Pour la quatorzième fois, Native nous revient avec son monstrueux bundle qui dépasse désormais le teraoctet. Une semaine d’ORLP n’aura donc pas été de trop pour faire le tour de la montagne…
Accès d’excès
La première bonne nouvelle de cette Komplete, c’est que Native a enfin fait évolué son installeur, un outil d’autant plus important vu qu’on parle de centaines de composants logiciels pouvant peser plus d’un To dans le cas de la Collector Edition.
Quoi de neuf ? La possibilité de naviguer par types de produits (logiciels, banques, expansions, ensembles Reaktor) et par types d’instruments (Keys, Guitars, etc.). Je n’aurais qu’un mot à dire à ce sujet : Merci ! Car suivant les profils d’utilisateurs, tout le monde ne veut pas tout installer : ceux qui font de la Drill n’auront que faire de banques de choeurs, ceux qui font du métal se passeront bien des expansions Electro/Urban…
Hélas, on notera que l’utilitaire ne permet toujours pas de désinstaller des produits (il faudra effacer les dossiers et fichiers « à la main » pour ce faire), tandis que ses développeurs n’ont toujours pas jugé utile de mettre des cases à cocher pour que l’utilisateur puisse choisir exactement ce qu’il veut installer ou pas. Seule une option « Install All » demeure, ce qui, lorsqu’on possède des banques de tierce partie, peut conduire à de sacrées grandes manoeuvres… En fonction de votre compte Native Instruments, vous vous retrouverez ainsi à installer 3 versions de Kontakt (5, 6 et 7), sachant que vous n’avez pas forcément besoin des précédentes… Et si vous ne voulez installer que quelques produits dans la liste ? Eh bien il vous faudra donc lancer une à une les installations… Notons-le : il n’est pas possible non plus d’organiser la liste par taille sur le disque dur : là encore, c’eut été pratique quand on doit se faire une installation minimaliste sur un SSD de 512 voire 256 Go. Bref, c’est mieux mais il y a encore du taf avant qu’on puisse dire du Native Access qu’il est parfait…
Cet installeur est aussi l’occasion de se rendre compte qu’un bon ménage serait nécessaire dans le catalogue de l’éditeur, notamment du côté de Reaktor. En vis-à-vis de l’application même, vous vous retrouvez ainsi avec des composants dont on peine à comprendre qui fait quoi : Reaktor Blocks, Reaktor Blocks Wired, Blocks Base, Blocks Primes, Reaktor Factory Library, Reaktor Factory Sélection R2… Un petit bazar que les descriptions en infobulles se chargent de présenter mais qu’il demeure difficile de comprendre clairement : un lien vers la page détaillée du produit sur le site de Native ne serait pas du luxe pour cela. Mais qu’importe, d’autant que les nouveautés de cette quatorzième version ne sont pas à chercher du côté de Reaktor mais de Kontakt : on installe donc tout et on verra bien…
Ceux qui s’en vont…
Si la Komplete en propose toujours plus depuis sa création par Native, il n’est pas rare que des produits soient retirés du catalogue, soit parce qu’il s’agit de produits remplacés par de nouvelles versions, soit parce que l’éditeur change son fusil d’épaule : on se souvient par exemple que l’estimé B4, un B3 modélisé de bonne facture pour l’époque, avait disparu au profit des Session Organs basés sur du sample. La raison qui se cache derrière cela tient souvent à des problèmes de maintenance : si tel ou tel produit n’a pas été pensé en amont pour passer au 64 bits ou à tel format de plug-in, le conserver dans le bundle implique de le reprogrammer complètement, ce qui implique un coût non négligable qui ne sera pas forcément valorisable en marketing, vu que le produit reste le même. Voilà qui explique la disparition du B4 à l’époque et qui explique l’abandon d’ABsynth aujourd’hui : l’un des synthés emblématiques de Native Instruments disparait, au grand dam de nombreux fans car c’était une formidable usine à sound design… Soyons toutefois honnête : il y a tellement d’excellent synthé dans la Komplete, rien que sous Reaktor, que ce retrait ne nuira pas à ceux qui n’avait pas connu le synthé. L’auteur d’ABsynth, qui vole d’ailleurs de ses propres ailes, aura en outre sans doute à coeur de faire un ABsynth 2 de son côté…
D’autres produits disparaissent encore pour des raions de doublons ou de licence ; c’est ainsi qu’on dira au revoir au Funky Guitarist de Scarbee, à présent que Native s’est doté de guitares virtuelles à même de faire des rythmiques funk plus simplement (Scarbee et Native avaient en outre eu des différents à l’époque de la sortie). Espérons que cela ne soit pas de mauvais augure pour les basses Scarbee qui demeurent bien plus avancées en termes de sampling/scripting que la récente Prime Bass ; elle sont toujous dans le pack pour l’heure, et c’est tant mieux.
