage de ce point de vue, et le Hardware qui reprend des couleurs.
Attention, si l'on veut éditer les samples dans le Kronos, il faut les charger complètement en RAM : il reste donc un intérêt à augmenter la capacité en RAM, comme le permet l'OS 2.0 (pas plus de 3Go, l'OS étant un 32 bits, mettre plus ne sert à rien). Les samples Akaï et Sound Font 2 sont facilement importables (l'import ne fonctionnait pas très bien avant l'OS 2.0). L'import des samples 16 bits ou 24 bits se fait de façon transparente ; dans ce dernier cas, la conversion en 16 bits se fait automatiquement. Rien à dire sur la qualité sonore, c'est un sampler très transparent, même quand on sample via les entrées audio (de très bonne qualité). Il est simplement dommage de ne pouvoir conserver la résolution interne en 24 bits tout au long de la chaîne audio, comme sur les sampler Akai Z4 et Z8. La résolution 24 bits n'est disponible que pour les pistes audio du séquenceur.
On peut sampler depuis n'importe quel mode, même le séquenceur. L'affectation des samples à chaque note n'est pas très complexe, et des fonctions très complètes permettent d'éditer finement les samples (fonctionnalités de bouclage, time stretch, time slice, etc...Les samples peuvent être lus à l'envers). L'architecture est un peu obscure au début : un multisample est une couche de plusieurs samples, parcourant tout le clavier, mais sur un seul niveau de vélocité. Quand on importe le sample dans un programme, 8 couches de vélocité peuvent être empilées. C'est suffisant pour la plupart des cas. Les samples peuvent être paramétrés en « release » pour être joué au relâchement d'une touche : utile pour les instruments à cordes pincées, les pianos électriques, etc...Contrairement à un Motif, par exemple, un paramètre release velocity déclenche un sample différent selon la vitesse de relâchement : sur un Rhodes, par exemple, le bruit d'échappement dépend de la vitesse de relâchement, au lieu de déclencher invariablement le même sample. Un must pour qui aime jouer dans la nuance. Également un mode « mono legato » permet intelligemment de simuler le jeu des synthés analos comme le Minimoog où le son n'est lu du début que lorsque qu'on joue des notes détachées. Un jeu lié lit le sample non pas du début, mais du point où le précédent sample avait été interrompu. Un must quand on veut sampler un synthé analogique avec les enveloppes de celui-ci et non celles du Kronos. Expressivité maximal sur les solos !
L'organisation des banques est la suivante : il y a 2 types de programmes :
- les programmes faisant appel à la synthèse HD1, qui est la synthèse à lecture d'échantillons/ou séquences d'onde.
- les programmes faisant appel aux 8 autres types de synthèse, qu'on appelle EXi.
Ces 8 synthèses n'en sont réellement que 5 : l'EP1 (piano électrique) et le SGX-1 (Piano) sont en fait un sampling très évolué (banques gigantesques lues en streaming). On peut d'ailleurs charger leurs samples dans le moteur HD1 quand le Kronos est bardé de RAM. L'AL-1, le MS20-EX et le Polysix sont de la modélisation analogique, même s'ils sonnent assez différemment tous les 3. MOD7, STR-1 et CX-3 sont par contre, eux, des moteurs de synthèse bien distincts.
Une banque de 128 sons est pré-configurée, au choix, en HD1 ou EXi, et chaque programme peut combiner 2 patches. Mais en aucun cas (à moins de ruser grâce à certains modes de synthèse) on peut avoir des patches HD1 ou EXi dans la même banque, et donc pas non plus au sein d'un même programme. Cet exercice imposé est une limitation incontournable, sans doute un limitation de l'OS ou du hardware, est un peu dommageable, mais elle disparaît en mode performance ou séquenceur, ou l'on peut s'en donner à cœur joie dans les mélanges de synthèses : ouf !
Chaque programme se voit gratifier d'un affectation des contrôleurs temps réel par défaut, ainsi que d'une drum track, faisant partie du programme même . Les utilisateurs de Korg connaissent bien ce principe depuis le triton. Le Karma, même s'il n'est pas toujours activé, est aussi programmé en relation avec l'instrument choisi : une guitare aura souvent un motif Karma du type Strumming, etc.
Le Karma est relativement imbitable. Si les réglages de base (activation ou pas, etc) restent simples, il est délicat de le faire à votre main, car les modifications de paramètres produisent des effets assez imprévisibles. Du coup, la conclusion à laquelle je suis arrivé, c'est que le Karma doit davantage être vu comme un outil qui emporte le musicien vers un terrain imprévisible (ce qu'on peut apprécier), plutôt qu'un outil permettant d'atteindre un objectif précis et connu d'avance. Les résultats obtenus sont très enthousiasmants, le Kronos bénéficiant de la version 2.2 du Karma, et non 3.0 (ce qui n'arrivera plus chez Korg selon le concepteur du Karma...). A vrai dire, ce n'est pas un problème tant l'outil est déjà abyssal ! Autre point fort : le Karma peut émettre par le MIDI out, on peut donc bénéficier de ses motifs déjantés pour piloter d'autres synthés (je m'en sers souvent sur mon Minimoog et ça poutre!). Certains motifs Karma sont spécialisés (comme ceux qui balayent les séquences d'onde), ou d'autres spécialisés dans les drums, les basses, les instruments acoustiques.
Poursuivons avec le mode Combi, qui peut regrouper jusqu'à 16 programmes, se partageant 4 motifs Karma au maximum. C'est le mode qui donne un peu l'impression que la machine joue toute seule, ce qui déplaira à certains. Mais c'est aussi le mode qui donne de l'inspiration pour commencer un morceau, et une passerelle très pratique existe pour passer en mode séquenceur et enregistrer sa combi en MIDI. Surtout : son utilisation n'est pas obligatoire, inutile de pester contre cette machine qui joue toute seule...Je le vois plus pour ma part comme un ensemble de démos pour jammer par dessus et s'entraîner, et je m'en sers assez peu finalement.
Enfin, le mode Disk gère tous les fichiers, d'une façon similaire à un ordinateur (création de répertoire, copie de fichiers, etc). L'arborescence est simple à comprendre, mais on met un certain temps à comprendre à quoi correspondent tous les types de fichier, et quels sont les liens entre eux. Les fichiers natifs Kronos bénéficient d'une fonctionnalité géniale : pour un fichier PCG, par exemple, archivant tous les programmes d'un Kronos, il peut être chargé en entier. Mais on peut aller l'explorer sans le charger en mémoire, directement depuis le disque, pour aller chercher LE programme dont on a besoin, pour l'importer lui et lui seul dans la mémoire du Kronos. On dispose même d'une fonction « pré-écoute » qui permet d'écouter le programme avant tout chargement en mémoire. C'est identique pour les fichiers sampling, etc. C'est aussi l'un des moyens de fabriquer une banque à partir de plusieurs (l'outil gratuit PCG Tools étant relativement incontournable de ce point de vue).
L'éditeur VSTi du Kronos est un peu superflu, je trouve. Son interface est bonne, mais il ne supporte pas l'automation des paramètres, comme n'importe quel VSTi. Il n'est donc pas possible de dessiner ses courbes dans sa DAW, comme on le fait pour un VSTi classique. Également, il ne permet aucune édition du mode sampling, ce qui aurait été une grosse valeur ajoutée. On a donc l'impression que Korg l'a davantage créé pour ne pas essuyer de reproches, plutôt que pour apporter une réelle valeur ajoutée au clavier.
Concernant les différents modes de synthèse, il faut souligner la remarquable homogénéité de l'organisation des menus : on retrouve de nombreux points de convergence dans l'organisation des menus, et donc j'ai envie de dire que, quand on maîtrise le mode de synthèse le plus compliqué (sans doute le MOD7, suivi de l'AL-1), on maîtrise tous les autres. Les effets sont les mêmes, les différents onglets se retrouvent au même endroit...Autre exemple, quand on va dans un menu, puis un sous-menu, si vous revenez plus tard dans ce même menu, vous vous retrouvez dans le dernier sous-menu visité, au lieu de vous retrouver dans le premier. Le dernier paramètre est encore actif pour être modifié. Bref, la machine sait aussi aider l'utilisateur, même si celui-ci doit en payer le prix au départ.
