Editorial du 30 avril 2016 : commentaires
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Los Teignos

A la veille de la fête du Travail, on pourrait parler de ces casseurs de manif qui ont remplacé les briseurs de grève d’autrefois, des Panama Papers bientôt accessibles au public ou du salaire discuté du pauvre Carlos Ghosn qui n’a pas le temps d’aller manifester, lui, et qui n’hésite pas, pour boucler ses fins de mois, à cumuler deux emplois, voire plus, sans compter ses heures sup' et sans bénéficier de la moindre assurance chômage ou maladie…
Ou alors on pourrait parler de la musique et de la transformation de l’art en produit sous l’impulsion d’une industrie qui n’a jamais au d’autres buts que celui-là. C’est ainsi qu’une étude menée par l’institut britannique ICM pour le compte de la BBC a révélé qu’un vinyle sur deux vendus en mars 2016 n’avait jamais été écouté, parce qu’il avait été acheté pour des raisons purement décoratives.
Sans même parler du fait que ce sondage devrait calmer la morgue de plus d’un audiophile fêtant le retour du vinyle sur l’air de « je vous l’avais bien dit », on ne pourra s’empêcher de souligner que le disque qui n’était autrefois qu’un support est en passe de devenir plus important que l’oeuvre qu’il véhicule, le contenant primant bientôt sur le contenu. Pour une personne sur deux, il semble en effet plus important de poser un millésime sur son étagère que de le boire, signe que c’est le veau d’or, en définitive, qui est en train de gagner. Il fallait peut-être y penser avant de s’enthousiasmer chaque fois qu’un publicitaire dessinait une banane sur une pochette de disque en prenant des airs de peintre…
De ce point de vue, la tant décriée dématérialisation de la musique aurait presque une gueule d’espoir face au retour des bonnes vieilles pochettes tueuses d’arbres. Une chose est sûre en tout cas : lorsque vous aurez fini votre album grâce aux articles sur le mixage de notre Nantho bien aimé (car c’est la semaine du mixage sur Audiofanzine avec non pas un, deux, trois, quatre ou cinq, mais six nouveaux articles didactiques sur le sujet), ne passez pas trop de temps sur le visuel de votre « pochette » sous peine de voir votre musique réduite à l’état d’image, de bout de carton silencieux destiné à décorer une étagère ou une porte de chiottes.
Un musicien n’est pas un décorateur.
Sur ce, bon week et à la semaine prochaine.
Los Teignos
From Ze AudioTeam
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Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?

Los Teignos

Donc le retour à la musique virtuelle t'arrangerai plutôt los teignos ?
Ben je suis clairement d'une génération qui s'est habitué au matériel et qui peine à trouver ses marques dans le dématérialisé. Mais oui, en dehors du fait que mon éducation me complique la vie sur ce point, je pense que la dématérialisation est une très bonne chose à la fin.
comme je disais, la musique n'a eu pour seul support que le bouche à oreille l puis la partition pendant des siècles Mais l'art est il monomaniques ? les mélanges des genres est il contre nature ? es tu contre l'inceste artistique ,![]()
Maintenant la musique dans le cinéma joue le même rôle que l'image dans la musique non ? Donc des films sans Ennio morricone ? Maurice jarre ?personnellement ce qui m'intéresse dans la dématérialisation c'est la fin du star système à la longue .C'est pas sûr mais c'est une possibilité que je souhaite ainsi que la mort du droit d'auteur dans l'état où il est actuellement .
Evidemment, il m'est dur de concevoir des films sans musique même si la musique de film ne présente pour moi que peu d'intérêt lorsque le film ne l'accompagne pas. Ca m'a toujours fait marrer d'ailleurs de voir que certains musiciens disaient faire de la musique de film... alors qu'il n'ont jamais bossé sur un film.