Autres produits à tirer leur révérence : Evolve Mutations 1 & 2, probablement pour des questions de licence avec leur éditeur original, sachant qu’encore une fois, on se consolera en sachant que la Komplete dispose largement de quoi suppléer ces manques en termes de textures évolutives.
Enfin, on dira goodbye aussi à Maschine Drum Selection, un best of pour Battery issu des banques de Maschine : là encore, ça ne manquera pas… Parlons donc plutôt des petits nouveaux !
…et ceux qui arrivent !
L’événement de cette nouvelle Komplete, c’est évidemment l’arrivée de Kontakt 7 tant le sampler de Native Instruments est devenu central dans le petit monde des instruments virtuels. Nous lui consacrons donc un test propre en marge de celui de cette Komplete, histoire de vous détailler ce qui nous a plu… et déçu…
Quoi d’autre ? Eh bien une foule de nouveaux instruments pour Kontakt justement :
Deux outils d’underscoring (Lores et Sequis) mais aussi une boîte de pandore (Playbox), trois guitares Session Guitarist : Electric Vintage, Electric Mint et Picked Nylon, une basse Pure Bass, Action Strings 2, Choir Omnia, Spotlight Series : East Asia et Piano Colors. Plus l’intégrale des banques Maschine Expansions, cela va sans dire…
Et c’est sans parler de ce que propose Izotope et Plugin Alliance en supplément !
Voyons cela de plus près en commençant par les choeurs tant attendus…
Lalaland
En marge de Kontakt 7, l’autre événement de cette nouvelle Komplete, c’est bien entendu l’arrivée de Choir: Omnia. Pourquoi événement ? Tout simplement parce que jusqu’ici, en dehors de quelques instruments sound designesques, la Komplete ne comprenait aucun instrument qui soit réellement dédié à la voix, ce qui faisait tâche pour un bundle ciblant entre autres les compositeurs de musique à l’image… On est donc ravi de voir débarquer cette grosse banque qui nous vient de Strezov Sampling, qui n’en est pas à son coup d’essai en la matière…
De quoi s’agit-il ? D’une chorale proposant les quatres registres habituels : basse et tenors du côté des hommes, altos et sopranos du côté des femmes. On nous propose des voyelles en première intention, en staccato comme en legato, mais on dispose aussi d’un simili word builder. Je dis simili car il n’est pas question de disposer comme chez EastWest de tous les phonèmes nécessaires pour chanter n’importe quel texte, mais de quelques syllabes que vous pourrez combiner ensemble pour faire de l’exaspérant pseudo latin, du Yaourtus en somme. Aucun intérêt de mon point de vue, le but des mots étant justement d’avoir un sens : ce n’est pas parce que le latin est une langue morte qu’il faut en profiter pour le tuer encore et encore…
Hormis ce détail, admettons tout de même qu’Omnia fait très bien la blague une fois en contexte, d’autant qu’on peut gérer la vélocité à la molette et qu’on dispose de plusieurs perspectives côté micros : c’est vraiment ce qui manquait pour compléter les Orchestral Series, même si on attend désormais des voix solos et des voix jazz/pop…
Restons dans le classique toutefois avec l’arrivée d’Action Strings 2…
Staccata !
