Le “retour” du VKFX chez son développeur, Overloud, est l’occasion de faire enfin le point sur cet outil logiciel qui pourrait réjouir tous les amoureux des Rhodes, Wurlitzer et autres merveilles électro-mécaniques virtuelles ou réelles. Voire à tous les types de claviers.
Le VKFX est un logiciel initialement commercialisé par Scarbee, fabuleux (oui, oui…) éditeur de banques de sons à base d’échantillons, banques que l’on peut maintenant retrouver chez Native Instruments.
À l’époque, le concepteur danois a logiquement cherché à compléter son offre de claviers vintage par un effet spécialement conçu, regroupant ce qui constituait la panoplie standard utilisée par tout joueur de ce type de clavier, plus quelques possibilités sonores ne transparaissant pas forcément derrière l’interface graphique qui, pour être pourtant réussie, ne titille pas comme pourrait le faire des copies visuellement conformes d’une Mu-Tron Bi-Phase, d’un Fender Twin Reverb ou d’un CE-1…
La tâche fut alors confiée à Thomas Serafini et Alfonso De Prisco, déjà à l’œuvre sur certains produits signés IK Multimedia, dont la première version d’Amplitube. Le premier, Serafini, est très actif dans le domaine du codage dédié aux simulations d’ampli et d’effets depuis des années, ayant publié plusieurs articles sur le site Simulanalog.org, qu’il anime. Site qui propose, entre autres, une SimulAnalog GuitarSuite pour Windows, gratuite.
Le résultat fut donc le VKFX, pour Vintage Keyboard FX Suite. Les deux développeurs ont plus tard fondé Overloud, ont récupéré le VKFX et mis leur logo sur la face avant. Bien.
Mais qu’est-ce donc que ce logiciel ? Décryptage.
Introducing VKFX
Disponible à la fois sous forme de plug-in et de standalone, le VKFX est compatible Mac (UB) et Windows, à la fois en versions 32 et 64 bits, le gros changement par rapport à la version Scarbee.
La présence d’une version standalone réjouira les musiciens se produisant sur scène, qu’ils utilisent du virtuel, des claviers hard ou un mélange des deux. Tout instrument, à condition d’avoir une carte son correcte (deux In, deux Out et un réglage de latence faible), pourra bénéficier en direct des traitements offerts par le logiciel. Installation et autorisation via numéro de série sans aucun problème, et l’on peut dire merci à l’éditeur qui permet d’installer le plug sur trois ordinateurs différents sans surcoût ni licence multiple.
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Le logiciel se présente sous la forme d’un rack regroupant huit modules au-dessus d’une section Master. Au menu, Preamp, Amp, Compressor, Overdrive, Chorus, Phaser, Delay, Wah, chacun muni de son Bypass, et d’un réglage de synchro pour les effets temporels (y compris la Wah et le trémolo du Preamp, voir encadré).
Un bouton Options ouvre la fenêtre de réglages Midi et audio. On peut choisir deux périphériques audio distincts pour les entrées et sorties, pratique, ainsi que plusieurs périphériques Midi pour les commandes Midi du logiciel, qui peut être entièrement automatisé et qui offre une gestion intelligente des Program Change.
Les réglages de buffer audio s’étalent de 0,3 ms (15 échantillons à 48 kHz, chiffre arrondi, ainsi que les suivants) à 42 ms (2046 échantillons). Vaste, mais pas vraiment utile, tant il devient pénible de jouer en direct avec une latence supérieure à 11 ms (528 échantillons). Un petit bug graphique oblige à utiliser la molette de la souris pour afficher toutes les entrées et sorties de la carte son employée, bon à savoir.
Master And Services
La section Master regroupe la plupart des fonctionnalités de réglages globaux, ainsi que l’accès aux presets.
De gauche à droite, un slider permettant de faire du morphing entre deux ensembles de réglages. Il suffit de paramétrer le rack, de cliquer sur le bouton mémoire A, puis d’effectuer d’autres réglages et de cliquer sur le bouton mémoire B. Le slider permettra de passer de l’un à l’autre à la vitesse choisie. Une excellente idée de fonction, cependant limitée par deux choses liées : la première, c’est qu’on ne peut pas assigner directement des presets aux deux emplacements A et B. La seconde, c’est qu’un déplacement des modules, même s’il sera pris en compte d’une mémoire à l’autre, ne résultera qu’en un passage audio brut, sans morphing. CQFD.
On continue avec le réglage global de synchro, interne, selon l’hôte ou désactivé. Précis à deux chiffres après la virgule, merci.
Le logiciel étant doté de deux VU-mètres à l’ancienne et de deux rangs de LED, un interrupteur permet de basculer entre signal entrant et sortant. Le plug travaillant en 32 bits à virgule flottante, il est quasi impossible de faire saturer le signal entrant. C’est une autre histoire pour la sortie. Des outils de mesure bien pratiques en standalone, donc, pour éviter de faire sauter les gamelles.