Au-delà de ça, je ne pense pas que le mélange des genres soit contre nature (j'adore la BD, le cinéma, mais à bien y regarder, le théâtre, l'opéra, le ballet, ce ne sont encore que des arts hybrides qui ont pleinement leur place), mais je m'étonne qu'on trouve qu'il va de soit qu'un disque doive nécessairement s'accompagner d'un visuel, faisant comme si c'était une démarche artistique à la base alors que c'est un impératif marketing qu'on va essayer d'"artistiser" avec plus ou moins de bonheur. Et que c'est tellement sur lui qu'on communique qu'il en devient plus important que le contenu dans l'affaire qui nous occupe. Ca me semble un tel non-sens que j'en suis venu à la question : le rôle d'un musicien est-il de produire un objet décoratif ? Il semblerait bien que pour une personne sur deux, ce soit le cas. A quoi bon, donc, mettre des disques dans les pochettes ?
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Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?
[ Dernière édition du message le 30/04/2016 à 22:35:31 ]

Los Teignos

@Los Teignos, je comprends bien ton pt de vue sur le "multimédia" néanmoins, pour rejoindre pierresilex, pourquoi ne pas considérer que l'on puisse tendre vers de l'art (je suis un peu mal à l'aise avec ce mot qui est vite pompeux pour les causes précitées p-e) de plus en plus multimédia qui, même s'il est initié par les buziness peut tendre à des choses réellement intéressantes, après à voir si effectivement on est pas dans l'exception et non la règle, cfr: les fleurs sur le tas de fumier ...
Le multimédia digital/virtualisé pourrait être l'art majeur des prochaines décénies non ?
On commence à voir des choses intéressantes dans ce sens, même si, comme dit plus haut, la somme des arts aboutit souvent à quelque chose qui n'a rien d'artistique. Le jeu vidéo en est la preuve vivante : voici un conglomérat de créations émanant d'artistes (illustration, scénario, dialogues, musique, etc.) qui, à la fin, n'a rien à voir avec de l'art à de très rares exceptions près (j'ai un temps gagné ma vie comme journaliste dans le jeu vidéo et joue depuis bientôt trente ans et je crois qu'en dehors peut-être de The Stanley Parable, je n'ai jamais croisé un jeu vidéo dont j'ai pu me dire qu'il était une oeuvre d'art).
Affaire à suivre donc.

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[ Dernière édition du message le 30/04/2016 à 21:58:26 ]

Anonyme


Le principe de liberté pourrait laisser le musicien choisir son rôle. Maiq à priori, il est d'abord musicien, si on le nomme comme tel... Sorry pour les évidences.
Après, le rock s'accompagne d'une vision du monde, d'un way of life, et de canons visuels. Comme certains peintres classiques peuvent se trouver sur des disques de musique religieuse, classique, baroque, etc.
Il s'agit bien aussi d'identification d'un produit, ou d'une œuvre devenue produit. Blablablaaa :D

delchambre

Affaire à suivre effectivement

Khohd (Post Metal / Post Rock)
Vieux machins et autres trucs persos: remix&versions persos - Compos et Compotines AF - Mixages "blues/jazz/rock" - Vidéos kitch

Los Teignos

En tout cas, c'est toujours un plaisir de vous retrouver, que ce soit pour s'accorder ou se botter le cul. La vraie richesse de ces éditos tient en effet dans vos commentaires. Merci encore d'être fidèles à nos rendez-vous du samedi.
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[ Dernière édition du message le 30/04/2016 à 22:26:39 ]

The Lost Lô



Los Teignos


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Anonyme

[ Dernière édition du message le 01/05/2016 à 00:17:12 ]

Anonyme

Je pense par exemple qu'en littérature, la couverture nuit au texte que contient le livre, raison d'ailleurs pour laquelle les éditions premières ne comportent à la base que le titre, le nom de l'auteur et celui de l'éditeur sur un fond blanc ou crème, contrairement aux éditions de poche qui font grand usage de photos ou d'illustrations... pour des raisons purement marketing.
Si il y a une vrai démarche de conception entre le musicien et le graphiste il ne devrait pas avoir ce genre de problème. Moi je vois la pochette comme un ready made (un objet agréable). J'ai pas envie que toutes les pochettes soit des monochromes de Los Teignos (Man)

Moi j'adore les collaborations "artistique", exemple :
Jimi Hendrix - Moebius (Jimi Hendrix /1) https://i-likeitalot.com/2014/09/art-jimi-hendrix-by-jean-giraud-aka-moebius/
Je voudrais faire "un parallèle" avec l'Editorial du 19 septembre 2015 sur le Design et citer Will Zégal :
Ça, c'est au choix de chacun, mais j'avoue que je suis souvent frappé par la triste banalité de beaucoup de logements, banalité qui confine trop souvent à la laideur, comme si vivre entouré de beau n'avait pas d'importance.

