Sorti il y a un peu plus d’un an, le petit Session Strings était mieux qu’une bonne surprise : c’était une promesse qui ne demandait qu’à être tenue avec une version plus étoffée du concept. Ca tombe bien car voici venir Session Strings Pro qui entend quitter le bac à sable des débutants pour se diriger vers la cour des grands.
Toujours réalisé par e-Instruments et Thomas Koritke (ancien sound designer pour Yamaha) et reprenant le concept des cordes pensées pour les genres Pop/Rock/Soul plus que pour la musique de film ou le symphonique pur, cette banque au format Kontakt en impose déjà par sa taille : on passe ainsi des 2,4 Go de la version normale à 48 Go de sons pour cette version Pro, compressés en lossless sur 32 Go : ca fait tout de même une banque 20 fois plus grosse, ce qui, vous vous en doutez, se solde par un surcroit de détail dans les instruments proposés.
Du neuf avec du neuf
La première grosse différence entre les deux banques tient dans l’apparition de nouveaux groupes d’instruments : si Session Strings ne proposait qu’une section de 4 violons, 3 altos (ou alti si vous n’aimez pas les spaghettos), 2 violoncelles et 2 contrebasses, mappés tout le long du clavier MIDI sans distinction claire des pupitres, la version Pro propose désormais 4 sections utilisables simultanément. Ces dernières sont basées sur les 11 mêmes instruments mais ces derniers sont positionnés différemment de l’une à l’autre. Deux configurations proposent ainsi un agencement Pop/Rock (avec, en gros, les instruments les plus graves au centre et les violons sur les côtés) tandis que les deux autres proposent une répartition classique, les instruments graves et aigus se répartissant de la gauche vers la droite, ou l’inverse. Inutile de dire qu’en conjuguant ces différentes sections (le volume de chacun est réglable via un simple potard), on a vite fait de choper un son autrement plus ample et plus riche que celui qui était produit par Session Stings.
Voilà qui fait déjà une grosse différence mais ce n’est pas tout, car en termes de vocabulaire instrumental, la banque prend également une nouvelle dimension. On passe ainsi de 14 à 29 articulations, ce qui permet de mettre la main sur toutes les techniques qui manquaient au précédent opus : Portamento, Glissando slow up, Glissando slow down, Fortepiano, Diminuendo, Fortepiano Crescendo slow, Crescendo slow, Falls slow (short Glissando down), Scoop slow (short Glissando up), Spiccato bow direction up, Spiccato bow direction down, Staccato bow direction up, Staccato bow direction down, Trill semi tone et Trill whole tone. Autant dire que la banque a comblé ses lacunes sur ce point.
Dans le sillage de ces nouveautés, on sera ravi d’apprendre que les articulations déjà présentes dans la première version reviennent aussi avec plus de couches de vélocités : on gagne en général une couche supplémentaire sur la plupart des articulations, voire 2 pour le Spiccato et le Trémolo, voire 3 pour ce qui concerne l’Accented Sustain. Ajoutez à cela un Round Robin qui passe de x2 à x4 (4 samples sont donc alternés pour chaque note pour éviter la sensation de répétition), des samples pour gérer la release des notes et vous comprendrez aisément la raison pour laquelle on passe d’un bébé de 2,4 Go à un mastodonte de 48 Go.
Or, ce ne sont pas là les seuls apports de la version Pro, car il y a aussi du nouveau du côté logiciel et scripts. Côté traitement, on dispose désormais d’un compresseur embarqué (un unique paramètre à régler) tandis que l’EQ à 3 bandes fixes de la première version cède désormais la place à un EQ 3 bandes paramétriques. Dans ce sillage, on sera ravi d’apprendre qu’il est également possible, avec cette version, de contrôler le bruit des archets et la largeur du champ stéréo. Le rayon MIDI n’est pas en reste avec la possibilité de programmer le switch de vélocité, la fonction contrôlée par la pédale de sustain et la gestion d’une pédale d’expression, programmable elle aussi. Ces divers ajouts et les nouvelles possibilités de la banque se répercutent aussi sur le nombre de presets disponibles, passant de 48 à 60, tandis que des Production Presets font également leur apparition, comblant un gros manque du produit original : avec ces derniers, vous pourrez enfin vous mitonner des sortes de combis gérant jusqu’à 6 articulations assignables à 6 touches de votre clavier.
Enfin, l’Animator passe lui aussi en version Pro, ce qui mérite qu’on s’arrête dessus.
