Apparue au catalogue de la marque de Fullerton en 1956, la Duo-Sonic débarque quelques mois après la Musicmaster, sa grande sœur équipée d’un seul micro. Conçue au départ pour satisfaire la demande croissante d’un jeune public en quête de rock’n’roll et d’un instrument au diapason plus court et au tarif moindre, la Duo-Sonic aura finalement un grand succès auprès des musiciens professionnels, notamment grâce à son excellente qualité de fabrication.
Le modèle évoluera peu au fil des années pour finalement disposer d’une touche rapportée en palissandre à partir de 1959, comme l’ensemble de la gamme. Fender a intégré la Duo-Sonic à sa série Player et l’a déclinée en deux modèles distincts : le premier avec une configuration micro identique à l’originale (SS) et le second avec une configuration plus moderne (HS). C’est sur cette dernière que j’ai le plaisir de poser les doigts aujourd’hui.
Deux micros, deux sons : Duo-Sonic
Les caractéristiques techniques de cette petite Duo-Sonic sont plutôt basiques, et pour cause : c’est la philosophie principale de l’instrument. Le corps de la guitare est en aulne et le manche au profil « C » est en érable. Il est vissé au corps et maintenu à l’aide d’une plaque de fixation à 4 vis estampillée du « F » majuscule de Fender et il est très agréable à prendre en main. Si le modèle original présentait un diapason de 22,5 pouces, cette nouvelle version affiche un diapason de 24 pouces. Il se déploie sur 22 frettes médiums jumbo. Selon la marque, la forme du corps est conforme au modèle original. Côté électronique, on trouve quelque chose de plus moderne puisque Fender a opté pour un micro simple en position manche alors que la position chevalet est occupée par un micro double. Le micro manche est un modèle propre aux Duo-Sonic et aux Mustang ce qui, toujours selon la marque, est également le cas pour le micro chevalet. Il répond au nom de Duo-Sonic Humbucker, on peut donc penser qu’il a été spécialement conçu pour ce modèle. Ces micros sont contrôlés par un volume général, une tonalité générale et un sélecteur à trois positions. Le potard de tonalité est muni d’un push-pull pour désactiver une bobine du micro double afin qu’il développe des sonorités proches de celle d’un micro simple. On a donc virtuellement une configuration identique à celle du modèle original tout en jouissant d’un micro double bobinage. C’est plutôt sympa.
L’accastillage est en nickel chromé et comprend des mécaniques standards maison, un chevalet Hardtail Strat à six pontets avec cordes traversantes, un pickguard noir à trois plis et des boutons de potentiomètres chromés. L’embout du sélecteur de micro est également en métal chromé et il inspire robustesse et solidité. Le corps est recouvert d’une finition brillante Polyester, et la finition satinée du dos du manche signe la marque de fabrique de la série Player. Sur notre modèle Crimson Red, la touche est en érable et elle est recouverte d’un vernis brillant. On a en quelque sorte le meilleur des deux mondes puisque le confort de jeu est assuré par le dos du manche satiné alors qu’on peut glisser très facilement sur la touche grâce à son vernis brillant. De plus, ce dernier crée une épaisseur sur la touche qui peut générer un peu plus de claquant et de brillance dans le son.
Smells like teen spirit
Heureux possesseur d’une Mustang Classic Vibe, je n’ai pas pu m’empêcher de comparer les sons des deux modèles. Pour ce qui est du micro manche, on retrouve ce caractère un peu faiblard qui pourra en déranger certains. On retrouve un grain typique Fender mais le niveau de sortie est très faible ce qui me fait dire que ce micro manque un peu de personnalité. En passant sur le micro chevalet, un gros écart de volume et de grain se fait sentir. Selon le réglage de l’ampli, on peut obtenir un son clair sur la position manche alors que le micro chevalet fera saturer l’ampli. Ce gros écart de niveau peut plaire à certains et en déranger d’autres. C’est une question d’habitude et de réglage. La position intermédiaire est plutôt agréable et originale. On ressent bien la personnalité de l’instrument qui s’affirme davantage qu’en micro manche. La position intermédiaire avec le micro chevalet splitté est également très sympa et surprenante : on a un son très fin et fluet avec beaucoup de charme. Le micro chevalet a une résistance de sortie plutôt élevée qui confère à l’instrument un côté rock et direct qui m’a beaucoup plu. En splittant le micro, le son est le même mais avec moins de niveau et du souffle qui apparaît. Cependant, la lutherie est très saine et la guitare est très résonnante à vide. J’ai d’ailleurs été surpris par le volume qu’elle dégageait, surtout vu son format réduit.
La configuration HS sur un corps Offset type Mustang, Musicmaster et Duo-Sonic m’a fait évidemment penser à la Mustang du regretté Kurt Cobain qui arborait une configuration HS également. Je me suis donc prêté au jeu en jouant quelques riffs de Nirvana. C’est dans ce registre que la guitare m’a le plus enthousiasmé. Le micro chevalet encaisse bien les grosses saturations, qu’il s’agisse de fuzz ou de distorsion d’ailleurs, et le micro manche malgré sa faible résistance de sortie a un comportement très sain et droit. Ce n’est pas la même histoire en son clair où il faut vraiment rentrer dans la guitare pour la faire réagir. Ce n’est pas vraiment dérangeant pour les cocottes et les riffs funky avec un bon compresseur mais pour du blues un peu expressif et dynamique, il faudra repasser. Pour du flat-picking et des arpèges de balade par exemple, la guitare devient étrangement efficace. Le côté fluet du son ajoute un caractère vintage qui fonctionne plutôt bien. La Duo-Sonic HS se réveille un peu en son crunch notamment grâce au micro chevalet et son caractère bien tranchant. Le micro manche souffre encore d’un manque de niveau même si sa sonorité n’est pas désagréable.
Notre guitariste préféré Swan Vaude était aussi présent pour tester cette guitare avec nous, alors nous en avons profité pour immortaliser le moment en vidéo :
Trio-Sonic
Si on est bien loin de la conception originale de l’instrument, cette nouvelle mouture ne manque pas d’intérêt. Sa configuration micro permet d’aborder une grande variété de styles. Néanmoins, la guitare manque un peu de charme même si la lutherie et les finitions sont irréprochables, les bords de frettes sont d’ailleurs beaucoup moins saillants que sur la Stratocaster Player déjà testée dans nos colonnes. Le micro manche est assez décevant et nous éloigne de la philosophie de départ de l’instrument : Plug and Play. Ici il faudra passer du temps à trouver le réglage adéquat et la manière de jouer qui va avec. Cependant, cette faiblesse du côté du micro manche est contrebalancée par la sonorité très agréable du micro chevalet qui est très ouvert et assez tranchant. De plus, les variations sonores offertes par la possibilité de couper une des deux bobines de ce micro sont quand même à saluer. Proposée au tarif de 549 €, la Duo-Sonic a un rapport qualité prix assez moyen.