VocalSynth a beau ne pas être vieux, voici qu'Izotope nous présente déjà la seconde version de son multieffet dédié à la production de voix synthétiques. Et la bonne nouvelle, c'est que cette mise à jour n'a rien de mineur.
Alors que commence à poindre une refonte de Nectar, supertranche pensée pour la production ´classique’ de la voix, Izotope a choisi de préalablement sortir la v2 du plus récent VocalSynth, autre multieffet dédié à la voix mais se concentrant pour sa part sur les traitements plus créatifs si prisés dans la musique électronique. Vocodeurs, talkbox et autres outils pensé pour robotiser la voix ou créer des harmonies synthétiques : tout est là pour jouer avec la voix et plus si affinité. Allons voir ça d’un peu plus près en vidéo, ou en texte à votre convenance.
GUI GUI
Le changement saute aux yeux dès l’ouverture de l’interface, Izotope ayant complètement remanié cette dernière pour harmoniser sa gamme de plug-ins. Esthétique flat design, nuance de gris, organisation : la parenté avec Ozone 8 et Neutron 2 est évidente et elle n’est pas pour nous déplaire vu que VocalSynth 2 s’avère du coup d’autant plus simple à comprendre et prendre en main quand on connaît ces derniers. On dispose ainsi de l’accès aux cinq modules de traitement dans la partie supérieure de l’interface, tandis que les effets ont été remisés dans la partie inférieure avec la possibilité de modifier leur ordre par simple cliquer-glisser. Au centre, on accédera aux réglages relatifs à l’entrée et la sortie audio et aux panneaux d’édition des différents modules ou au visualiseur principal.
Si l’ergonomie de l’ensemble ne souffre d’aucun défaut majeur, si l’interface est claire et efficace, on regrettera le fait que le nouveau visualiseur Anemone qui occupe un bon quart de la fenêtre, même s’il est basé sur les « MFCC (Mel Frequency Cepstral Coefficients) » comme nous l’apprend Izotope, ne présente quasiment aucun intérêt sur le plan informatif ou fonctionnel. Chaque module activé y est représenté par une sorte de palme de couleur rose, orange, jaune, bleu ou mauve dont la forme réagit vaguement au signal sans qu’on comprenne trop à quelle caractéristique exactement. Bref, on se croirait revenu à l’époque des plug-ins olé olé de Winamp et c’est bien dommage car on a vite de fait de revenir à l’ancien visualiseur de VocalSynth 1 proposant une bête courbe de réponses en fréquence globale qui n’est hélas pas disponible pour chaque module. C’est agaçant car on sait qu’Izotope sait faire bien mieux que cela comme il l’a prouvé avec Insight.
En dehors de conférer une esthétique de papier peint 70’s au plug-in, le seul intérêt du visualiseur Anemone réside dans la possibilité de définir le niveau de chaque module par cliqué-glissé, de sorte que les palmes sont plus ou moins grandes. C’est maigre, d’autant que ce n’est pas précis et que ces réglages sont juste au-dessus. À la place de ce bavardage graphique, on aurait donc préféré pouvoir régler le panoramique des modules sans avoir à ouvrir leur panneau d’édition.
Convenons-en toutefois : ce n’est pas sur la couleur de son manche qu’il faut juger un outil. Passons donc en revue ce qui se trouve tout autour, à commencer par la façon dont on se sert de ce VocalSynth 2. Sur ce coup, Izotope a très bien fait les choses puisque le plug-in pourra être utilisé comme simple effet, comme effet avec entrée lattérale, ou comme effet piloté en MIDI. Voilà qui ouvre plein de perspectives intéressantes d’autant que l’interface est exemplaire sur ce point : en fonction du mode que vous activez, le plug-in détecte votre séquenceur et vous affiche un petit tuto pour expliquer en image le paramétrage de ce dernier. C’est la très grande classe et ça dispense d’avoir le manuel PDF en permanence sur nos genoux virtuels, pour être plus rapidement au coeur du logiciel.
Et c’est d’ailleurs vers cet endroit précis qu’il convient maintenant de se diriger.