Comme on peut s’en doute, il s’agit de la suite d’Action Strings en sachant que si le concept demeure le même, on dispose là de nouveaux samples et de bien plus de possibilité. Tant d’ailleurs qu’on pourrait parler d’instrument parfait pour ce qu’il est sensé faire : générer des parties de cordes pleines de vivacité à travers une multitude de motifs préenregistrés et d’articulations de base que vous pourrez combiner : c’est vraiment très très bien fait, dans la mesure où l’on obtient facilement des choses plus ou moins complexes dans toutes les signatures rythmiques possible et avec la possibilité de transposer les notes à l’envi…
La seule critique que l’on pourrait faire ? Que c’est presque trop simple de sorte qu’un enfant de 8 ans pourrait prendre la place d’Hans Zimmer… Et encore, on n’a rien vu !
En score et en score
Deux nouvelles références viennent en effet enrichir la gamme d’outils d’underscoring de Native : Lores et Sequis, le premier étant basé sur différents samples du monde, tandis que le deuxième explore des sonorités plus classiques. Qu’en dire ? Que les rendus sont magnifiques et qu’il est extrêmement simple d’obtenir de la sorte des boucles pour créer des ambiances orchestrales, avec ce minimum d’interaction qui vous permettra d’animer tout cela. Et c’est sans doute dans ce minimum que l’on pourra glisser la plus grande critique vis-à-vis de ce genre d’outils. Sans défendre une vision stakhanoviste du musicien, on a un peu cette impression que tout cela fait de la musique tout seul, sans qu’on ait besoin de grand chose si ce n’est de plaquer un accord. C’est un peu le même reproche que l’on peut faire à des outils comme Omnisphere, de sorte qu’on se demandera qui doit être crédité lorsqu’on « compose » avec ce genre d’instrument : le sound designer qui a fait les presets, ou celui qui les a juste récupéré pour son « oeuvre »…
On pourrait aussi se poser la question concernant un petit nouveau…
Outside the box?
Présenté comme une boîte à idées pour démarrer une compo, Playbox se présente en première intention comme une collection de sons amoureusement sound designés avec lesquels il vous est proposé d’interagir via un pad X/Y flanqué de quelques contrôles qui changeront d’un patch à l’autre… Qu’en dire ? Du bien dans la mesure où le brief est respecté : on charge un patch et après deux ou trois notes et quelques tournages de boutons, on se retrouve effectivement face à un résultat qui invite à travailler autour de cette matière.
Là où ça devient intéressant toutefois, c’est qu’on dispose d’une fonction pour générer aléatoirement un nouvel assemblage, tout comme de la possibilité de pouvoir contraindre les accords ou arpèges joués à une gamme précise. En marge de l’écran d’accueil aux graphismes minimalisto-ésotériques, trois onglets permettent d’entrer dans les entrailles de la bête : Chords définit les 8 accords affectés aux 8 touches blanches, accords que vous pouvez importer d’un fichier MIDI, jouer ou encore générer aléatoirement. Samples permet quant à lui de charger pour chaque touche blanche jusqu’à 8 samples, à choisir dans la collection du soft ou à importer, avec encore la possibilité de laisser faire le hasard. Et enfin, FX permet d’accéder à tout ce qui meut ce petit monde : arpégiateur, strummer ou moteur granulaire, complété par des effets et une section de modulation, sachant que, là encore, tout peut être soumis au hasard.
Bref, un beau joujou qui s’avère convainquant à l’usage et ne souffre que d’un seul réel défaut : le graphisme de son interface. Non que celui-ci soit moche ou joli (ce n’est absolument pas une question de goût, encore que le look arty façon Output commence à être lassant dans ce qu’il n’apporte souvent rien à l’ergonomie), mais que les textes soient minuscules, que les panneaux soient flottants et surtout qu’on déplore des gros problèmes de contraste compromettant la lisibilité : mettre du gris clair sur du gris un peu plus clair en corps 10 en espérant que quelqu’un va parvenir à lire quelque chose laisse sans doute à penser qu’on a laissé la bride sur le cou au graphiste sans que quiconque de compétent en ergonomie ne se soit penché sur l’interface… Du coup, les Chamalows, boules de poils ou de papier 3D qui servent à représenter les samples n’en sont que plus agaçantes. On a l’impression que beaucoup de temps a été passé sur l’accessoire pour délaisser l’essentiel : réaliser une interface graphique fonctionnelle et lisible, la base. Or ce n’est pas la première fois qu’on constate cela sur des instruments de l’éditeur : Kinetic Toys et Mysteria étaient eux-aussi de grands moments d’onanisme graphique sans grand intérêt.
