Dernière grosse nouveauté apparue avec la Music Production Suite, Nectar 4 se veut plus que jamais être la suite ultime pour la production de voix. Voyons cela !
Ozone pour le mastering, Neutron pour le mixage et Nectar pour la voix : c’est là le trio qu’a imaginé Izotope pour simplifier la vie des producteurs et techniciens du son. Seules trois versions se sont toutefois succédées depuis la naissance du logiciel en 2010, probablement parce qu’il n’a pas le succès d’Ozone ou de RX. Inutile de dire dans ce contexte que cette version 4 est un petit événement vu que Nectar 3 remonte à 2018 même si une version Plus est apparue dans l’année 2020…
Quel est le propos ? Réunir au sein d’une même interface et d’une même suite (tous les composants du logiciel sont fournis en plug-ins séparés) tout le nécessaire à la production d’une piste vocale. Enfin presque tout le nécessaire, vu qu’Izotope s’est également fendu d’un Vocal Synth 100% créatif, alors que Nectar concilie quelques outils créatifs parmi des outils à vocation plus utilitaires. Si Nectar partage avec Vocal Synth le fait de pouvoir créer des doublages et des harmonies vocales, il demeure ainsi essentiellement tourné vers la production orientée mixage en proposant une douzaine d’outils dédiés à cette tâche.
On ne s’attardera pas trop sur ce qui était déjà là, à savoir 2 EQ dynamiques 24 bandes, un autotune maison capable de verser dans la correction simple comme dans le hard tuning, Dimension, un effet à modulations (chorus, flanger, et phaser), deux compresseurs, un gate, une saturation, une réverbe toute simple, un delay et un dé-esseur, le tout étant accompagné du plug-in Breath Control provenant de RX et qui retire les aspirations et souffles (même s’il est efficace, moi ce que j’en dis, c’est que ça ne vaudra jamais un bon vieil editing à la souris…). Précisons-le aussi : on dispose toujours de la fonction d’Unmasking en corrélation avec le plug-in Relay, laquelle vous aidera à faire rentrer votre mix dans votre chanson, soit l’idéal pour les nombreux rappeurs récupérant des instrus toutes faites…
Quant au reste de cette version 4, sans qu’il soit forcément nouveau, il a au minimum connu une refonte de sorte qu’on va passer tout cela en détail, non sans avoir préalablement précisé que Nectar est désormais compatible avec Audiolens, le soft gratuit de référençage de l’éditeur. Faites écouter une piste à ce dernier et il en saisira les principales caractéristiques qui seront ensuite sélectionnables comme références dans Nectar. C’est bien vu…
Pédale voix-voix
Outre l’interface remaniée pour s’harmoniser avec celle d’Ozone, le premier changement qui saute aux yeux, c’est évidemment l’assistant, complètement modifié et qui s’avère plus clair que jamais. Une fois le travail de détection effectué, on se retrouve ainsi avec quatre outils principaux pour affiner ses réglages : Shape détermine la correction spectrale qui se rapprochera plus ou moins de la courbe de référence affichée au centre, Intensity joue sur la dynamique et Voices permet de régler les parties vocales générées par le logiciel (au choix en backing doublant la voix ou en harmonies). Nous reste un carré verdâtre sans nom dans le coin inférieur gauche de l’interface : il permet de jouer sur l’intensité comme le dosage de la réverbe intégrée. Simple, comme on le disait, sachant que chaque module est désactivable et qu’on dispose également d’un petit slider Width pour définir la largeur stéréo de la voix ainsi que d’une icône représentant un petit piano qui permet une configuration rapide de l’Autotune embarqué. Sous cette dernière, un menu permet aussi de préciser la nature de la piste (voix chantée, rapée ou parlée) comme ses intentions de production : on peut en effet opter pour quelque chose de plus brillant ou de plus sourd, etc.
Voyez ce que nous propose l’assistant sur une source bien propre :
- source01:04
- Assistant01:04
Évidemment, un clic suffit pour passer, comme dans Ozone, dans la vue détaillée du logiciel où nous attendent tous les modules et nettement plus de paramètres… Et la première nouveauté qui nous attend alors se situe dans la partie gauche de la fenêtre où trône fièrement la fonction Auto-Level. De quoi s’agit-il ? D’un Gain Rider, soit d’un outil qui va procéder à une automation de volume tout seul comme un grand, ce qui est a priori moins susceptible de créer d’artefacts qu’un classique compresseur. L’idée est bonne même si je n’ai pas trouvé de moyen d’exporter la courbe de cette automation pour pouvoir l’éditer ensuite : il faudra donc faire avec les réglages du bord, en sachant que le module peut être piloté en side chain.