Un autre interrupteur permet de désactiver le chaînage droite/gauche des boutons de volume global. Notons que le chaînage réactivé après réglage de l’un ou l’autre des boutons ne les ramène pas à une valeur commune mais respecte le décalage entre les deux, ce qui est bien pratique si l’on veut augmenter ou diminuer de façon constante le volume respectif droite/gauche. Ça a l’air de petits détails, mais c’est ce genre d’implémentation qui fait la différence.
Dernière partie de la section Master, une série de boutons. Help ouvre un champ dans la partie basse du plug, qui affiche des informations lorsqu’on laisse la souris sur un réglage. Deux petits boutons dans ce champ lancent respectivement l’affichage des crédits et le manuel, en anglais uniquement, mais fort bien fait (simplement repris et adapté de l’original, un ou deux “Scarbee” y figurant encore…). Undo et Redo sont illimités, bravo…
On finit avec la gestion des presets. Comme le plug est modulaire, il dispose d’une sauvegarde et d’un chargement de presets complets, ou ne prenant en compte que certains modules. On peut, en cliquant sur le champ, charger un preset d’usine (bien conçus), et les boutons Load et Save permettront d’utiliser les presets utilisateurs. Cette gestion par modules (on peut choisir de n’importer que les réglages d’un seul module sur un preset déjà chargé sans modifier les réglages des autres modules…) est très bien conçue et associée aux changements de presets via Program Change et messages de banques (127 emplacements au total) permet un réel travail en finesse. On regrettera cependant l’absence de boutons d’in-/décrémentation sur le logiciel pour passer facilement d’un preset à un autre. Il faudra pour cela sauvegarder tous les presets au format de l’hôte.
Préampli bien marqué
Le Preamp reprend apparemment la configuration du fameux préampli disponible sur les Rhodes MkI en version Suitcase, offrant volume, trémolo stéréo et EQ (Bass et Treble) ainsi que les caractéristiques sonores des préamplis créés par Dyno-My-Piano (les modèles Pro Piano). L’éditeur y a rajouté le vibrato disponible sur ces préamplis particuliers, ainsi que sur les Wurlitzer.
Après le réglage Volume, viennent les rotatifs Bass et Treble. Bass qui reprend la topologie des Bass Boost, à savoir un… cut. En effet, les préamps d’origine étaient passifs, donc ne pouvaient que couper des graves. Une dénomination faite pourtant en toute connaissance de cause, comme l’appellation originelle “vibrato” en lieu et place de trémolo, pour respecter le choix de Leo Fender, effectué sur ses amplis guitare.
Voici quelques exemples de différents réglages du préampli, sans effet aucun, précédés du fichier d’origine. Pour le test, et sauf indication contraire, on utilisera les sons de Scarbee (maintenant chez Native), puisqu’ils ont été enregistrés en contournant le préampli d’origine des instruments.
On notera l’apport non négligeable en aigus, et le cut caractéristique des graves.
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Speed/Offset ajuste la vitesse, puis on trouve un rotatif de profondeur (Depth) et deux sélecteurs, le premier Amp/Pan, le second onde carrée/onde triangulaire. La conjugaison des deux permettra de reproduire le pan des Suitcases (onde carrée appliquée au pan) ou le vibrato (un trémolo, donc) des Wurlitzer (onde triangulaire sur le volume). Voire le trémolo des premiers Rhodes (onde carrée sur le volume, mono).
Petit truc pour un Wurli réussi : tout en mono, avec un trémolo à 5.5 Hz (ne jouer que sur l’intensité), exemple :
Ampli l’ancien
Même si le nom n’apparaît nulle part, il ne fait pas de doute que le module Amp, est une modélisation d’un Fender Twin Reverb et de ses deux HP de 12”, élément d’une configuration assez typique Rhodes+ampli (mais aussi Wurlitzer). Au menu, une section Amp/EQ regroupant les paramètres attendus, Volume et EQ trois bandes et un section Rev reprenant la fameuse réverbe à ressort. Un switch permet “d’éteindre” la section Amp, afin de ne disposer que de la réverbe.
La réponse est assez incroyable, la montée en saturation se faisant vraiment en fonction du signal entrant. Les réglages d’EQ sont efficaces tout en restant relativement subtils. Quant à la réverbe, dotée de réglages Time et Mix, on a envie de donner des coups de pied dans l’écran pour la faire résonner…
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Indispensable complément à glisser entre préampli et ampli (mais pas forcément, n’oublions pas la modularité…), le module Overdrive reproduit selon nous la fameuse Ibanez TS9, avec ses trois réglages Drive, Tone, Level. Encore une fois, la réponse aux nuances est assez bluffante, et l’on peut passer simplement, en jouant sur la vélocité et l’attaque de son clavier, d’un son chaud et relativement clean, à un son saturé idéal pour les solos. Voici d’abord un exemple n’utilisant que le préamp et l’overdrive, puis ce même exemple avec l’ajout de l’ampli.
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Si l’on y rajoute Comp, une émulation d’un opto-compresseur qui réunirait les caractéristiques sonores d’un LA-2A et les fonctions d’un 1176 (sans les ratios), les possibilités de transformation sonore sont assez impressionnantes, comme en témoignent les différents réglages de cet exemple.