patrick_g75

Zat iz ze questionne !
"Le jugement est un outil à tous sujets, et se mêle partout... " (Montaigne / Essais I / chap L)
http://patrickg75.blogspot.fr/
https://patrickg.bandcamp.com/

Will Zégal

@Los Teignos, je comprends bien ton pt de vue sur le "multimédia" néanmoins, pour rejoindre pierresilex, pourquoi ne pas considérer que l'on puisse tendre vers de l'art (je suis un peu mal à l'aise avec ce mot qui est vite pompeux pour les causes précitées p-e) de plus en plus multimédia qui, même s'il est initié par les buziness peut tendre à des choses réellement intéressantes, après à voir si effectivement on est pas dans l'exception et non la règle, cfr: les fleurs sur le tas de fumier ...
L'art multimedia peut être intéressant et une vraie forme d'art s'il est conçu comme tel.
Los Teignos a cité notamment la danse et l'opéra.
Je me rappelle il y a quelques années après l'arrêt de mon groupe de l'époque. Pour la première fois depuis des années, j'ai l'opportunité d'aller à la Fête de la Musique en spectateur. Cool.
Je vais donc la ville centre de l'agglomération. Plein de scènes installées. Sur au moins la moitié, il y avait du VJing. Souvent de belles choses, mais je n'ai vu aucun truc qui était en parfaite cohérence avec la musique jouée. Visiblement, on avait l'alliance entre des artistes vidéo et des musiciens. Mais alliance ne fait pas fusion.
Au contraire, il peut y avoir vraiment de belles choses quand la fusion est pensée :

Will Zégal

La question de l'approche industrielle, commerciale et publicitaire de la musique comme de la photo n'y est d'ailleurs pas évacuée.

phm78

Devant tant de trucs à prétention artistique, cette question à occurrences multiples "Est-ce de l'art ?", simplement provoquée par le manque d'appétit pour les trucs en question, elle me fait me demander : devant une tarte au citron (exemple à connotation personnelle, mais facilement généralisable), aurais-je l'idée de poser la question "Est-ce une tarte ?", simplement parce que je n'aime pas le citron ?
Zat iz ze questionne !
+1, peut être que Los Teignos n'aime ni la soupe ni les bananes.

I'M NOT ARGUING, I'M JUST EXPLAINING WHY I'M RIGHT.
Ground control to Major Tom...
[ Dernière édition du message le 02/05/2016 à 15:43:45 ]

patrick_g75

Ce serait intéressant, d'ailleurs, de considérer cette vidéo-là (la bande annonce du spectacle) comme une oeuvre complète en elle-même, qui, à la combinaison chorégraphique classique - dans un dispositif scénique particulier, des corps en mouvement accompagnés d'une musique (et l'accompagnant ?) -, ajoute les sortilèges d'un filmage/montage très élaboré ...
Entre nous, je trouve que vous formez un bon duo, Los Teignos et toi, Will. Avec le premier qui joue volontiers le... teigneux (?) "j't'y rentre dedans, faut qu'ça pète !", et le second dans l'attitude du... Sage (jeune !), qui vient remettre un peu de... distance...
Bref, j'apprécie, pour ce qui me concerne.![]()
Je me rappelle il y a quelques années ... j'ai l'opportunité d'aller à la Fête de la Musique en spectateur. Cool.
... Plein de scènes installées. Sur au moins la moitié, il y avait du VJing. Souvent de belles choses, mais je n'ai vu aucun truc qui était en parfaite cohérence avec la musique jouée. Visiblement, on avait l'alliance entre des artistes vidéo et des musiciens. Mais alliance ne fait pas fusion.
Bien vu, bien entendu !
Et le maître mot, ici, est "fusion". Et non pas l'étiquette, "multimédia" - ou autre...
(Au marché, c'est utile de savoir quand c'est, par exemple... du poisson ; mais c'est essentiel, de savoir s'il est frais !)
Je suis d'autant plus sensible à la question (image/musique), que, depuis maintenant quelques années, je passe le plus clair de mon temps à y répondre, pour ma part, en confections de mélanges/alliances/fusions (dans l'ordre ou le désordre) de vues/montage/musique... dans le désordre souvent, mais parfois miraculeusement dans l'ordre... J'espère.
Non, je ne vais même pas essayer, ici, de commencer le début d'un développement de mes réponses personnelles à la dite question. Juste dire qu'elles ne peuvent être simplistes..., pas évidentes, quoi !
Ce dont tout le monde se doute, je pense.
Quant à la question de l'approche industrielle, commerciale et publicitaire de la musique telle qu'elle se trouve manifestée parfois dans les pochettes ?
Bof...
Bof ?
Oui, je veux dire que je m'en fous, pour parler sans détours, de la pochette. Ou plutôt, si elle est "belle" (de mon point de vue), je la regarde, pour elle-même. Si elle "laide", ou insignifiante... quelle importance ?
Mais, bon, moi, ce que j'en dis... c'est juste pour causer.