Au-dessous de ce dernier, on trouve le correcteur tonal maison que l’on peut astreindre à une gamme. Comme les choses sont bien faites, on dispose sur chacun des deux modules d’un mode d’apprentissage qui permet a priori à Nectar de vous suggérer un réglage. Pourquoi a priori ? Parce qu’en se basant sur une voix seulement, le logiciel hésite souvent entre de nombreuses possibilités et qu’il vaudra toujours mieux détecter cela au niveau du morceau pour l’indiquer après dans le soft…
La correction tonale est d’ailleurs d’autant plus importante qu’elle pèsera grandement sur le travail des deux modules de génération de Nectar et qui, si vous avez vu la vidéo de présentation de l’éditeur, promettent beaucoup !
Nectar, as-tu du choeur ?
Hélas, sans doute parce que je ne suis pas doué, j’ai été loin d’obtenir des choses aussi propres que ce que l’on entend dans la vidéo, arrivant plus souvent à des résultats dans la moyenne de ce que proposent ce genre de traitement, que ce soit en matériel ou en logiciel : un truc chimique qui peut rajouter de la matière et peut faire un brin illusion s’il est sous-mixé mais qui demeure quand même blindé d’artefacts. Et ce, même en utilisant une voix propre et un pilotage en MIDI via l’entrée Sidechain. Voyez ce que ça donne, à différents stade du mixage :
- source01:04
- HarmonySOLO01:04
- HarmonyLEAD01:05
- TOTALmix01:05
En solo, on perçoit bien les artefacts, mais sous mixé au sein de l’orchestration, disons que ça peut faire la blague si on n’est pas trop exigent…
Quant au module Backer, il n’est pas plus concluant en dépit de l’ambition de nous proposer des Persona avec différentes personnalités vocales. Parfois sur quelques syllabes, ça fait illusion mais les parties générées sont tellements pleines d’artefacts qu’il vaut mieux, comme pour les choeurs, planquer ça bien au fond du mix… Impossible de savoir en tout cas comment l’éditeur est parvenu à obtenir des résultats aussi propres sur ses vidéos de démo… J’imagine que le mieux est d’avoir des voix très droites, sans trop de vibrato, et évidemment très justes : autant vous dire en tout cas que sur mes propres prises, n’étant pas un chanteur hors pair, on frôlait la catastrophe… :D
- source01:04
- KATE01:04
- KATEmix01:04
- JOHNNYnectarSOLO01:04
- JOHNNYnectarMix01:04
- CARTERnectar01:04
- CARTERmix01:04
Vous l’entendez là encore : sous-mixé, ça peut passer dans un mix, mais ça reste quand même plutôt cracra. Rien d’extraordinaire toutefois : les plug-ins concurrents sont en général à ce niveau…
Reste à évoquer la nouvelle possibilité de travailler avec le logiciel de référençage Audiolens : c’est cool, d’autant qu’on dispose toujours en outre de la possibilité, via le composant Relayer, d’assister l’insertion de la piste voix au sein d’un mix. Une possibilité qui était toutefois déjà présente dans le Nectar 3 Plus, de sorte que les vraies nouveautés, en dehors des modules d’harmonisation, sont maigres…
Conclusion
Il n’y a pas de quoi être foncièrement désagréable avec Nectar qui nous arrive ici avec un Assistant bien plus abouti que par le passé et qui rassemble tous les outils nécessaires à la production d’une piste de voix. Izotope prend en outre l’initiative de fournir une version de base de Melodyne ainsi qu’un module de son RX destiné à supprimer les souffles, bien conscient aussi que son multieffet est susceptible d’intéresser ceux qui font de la voix parlée (streamers vidéo et autres podcasters).
Sans disconvenir toutefois que tous les modules présents ici sont ergonomiques et efficients (et fournis en outre en versions plug-ins), on ne pourra s’empêcher de penser que pour la voix parlée, un Adobe Speech Enhancement, gratuit, s’avère autrement plus bluffant sans aucune prise de tête (l’IA, la vraie, est passée par là et elle est pour l’heure la grande absente des produits Izotope), tandis que pour la musique, les récents outils de denoising ou déréverbération sortis chez Waves, Goyo ou Accentize sont un peu plus intéressant dans la perspective d’un public débutant qui va souvent partir d’une prise de son un peu calamiteuse. Étant entendu que ce n’est pas spécialement pour ses fonctions d’hamonies vocales que le logiciel vaut le coup, étant entendu que sur ce terrain, on obtient des choses nettement plus quali avec un peu d’huile de coude sous Melodyne, il apparait que ce Nectar, s’il n’est pas un mauvais bougre, ne vas pas apporter grand chose de plus que son prédécesseur, qu’un Neutron ou quelques plug-ins bien choisis ici ou là… Rendez-vous est donc pris avec Nectar 5 qu’on espère plus incontournable pour les possesseurs des versions précédentes comme les nouveaux venus…