C’est vraiment rageant car cela ne donne vraiment pas envie d’utiliser ce nouvel instrument au-delà des presets alors qu’il mérite vraiment qu’on se penche sur lui pour ce qu’il permet d’obtenir…
Fort heureusement, les interfaces des guitares et basses de cette nouvelles Komplete sont clairement plus réussies et utilisables.
22 cordes à votre arc…
Trois guitares rejoignent cette Komplete, dont une nylon qui a déjà fait l’objet d’un test sur Audiofanzine. Un mot donc sur les deux autres qui reprennent le fonctionnement global de la série Session Guitarist, c’est à dire un mélange de boucles audio et de MIDI qui mise sur la simplicité pour réaliser des rythmiques comme des leads.
Globalement, c’est très réussi si l’on admet qu’on est dans un compromis entre réalisme, polyvalence et simplicité d’emploi. Comprenez par là que les guitares de Native ne proposeront pas les raffinements des instruments Ample Sound ou Impact Soundworks en termes d’articulations, mais qu’elles ont l’immense mérite de se programmer très vite et de faire la blague la plupart du temps… Le parti pris des boucles audio, hélas moins mis à contribution sur la Nylon comme la Mint, est en outre le bon pour obtenir des strumming ou des plans funks réalistes. Et de la sorte, que ce soit pour guitariser un morceau de house ou taper dans du gros rock qui tâche, de la funk ou même du métal, on dispose d’un large panel de possibilités. Le Funky Guitarist de Scarbee ne nous manquera donc pas…
Deux défauts sont à mentionner toutefois : le peu de cas qui est fait du ternaire de manière générale, et le fait qu’en penchant de plus en plus vers le MIDI pour permettre plus de latitude dans le jeu, certaines rythmiques finissent par sonner artificielles : c’est le cas sur la nylon comme sur la Mint, la Vintage faisant encore un large usage des boucles audio…
Quoi qu’il en soit, il est loin le temps où l’on pouvait dire que la Komplete faisait l’impasse sur la guitare : entre ces trois nouveautés et les quatre précédents Session Guitarist (Electric Sunburst Deluxe, Picked Acoustic, Strummed Acoustic 1 et 2), Native a de quoi satisfaire la plupart des besoins. On dispose en effet de ce qu’il faut en guitare acoustique en vis-à-vis d’une Strat, d’une Tele et d’une LesPaul. Ne manque peut-être qu’une guitare vraiment très orientée métal (une sept cordes avec des EMG), une autre à résonateur et ce sera parfait…
Pour quatre cordes de plus, laissez moi vous rediriger vers le test que nous avions réalisé de Prime Bass, une Precision plutôt réussi dans son équilibre entre simplicité et réalisme…
De la corde pincé à la corde frappée, on ira ensuite voire ce qui se passe du côté des pianos…
Passage en couleur
Nous avions adoré le piano Noire et c’est sans grande surprise qu’on recommandera chaudement Piano Colors, son pendant préparé. On se retrouve ainsi avec une architecture à deux layers de sampling dans lesquels vous pouvez charger une des nombreuses préparations proposées, le tout étant complété d’un générateur de bruits, d’un générateur de particules, et fédéré à un arpégiateur pour atterrir enfin dans une section d’effets.
Il en résulte un instrument d’une richesse exceptionnelle, capable de rester dans le domaine du piano enrichi comme de s’en éloigner pour produire des choses nettement plus barrées et synthétique… C’est clairement l’un des vrais atouts de cette nouvelle Komplete qui ne manquait déjà pas de pianos pourtant, et dont vous n’êtes pas prêt de faire le tour… Et comme son nom l’indique, un parfait complément à Noire…
Let’s play
Reste enfin à parler des nouveaux titres dans la collection Play. Rappelons que cette dernière reprend toujours la même architecture : deux layers animés par une section de modulation et soumis à une section d’effets. Simple sur le principe mais diablement efficace dans les fait, de sorte qu’il ne manque plus qu’à nourrir la bête de samples autour d’une thématique pour réaliser des romplers dignes d’intérêt, et qui se vendent bien vu leur petit prix.