"Le jugement est un outil à tous sujets, et se mêle partout... " (Montaigne / Essais I / chap L)
http://patrickg75.blogspot.fr/
https://patrickg.bandcamp.com/

GB_Paris

Ca m'est arrivé d'acheter des 33t car je voulais la pochette en grand format (ex : Alan Parsons "I Robot", ou Jarre "Oxygène"), même si j'ai déjà le CD par ailleurs

Surtout qu'on trouve des cadres spécifiques, la demande existe donc.
Par contre, je n'ai pas encore acheté de 33t dont la pochette me plait mais pas la musique lol.
Je trouve dommage que certains albums, et pareil pour les livres, soient desservis par une mauvaise présentation.
En parlant de livres, j'ai longtemps boudé un éditeur (10/18 je crois) car ses livres étaient moches (je parle de livres trouvables chez la concurrence bien sûr).

Will Zégal

En tant qu'amateur de belles choses, j'aime qu'un livre soit beau (des livres très simples sans illustration peuvent l'être). En même temps, j'attends surtout d'un livre qu'il ne soit pas cher ni précieux. Je veux pouvoir le poser sur ma table de petit dej sans regretter de lui faire une tâche de café ou de confiture. Je veux pouvoir le donner à quelqu'un ou l'abandonner dans une des bibliothèques d'échanges ouverts qui se multiplient partout (de simples placards dans des lieux publics dans lesquels on peut déposer et prendre des livres en toute liberté).
J'ai longtemps lu beaucoup de SF de la série présence du futur (Denoël) dont les couvertures (souvent illustrées par Caza


Ceci dit, bien que les couvertures étaient souvent raccord avec le contenu, elles n'ont jamais façonné mon imaginaire une fois la lecture entamée.

GB_Paris

Le plaisir de l'objet


pierresilex



kosmix

dans le film JODOROWSKY's DUNE on voit nettement ce que peut donner un heureux mélange des genres : notamment un illustrateur de livre de SF, des dessinateurs de BD comme Giger, les pink floyd pour la musique etc un rêve !!!
Ouais sauf que le projet était totalement irréalisable, c'était complètement impossible de réaliser ce film d'un point de vue technique et financier. C'était utopique, chimérique, bref totalement fou, comme Jodorowsky.
Certaines pochettes valent le coup d'être afficher.
Bien-sûr que oui. Certaines pochettes deviennent d'ailleurs des œuvres d'art totalement indépendantes de l'album qu'elles ont illustré et vivent leur vie de leur côté. Exemple :

Bon c'était une photo intérieure donc pas exactement la pochette mais ça illustre quand-même mon propos.
Putain Walter mais qu'est-ce que le Vietnam vient foutre là-dedans ?
[ Dernière édition du message le 02/05/2016 à 20:09:01 ]