Effets temporels
Une Wah est toujours bienvenue, tout spécialement avec les sonorités de Clavinet. En plus de la section Sync, trois types de filtrage sont possibles (HPF, LPF, BPF), puis toute une palanquée de réglages qui rendent cette auto-wah bien plus performante que celles que l’on trouve habituellement. Position règle la fréquence de coupure, Range le degré d’ouverture du filtre (étroitement lié à Position), Release la durée de retour à la fréquence initiale et Polarity fait ce qu’il dit.
On dispose d’un LFO, libre ou synchronisé (fonction Offset toujours incluse), avec Speed et Depth, afin de pouvoir commander automatiquement le filtre, en plus de sa réponse au niveau entrant.
Si l’on utilise l’Overdrive, et suivant le placement des modules (ne jamais oublier que le rack est modulaire et qu’on peut essayer toutes les combis, même les plus improbables), on peut arriver à des sons bien cra-cra, comme on les aime…
Passons au Phaser, son LFO semblable aux autres (au niveau du type de réglages, pas de leur amplitude), avec ses réglages Mix, Center (détermine la fréquence centrale du balayage) et Feedback (indispensable pour épaissir le son et accentuer l’effet). Le module propose trois modes, tous de type 4 étages. L’éditeur parlant des pédales classiques dans le mode d’emploi, on peut raisonnablement supposer qu’il s’agit des Electro-Harmonix Small Stone (avec sa vitesse unique de LFO pour tous les étages) et MXR Phase-90 (différentes vitesses pour chaque étage).
On passe sans aucun problème d’un son très subtil à un balayage assez important. Précision : aucun autre module que le Phaser n’est utilisé…
On continue avec le Chorus, qui présente exactement les mêmes types de réglages. Les trois modes sont cette fois-ci répartis entre pédales de chorus vintage et l’Ensemble typique des string machines. On peut sans problème penser qu’il s’agit là de celui du Solina. À titre d’exemple, voici un son de Solina extrait de la VSM de GForce, nu, puis avec l’Ensemble intégré, puis avec celui du VKFX. Quant au mode chorus conventionnel, il rappelle celui du Boss CE-1. À titre d’exemple, un Rhodes sec, passé dans le CE-1 version Universal Audio en mode Dual, et dans le Chorus du VKFX.
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On termine par le Delay, dont les trois têtes et les différentes possibilités (et le son…) penchent pour une modélisation du RE-201 de Roland, mythique boîte à dominante verte…
Huit modes au menu qu’on ne détaillera pas ici, disons simplement qu’ils alternent entre modes mono et stéréo, avec différents placements spatiaux et temporels. On passe vite fait sur la Sync, pour détailler le potard Time (de 0 à 2,7 secondes, variable si synchronisé), Feedback pour la réinjection du signal et Tone pour la brillance des retards. Mix permet enfin d’effectuer, oui, la balance. Bon.
Voici les huit modes l’un après l’autre, tous les réglages étant à 12 h, à l’exception du Feedback qui est à 3 h (12-delay). Même si l’on ne retrouve pas tout à fait certains effets, comme la fluctuation caractéristique quand on manipule les réglages en temps réel (le potard Time “crache”…), le délai se comporte très bien.
Petite anecdote tout à l’honneur du développeur : lors des tests d’automation avec l’update 2.2.4, le passage du mode 7 au mode 8 était impossible (en 64 bits seulement, pas en 32), Logic plantait, bref, un beau bug… Il a fallu à peine une journée à l’éditeur pour corriger le problème, et sortir l’update 2.2.5. Ça laisse rêveur, tant on aimerait que certains bugs identifiés de longue date sur d’autres logiciels soient corrigés aussi vite…
Bilan
On termine par quelques exemples illustrant les combinaisons possibles, grâce aux presets d’usine (la plupart ont été modifiés), en passant par des Rhodes, Wurlitzer, CP-80, Clavinet, orgues, synthés, batterie et guitare.
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Que dire de plus ? Aucun problème de stabilité, une réactivité extrêmement rapide de l’éditeur en cas de bug, une compatibilité tous azimuts, un prix honnête de 119€HT, un superbe son, la modularité, le tout-en-un, très peu de consommation CPU, une implémentation totale Midi, une réponse impeccable à l’automation, aucun parasite lors de mouvements de potards (sauf le Time du Delay), un système de presets très bien conçu, le tout à opposer à un accès à ces presets qu’on voudrait plus simple, pas d’affichage des valeurs de réglages, une implémentation Midi pré-définie, et c’est tout. Une démo est disponible ici.
Pour faire simple : cela fait six ans que la première version de ce logiciel est sortie. Cela fait six ans que j’ouvre un VKFX dès qu’un des mes projets nécessite un clavier électro-mécanique (banques Scarbee et Prominy). Seul regret en plus des petits reproches faits plus haut : pas de ring modulator. Il me suffit d’en prendre un ailleurs. Tout le reste, à l’exception des réverbes autres que ressort, est confié au VKFX. Et l’avenir pourrait nous réserver quelques surprises…