SONORITÉS
Difficile avec une telle armada de synthèse de décrire la couleur sonore de cet instrument. Yamaha avait été confronté au même dilemme avec son EX5 il y a quelques années, là-aussi un clavier multi-synthèse ; le Kronos bénéficie de l'expérience et du recul de l'Oasys (le synthé, mais aussi la carte PCI) qui a quand même une bonne dizaine d'années au compteur. On retrouve beaucoup des innovations de l'époque, notamment sur les oscillateurs et les filtres dont la programmation a particulièrement été optimisée pour repousser plus loin encore les défauts inhérents au numérique (Technologie faible aliasing, notamment, réponse non-linéaire des modulations grâce aux sources de modulation combinables entre elles)...
A la vérité, voici ce qu'il en est : le Kronos est le synthé qui offre la plus large palette sonore sur le marché au moment où j'écris ces lignes. C'est une sorte de compilation de la manufacture électronique des 30 dernières années. Quand j'ai besoin d'un son chaleureux, un tour dans l'AL-1 correctement programmée avec utilisation un peu maline des effets, et j'ai la basse qui bétonne, le brass moelleux, la nappe cuivrée. Un son analo un peu plus sec ou agressif, un tour vers le MS20. Un son plus classique et rapide qui sonne direct, le Polysix. Une nappe évolutive et plus contemporaine, le moteur HD1 est mis à contribution avec des séquences d'onde (il inclut toutes celles de la Wavestation). Le son 80's expressif et ciselé, direction MOD7. Une couleur soul dont je raffole, j'empile un son d'EP-1 avec un CX3, que je dose avec des contrôleurs. Le sound design façon Absynth avec des sons un peu hallucinés ou ethérés? Direction STR-1.
Soyons lucide pour la comparaison avec les analos, il faudra s'armer de patience pour s'approcher avec un synthé numérique, si bon soit-il, du son d'un vintage. Mais pour qui ne veut pas aller sur scène avec son vieux coucou (comme moi avec mon Minimoog), c'est idéal, car j'ai pris l'habitude de sampler mes analos. Il est vraiment possible de façonner le son à son goût. Les modulations répondent parfaitement (là, on sent l'héritage de l'Oasys), y compris sur les effets.
L'import des sons de DX7 est aisé, et là, le Kronos sonne vraiment pile comme l'ancêtre Yamaha (mieux, même, avec des convertisseurs et des effets de haute volée).
Au sujet des convertisseurs, ils sont très réussis, dans le sens où les transitoires sont très bien retranscrits, le son est dynamique et parfois violent. Il ne faut pas compter sur eux pour « amortir » un patch mal programmé : le synthé sonne « cash » ! Un patch mal programmé ne pardonnera pas, le son pourra sembler criard, violent. Le niveau de chaque étage doit être correctement calibré pour que le son reste homogène. Heureusement, il y a de nombreuses façons de « polir » le son, de le façonner. Autant de possibilités de se perdre en cours de route également ! Je suis de ceux qui pensent que la première qualité d'un synthé est la rapidité entre l'idée et le résultat : disons qu'avec le Kronos, le résultat est toujours à la clé, mais il faut savoir garder son idée de départ en tête.
Faisons un petit tour des moteurs sonores :
SGX1- piano : le moteur de piano acoustique, qui offre un échantillonnage très pointu, note à note, avec tables d'harmonie, sur 8 niveaux de vélocité. Ce moteur utilise le disque dur SSD pour lire à la volée les échantillons qui n'ont donc pas besoin d'être chargés en RAM. Il offre 2 sons de piano, allemand et Japonais. Les 2 sont très bons, mais le second me semble plus réussi. Ce moteur n'a toutefois rien de révolutionnaire, même s'il est grandement possible d'améliorer cela grâce aux effets. Disons qu'on a un moteur sonore parmi ce qui se fait de mieux, mais il n'écrase pas un Roland RD700NX ou un Nord Stage 2 (c'est surtout une affaire de goût). Par contre, le moteur de synthèse permet de contrôler beaucoup de paramètres en temps réel, un peu dans l'esprit d'un Roland V-Piano.
EP-1 : là-aussi faisant appel au sampling, une merveille. Les Rhodes sont tous là, du Mark 1 et Mark 5 (celui que je préfère, c'est le Mark II), et ont un grain terrible. Le Wurlitzer est aussi de la partie, même s'il peut sembler moins réussi. Un travail sur les effets pourra permettre de s'approcher au plus près du 200A, et pour l'avoir testé dans de nombreux mixes, il ressort bien à chaque fois. Ce moteur dispose d'effets vintage spécifiques, en sus des effets disponibles pour tous les moteurs sonores, un peu dans l'esprit des effets COSM de Roland, mais ils sont encore plus convaincants. Sans doute l'un des moteurs sonores les plus réussis.
CX3 : J'ai appris à apprivoiser ce clone de Hammond B3/C3, car au début, je lui trouvais un son un peu sage, un peu à l'instar du KB3. Il faut travailler beaucoup les effets. La récente révision de ce moteur dans la version 2.2 de l'OS apporte un rendu plus réaliste, une Leslie Cutomisable entre autres. Tout est là : mode Upper / Lower, les différents modes de vibratos/Chorus. Chaque tirette harmonique est automatiquement affectés aux contrôleurs en façade, le rendant très facile à customiser. Je trouve la Leslie réussie, c'est-à-dire qu'elle ressort bien dans un mix sans trop d'agressivité. Elle est aussi pleinement paramétrable. Il manque toutefois à ce moteur les Farfisa/Vox, qu'on retrouve heureusement dans le moteur HD1
MOD7 : le moteur FM le plus abouti et le plus complexe qu'il soit. Il offre l'import DX7 par banque entière, DX7 dont ils reprend chacun des algorithmes, mais il en rajoute un paquet, donc certains utilisent un bruit blanc, l'entrée audio, ainsi que n'importe quel sample en ROM ou RAM (et malheureusement pas les séquences d'ondes). Des cordons de patchage viennent altérer les algorithmes, en « forçant » certaines liaisons entre blocs. 2 filtres peuvent être rajoutés sur le trajet, ainsi qu'un Waveshaper très souple et réussi, bien que très radical (dommage qu'on ne puisse se fabriquer ses propres courbes de Waveshaping). La MOD7 est donc une synthèse FM modulaire de haute volée. C'est de loin le moteur le plus complexe, mais aussi le plus enthousiasmant du Kronos ! Par contre, accrochez-vous pour programmer un son en partant de rien, vous allez en baver ! Le mieux est d'importer un son de DX et de le modifier.
AL1 : c'est, à la base, le moteur VA du Kronos, avec une architecture à 2 oscillos + un SubOsc, des filtres complets au routage flexible. Mais ce moteur va au-delà de la simple imitation analogique, puisqu'il rajoute de la FM, du Ring Mod, un Drive...pour passer du son rondouillard Rock Prog à Papa jusqu'au lead tranchant et agressif du fiston. Ce moteur tire pleinement parti des convertisseurs qui sont vraiment très bons. Mais il est aussi complexe et il est parfois délicat de trouver comment modifier le son, tellement les paramètres sont nombreux. Il est vraiment dommage que l'interface très clinique de l'écran tactile n'aide pas à la maîtrise de ce moteur de synthèse qui aurait mérité une interface plus simple (à la Polysix!). Par contre, je pense qu'il s'agit d'un moteur sonore très qualitatif, même face aux ténors du genre Nord/Access (Parole d'ancien possesseur de Nord Modular / Virus KC)).