Los Teignos

En tant qu'amateur de belles choses, j'aime qu'un livre soit beau (des livres très simples sans illustration peuvent l'être). En même temps, j'attends surtout d'un livre qu'il ne soit pas cher ni précieux. Je veux pouvoir le poser sur ma table de petit dej sans regretter de lui faire une tâche de café ou de confiture. Je veux pouvoir le donner à quelqu'un ou l'abandonner dans une des bibliothèques d'échanges ouverts qui se multiplient partout (de simples placards dans des lieux publics dans lesquels on peut déposer et prendre des livres en toute liberté).
Oui mais non concernant la beauté des livres pour ma part, et ce n'est pas une question de gout ou de couleur, et ça n'enlève rien à la révolution qu'a été le livre de poche dans la démocratisation de la culture : moi aussi j'achète cela autant par contrainte budgétaire que par gain de place. Mais je peste souvent devant les couverture abominables des ouvrages, qui trahissent toujours le contenu par nécessite de le réduire. Ca me rappelle les émissions politique d'Arlette Chabot qui demandait à ses invités de résumer "en un mot" leur politique sur le nucléaire ou le sujet du proche orient. Mettre une image sur un livre alors qu'un million d'images ne suffiraient pas, pas plus qu'un million de mot ne suffirait à décrire une image, c'est d'une incroyable prétention en même temps qu'une démarche qui n'a d'autre intérêt que de rafraichir, non pas un texte, non pas un objet, mais un produit.
En vis-à-vis de cela, l'objet-livre doit pour moi à tout prix se faire oublier : une typo standard mais lisible, une couleur passe partout, et rien qui ne le distingue des autres livres pour qu'il s'efface le plus possible devant son contenu qui fait sa vraie différence, que la friction entre sa couverture et son contenu soit la plus nulle possible. Je n'ai rien contre les beaux-objets et trouve même cela plutôt agréable un beau couteau, une belle pipe, une belle carafe, une belle voiture ou une magnifique brosse à dent, mais c'est du design et le design n'a pour moi rien à voir avec l'art, qui n'a que faire du beau ou du pratique ou même du plaisir, pour se concentrer sur une seule et unique préoccupation : le vrai. C'est ce que Molière raillait dans les précieuses ridicules ou dans bien d'autres pièces encore : la littérature n'est pas là pour faire joli, la poésie ce n'est pas parler avec des jolis mots et des rimes ou pour répondre au désir du lecteur... alors le bel objet façon Pierre Bellemard pour lui servir de véhicule, c'est juste une énorme contradiction. A l'heure où l'on peut faire sans, il n'y a d'ailleurs rien de plus ridicule et fat que de continuer d'éditer des livres à reliure en cuir dont la tranche est dorée à l'or fin, juste pour le plaisir d'avoir des vaches mortes dans une bibliothèque de chêne.
Sur une couverture simple, le nom de l'éditeur serait déjà de trop selon moi, de même que le numéro ISBN ou la date d'édition, et j'ai une profonde aversion pour les quatrièmes de couvertures qui, plutôt que de citer le début du texte, vous assènent les propos d'un journaliste laudatif ou d'un éditeur qui fait la pute pour pousser le lecteur à acheter le livre. Je me contrefous de savoir ce que Churchill a dit à propos d'un roman d'Hemingway, et tout autant de la préface d'un tel à propos d'un tel. A de rares exceptions près, les préfaces, quand elles ne sont pas des auteurs mêmes au quel cas elle font partie de l'oeuvre, sont le plus souvent inintéressantes. Je pense même d'ailleurs qu'on pourrait discuter de la perturbation des numéros de pages qui contrarie la temporalité du récit, et je n'aime pas encore, en dehors du contexte d'un travail littéraire, avoir à faire à des notes de bas de page et un apparat critique : saccage de l'éditeur ou du traducteur qui vient troubler l'oeuvre, exactement comme un mec qui répond au téléphone à côté de vous au cinéma, ou d'un autre qui vous expliquerait chacune des répliques au théâtre. Ca se comprend sur des éditions destinées à l'étude, mais pas à la lecture : un éditeur n'est pas là pour expliquer quoi que ce soit sur l'oeuvre qu'il a le devoir de transmettre intacte, imaculée, non contaminée par sa petite personne.
Alors les couvertures imagées, si intéressantes qu'elles puissent être dans un second temps (je trouve ça très bien qu'un graphiste s'inspire d'un livre ou d'un disque, tout comme l'inverse), c'est pour moi impensable si l'auteur n'en a pas fait la demande parce que c'est coller une oeuvre sur une autre. Parce que mettre un tableau de Delacroix sur un livre de Baudelaire, c'est un peu se prendre et pour Baudelaire et pour Delacroix sans demander l'avis de l'un ou de l'autre. Pourquoi faire ça alors qu'on pourrait faire un fac simile de l'édition originale ? Juste par besoin marketing. Juste pour que l'objet-livre devienne proéminent alors qu'il n'est qu'un mal nécessaire. Qu'on reconduise, en répondant au canon esthétique d'une époque, cette sensation de bel-objet. Avez vous remarqué comme certaines couvertures vous repoussent parce qu'elles viennent d'une époque dont les canons esthétiques vous repoussent habituellement : quel droit avait ce trou du cul d'éditeur de plomber ainsi l'oeuvre. J'ai aussi une petite bibliothèque SF et c'est bien malgré des couvs absolument hideuses que j'ai réussi à lire des romans. Et je suis certains d'en avoir manqué d'autres à cause de ces mêmes couvs de merde. Vous me direz que les couvs peuvent autant attirer que repousser, suivant les gens. Certes, mais je demande de quel droit on considère qu'il faille rajouter cette porte devant le restaurant littéraire, où l'illustrateur jouerait le rôle de bon ou de mauvais rabatteur. A la base, la seule porte qu'on devrait emprunter pour rentrer dans une oeuvre, c'est son titre où n'importe laquelle de ses pages.
Evidemment, dans le même sillage, les cadres me gênent autour des tableaux avec tout ce qu'ils signifient de stupide vis-à-vis de l'oeuvre. Allez dans les musées et à chaque tableau que vous voyez, demandez-vous si le cadre est à propos. Il ne l'est quasiment jamais. J'aimerai un jour qu'un musée comme le Louvre prenne la peine de n'exposer que des cadres pour qu'on se rende compte à quels points l'ornementation de ces derniers est vaine, inutile et diminue toujours ce qu'elle encadre.
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Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?
[ Dernière édition du message le 02/05/2016 à 22:29:44 ]

