La marque Solar est initiée par le Youtubeur métalleux Ola Englund qui, au même titre que Rob Chapman, a voulu proposer des séries d’instruments au look agressif et aux performances résolument modernes. Effet de mode du « YouTube game » ou réel placement dans le paysage guitare ?
En effet, il serait tentant de considérer ces influenceurs comme des opportunistes avides de reconnaissance et d’argent, ne souhaitant occuper l’espace musical que pour flatter leur ego ou leur porte-monnaie. La Solar que nous avons dans les mains va très rapidement nous prouver le contraire. Il s’agit d’une superstrat destinée aux shredders et aux amoureux des lourdes rythmiques remplies de saturation. Le corps de cette A2.6C G2 est en acajou, avec des traits et contours affinés très élégants. Le manche traversant en érable ne comporte aucun talon, offrant un accès aux aigus renforcé par deux chanfreins assez profonds creusés dans la caisse. Très fin, le corps est aussi léger. La finition noir matte, bien qu’un peu salissante, habille l’instrument de très belle façon pour un résultat à la foi sage, sobre mais terriblement métal.
La touche en ébène sertie de 24 frettes super jumbo assez hautes est d’une belle qualité, pas aussi dense et brillant que les modèles japonais ESP comme les Horizon mais reste dans la moyenne haute de la production générale. Le manche est plutôt fin, pas autant qu’un Ibanez Wizard mais s’inscrit dans la grande tendance actuelle des profils en D aplati. Les repères se limitent au logo d’Ola sur les cases 11, 12 et 13 pour figurer l’octave que l’on retrouve aussi sur le cache truss rod en haut de manche ainsi que sur la tranche de la touche sous forme de petits points blancs. Les frettes sont très correctement finies et ne dépassent pas de la largeur de la touche, symptôme d’un mauvais séchage post-production. La tête reverse affiche un profil acéré avec ces traditionnelles résonances qui seront avantageusement étouffées avec une mousse coincée entre les cordes et la tête. Votre serviteur n’est vraiment pas un adepte des têtes reverse, obligeant à parer un bel instrument d’un tampon encreur disgracieux au niveau de la tête. Le look c’est bien, l’efficience fonctionnelle c’est mieux ! Le sillet en graphite est bien taillé, les gorges accompagnent suffisamment l’angle des cordes pour ne pas proposer de frictions néfastes pour la tenue d’accord. Les mécaniques Solar ont un ratio de 18:1, ce qui veut dire qu’il y a 18 crans sur la roue pour une meilleure précision d’accordage. On aurait adoré avoir des mécaniques à blocage mais cela aurait logiquement eu un impact sur le prix.
Notre coup d’œil cosmétique traditionnel avant branchement nous révèle le premier point noir : le placement des attaches de sangle. Tout en restant subjectif, ce placement implique une attache de courroie parallèle au thorax qui torsade la sangle pour un confort de jeu amoindrie en position debout. Un petit bricolage pour replacer cette attache sur le bout de la corne supérieure est aisé mais regrettable. Le chevalet est fixe, les cordes se fixent au travers du corps pour une meilleure transmission des vibrations au bois et donc un meilleur sustain. De type Hipshot, il est très confortable et doux au toucher, gros palm mute et possibilité d’installer de très gros tirants en perspective !
La dotation électronique est assez originale dans le sens où elle remet au goût du jour la collaboration entre une célèbre marque de micros avec la marque de guitare elle-même. On se souvient des DiMarzio/Ibanez qui équipaient nombre de modèles Ibanez à une époque, ici il s’agit de micros Seymour Duncan/Solar dont nous testerons la teneur bien entendu. Les traditionnels potentiomètres de volume et tonalité s’associent au sélecteur blade 5 positions, ce dernier proposant donc des positions splittées de micros qui vont s’avérer surprenantes lors de ce test.
Notons que des variantes de ce modèle sont proposées à la vente, notamment avec des Floyd Rose Special (quel dommage, le FR Special étant vraiment un mauvais vibrato) ou en chevalet Evertune. D’autres coloris sont aussi disponibles en dehors de ce noir matte, notamment un sublime vert flashy épinard étrange. Hum hum.