PolySix / MS20 : les moteurs reprennent stricto sensu les logiciels de la Korg Legacy Collection. Ils bénéficient là encore du hardware remarquable, des effets du Kronos et des modulations sans fin de la machine. Pour avoir le logiciel original, mes essais en comparaison ont abouti à la conclusion que le synthé sonnait très proche du Soft original, mais que ses possibilités sont décuplées par les parties communes de la machines (effets, combis, etc...). Malheureusement, le MS20 controller du Logiciel n'est pas compatible avec le Kronos pour la partie patchage, seulement les notes et les contrôleurs MIDI traditionnels (cutoff, filtre, enveloppes, molette de modulation, etc). Un bémol : la Korg Legacy Collection propose des menus de modulation qui font doublon avec le moteur de synthèse du Kronos. Ainsi, il est possible de faire la même action de 2 ou 3 façons différentes, ce qui peut perdre un peu l'utilisateur. Ainsi, l'utilisation du panneau de patchage du MS20 n'est plus tellement utile, puisque les mêmes modulations peuvent être créées, souvent de façon plus souple, par les menus du Kronos. Le MS20 peut être utilisé en processeur audio, grâce à la fonction ESP fidèlement implémentée, en injectant un signal audio dans les entrées du Kronos. A vous le fameux « guitare synthé » en branchant votre gratte dans le Kronos !
Le Polysix est le moteur de synthèse à utiliser quand on veut un son typé analo mais pas trop compliqué à programmer. Il me surprend souvent sur les pads, et mêmes les sons de basse qui peuvent être assez épais. Il a ses propres effets (ensemble, chorus...) et son propre arpégiateur (qui n'émet pas en MIDI Out, dommage.)
STR1 : la synthèse la plus délicate à appréhender, car novatrice et difficile à comprendre au départ. Le principe : un son vient trigger une corde. Le son de départ peut être un sample ou une simple impulsion, un bruit blanc, etc...la corde est une modélisation physique qui, selon la force de déclenchement, l'endroit où on la pince, etc...bref, la façon dont elle est excitée, sonnera différemment. Des paramètres non-linéaires permettent de rendre le son plus ou moins prévisible. Les matériaux / dimensions de la corde sont modélisables. L'entrée audio peut aussi être mise à contribution comme déclencheur.
Ce moteur a été vendu par Korg comme étant celui qui est destiné à imiter les guitares. Non seulement il est assez mauvais dans l'exercice, mais surtout, surtout, si on le limite à cela, on passe à côté de son grand intérêt : c'est un moteur pour « inventer » des instruments dont on conçoit le déclenchement, les tailles, le matériaux...Bref, une belle prise de tête qui ne conviendra pas à tout le monde, mais quand on voit la variété des sons qu'il est capable de sortir, c'est juste diabolique ! Les contrôleurs temps réels font merveille sur le son, qu'il est facile de déjanté par ce biais. Ce son ressemble assez, dans son esprit, à la philosophie d'Absynth. Si le déclencheur est une nappe, le son ne sera pas celui d'une corde pincée, mais d'une corde frottée doucement, ce qui peut produire de très belles nappes.
Venons-en aux effets : il y a 12 effets d'insertion, 2 bus d'effets additionnels MFX, et enfin, 2 Total FX. Les effets, leurs réglages et leur routing est mémorisable par programme, pas de loup ici. Avoir 16 effets d'insertions auraient été plus logique (pour être raccord avec 16 parts multitimbrales du séquenceur et des combis). Mais peut être la puissance CPU aurait été trop juste, et, plus certainement, la latence, car pour empiler 12 effets qui peuvent se succéder, les latences de chacun s'ajoutent probablement. Fort heureusement, aucune latence n'est perceptible avec l'architecture actuelle. Pas de lacune dans les effets, hormis que certains effets liés aux moteurs de synthèse (CX3, EP-1) ne sont pas disponibles dans le module d'effet général. Seul le Polysix offre ses effets pour les autres synthèses. Quelques algorithmes sont particulièrement puissants et font bien davantage qu'embellir le son , en voici quelques exemples : un superbe Waveshaper, très radical, tronçonne le son violemment et musicalement, un grain shifter découpe le son en tranche très fines. Egalement toute une section de simulateurs d'amplis, micros, préamplis...pour épaissir le son avec des résultats très bons. Un vocoder est aussi de la partie, il peut utiliser n'importe quel signal comme modulateur et comme porteuse, donc le résultat dépend surtout de vos choix de sources audio. Bien sûr, tous les effets peuvent être utilisés en temps réel sur les entrées audio, ce qui fait du Kronos un processeur d'effet, dans le même esprit qu'un V-synth. Il sera très à l'aise en piano-bar pour rajouter compresseurs, réverbs sur vos voix et guitares, via ses 2 entrées audio. Les réglages sont nombreux, parfois complexes à appréhender, mais c'est davantage dû à la nature des effets, proches de ce qu'on trouve sur un bon software, qu'à l'interface du Kronos elle-même. Elle est d'ailleurs réussie de ce point de vue, puisqu'on a droit à des vu-mètres dynamiques, une page avec tous les routages d'effets, qui peuvent se succéder comme une chaîne de plusieurs maillons, mais aussi « rejoindre » un bus déjà existant, à n'importe quel endroit de la chaîne.
Enfin, des presets d'effets existent, et il est possible de sauvegarder les siens, ainsi que les renommer. Il est également possible de copier tout ou partie du routing d'effet d'un autre program, Combi, song...Très souple. On aurait aimé pouvoir sauvegarder un bus d'effet complet, comme dans Cubase, par exemple.
Une limitation très pénible, toutefois : un programme est constitué de 2 sons. Eh bien chaque son ne peut pas bénéficier de ses propres effets : la « maille » minimum est le programme. Seuls les effets MFX peuvent être différenciés pour chaque son. C'est très curieux d'avoir une telle limitation alors que le reste est si souple !
Enfin, le Kronos dispose d'effets dédiés au mastering (assez unique dans une workstation, l'ambition clairement affichée ici étant de pouvoir accueillir un projet complet de A à Z sans passer par l'étape DAW: compresseurs multibandes, limiteurs, … ce qui rend possible la production de morceaux réellement finalisés, si, bien entendu, on a suffisamment de savoir-faire pour les utiliser (on peut faire beaucoup de dégâts à un mix avec un compresseur multibande, par exemple...). Heureusement, les presets d'effet fournissent là-aussi une bonne base pour travailler, en proposant des réglages par genre musical, ou par type d'instruments.
AVIS GLOBAL
Je possède le Kronos depuis novembre 2011. C'est très volontairement que je mets cet avis en ligne uniquement maintenant (et aussi par paresse jusqu'ici, parce que plusieurs mois sont nécessaires pour faire un tour à peu près exhaustif de la machine. J'ajoute que c'est mon tout premier Korg ! (hormis la Korg Legacy Collection...). C'est une marque qui a peu à peu éveillé mon intérêt, entre le M1 que j'exècre (ne me demandez pas pourquoi, j'en sais rien), jusqu'à ce Kronos qui a répondu très exactement à ce que je cherchais au moment où il est sorti : un vrai synthé, archi complet, avec des sons qui cognent dans les styles que j'aime, qui se suffit à lui-même. Mon projet alors était de renouer avec le jeu en groupe pour sortir un peu de mon home-studio, avec un instrument tout terrain. Mais, venant d'un Motif XS8 (un très bon Rom Player en l'occurence), j'étais frustré de ses capacités de synthèse limitées, et du mode sampling très limitatif.