pierresilex


C'est d'ailleurs comme cela que je conçoit les vidéos qui accompagnent la musique : non pas comme une illustration mot à mot de la chanson, mais comme une oeuvre visuelle qui accompagne une oeuvre musicale Elle ne sont pas du même monde mais partage le même univers, je pense aux clip des CURE par exemple ...

CapitaniOccitània


Plus sérieusement je trouve ta position problématique pour ce qu'elle dit d'une vision de l'art. Il me semble que tu vois celui-ci comme une langue morte à peine elle est dite. ; toute création est mort-née : elle ne peut plus vivre que figée.
C'est une vision du monde artistique comme un musée effrayant ; un cimetière d'embryons !
Une œuvre n'existe que parce qu'elle est dans la vie : utilisée, bien ou mal mais utilisée, pas conservée dans du formol, pas vénérée.
Elle n'existe que parce qu'elle en rencontre d'autres, s'affronte, s'accouple, et qu'elle en engendre d'autres, encore et encore : c'est seulement comme cela que se forme la culture, la civilisation. Pas en entassant de la taxidermie dans des musées.
Et à mon avis, c'est comme ça qu'on respecte toute œuvre d'art, en la foutant dehors, dans la rue, dans la vie. Pas en l'enfermant, et surtout pas en elle-même.
EDIT : Je dirais même qu'en sacralisant l'œuvre comme tu le fais, tu la neutralises.
Ni dieu ni clavier maître
[ Dernière édition du message le 03/05/2016 à 00:03:23 ]

kosmix


Non sérieusement je comprends ton point de vue. Il se défend dans l'absolu, mais à quoi bon ? Tu l'as dit toi même : une couverture, une pochette ce n'est pas l’œuvre. C'est une autre œuvre. Le lien hypothétique, de nature artistique et autre (commerciale, culturelle, etc. ) entre les deux œuvres est laissé à l'appréciation du spectateur/lecteur/auditeur tout comme les œuvres sont laissées à son interprétation.
Je trouve enrichissant qu'une œuvre soit associée à une autre de quelque manière que ce soit. ça la met en relief, en perspective ou en abîme. Une couverture de livre c'est du méta texte. Une pochette de disque c'est de la méta musique.
Quid du titre d'une œuvre alors ? Ce n'est pas l’œuvre. Dans quelle mesure est-il représentatif de l’œuvre ? Et les paquets de cigarettes ? Anonymes sans marque et sans image ? Heureusement il restera toujours les photos des poumons noirs et de dents pourries

Putain Walter mais qu'est-ce que le Vietnam vient foutre là-dedans ?
[ Dernière édition du message le 03/05/2016 à 00:34:17 ]

Los Teignos

Décidément tu me cherches !!!!![]()
Je te cherche moins que je ne me trouve.