Klaxon Five
Au sommet de la fenêtre, on trouve donc les cinq modules de traitement qui sont à la base de VocalSynth 2. On ne s’attardera guère pour l’heure sur les classiques Vocoders et Talkbox dont le nom ne laisse guère planer de doute quant à leur action, ni même sur Polyvox qui génère des harmonies en utilisant des algorithmes de pitch shifting et de time stretchning, et on préfèrera s’attarder sur les deux plus originaux, à commencer par Compuvox. Reposant sur la technologie LPC (Linear Predictive Coding) inventée dans les années 60 pour améliorer l’intelligibilité des voix à faible taux d’échantillonage, c’est typiquement le module qui vous fera parler comme de nombreux logiciels, jouets ou équipement reposant sur de la synthèse vocale, de la dictée magique aux solutions de base de synthèse vocale. Mais le plus intéressant de ce Vocalsynth 2 et la vraie nouveauté de cette version, c’est Biovox qui est quant à lui dédié à la modification « physiologique » de la voix. Izotope a en effet modélisé certains aspects de notre organe phonatoire pour permettre d’agir sur la clarté de la voix, sa nasalité, le souffle qu’elle contient et même, comme nous allons le voir, les phonèmes qu’elle prononce. Histoire de vous mettre dans le bain, voici quelques exemples réalisés avec chaque module séparément.
- VoixOriginale 00:24
- Biovox 00:24
- Vocoder 00:24
- Compuvox 00:24
- Talkbox 00:24
- Polyvox 00:24
Voyez qu’il y a de quoi faire, sachant que tous ces modules peuvent être utilisés en parallèle avec la possibilité de définir le volume et le panoramique de chaque traitement. On serait presque tenté même d’y adjoindre un sixième module puisque le logiciel dispose d’un correcteur de tonalité en entrée et qui, poussé à l’extrême, vous permettra de réaliser des effets autotunesques. Et c’est sans parler de la section d’effets globale qui offre encore pas mal de possibilités de traitements, comme nous allons le voir.
Version d’effets
Au bas du logiciel, on dispose ainsi de sept modules d’effets au lieu de cinq dans la version précédente. Izotope a en effet ajouté un chorus et un modulateur en anneau en plus de ceux qu’on trouvait déjà dans le premier VocalSynth : un processeur de distorsion, un filtre résonnant, un delay, un processeur à convolution (avec 8 réponses impulsionnelles proposées) et enfin Shred, un outil pour faire du stuttering, soit hacher et répéter des portions de son en fonction d’un tempo donné. Offrant entre trois et quatre réglages chacun, ces effets sont vraiment convainquant dans leur rapport simplicité/son. Évidemment, la section pourrait être plus complète et l’on s’étonne de ne pas disposer de réverb, flanger, phaser, compresseur ou de la possibilité de charger ses propres réponses à impulsion dans Transform. Ce n’est pourtant pas sur ce point qu’on aura le plus de regret, mais sur le routing même du logiciel car vu l’efficacité de cette section globale, on se dit qu’Izotope aurait été bien inspiré de proposer une section d’effet pour chacun de ses modules également, histoire d’agrandir le terrain de jeu côté sound design.
Toutefois, le plus important dans VocalSynth ne tient pas dans ses effets mais bien dans ses modules que nous avions évoqués et qui disposent désormais de bien plus de paramètres qu’auparavant.
VocalSynth Pro ?
Chacun des cinq modules dispose maintenant d’une petite icône permettant d’accéder à ses paramètres avancés et c’est sans doute sur ce point précis, autant que par l’ajout de deux nouveaux effets et un nouveau module, que le logiciel a significativement progressé.
On accède désormais à tous les paramètres et fonctions qui faisaient défaut autrefois, que ce soit pour la synthèse (forme d’ondes et accordages des oscillateurs, niveau de bruit, modulation du pitch et du timbre par un LFO avec dosage pour chaque oscillo) ou le mixage puisqu’on peut enfin définir le panoramique du module et sa bande passante au moyen d’un filtre coupe haut/ coupe bas. Si les paramètres de Polyvox s’avèrent décevants car rudimentaires (on sent qu’il ne faut pas marcher sur les plates bandes de Nectar, ce qui explique sans doute aussi l’absence de réverbe), ce sont clairement Vocoder et Biovox qui réservent les meilleures suprises.
Le premier parce qu’il offre la possibilité de gérer le volume et le panoramique pour chacune de ses onze bandes, et le second parce qu’il permet de jouer avec un pad XY avec huit voyelles modélisées : la voix prononcera ainsi plus des A, des I, des O, des E ou des OU (le son U ne fait pas partie des options proposées).
Voyez ce que ça donne sur cet extrait :
Et j’en profite pour vous soumettre plusieurs traitements de cette même voix en utilisant différents modules et effets à chaque fois :
- VocalStrong 00:22
- VocalBreath 00:22
- VocalMachine 00:22
- VocalShred 00:22
Comme vous vous en rendez compte, le nouveau VocalSynth est un beau petit couteau suisse. La perfection n’étant pas de ce monde, on en profitera pour pointer quelques défauts et glisser quelques suggestions pour le prochain VocalSynth 3.