Ce qui peut ne pas plaire, c'est le nombre de paramètres abyssal, même si l'interface bien réussie limite la casse. L'écran tactile n'a qu'un seul défaut, les commandes y sont trop petites. Certains modes de synthèse ont une interface simple et dépouillée (EP1, notamment), mais la synthèse AL1 ne bénéficie pas d'une interface à la hauteur de ses possibilités. Le sampler est magnifique, très complet, et est le seul à offrir le streaming sur un synthé Hardware. Les effets sont très bons, très souples dans leur routing et leur utilisation. Le séquenceur a une interface passable (j'ai pu tester récemment celui du Krome, bien plus convivial), mais gère très bien l'audio. Le clou du spectacle est, pour ce qui me concerne, la synthèse MOD7 qui est énorme, qui sonne vraiment, et qui aurait justifié un synthé à elle seule : on va même, sur certains aspect, au-delà des fleurons Yamaha que sont les SY/TG/DX et FS1R (ce dernier étant plus spécifique, encore). J'aime toujours autant les MS20/Polysix, très inspirants, comme je les aimais déjà dans la Legacy Collection. Peu importe leur rapport plus ou moins lointain avec les originaux qui les ont inspirés, ils sonnent très bien pour ce qu'ils sont. Reste l'OVNI STR-1, synthèse singulière et ardue (peut être la plus déroutante). Le moteur HD1, qui est celui qui offre le plus de sons, représente dignement le sampler/Romplayer sans véritable point faible, avec des capacités de synthèse aussi poussées que les autres moteurs, proposant des tables d'ondes en plus (Wave sequences)
Mais il faut aussi savoir voir les choses en face : on m'a souvent demandé ici ou là si je conseillais le Kronos. La réponse n'est pas très simple, car cela dépend beaucoup de chaque type d'utilisation, et j'avoue que j'ai souvent orienté des utilisateurs vers d'autres claviers plus simples d'accès. Pour qui n'a pas besoin de sampling évolué ou de synthèse FM, d'un simple Romplayer ou d'un synthétiseur à modélisation analogique, il y a des instruments plus démocratiques financièrement et surtout techniquement. Beaucoup sont redescendus de leur arbre en étant confronté aux arcanes de la machine, qui nous confronte souvent à nos propres limites et connaissances en matière de synthèse, et je pense que c'est cela que tout le monde n'aime pas. En fait, la machine n'exige aucune compétence particulière, mais de l'expérience dans les synthés, du vécu, et beaucoup de travail (un mot parfois mal venu dans le domaine des loisirs qu'est la musique). Passé un cap, l'instrument est un perpétuel terrain de jeu où tout reste à découvrir, et on éprouve une grande satisfaction quand on a programmé un joli patch utilisant bien le moteur sonore. Saluons au passage le formidable travail des Sound Designers de Korg qui ont pondu une quantité impressionnante de programmes, quasiment tous de qualité et utilisables dans des productions.
Reste l'aspect matériel : l'extérieur est sans doute plus fragile que ses concurrents, et le loupé de Korg sur le problème des touchers lourd RH3 (modèles 73 et 88 notes) a fait l'objet d'une révision sur les modèles Kronos X. Assurez-vous pour un Kronos 1ère génération que ces rubbers ont été remplacés. (les miens l'ont été, ayant la chance d'habiter juste à côté de l'importateur). L'intérieur de la machine fait, à tort, débat sur un synthé qui serait un « PC déguisé » : c'est assez grotesque puisqu'au niveau sonore, le Kronos n'a rien à envier à ses concurrents de même génération, son OS sur Linux est très bien fini (on en est à l'OS 2.21) et très stable. Sa conception à partir de composants courants rend le Kronos facilement upgradable en Kronos X (compter environ 150/200€) et ne procure que des avantages de mon point de vue. Tous les synthés numériques ont une partie hardware qui fait tourner un logiciel, technologie qui avoisine la petite trentaine d'années maintenant. Jugeons donc la machine non pas sur l'impression qu'elle dégage, mais sur ce qu'elle permet, au prix d'une avance technologique qui sera sans doute (et on le souhaite!) bientôt comblée par Yamaha en premier lieu, seule firme (avec Kurzweil, peut-être?) à être en mesure de rattraper ou dépasser un prochain jour le Kronos. Depuis, Korg semble se recentrer sur des machines plus orientées live, moins excitantes mais plus immédiates, là où bien d'autres constructeurs sont présents avec talent (Nord, Elektron, Roland, Arturia...). Quel plaisir de trouver sur le marché un tel choix, aussi bataillé, pour tous les goûts !
Ce modèle précisement (Kronos73) propose un toucher 73 touches (et non 76!) lourd utilisant une mécanique RH3 (là aussi, nous y reviendrons). C'est la raison de mon choix pour ce modèle : avoir un toucher lourd sur un clavier le plus léger possible.
La connectique est bonne, sans excès : S/PDIF en entrée et sortie, 6 sorties analo, une paire d'entrées analos (munis de préampli avec gain réglable), 3 ports USB (tous utiles), et 3 prises pédale. Pas d'ADAT, pas d'option au niveau connectique, d'ailleurs.
Le grand écran est tactile et en couleur avec une excellente définition (et pas multitouch comme l'a affirmé bêtement le plus grand magazine francophone lors de son banc d'essai. Il n'a pas non plus de lecteur CD comme l'a indiqué ce même rédacteur dont on se demande s'il n'a pas écrit son test à l'aide de son Oasys...Bref).
Le Kronos reprend à l'identique le moteur sonore de l'Oasys et de toutes ses options. Il lui rajoute d'autres moteurs sonores, des technologies plus récentes, au prix d'une finition nettement moins bonne. Par contre, niveau son, ce n'est pas une déclinaison vers le bas de son prédécesseur. Il en reprend la dynamique des convertisseurs, un point fort de la machine.
Au sujet du banc d'essai, je vous invite à lire l'excellent test de Synthwalker sur ce site (cliquez sur « test » en haut de la page), ce qui va me permettre d'alléger un peu l'exercice (quoique...) Le site https://www.kronoscopie.fr est aussi la ressource francophone la plus complète sur l'instrument.
UTILISATION
C'est un synthé vraiment très, très complet et, reconnaissons-le : complexe. L'organisation des pages d'édition est logique et cohérente quelques soient les menus abordés, mais la quantité de paramètres est impressionnante, ce qui fait du Kronos une machine nécessitant un long temps d'apprentissage. Tout ce qui relatif au Karma est vraiment nébuleux.
Dans son approche, dans son architecture surtout, il retrouve des similitudes avec des fonctionnalités issues du monde du logiciel (flexibilité du routing, fonctions side-chain, Vu-mètre dynamiques, jauge CPU, etc).
Le Kronos se présente donc comme une machine dotée d'un logiciel (non, ce n'est pas un gros mot ; c'est surtout le cas de n'importe quel synthé numérique depuis des dizaines d'années) très souple et personnalisable dans la façon dont la machine répond aux commandes en façade. C'est aussi un synthé fabriqué à l'aide de composants informatiques (carte-mère Intel, processeur Atom). Personnellement, je n'y ai trouvé que des avantages, car cela procure beaucoup d'avantages à l'utilisation (connection immédiate d'un iPad avec MIDI et audio dans les 2 sens sans aucune installation, facilité à upgrader mémoire et disque dur si nécessaire avec des composants du commerce, mise en réseau aisée), le tout de façon économique.
Vu ainsi, il est réducteur de présenter un Kronos comme une machine de studio, comme cela est trop souvent perçu. La finition de la machine ne pose pas de problème particulier, même s'il faut reconnaître qu'on n'est plus du tout dans l'esprit de l'Oasys. Ses concurrents actuels bénéficient aussi d'un aspect plus robuste dans la solidité des matériaux utilisés, dont acte.
Personnellement, je me balade avec, que ce soit en répète avec mon groupe, en vacances, etc... et je n'ai jamais, je dis bien jamais, rencontré de défaillance. Il est vrai que je suis soigneux, et je respecte la crainte qu'il peut inspirer en terme de fragilité. Je dirais en conclusion que c'est un instrument qui exige d'être plus soigneux dans la manipulation.