Re-animator
Petit rappel à l’intention de ceux qui n’auraient pas lu le premier test, l’Animator est une sorte d’arpégiateur intégré permettant de générer des parties de cordes de façon extrêmement simple. Or si l’Animator du Session Strings initial ne comprenait que quelques motifs non éditables, celui de la version Pro vous permet enfin de mettre les mains sous le capot, pour vous bricoler vos propres séquences. Au sein de patterns contenant jusqu’à 16 pas, vous pourrez ainsi définir le volume et la vélocité de chaque pas, cependant que des contrôles plus globaux vous permettront de contraindre la dynamique des notes, de déterminer la signature rythmique du pattern, le tempo de ce dernier par rapport au tempo du projet, ou encore de jouer sur son swing en rapprochant plus ou moins les notes des pas pairs de celles des pas impairs. La façon dont l’Animator fonctionne est aussi paramétrable : soit en continu, soit en redémarrant le pattern au début à chaque pression d’une touche, soit en mode Chord soit en mode arpège, avec évidemment la possibilité de choisir l’articulation qui sera ainsi pilotée (à choisir entre Staccato, Spicato et Pizzicato).
Déjà intéressant dans Session Strings, l’Animator gagne encore en pertinence avec ces nouvelles possibilités d’édition et permet de gagner énormément de temps sur le plan du sequencing : faire des cordes rythmiques façon Family Affair de Mary J. Blige devient ainsi une affaire de minutes. Ça marche aussi très bien pour de la musique de film un peu pompière où le héros serait poursuivi par des méchants dans une cavalcade folle.
Sur les cordes raides
On verra toutefois vite les limites de ce sympathique outil car même dans la pop, les parties de cordes ne se limitent pas, la plupart du temps, à des accords joués en staccato, spiccato ou pizzicato. Et force est de constater que sur le plan des autres articulations, Session Strings n’apporte rien de neuf en matière de programmation. Certes, le mode Producer et ses 6 keyswitches simplifieront le sequencing de vos parties, mais que ce soit pour faire des runs ou même des motifs un peu moins basiques, il faudra jouer du clavier maître et du piano roll pendant de longues heures. C’est d’autant plus dommage qu’à présent que Kontakt 5 sait utiliser des fichiers MIDI, comme on l’a vu avec Studio Drummer, on aurait grandement apprécié d’avoir une bibliothèque de fichiers prêts à l’emploi.
Précisons par ailleurs qu’une des limites du premier Session Strings est toujours de mise : les articulations à composantes rythmiques (glissando, trilles, crescendo, fall, scoops, etc.) n’évoluent pas en fonction du tempo du projet. Or, si pour la plupart d’entre elles, on dispose de deux versions fast et slow, cette non-synchronisation est source de bien des problèmes lors qu’il s’agit de rajouter une bête arrivée de cordes en glissando sur un projet dont le tempo ne se marie pas bien avec les variantes proposées. Certes, c’est un problème que l’on retrouve dans énormément de banques de cordes, même bien plus chères, et on ne sera pas trop sévère avec Native sur ce point, mais on attendait quand même plus d’un logiciel qui nous promettait de nous concentrer sur le jeu plutôt que sur les programmations. Il y a donc encore une belle marge de progression pour Session Strings Pro, et c’est tant mieux…
Conclusion
Vendu trois fois plus cher que le Session Strings original, Session Strings Pro est sans l’ombre d’un doute bien plus de trois fois plus intéressant que son prédécesseur. Avec sa banque 20 fois plus grosse, ses nouvelles articulations, ses keyswitches et son Animator programmable, il comble nombre des lacunes de la version originale. Toutefois, à l’heure où les développeurs de banques pour Kontakt déploient des trésors d’inventivités en matière de scripting, on aurait souhaité que Native aille encore un peu plus loin dans son concept d’un instrument simple à utiliser à destination des débutants : on a vite fait le tour de l’Animator, et force est de constater que pour programmer les cordes de manière générale, Session Strings Pro n’est pas plus simple à utiliser qu’une autre banque de son, à plus forte raison quand ses articulations ne se synchronisent pas au tempo.
Au-delà de ces petits reproches, SSP jouit des mêmes atouts que le Session Strings initial, à savoir une certaine originalité et un positionnement en termes de prix qui font qu’il n’a pas de réel concurrent sur le marché (on pourra aller voir du côté de Kirk Hunter pour des cordes Pop/Rock mais alors il faudra se passer du précieux Animator). De ce fait, il demeure très attractif, comme première banque de cordes pour un pop/rockeux/hiphopeux, ou comme banque complémentaire pour ceux qui possèdent déjà des grosses Berthas symphoniques. Et inutile de dire qu’au sein de la Komplete 8 Ultimate à « seulement » 1000 €, il devient carrément une bonne affaire…
En attendant, évidemment, un Session Strings Pro 2, et pourquoi pas, un Solo Strings et un Session Brass pour compléter le tout…