S’exposer un peu plus auuu Sooolaaar…
- clean01:53
- cleancrunch01:46
- crunchbluesavecsplits02:03
- jeubacking06:10
- lead01:44
- rythmiquemetal01:39
Conditions du test :
- Ampli Marshall JVM410H branché dans un Torpedo Captor X avec une simulation de cab 4×12 ENGL loadé en V30 et repiqué par eux micros Shure SM57 et Sennheiser MD421 légèrement désaxés, à 3 cm de la grille
- Carte son Scarlett Focusrite 18i8
- Cubase 10.5
- Effets sur Cubase
Bien sûr cette guitare est métalleuse, bien entendu elle va être destinée à déchiqueter la chair du public lors de concerts à la bonne odeur de bière éventée mais il convient de tester les sons clean pour un article sérieux. Les sons sont assez droits et feront le taf sans souci dans un contexte d’arpèges. Les notes se détachent bien, les positions splittées sont flatteuses et sont très réalistes sans toutefois valoir une vraie Strat, on s’en doutait. Les micros délivrent des sonorités honnêtes, aptes à être utilisées sans changer de guitare. En revanche, les sons crunch sont une très très grosse surprise, ils sont superbes. Quelle que soit la position enclenchée, ils sont très dynamiques et réussissent sans peine à sonner blues. D’accord, ce n’est pas une guitare dont le mojo est compatible mais quelle importance, les exemples audio sont là pour attester des très belles prestations dans le domaine, il ne faut pas avoir peur de baisser le gain avec cette Solar car de très belles choses vous attendent. Toujours avec droiture mais un rebondit convaincant et une attaque totalement respectée avec cette petite compression vraiment agréable. Vraiment bien joué Ola !
Sans attendre outre mesure, on envoie la sauce métal. Et bien oui, la guitare est bien présente et s’en sort avec les honneurs. On taille dans le vif, pyrotechnie et sauvagerie combinées pour constater une belle tenue d’accord et une bonne définition des fréquences, très précise dans les graves. Les micros se révèlent excellents pour des micros d’origine et la question de leur remplacement est largement remise en cause voire inutile. Le niveau de sortie est raisonnable, on aurait pu s’attendre à quelque chose de caricatural mais on sent bien qu’Ola a supervisé la chose de main de maître et a préféré une belle ouverture plutôt qu’une compression idiote, d’où les belles prestations en crunch. Le palm mute est assez énorme, conforté dans l’attaque par ce chevalet extrêmement confortable. Le jeu en lead ne souffre d’aucun défaut particulier, le confort général se ressent très bien pour de belles acrobaties. Les bends sont bien accompagnés dans les variations de tension par le sillet auto lubrifié graphite, aucun bruit ni « tac » au niveau de la tête. Précisons tout de même que le placement tarifaire est vraiment excellent, le prix se situant aux alentours des 670 euros pour cette version, celle avec Evertune valant logiquement plus cher à 1100 euros, ce chevalet demandant un usinage totalement différent.
Le micro manche réagit fort bien en jeu lead mais on préférera éviter les positions splittées génératrices de buzz en solo ce qui est totalement normal, une seule bobine étant activée. Le potard de volume est progressif, il permet de baisser le gain sans trop perdre d’aigus. Une improvisation sur un backing track en exemple audio final confirme tout cela, on finit par jouer sans se soucier de grand-chose ce qui est un gage de fiabilité et de confort. Tout passe, les bends à l’unisson, les harmoniques artificielles, tout !
Solar Englund
Le YouTube game, le drama, vous savez, tout ce qui fait des vues, du sensationnel… Point de tout cela ici. Le collègue Ola a réussi à proposer un très très bel instrument, aux prestations superbes pour un tarif très bien placé. Sa vision de la guitare métal est au final très cohérente : un instrument sobre, efficace, très bien fini qui pourrait faire passer des guitares plus chères comme étant moins prestigieuses. Les micros Seymour/Solar sont bons et résultent d’une recherche sonore plutôt que de la volonté assoiffée d’une association lucrative (même si elle doit l’être, restons lucides). En définitive, une guitare métal plug and play qui arrive aussi à convaincre énormément en crunch, c’est assez rare pour être souligné et c’est pour cela que cette Solar est une valeur sûre. Achetez, branchez et jouez. Une ola pour Ola !