En terme de stabilité, bug, etc : j'ai du avoir un freeze depuis un an (soit autant que mon Motif XS), et pourtant, on ne peut pas dire que je n'en fais pas une utilisation intensive. Les quelques problèmes rencontrés jusqu'à l'OS 1.6 étaient surtout des fonctionnalités mal implémentées, ou une gestion un peu lourde (les fichiers sampling impossible à écraser, par exemple), toutes choses résolues avec la mise en ligne de l'OS 2.02 qui a apporté d'autres fonctionnalités, tel que le support d'un disque dur SSD supplémentaire, de l'ethernet et le streaming des samples, une première sur une workstation Hardware ! Cette dernière fonctionnalité, qui fut l'invention du Gigasampler de Tascam en son temps, a été repris depuis par tous les samplers logiciels (Kontakt, Halion, MachFive...). Le Kronos est le premier synthé Hardware à offrir cette fonctionnalité, comblant un retard technologique évident entre les synthés hardware et les logiciels. Il est évident que les autres grandes marques devront s'y mettre lors de leurs prochaines Workstations. On peut ainsi sampler confortablement de gros plug-in et emporter les sons avec soi sur la route, sans ordinateur.
En revanche, pour ceux qui jouent sur scène, l'adjonction d'un onduleur me semble vraiment obligatoire, car le temps de boot de la machine dépasse allègrement les 2 minutes (voir plus en fonction du nombre de samples à charger). La moindre coupure serait dramatique sans alimentation secourue ! On peut considérer qu'il s'agit là d'un défaut.
Au niveau utilisation, il faut aussi reconnaître que l'écran tactile, très beau et bien défini, est réactif, mais que les commandes sont très petites. Cela requiert, malgré sa taille, l'agilité d'un smartphone, et donc ça ne plaira pas à tout le monde. Pas mal de personnes utilisent un stylet, par exemple.
J'apprécie particulièrement la possibilité d'affecter, quelque soit le mode, à peu près n'importe quel paramètre à n'importe quelle commande en façade, et il faut souligner que le Kronos est mieux pourvu que ses concurrents actuels de ce point de vue. La machine se prête très bien aux manipulations en temps réel, manipulations qu'il est possible d'enregistrer en temps réel dans le séquenceur, rendant les mix très vivants si on le souhaite. Le seul manque, ce sont des pads, comme sur un Fantom G, mais heureusement la plupart des contrôleurs MIDI munis de pad sont reconnus, et auto-alimentés, par le Kronos. Pour ma part, l'Akai MPD32 est son compagnon idéal. Seul défaut : il faut brancher le contrôleur APRES avoir booté le Kronos, sans quoi le contrôleur n'est pas reconnu.
Tant qu'on parle du séquenceur, il y a du bon et du moins bon : les capacités sont nombreuses, avec 16 pistes MIDI et 16 pistes audio (16 ou 24 bits au choix). Les pistes audio peuvent être jumelées pour être lues en stéréo. L'import de fichier WAV (pas MP3, ni ogg, malheureusement...) est possible mais pas intuitif. Chaque piste bénéficie d'un EQ à 4 bandes (très pratique). Mais malheureusement, celui-ci tire un bénéfice limité du grand écran, les informations reportées ne sont pas très claires ni facilement éditables (uniquement des listes, pas de graphique, comme sur le Krome, dont le séquenceur ressemble de plus en plus à un Cubase simplifié). Parmi les points forts, on peut noter que les fonctionnalités du Karma et des effets sont complètes en mode séquenceur, il n'y a pas de restriction engendrée par leur utilisation dans ce mode. Un bon point.
Le sampler est très bon, le plus complet qu'il m'ait été donné de voir sur un synthé hardware. L'OS 2.0 rajoute la possibilité d'utiliser des samples en streaming : seul les premiers instants d'un son sont chargé en RAM, le reste est lu en flux depuis le disque dur SSD qui ne bronche jamais. Du coup, on n'est plus limité à la capacité de la RAM pour charger des samples, et on peut lire des banques gigantesques, tout comme sur un sampler logiciel. C'est à ma connaissance la seule Workstation à faire cela (exception faite des solutions type Receptor). C'est une fonctionnalité qui réduit l'écart entre le logiciel qui avait pris l'avantage de ce point de vue, et le Hardware qui reprend des couleurs.
Attention, si l'on veut éditer les samples dans le Kronos, il faut les charger complètement en RAM : il reste donc un intérêt à augmenter la capacité en RAM, comme le permet l'OS 2.0 (pas plus de 3Go, l'OS étant un 32 bits, mettre plus ne sert à rien). Les samples Akaï et Sound Font 2 sont facilement importables (l'import ne fonctionnait pas très bien avant l'OS 2.0). L'import des samples 16 bits ou 24 bits se fait de façon transparente ; dans ce dernier cas, la conversion en 16 bits se fait automatiquement. Rien à dire sur la qualité sonore, c'est un sampler très transparent, même quand on sample via les entrées audio (de très bonne qualité). Il est simplement dommage de ne pouvoir conserver la résolution interne en 24 bits tout au long de la chaîne audio, comme sur les sampler Akai Z4 et Z8. La résolution 24 bits n'est disponible que pour les pistes audio du séquenceur.
On peut sampler depuis n'importe quel mode, même le séquenceur. L'affectation des samples à chaque note n'est pas très complexe, et des fonctions très complètes permettent d'éditer finement les samples (fonctionnalités de bouclage, time stretch, time slice, etc...Les samples peuvent être lus à l'envers). L'architecture est un peu obscure au début : un multisample est une couche de plusieurs samples, parcourant tout le clavier, mais sur un seul niveau de vélocité. Quand on importe le sample dans un programme, 8 couches de vélocité peuvent être empilées. C'est suffisant pour la plupart des cas. Les samples peuvent être paramétrés en « release » pour être joué au relâchement d'une touche : utile pour les instruments à cordes pincées, les pianos électriques, etc...Contrairement à un Motif, par exemple, un paramètre release velocity déclenche un sample différent selon la vitesse de relâchement : sur un Rhodes, par exemple, le bruit d'échappement dépend de la vitesse de relâchement, au lieu de déclencher invariablement le même sample. Un must pour qui aime jouer dans la nuance. Également un mode « mono legato » permet intelligemment de simuler le jeu des synthés analos comme le Minimoog où le son n'est lu du début que lorsque qu'on joue des notes détachées. Un jeu lié lit le sample non pas du début, mais du point où le précédent sample avait été interrompu. Un must quand on veut sampler un synthé analogique avec les enveloppes de celui-ci et non celles du Kronos. Expressivité maximal sur les solos !
L'organisation des banques est la suivante : il y a 2 types de programmes :
- les programmes faisant appel à la synthèse HD1, qui est la synthèse à lecture d'échantillons/ou séquences d'onde.
- les programmes faisant appel aux 8 autres types de synthèse, qu'on appelle EXi.
Ces 8 synthèses n'en sont réellement que 5 : l'EP1 (piano électrique) et le SGX-1 (Piano) sont en fait un sampling très évolué (banques gigantesques lues en streaming). On peut d'ailleurs charger leurs samples dans le moteur HD1 quand le Kronos est bardé de RAM. L'AL-1, le MS20-EX et le Polysix sont de la modélisation analogique, même s'ils sonnent assez différemment tous les 3. MOD7, STR-1 et CX-3 sont par contre, eux, des moteurs de synthèse bien distincts.
Une banque de 128 sons est pré-configurée, au choix, en HD1 ou EXi, et chaque programme peut combiner 2 patches. Mais en aucun cas (à moins de ruser grâce à certains modes de synthèse) on peut avoir des patches HD1 ou EXi dans la même banque, et donc pas non plus au sein d'un même programme. Cet exercice imposé est une limitation incontournable, sans doute un limitation de l'OS ou du hardware, est un peu dommageable, mais elle disparaît en mode performance ou séquenceur, ou l'on peut s'en donner à cœur joie dans les mélanges de synthèses : ouf !
Chaque programme se voit gratifier d'un affectation des contrôleurs temps réel par défaut, ainsi que d'une drum track, faisant partie du programme même . Les utilisateurs de Korg connaissent bien ce principe depuis le triton. Le Karma, même s'il n'est pas toujours activé, est aussi programmé en relation avec l'instrument choisi : une guitare aura souvent un motif Karma du type Strumming, etc.