De fait, je ne crois pas sacraliser l'oeuvre, ni la tuer dans l'oeuf mais au contraire vouloir lui redonner sa force : la seule chose qui revitalise un texte (le ré-actualise dit on chez les critiques littéraires), c'est sa lecture. S'intéresser à la littérature, aimer la littérature, c'est s'intéresser au texte. Pas au livre. Au texte : phrases, mots, lettres, signes et espaces. Ce n'est que cela depuis des millénaires et pour des millénaires encore alors que le livre arrivé depuis quelques siècles n'est que papier, encre, format, pagination.
Et pour tout dire, je pense qu'il y a plus de respect pour Baudelaire dans un ePub libre de droit sur liseuse électronique que chez les éditeurs de poche ou de beaux livres : je suis tombé récemment sur une édition des fleurs du mal illustrée par des toiles de maîtres. Et c'était consternant. Le résultat, la démarche, le prix évidemment et l'alibi culturel pour vendre du papier sous couvert de culture. Même chose pour les Bibles illustrées par Gustave Doré qu'on trouve dans les Maxilivres, gravures et traductions libre de droit pour faire un max de pognon avec un "bel objet" : certes les gravures sont très jolies, mais loin d'éclairer le texte, elle le caricaturent, en réduisent tout la complexité, reconduisant avec force cette image risible d'un Dieu à la barbe de Père Noël. Et c'est à cause de ces images placardées sur le texte et qui vous sautent à la gueule lorsqu'on l'ouvre que tout le monde pense savoir ce qui est écrit dans la Bible. Combien de gens pensent que le fruit défendu était une pomme alors que c'est une erreur de traduction relayée par tous les illustrateurs depuis des siècles...
La fertilité dont tu parles se produit quand un artiste s'empare d'un artiste, qu'une oeuvre revisite une oeuvre. C'est Cocteau ou Shakespeare qui revisitent Sophocle, c'est Ridley Scott qui adapte K. Dick, c'est Lautréamont qui réécrit une encyclopédie de médecine : ça s'appelle suivant les cas de l'intertextualité ou de l'adaptation et c'est très intéressant d'un point de vue artistique, c'est même l'un des plus puissants ressorts de l'art de toujours se réinventer à partir de lui même. Nous sommes pleinement d'accord là-dessus. Et je suis bien d'accord qu'une oeuvre n'a pas à être mise dans le formol.
Mais je le redis : que Tardi que j'adore fasse un bouquin ou une expo d'illustrations de Céline, je trouve ça génial et très intéressant : c'est une oeuvre qui fait écho à une autre oeuvre. Qu'on larde le livre de Céline des illustrations de Tradi en mettant les deux auteurs comme co-signataires et en plaçant le livre dans les rayonnages parmi les oeuvres de Céline et je trouve que ça devient vraiment indigeste, et que chaque page d'illustration bouffe gentiment le texte de l'auteur. On m'avait offert le bouquin en question et oui, ça ressemble à la tentation du multimédia comme à celle du crossover sur le mode stupide de : si on prenait Superman qui fait plein d'entrée et qu'on le faisait se battre contre Batman qui fait plein d'entrée aussi, on ferait un film qui aurait encore plus d'entrées, non ? Du coup, comment imaginer que Tardi qui est un grand dessinateur et Céline un grand romancier n'aboutissent pas à une grande oeuvre ? Oui, sauf que ce n'est pas une oeuvre : c'est un produit qui cherche à y ressembler, mais qui demeure complètement factice. Un produit, rien que cela.
Oui, le saumon, c'est très bon. Et le caviar sans doute aussi. Et la glace à la vanille. Et le piment d'espelette. Et le chocolat. Et la confiture de fraise. Seulement voilà, quand on mélange tout cela, ça ne fait pas de l'intertextualité, ça fait juste un sandwich immangeable.