VocalSynth vs Nectar
Outre le fait qu’on aimerait avoir une section d’effets par module, et plus complète encore si possible, on regrettera la façon dont le logiciel aborde le mixage des traitements générés. Outre le fait qu’il faille ouvrir chaque panneau d’édition pour régler des choses aussi simples que le panoramique, on se dit qu’un véritable EQ aurait été plus pertinent qu’un double filtre pour régler les plages de fréquences des différents modules. On regrette aussi que la spatialisation de tout cela se résume à cinq bêtes panoramiques quand on voudrait pouvoir agir sur la largeur stéréo des uns ou des autres, voire sur le placement de certaines voix générées. Relativement rustique, Polyvox est ainsi loin d’égaler Nectar sur ce point, et la compatibilité avec le Mixeur Visuel qu’on trouve dans Neutron ne change rien à l’affaire puisque une occurence de VocalSynth se résume à un point, alors qu’il aurait fallu autant de points qu’il y a de modules.
Alors que Nectar 3 commence à pointer le bout de son nez, on se demande bien d’ailleurs pourquoi Izotope n’a pas choisi de réaliser un tout en un du traitement et du mixage vocal, ce qui éviterait à l’utilisateur d’avoir à manipuler deux plug-ins qui sont bien partis pour être contradictoires sur le plan de la productivité. On a beau comprendre que l’un est une tranche qui se veut plus utilitaire et que l’autre est un multieffet tourné vers la création, il se trouve que bien des modules de Nectar auraient leur place dans VocalSynth, et que la complémentarité des deux, leur aptitude à travailler ensemble, reste à démontrer. On a ainsi clairement besoin d’un de-esseur en amont de VocalSynth et d’un EQ ou d’une réverb après. Du coup, la solution d’Izotope serait d’utiliser un Nectar avant et après ? Bref, si l’interaction entre Ozone et Neutron était relativement réussie, je suis curieux de voir comment se passera cette affaire avec le prochain Nectar.
Enfin, parce qu’on en veut toujours plus, il ne fait aucun doute que le logiciel pourrait encore progresser du côté des modulations avec d’autres modulateurs qu’un simple LFO (on voudrait une enveloppe ADSR, un séquenceur à pattern, un suiveur d’enveloppe) et plus de destinations de modulation possibles : on souhaiterait à vrai dire pouvoir moduler plein de choses dans ce logiciel pour donner du mouvement à tous ces traitements et réaliser des choses plus complexes. Et Il faudra pour l’heure passer par les possibilités d’une STAN ou d’un plug-in externe pour le faire.
Conclusion
VocalSynth est une V2 qui fait plaisir à voir dans la mesure où elle améliore le premier VocalSynth sur quasiment tous les points et l’emmène beaucoup plus loin sans pour autant le rendre plus complexe. En surface, on dispose ainsi d’un couteau suisse permettant d’obtenir très rapidement des résultats probants, tandis qu’il y a plein de choses à faire lorsqu’on rentre dans les entrailles de la bête. Marchant sur les pas de l’IRCAM Trax de Flux, Biovox est un ajout de taille à l’arsenal de traitements offerts, mais c’est plus surement encore dans la possibilité d’éditer des paramètres avancés ou de modifier le chainage des effets que le logiciel progresse.
A l’heure où Zynaptiq n’en finit plus de repousser la sortie de son Orange Vocoder, il ne fait donc aucun doute qu’Izotope dispose de solides arguments pour imposer son champion, parce que VocalSynth concentre des effets de qualité et qu’il s’avère extrêmement simple et agréable à utiliser.
Toutefois, malgré toutes ses qualités, le plug-in n’en présente pas moins certains manques et défauts qui l’empêchent d’être le seul plug-in à considérer pour les traitement de voix créatifs, notamment parce qu’Izotope peine à définir où s’arrête Nectar et où commence VocalSynth et que les fonctions distribuées à l’un ou à l’autre ne sont pas forcément judicieuses. VocalSynth pèche ainsi sur les outils de mixage (et c’est dommage parce qu’avec 5 modules utilisables en parallèle, la question se pose vite) et parce qu’il demeure rudimentaire du côté des modulations, il n’enterrera pas forcément ses concurrents. Pour des effets hardtune par exemple, il n’est pas sûr qu’on ne lui préfère pas le I Wish de Polyverse, cependant que le Manipulator du même éditeur ou le Bitspeek de Sonic Charge ont encore bien des choses à faire valoir du côté voix traffiquées. Et je ne parle même pas des créations de Krotos poussant la synthèse croisée un peu plus loin que le vocoding.
Bref, si VocalSynth 2 surpasse son prédécesseur sur tous les plans et s’il constitue pour l’heure l’un des meilleurs outils du marché pour produire des voix trafiquées, il lui reste une marge de progrès suffisamment grande pour qu’on attende d’ores-et-déjà sa version 3 avec impatience.