Le Karma est relativement imbitable. Si les réglages de base (activation ou pas, etc) restent simples, il est délicat de le faire à votre main, car les modifications de paramètres produisent des effets assez imprévisibles. Du coup, la conclusion à laquelle je suis arrivé, c'est que le Karma doit davantage être vu comme un outil qui emporte le musicien vers un terrain imprévisible (ce qu'on peut apprécier), plutôt qu'un outil permettant d'atteindre un objectif précis et connu d'avance. Les résultats obtenus sont très enthousiasmants, le Kronos bénéficiant de la version 2.2 du Karma, et non 3.0 (ce qui n'arrivera plus chez Korg selon le concepteur du Karma...). A vrai dire, ce n'est pas un problème tant l'outil est déjà abyssal ! Autre point fort : le Karma peut émettre par le MIDI out, on peut donc bénéficier de ses motifs déjantés pour piloter d'autres synthés (je m'en sers souvent sur mon Minimoog et ça poutre!). Certains motifs Karma sont spécialisés (comme ceux qui balayent les séquences d'onde), ou d'autres spécialisés dans les drums, les basses, les instruments acoustiques.
Poursuivons avec le mode Combi, qui peut regrouper jusqu'à 16 programmes, se partageant 4 motifs Karma au maximum. C'est le mode qui donne un peu l'impression que la machine joue toute seule, ce qui déplaira à certains. Mais c'est aussi le mode qui donne de l'inspiration pour commencer un morceau, et une passerelle très pratique existe pour passer en mode séquenceur et enregistrer sa combi en MIDI. Surtout : son utilisation n'est pas obligatoire, inutile de pester contre cette machine qui joue toute seule...Je le vois plus pour ma part comme un ensemble de démos pour jammer par dessus et s'entraîner, et je m'en sers assez peu finalement.
Enfin, le mode Disk gère tous les fichiers, d'une façon similaire à un ordinateur (création de répertoire, copie de fichiers, etc). L'arborescence est simple à comprendre, mais on met un certain temps à comprendre à quoi correspondent tous les types de fichier, et quels sont les liens entre eux. Les fichiers natifs Kronos bénéficient d'une fonctionnalité géniale : pour un fichier PCG, par exemple, archivant tous les programmes d'un Kronos, il peut être chargé en entier. Mais on peut aller l'explorer sans le charger en mémoire, directement depuis le disque, pour aller chercher LE programme dont on a besoin, pour l'importer lui et lui seul dans la mémoire du Kronos. On dispose même d'une fonction « pré-écoute » qui permet d'écouter le programme avant tout chargement en mémoire. C'est identique pour les fichiers sampling, etc. C'est aussi l'un des moyens de fabriquer une banque à partir de plusieurs (l'outil gratuit PCG Tools étant relativement incontournable de ce point de vue).
L'éditeur VSTi du Kronos est un peu superflu, je trouve. Son interface est bonne, mais il ne supporte pas l'automation des paramètres, comme n'importe quel VSTi. Il n'est donc pas possible de dessiner ses courbes dans sa DAW, comme on le fait pour un VSTi classique. Également, il ne permet aucune édition du mode sampling, ce qui aurait été une grosse valeur ajoutée. On a donc l'impression que Korg l'a davantage créé pour ne pas essuyer de reproches, plutôt que pour apporter une réelle valeur ajoutée au clavier.
Concernant les différents modes de synthèse, il faut souligner la remarquable homogénéité de l'organisation des menus : on retrouve de nombreux points de convergence dans l'organisation des menus, et donc j'ai envie de dire que, quand on maîtrise le mode de synthèse le plus compliqué (sans doute le MOD7, suivi de l'AL-1), on maîtrise tous les autres. Les effets sont les mêmes, les différents onglets se retrouvent au même endroit...Autre exemple, quand on va dans un menu, puis un sous-menu, si vous revenez plus tard dans ce même menu, vous vous retrouvez dans le dernier sous-menu visité, au lieu de vous retrouver dans le premier. Le dernier paramètre est encore actif pour être modifié. Bref, la machine sait aussi aider l'utilisateur, même si celui-ci doit en payer le prix au départ.
SONORITÉS
Difficile avec une telle armada de synthèse de décrire la couleur sonore de cet instrument. Yamaha avait été confronté au même dilemme avec son EX5 il y a quelques années, là-aussi un clavier multi-synthèse ; le Kronos bénéficie de l'expérience et du recul de l'Oasys (le synthé, mais aussi la carte PCI) qui a quand même une bonne dizaine d'années au compteur. On retrouve beaucoup des innovations de l'époque, notamment sur les oscillateurs et les filtres dont la programmation a particulièrement été optimisée pour repousser plus loin encore les défauts inhérents au numérique (Technologie faible aliasing, notamment, réponse non-linéaire des modulations grâce aux sources de modulation combinables entre elles)...
A la vérité, voici ce qu'il en est : le Kronos est le synthé qui offre la plus large palette sonore sur le marché au moment où j'écris ces lignes. C'est une sorte de compilation de la manufacture électronique des 30 dernières années. Quand j'ai besoin d'un son chaleureux, un tour dans l'AL-1 correctement programmée avec utilisation un peu maline des effets, et j'ai la basse qui bétonne, le brass moelleux, la nappe cuivrée. Un son analo un peu plus sec ou agressif, un tour vers le MS20. Un son plus classique et rapide qui sonne direct, le Polysix. Une nappe évolutive et plus contemporaine, le moteur HD1 est mis à contribution avec des séquences d'onde (il inclut toutes celles de la Wavestation). Le son 80's expressif et ciselé, direction MOD7. Une couleur soul dont je raffole, j'empile un son d'EP-1 avec un CX3, que je dose avec des contrôleurs. Le sound design façon Absynth avec des sons un peu hallucinés ou ethérés? Direction STR-1.
Soyons lucide pour la comparaison avec les analos, il faudra s'armer de patience pour s'approcher avec un synthé numérique, si bon soit-il, du son d'un vintage. Mais pour qui ne veut pas aller sur scène avec son vieux coucou (comme moi avec mon Minimoog), c'est idéal, car j'ai pris l'habitude de sampler mes analos. Il est vraiment possible de façonner le son à son goût. Les modulations répondent parfaitement (là, on sent l'héritage de l'Oasys), y compris sur les effets.
L'import des sons de DX7 est aisé, et là, le Kronos sonne vraiment pile comme l'ancêtre Yamaha (mieux, même, avec des convertisseurs et des effets de haute volée).
Au sujet des convertisseurs, ils sont très réussis, dans le sens où les transitoires sont très bien retranscrits, le son est dynamique et parfois violent. Il ne faut pas compter sur eux pour « amortir » un patch mal programmé : le synthé sonne « cash » ! Un patch mal programmé ne pardonnera pas, le son pourra sembler criard, violent. Le niveau de chaque étage doit être correctement calibré pour que le son reste homogène. Heureusement, il y a de nombreuses façons de « polir » le son, de le façonner. Autant de possibilités de se perdre en cours de route également ! Je suis de ceux qui pensent que la première qualité d'un synthé est la rapidité entre l'idée et le résultat : disons qu'avec le Kronos, le résultat est toujours à la clé, mais il faut savoir garder son idée de départ en tête.
Faisons un petit tour des moteurs sonores :
SGX1- piano : le moteur de piano acoustique, qui offre un échantillonnage très pointu, note à note, avec tables d'harmonie, sur 8 niveaux de vélocité. Ce moteur utilise le disque dur SSD pour lire à la volée les échantillons qui n'ont donc pas besoin d'être chargés en RAM. Il offre 2 sons de piano, allemand et Japonais. Les 2 sont très bons, mais le second me semble plus réussi. Ce moteur n'a toutefois rien de révolutionnaire, même s'il est grandement possible d'améliorer cela grâce aux effets. Disons qu'on a un moteur sonore parmi ce qui se fait de mieux, mais il n'écrase pas un Roland RD700NX ou un Nord Stage 2 (c'est surtout une affaire de goût). Par contre, le moteur de synthèse permet de contrôler beaucoup de paramètres en temps réel, un peu dans l'esprit d'un Roland V-Piano.