Que dire de tout cela ? Rien de désagréable évidemment, même si l’on sent que la recette pourrait bien nous conduire à des teraoctets d’instruments sans faire grandement avancer le schmilblick.
Il en va de même pour les expansions qui permettront aux Maschinistes de tous poils de disposer de toujours plus de samples et de presets pour développer leur musique. C’est facile à produire pour Native et ça se vend bien parce que c’est bon marché mais ça ne révolutionnera pas le paysage sonore comme ont pu le faire un Massive ou un Serum en leur temps…
Et du coup, c’est fini ? Nooooon, car l’autre grande nouveauté de cette Komplete, c’est qu’elle concrétise aussi le fait que Plugin Alliance, Izotope et Native Instruments roulent désormais ensemble et que cela passe par du marketing croisé à tous les niveaux.
Une couche d’Ozone
Du coup, on se retrouve dans la Komplete 14 avec Ozone 10 Standard, l’excellent best seller d’Izotope dédié au mastering et qui s’avère très complémentaire de ce qu’on trouvait déjà dans la Komplete. Jusqu’ici en effet, Native avait beaucoup misé sur des effets de caractère, soit orienté vers le sound design, soit vers l’émulation de classiques vintage. Or, Ozone apporte une nouvelle dimension dans tout cela, avec des outils très bien conçus pour le mastering (gestion du Mid/Side partout, nombreux visualiseurs et traitements de qualité) avec la petite touche qui a fait le renommée d’Izotope : un assistant « intelligent » qui vous propose, après avoir écouté votre signal, un preset adapté qu’il vous reviendra ensuite de tweaker pour vite obtenir quelque chose de très supérieur à ce que vous obtiendrez sur les plateformes de mastering automatique en ligne (LandR et consorts).
Certes, avec la version Standard du logiciel vendue indépendamment à 400 euros, on ne dispose pas du Stabilizer, d’Impact, de Music Rebalance, de Spectral Shaper ou encore de Low End Focus réservés à la version Advanced, mais on met tout de même la main sur des traitements qui étaient jusqu’ici absents du bundle : un égaliseur paramétrique à phase linéaire, un égaliseur dynamique, un excellent maximizer, un compresseur multibande, un processeur de stéréo, un exciter, un limiteur vintage, etc. De fait, la Komplete qui jusqu’ici était surtout un outil de création devient un outil de production complet car Ozone 10 Standard, en vis-à-vis des nombreuses émulations qu’on trouvait dans la Komplete, pourra être utilisé pour le mixage comme pour le mastering…
Et ce n’est pas tout car…
Plugin Alliance s’en mêle
C’est d’autant plus vrai qu’on dispose aussi d’une belle sélection de produits en provenance de Plugin Alliance, à commencer par deux modélisation de synthés analogiques.
Le Bx_oberhausen est, comme son nom l’indique, la modélisation d’un synthé Oberheim, un SEM pour être exact, réputé pour son gros son. Dans les faits, ce n’est pas tant le gros son qui nous frappe à l’écoute de ce SEM : on est dans l’esprit Oberheim, c’est certain, mais certainement pas au niveau de « Fatitude » qu’on aurait pu espérer en regard de son glorieux inspirateur… Nettement plus intéressant, le Knifonium est un synthé à 26 tubes construit et modélisé par son constructeur même : Knifaudio. Un gage d’excellence ? Probablement car c’est la vraie bonne surprise de cette Komplete 14 sur le plan des synthés. Le Knifonium jouit en effet d’un gros caractère qui fait passer le Bx_Oberhausen pour un enfant de choeur un peu fade. Ça bouge et ça distord de partout : un vrai petit monstre offrant en outre une grande polyvalence pour peu qu’on accepte son grain aussi particulier qu’inaliénable.