Ne pas être dans le formol, ça ne veut pas dire accepter qu'on mette des toiles de maître sur des verres à moutarde ou sur des sets de tables parce qu'à la fin, les oeuvres ne sont plus qu'un décors comme un autre, ce qui est complètement dans la pensée actuelle (où un artiste, un designer ou un publicitaire, au fond, c'est un peu la même chose, car ce sont tous des "créatifs"). Ne pas être dans le formol, ça veut dire diffuser l'oeuvre tel qu'elle a été écrite, et créer d'autres oeuvres qui s'y réfèrent, qui la convoquent, et non qui s'en servent maladroitement comme support. C'est pousser à la recherche autour de l'oeuvre, à l'étude, et c'est encore, j'en suis persuadé abrogé le leg des droits d'auteurs sur les oeuvres d'artistes morts pour en diminuer le prix. Le formol dont tu parles me semble bien plutôt venir de la volonté de l'industrie de continuer de faire son beurre sur ce qui ne devrait pas. Les préfaces de merde sur les livres, ce n'est pas autre chose que de refabriquer du droit d'auteur par-dessus du libre de droit. Le formol, c'est encore le budget plafonné d'un professeur de français que ce soit en photocopie ou en diffusion d'oeuvre. Parce qu'un professeur de français de seconde photocopie des chapitres entier de Céline, de Proust ou de Gide ne porte préjudice à aucun de ces auteurs, il assure même que leurs oeuvres soient vivantes, qu'elles soient lues. Mais non, le lobby du livre s'assure bien qu'à l'école gratuite, on fasse bien acheter les livres. Il s'agirait de ne pas léser Gallimard ou Flammarion. Pour cela aussi, on revisite les référentiels pédagogiques chaque année, histoire de vendre et revendre des manuels scolaires dont l'essentiel du contenu repose sur du libre de droit, ce qui ne les empêche pas d'être vendu cher. Une manne pour les éditeurs. (Désolé je m'égare sur ce qui, selon moi, plonge l'art dans le formol plus que n'importe quelle démarche puriste)
Oui, vraiment, même si je déplore qu'elle ne soit pas forcément aux mains des bonnes personnes, la dématérialisation a du bon que ce soit dans la littérature ou la musique. Parce qu'on s'aperçoit enfin que les industries du disque et du livre ne sont que des industries du support et que, contrairement à ce qu'elles essayent d'enfoncer dans le langage à coup de burin depuis des décennies, on n'écoute pas un disque mais de la musique, on ne lit pas un livre mais de la littérature. Et qu'après avoir vécu dans la tradition orale, après avoir été gravée sur la pierre, après avoir été écrite sur du parchemin, la littérature n'est jamais passé au travers du livre que par nécessité. Or, si je conçois qu'un livre a une couverture, un roman ou un recueil n'en ont pas. Ils n'ont pas besoin d'être recouverts.
Bref, je me répète, mais un support ne fait pas pour moi partie d'une oeuvre, même si je conçois que pour les plasticiens ce soit le cas (encore que si on demandait aux artistes peintres ou aux sculpteurs de co-signer leurs oeuvre avec l'architecte du musée qui les accueille, je pense que beaucoup râleraient : c'est pour moi pourtant exactement la même chose). Une illustration sur une couverture, c'est une oeuvre graphique qui cohabite avec l'oeuvre littéraire à cause du seul fait qu'un livre ait une couverture. Ca ne fait pas du livre une oeuvre. Ca fait du livre un truc hétéroclite qui nuit aux deux oeuvres qu'il abrite.
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Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?
[ Dernière édition du message le 03/05/2016 à 08:56:55 ]

Los Teignos

Quid du titre d'une œuvre alors ? Ce n'est pas l’œuvre.
Bien sûr que si. Les premiers mots d'un recueil, d'une pièce ou d'un roman sont évidemment ceux de son titre. C'est l'auteur qui les a choisi. Pas une tierce personne.
Tu es un extrémiste Teignos et tu n'as aucune tolérance![]()
Je le pense profondément : si le principe de tolérance est l'un des plus important que je connaisse pour la société des hommes, Il est en revanche absolument néfaste dans le domaine de l'art. D'ailleurs, les révolutions artistiques sont depuis la nuit des temps basées sur l'intolérance sans quoi nous en serions encore à faire des empreintes de nos mains dans des grottes.
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Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?
[ Dernière édition du message le 03/05/2016 à 03:31:50 ]
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