EP-1 : là-aussi faisant appel au sampling, une merveille. Les Rhodes sont tous là, du Mark 1 et Mark 5 (celui que je préfère, c'est le Mark II), et ont un grain terrible. Le Wurlitzer est aussi de la partie, même s'il peut sembler moins réussi. Un travail sur les effets pourra permettre de s'approcher au plus près du 200A, et pour l'avoir testé dans de nombreux mixes, il ressort bien à chaque fois. Ce moteur dispose d'effets vintage spécifiques, en sus des effets disponibles pour tous les moteurs sonores, un peu dans l'esprit des effets COSM de Roland, mais ils sont encore plus convaincants. Sans doute l'un des moteurs sonores les plus réussis.
CX3 : J'ai appris à apprivoiser ce clone de Hammond B3/C3, car au début, je lui trouvais un son un peu sage, un peu à l'instar du KB3. Il faut travailler beaucoup les effets. La récente révision de ce moteur dans la version 2.2 de l'OS apporte un rendu plus réaliste, une Leslie Cutomisable entre autres. Tout est là : mode Upper / Lower, les différents modes de vibratos/Chorus. Chaque tirette harmonique est automatiquement affectés aux contrôleurs en façade, le rendant très facile à customiser. Je trouve la Leslie réussie, c'est-à-dire qu'elle ressort bien dans un mix sans trop d'agressivité. Elle est aussi pleinement paramétrable. Il manque toutefois à ce moteur les Farfisa/Vox, qu'on retrouve heureusement dans le moteur HD1
MOD7 : le moteur FM le plus abouti et le plus complexe qu'il soit. Il offre l'import DX7 par banque entière, DX7 dont ils reprend chacun des algorithmes, mais il en rajoute un paquet, donc certains utilisent un bruit blanc, l'entrée audio, ainsi que n'importe quel sample en ROM ou RAM (et malheureusement pas les séquences d'ondes). Des cordons de patchage viennent altérer les algorithmes, en « forçant » certaines liaisons entre blocs. 2 filtres peuvent être rajoutés sur le trajet, ainsi qu'un Waveshaper très souple et réussi, bien que très radical (dommage qu'on ne puisse se fabriquer ses propres courbes de Waveshaping). La MOD7 est donc une synthèse FM modulaire de haute volée. C'est de loin le moteur le plus complexe, mais aussi le plus enthousiasmant du Kronos ! Par contre, accrochez-vous pour programmer un son en partant de rien, vous allez en baver ! Le mieux est d'importer un son de DX et de le modifier.
AL1 : c'est, à la base, le moteur VA du Kronos, avec une architecture à 2 oscillos + un SubOsc, des filtres complets au routage flexible. Mais ce moteur va au-delà de la simple imitation analogique, puisqu'il rajoute de la FM, du Ring Mod, un Drive...pour passer du son rondouillard Rock Prog à Papa jusqu'au lead tranchant et agressif du fiston. Ce moteur tire pleinement parti des convertisseurs qui sont vraiment très bons. Mais il est aussi complexe et il est parfois délicat de trouver comment modifier le son, tellement les paramètres sont nombreux. Il est vraiment dommage que l'interface très clinique de l'écran tactile n'aide pas à la maîtrise de ce moteur de synthèse qui aurait mérité une interface plus simple (à la Polysix!). Par contre, je pense qu'il s'agit d'un moteur sonore très qualitatif, même face aux ténors du genre Nord/Access (Parole d'ancien possesseur de Nord Modular / Virus KC)).
PolySix / MS20 : les moteurs reprennent stricto sensu les logiciels de la Korg Legacy Collection. Ils bénéficient là encore du hardware remarquable, des effets du Kronos et des modulations sans fin de la machine. Pour avoir le logiciel original, mes essais en comparaison ont abouti à la conclusion que le synthé sonnait très proche du Soft original, mais que ses possibilités sont décuplées par les parties communes de la machines (effets, combis, etc...). Malheureusement, le MS20 controller du Logiciel n'est pas compatible avec le Kronos pour la partie patchage, seulement les notes et les contrôleurs MIDI traditionnels (cutoff, filtre, enveloppes, molette de modulation, etc). Un bémol : la Korg Legacy Collection propose des menus de modulation qui font doublon avec le moteur de synthèse du Kronos. Ainsi, il est possible de faire la même action de 2 ou 3 façons différentes, ce qui peut perdre un peu l'utilisateur. Ainsi, l'utilisation du panneau de patchage du MS20 n'est plus tellement utile, puisque les mêmes modulations peuvent être créées, souvent de façon plus souple, par les menus du Kronos. Le MS20 peut être utilisé en processeur audio, grâce à la fonction ESP fidèlement implémentée, en injectant un signal audio dans les entrées du Kronos. A vous le fameux « guitare synthé » en branchant votre gratte dans le Kronos !
Le Polysix est le moteur de synthèse à utiliser quand on veut un son typé analo mais pas trop compliqué à programmer. Il me surprend souvent sur les pads, et mêmes les sons de basse qui peuvent être assez épais. Il a ses propres effets (ensemble, chorus...) et son propre arpégiateur (qui n'émet pas en MIDI Out, dommage.)
STR1 : la synthèse la plus délicate à appréhender, car novatrice et difficile à comprendre au départ. Le principe : un son vient trigger une corde. Le son de départ peut être un sample ou une simple impulsion, un bruit blanc, etc...la corde est une modélisation physique qui, selon la force de déclenchement, l'endroit où on la pince, etc...bref, la façon dont elle est excitée, sonnera différemment. Des paramètres non-linéaires permettent de rendre le son plus ou moins prévisible. Les matériaux / dimensions de la corde sont modélisables. L'entrée audio peut aussi être mise à contribution comme déclencheur.
Ce moteur a été vendu par Korg comme étant celui qui est destiné à imiter les guitares. Non seulement il est assez mauvais dans l'exercice, mais surtout, surtout, si on le limite à cela, on passe à côté de son grand intérêt : c'est un moteur pour « inventer » des instruments dont on conçoit le déclenchement, les tailles, le matériaux...Bref, une belle prise de tête qui ne conviendra pas à tout le monde, mais quand on voit la variété des sons qu'il est capable de sortir, c'est juste diabolique ! Les contrôleurs temps réels font merveille sur le son, qu'il est facile de déjanté par ce biais. Ce son ressemble assez, dans son esprit, à la philosophie d'Absynth. Si le déclencheur est une nappe, le son ne sera pas celui d'une corde pincée, mais d'une corde frottée doucement, ce qui peut produire de très belles nappes.