Et côté effets ? On passera vite sur les tranches Neve et Focusrite (basée sur une tranche ISA) pour s’intéresser un peu plus au Bx_Limiter_True Peak. Quelle utilité en vis-à-vis du Maximizer d’Ozone ? Disons qu’on sent plus ici que chez Izotope la volonté de proposer une arme de loudnessisation massive. On peut vite ne pas faire dans la dentelle, au gré de l’algo de « soft saturation » XL qui permet vraiment d’écraser la dynamique et de Fondation, un réglage très intéressant qui permet d’orienter spectralement le résultat du traitement… Le tout se règle très facilement et s’avère assez différent de ce qu’on peut obtenir avec Ozone : on ne râlera pas face à une apparente redondance sachant que si le Bx_Limiter_True Peak peut travailler de manière transparente, il peut aussi s’aventurer du côté de l’effet bourrin…
Du côté plus créatif, on dispose également d’un concurrent d’Autotune en la présence de BX_CrispTuner._Rien de particulier à dire sur ce dernier qui pourra servir tant pour une correction de justesse discrète que pour faire du Hard tuning façon T-pain… On notera surtout que c’est là une nouvelle corde qui s’ajoute à l’arc de la Komplete, encore qu’il serait plus judicieux de parler de harpe tant les cordes sont nombreuses…
Dernier plug et non des moindre : le multieffet LO-FI-AF de Unfiltered Audio qui, comme d’habitude avec cette éditeur créatif, ne se contente pas d’être un bête Bitreducer / Downsampler. Le plug est en effet capable de recréer la saturation typique d’une bande, de micros vintage, les poussières et craquements d’un vinyle… mais aussi le défilement audio d’un CD, les artefacts de surcompression MP3, les interférences radio ou encore le bruit que fait une enceinte lorsqu’on approche de trop près un téléphone portable. Bref, un excellent plug pour les amoureux de basse fidélité…
Bilan : trois plug-ins nous semblent vraiment sortir du lot, le LO-FI-AF pour son originalité, le Crispytuner parce qu’il apporte un traitement qui manquait à l’arsenal de la Komplete et le Knifonium pour son caractère marqué…
Notons-le tout de même : en vis-à-vis d’Ozone et de ce dont on disposait déjà dans la Komplete (dont pas mal d’émulations signées Softube), la dote de Brainworx fait parfois un peu double emploi et on aurait sans douté préféré que l’éditeur pioche dans ses utilitaires en matière de visualisation ou de spatialisation ambisonique où la Komplete n’a peur l’heure rien à proposer, plutôt que dans ses tranches. À voir donc comment évoluera cette offre, sachant qu’on se doute que l’introduction de produits de tierce partie va donner lieu à de nombreuses opportunités marketing : il y aura sans doute dans quelques mois des bons pour passer Ozone en Advanced ou acquérir tel ou tel plug-in de Plugin Alliance pour une fraction de son prix…
Bref, cette quatorzième moisson est énorme, au point qu’on peut se le demander :
Qu’est-ce qui manque ?
L’heure est au bilan et à se prononcer sur l’exhaustivité de ce qui nous est proposé ici en regard du prix. Avec l’arrivée des choeurs et des guitares du côté des banques de son comme d’Ozone et des produits Brainworx côté effets, la Komplete n’a jamais aussi bien porté son nom.
En dehors d’instruments folkloriques manquant ça ou là et de voix solo ou de la contrebasse qu’on aimerait voir rejoindre le Cremona Quartet côté orchestral, comme la collection de basses côté pizzicato Jazz, il n’y a vraiment rien qui puisse manquer sur le papier, même si certains produits ont un tantinet vieilli, que ce soit d’un point de vue sonore ou d’un point de vue fonctionnel : c’est le cas des batteries Abbey Road qui ne proposent toujours pas de fonction Tap2Find, ou des Session Horns dont le son peine parfois à convaincre. On regrettera aussi que les nouveaux amplis qu’on nous promettait pour Guitar Rig 6 à sa sortie il y a deux ans ne soient toujours pas là. Bref, il y a bien des axes d’amélioration pour le bundle, mais à vrai dire, plus aucune grosse lacune pour qu’on puisse dire qu’on ne pourra pas faire telle ou telle musique avec le bundle. Il y a vraiment de quoi tout aborder !
D’ailleurs, s’il y avait une critique à faire, elle concernerait sans doute à l’inverse la trop grande quantité de ce qui nous est proposé pour justifier la hausse de prix.
Oui cette Komplete est encore plus riche que la précédente, encore plus complète au point qu’on puisse commencer à parler d’exhaustivité, mais a-t-on besoin de toujours plus ou juste de mieux ? La question du marketing de la quantité se pose, sachant qu’à de rares exceptions près (Kontakt, Reaktor, Guitar Rig, FM8 et quelques banques sorties en V2), Native est toujours plus prompt à sortir de nouveaux produits, quitte à faire doublon parfois, plutôt qu’à faire évoluer les anciens…
Et comme la note grimpe de 200 euros sur la Collector Edition (Qui passe de 1600 en V13 à 1800 en V14, tandis que les prix de la Select, de la Standard et de l’Ultimate demeurent les mêmes), on s’interroge forcément sur l’offre globale de Native en termes de marketing.
## Du rapport quantité/prix au rapport besoin/investissement
En pleine inflation et récession, voir le prix de la Komplete Collector Edition augmenter fait en effet regretter que les offres de l’éditeur ne soient pas mieux étudiées. Au lieu d’avoir quatre bundles qui ne diffèrent entre eux que par la quantité de produits qu’ils proposent, on aimerait vraiment que Native pense à créer des bundles en fonction des profils d’utilisateurs : ceux qui font de la musique orchestrale n’ont sans doute pas grand chose à faire des Expansions, tandis que ceux qui font de la musique urbaine se passeraient bien d’une nouvelle banque de choeurs ou d’un violon solo… Le mieux passerait sans doute par un système de points qu’on pourrait dépenser en choisissant tel ou tel produit et c’est peut-être là dessus qu’évoluera l’offre d’abonnement de l’éditeur, mais pour l’heure, cela n’est pas au programme.
Et donc ? Qu’en conclure pour les conseils d’achat ?
D’abord que, quelle que soit la version, et même sur la Collector Edition à 1800 euros, la Komplete demeure le pack logiciel au meilleur rapport qualité/quantité/prix/polyvalence du marché, capable dans sa version la plus exhaustive de se rendre utile dans tous les genres musicaux : faites le compte de ce que l’équivalent vous couterait chez la concurrence, et vous exploserez sans conteste ce prix au point d’atteindre des montants trois à quatre fois plus chers.
Quant à la version Standard, vendue 600 euros et qui demeure le meilleur rapport qualité/prix des quatre offres, elle est bien plus tout terrain que les packs concurrents au même prix, pour peu qu’on puisse parler de concurrence. En face, UVI n’a en effet toujours pas bâti d’offre polyvalente qui s’aventure au-delà des synthés (à quand une intégrale UVI rassemblant toutes les banques et les effets ?), tandis que pour 800 euros, Arturia demeure centré sur les claviers et l’electro… Le concurrent le plus sérieux est probablement Steinberg dont l’Absolute à 500 euros propose un ensemble homogène d’instruments, mais aucun effet ni plateforme de l’envergure de Kontakt ou Reaktor. Les cuivres comme les cordes ou les guitares électriques sont en outre loin d’être convaincants, ce qui pourra se résoudre avec l’achat du bundle Iconica réalisé par Orchestra Tools. Convaincant mais qui coûté 1000 euros à lui seul.
Bref, à moins de faire de la musique électronique seulement, au quel cas on peut se contenter de synthés virtuels, la Komplete demeure un must have qui n’a pas de vrai concurrent digne de ce nom, notamment parce que Kontakt qui n’a pas d’équivalent en termes de rayonnement : au-delà de ce que peut fournir Native dans la Komplete, il permet en effet d’accéder à certains des meilleurs instruments virtuels du marché comme à quantité de ressources gratuites. Tout comme Reaktor dans une moindre mesure, qui vous donnera accès à des centaines de synthés et d’effets, gratuits pour l’écrasante majorité d’entre eux. Pour ces deux seuls logiciels déjà bien entourés dans la Komplete Standard, on conseillera chaudement l’achat de cette dernière à ceux qui ne les posséderaient pas.