Venons-en aux effets : il y a 12 effets d'insertion, 2 bus d'effets additionnels MFX, et enfin, 2 Total FX. Les effets, leurs réglages et leur routing est mémorisable par programme, pas de loup ici. Avoir 16 effets d'insertions auraient été plus logique (pour être raccord avec 16 parts multitimbrales du séquenceur et des combis). Mais peut être la puissance CPU aurait été trop juste, et, plus certainement, la latence, car pour empiler 12 effets qui peuvent se succéder, les latences de chacun s'ajoutent probablement. Fort heureusement, aucune latence n'est perceptible avec l'architecture actuelle. Pas de lacune dans les effets, hormis que certains effets liés aux moteurs de synthèse (CX3, EP-1) ne sont pas disponibles dans le module d'effet général. Seul le Polysix offre ses effets pour les autres synthèses. Quelques algorithmes sont particulièrement puissants et font bien davantage qu'embellir le son , en voici quelques exemples : un superbe Waveshaper, très radical, tronçonne le son violemment et musicalement, un grain shifter découpe le son en tranche très fines. Egalement toute une section de simulateurs d'amplis, micros, préamplis...pour épaissir le son avec des résultats très bons. Un vocoder est aussi de la partie, il peut utiliser n'importe quel signal comme modulateur et comme porteuse, donc le résultat dépend surtout de vos choix de sources audio. Bien sûr, tous les effets peuvent être utilisés en temps réel sur les entrées audio, ce qui fait du Kronos un processeur d'effet, dans le même esprit qu'un V-synth. Il sera très à l'aise en piano-bar pour rajouter compresseurs, réverbs sur vos voix et guitares, via ses 2 entrées audio. Les réglages sont nombreux, parfois complexes à appréhender, mais c'est davantage dû à la nature des effets, proches de ce qu'on trouve sur un bon software, qu'à l'interface du Kronos elle-même. Elle est d'ailleurs réussie de ce point de vue, puisqu'on a droit à des vu-mètres dynamiques, une page avec tous les routages d'effets, qui peuvent se succéder comme une chaîne de plusieurs maillons, mais aussi « rejoindre » un bus déjà existant, à n'importe quel endroit de la chaîne.
Enfin, des presets d'effets existent, et il est possible de sauvegarder les siens, ainsi que les renommer. Il est également possible de copier tout ou partie du routing d'effet d'un autre program, Combi, song...Très souple. On aurait aimé pouvoir sauvegarder un bus d'effet complet, comme dans Cubase, par exemple.
Une limitation très pénible, toutefois : un programme est constitué de 2 sons. Eh bien chaque son ne peut pas bénéficier de ses propres effets : la « maille » minimum est le programme. Seuls les effets MFX peuvent être différenciés pour chaque son. C'est très curieux d'avoir une telle limitation alors que le reste est si souple !
Enfin, le Kronos dispose d'effets dédiés au mastering (assez unique dans une workstation, l'ambition clairement affichée ici étant de pouvoir accueillir un projet complet de A à Z sans passer par l'étape DAW: compresseurs multibandes, limiteurs, … ce qui rend possible la production de morceaux réellement finalisés, si, bien entendu, on a suffisamment de savoir-faire pour les utiliser (on peut faire beaucoup de dégâts à un mix avec un compresseur multibande, par exemple...). Heureusement, les presets d'effet fournissent là-aussi une bonne base pour travailler, en proposant des réglages par genre musical, ou par type d'instruments.
AVIS GLOBAL
Je possède le Kronos depuis novembre 2011. C'est très volontairement que je mets cet avis en ligne uniquement maintenant (et aussi par paresse jusqu'ici, parce que plusieurs mois sont nécessaires pour faire un tour à peu près exhaustif de la machine. J'ajoute que c'est mon tout premier Korg ! (hormis la Korg Legacy Collection...). C'est une marque qui a peu à peu éveillé mon intérêt, entre le M1 que j'exècre (ne me demandez pas pourquoi, j'en sais rien), jusqu'à ce Kronos qui a répondu très exactement à ce que je cherchais au moment où il est sorti : un vrai synthé, archi complet, avec des sons qui cognent dans les styles que j'aime, qui se suffit à lui-même. Mon projet alors était de renouer avec le jeu en groupe pour sortir un peu de mon home-studio, avec un instrument tout terrain. Mais, venant d'un Motif XS8 (un très bon Rom Player en l'occurence), j'étais frustré de ses capacités de synthèse limitées, et du mode sampling très limitatif.
Ce qui peut ne pas plaire, c'est le nombre de paramètres abyssal, même si l'interface bien réussie limite la casse. L'écran tactile n'a qu'un seul défaut, les commandes y sont trop petites. Certains modes de synthèse ont une interface simple et dépouillée (EP1, notamment), mais la synthèse AL1 ne bénéficie pas d'une interface à la hauteur de ses possibilités. Le sampler est magnifique, très complet, et est le seul à offrir le streaming sur un synthé Hardware. Les effets sont très bons, très souples dans leur routing et leur utilisation. Le séquenceur a une interface passable (j'ai pu tester récemment celui du Krome, bien plus convivial), mais gère très bien l'audio. Le clou du spectacle est, pour ce qui me concerne, la synthèse MOD7 qui est énorme, qui sonne vraiment, et qui aurait justifié un synthé à elle seule : on va même, sur certains aspect, au-delà des fleurons Yamaha que sont les SY/TG/DX et FS1R (ce dernier étant plus spécifique, encore). J'aime toujours autant les MS20/Polysix, très inspirants, comme je les aimais déjà dans la Legacy Collection. Peu importe leur rapport plus ou moins lointain avec les originaux qui les ont inspirés, ils sonnent très bien pour ce qu'ils sont. Reste l'OVNI STR-1, synthèse singulière et ardue (peut être la plus déroutante). Le moteur HD1, qui est celui qui offre le plus de sons, représente dignement le sampler/Romplayer sans véritable point faible, avec des capacités de synthèse aussi poussées que les autres moteurs, proposant des tables d'ondes en plus (Wave sequences)
Mais il faut aussi savoir voir les choses en face : on m'a souvent demandé ici ou là si je conseillais le Kronos. La réponse n'est pas très simple, car cela dépend beaucoup de chaque type d'utilisation, et j'avoue que j'ai souvent orienté des utilisateurs vers d'autres claviers plus simples d'accès. Pour qui n'a pas besoin de sampling évolué ou de synthèse FM, d'un simple Romplayer ou d'un synthétiseur à modélisation analogique, il y a des instruments plus démocratiques financièrement et surtout techniquement. Beaucoup sont redescendus de leur arbre en étant confronté aux arcanes de la machine, qui nous confronte souvent à nos propres limites et connaissances en matière de synthèse, et je pense que c'est cela que tout le monde n'aime pas. En fait, la machine n'exige aucune compétence particulière, mais de l'expérience dans les synthés, du vécu, et beaucoup de travail (un mot parfois mal venu dans le domaine des loisirs qu'est la musique). Passé un cap, l'instrument est un perpétuel terrain de jeu où tout reste à découvrir, et on éprouve une grande satisfaction quand on a programmé un joli patch utilisant bien le moteur sonore. Saluons au passage le formidable travail des Sound Designers de Korg qui ont pondu une quantité impressionnante de programmes, quasiment tous de qualité et utilisables dans des productions.
Reste l'aspect matériel : l'extérieur est sans doute plus fragile que ses concurrents, et le loupé de Korg sur le problème des touchers lourd RH3 (modèles 73 et 88 notes) a fait l'objet d'une révision sur les modèles Kronos X. Assurez-vous pour un Kronos 1ère génération que ces rubbers ont été remplacés. (les miens l'ont été, ayant la chance d'habiter juste à côté de l'importateur). L'intérieur de la machine fait, à tort, débat sur un synthé qui serait un « PC déguisé » : c'est assez grotesque puisqu'au niveau sonore, le Kronos n'a rien à envier à ses concurrents de même génération, son OS sur Linux est très bien fini (on en est à l'OS 2.21) et très stable. Sa conception à partir de composants courants rend le Kronos facilement upgradable en Kronos X (compter environ 150/200€) et ne procure que des avantages de mon point de vue. Tous les synthés numériques ont une partie hardware qui fait tourner un logiciel, technologie qui avoisine la petite trentaine d'années maintenant. Jugeons donc la machine non pas sur l'impression qu'elle dégage, mais sur ce qu'elle permet, au prix d'une avance technologique qui sera sans doute (et on le souhaite!) bientôt comblée par Yamaha en premier lieu, seule firme (avec Kurzweil, peut-être?) à être en mesure de rattraper ou dépasser un prochain jour le Kronos. Depuis, Korg semble se recentrer sur des machines plus orientées live, moins excitantes mais plus immédiates, là où bien d'autres constructeurs sont présents avec talent (Nord, Elektron, Roland, Arturia...). Quel plaisir de trouver sur le marché un tel choix, aussi bataillé, pour tous les goûts !