Quant à savoir si l’Ultimate ou la Collector Edition valent le coup : tout dépend évidemment de vos besoins et ressources, ainsi que de ce que vous possédez déjà comme effets ou instruments virtuels. Un pro de la mise en sons ou un studio cherchant une solution polyvalente pour répondre aux clients les plus divers n’hésitera pas à investir dans la Collector Edition, mais un amateur devra juger de la pertinence de chacun des produits proposés en fonction de ses ambitions…
Il en va de même pour savoir si telle ou telle mise à jour est pertinente pour chacun : tout dépend de ce que l’on veut faire, de ce dont on dispose déjà, et de la pertinence au cas par cas des produits Native par rapport à la concurrence. Dans le domaine de l’orchestral par exemple, il ne fait aucun doute que le catalogue Spitfire dépasse de beaucoup ce que Soundiron et Audiobro ont pour faire pour Native. Session Horns Pro est par ailleurs loin d’être au niveau des Brass d’Acousticsamples, et les batteries Abbey Road ont vieilli fonctionnellement face au révolutionnaire EZdrummer 2, passé en V3 depuis…
Une chose est sûr en tout cas, ce n’est pas pour Kontakt 7 seulement qu’on se payera la mise à jour car pour l’heure, on peut clairement parler d’un pétard mouillé… Mais pour tout le reste, oui, la Komplete continue de demeurer LE bundle de référence du marché : couplée à n’importe quelle STAN, elle vous offrira de quoi faire de la musique une vie entière sans jamais en voir le bout…
Conclusion
Passée l’énorme déception de Kontakt 7 qui est plus une version 6.8 qu’autre chose, force est d’admettre que cette Komplete 14 est enthousiasmante à plus d’un titre, et les ajouts d’Ozone comme de Plugin Alliance n’y sont pas étrangers car ils rendent la proposition de Native Instruments encore plus polyvalente qu’elle ne l’était.
De la compo au mastering, on peut désormais tout faire avec ce bundle auquel ne manque qu’une STAN pour produire n’importe quel style de musique de A à Z. Il faut l’admettre en effet : de version en version, Native n’a eu de cesse de combler ses lacunes, effectuant un gros travail sur les guitares d’abord, et commençant enfin à combler le manque de banques de voix avec cette Komplete 14… Qu’est ce qui manque du coup ? Des voix solo sans doute et la mise à jour de banques vieillissantes soit en termes de son (les banques orchestrales, Session Horns), soit sur le plan fonctionnel (Batteries Abbey Road)…
Reconnaissons-le toutefois : quelle que soit la version du bundle que l’on considère, le rapport qualité/quantité/polyvalence/prix demeure sans équivalent sur le marché. Mais sans qu’on puisse disconvenir du fait que la Komplete est depuis des années LE bundle à avoir, ne serait-ce que pour mettre la main sur Kontakt et Reaktor, les plateformes les plus riches du marché dans leurs catégories respectives, sans qu’on puisse nier la grande qualité globale de ce qui nous est proposé, on en vient à espérer que Native revoie son offre sous un nouvel angle, pour adapter son produit aux utilisateurs plus qu’à leur budget. Prenant 200 euros de plus en cette rentrée difficile sur le plan économique, la Collector Edition répond tellement à tous les besoins que nombre d’entre ses acheteurs risquent de ne pas en utiliser le quart, car peu sont ceux qui font le grand écart entre les Expansions RnB et les ensembles orchestraux.
Quant à savoir si la mise à jour vaut le coup suivant telle ou telle version, c’est une affaire qui regardera chacun en fonction de ce qu’il possède déjà, de ce qui l’intéresse et des offres qui lui sont proposées par Native depuis son espace utilisateur. Si Kontakt 7 ne motivera pas grandement cette décision, les nouveaux choeurs, les instruments asiatiques, les guitares ou encore le Piano Colors et les outils d’underscoring proposés valent vraiment le détour. Et Ozone, et Knifonium, et Crispytuner ! A vous de voir donc !