Après Cuba, l’Afrique de l’Ouest et l’Inde, c’est au Moyen-Orient que nous emmène Native Instruments pour la suite de sa série Discovery. Une destination parfaite pour les vacances.
L’idée de la collection Discovery Series est simple : proposer des instruments et des ensembles folkloriques de divers pays du monde pour permettre aux compositeurs de son à l’image de se débrouiller avec des genres musicaux absolument pas évidents pour qui n’est pas familier des cultures concernées. Il est vrai qu’outre les sonorités des instruments, le rapport au groove et à l’harmonie diffère grandement suivant les latitudes et il y a un monde au-delà de la gamme pythagoricienne, du clavier tempéré et de la façon dont nous concevons le rythme comme l’harmonie en Occident. Un monde dont fait partie le Moyen-Orient et que ce Middle East ambitionne de vous faire découvrir.
Comme les autres titres de la série, ce dernier vous propose des instruments mélodiques comme des percussions qui vous seront proposés en solo comme au sein d’ensembles. Un petit passage en revue de tout cela s’impose.
Quand le saz est là…
Côté percussion, la collection s’arrête sur les incontournables des cultures arabes et perses, qu’il s’agisse de tambours (Darbuka, Doumbek, Dohola, Tombak) ou de tambourins (Bendir, Daire, Daf, Davul, Duff, Katem, Kudüm, Riq, Zil). Au rayon mélodique, on aura évidemment droit à des instruments à cordes pincées (Oud, Saz, Tanbur), frappées (Kanun) ou frottées (Kemeçe) ainsi qu’à deux instruments à vent (Ney et Zurna). Trois ensembles complètent le tout : le premier regroupant toutes les percussions, le second tous les instruments mélodiques et le dernier, surprise du chef, qui consiste en un quatuor à cordes (deux violons, un alto et un violoncelle).
Il y a donc de quoi faire même si, en fonction de la définition que l’on se fait du Moyen-Orient (et qui peut s’avérer très variable d’un contexte à un autre, cette notion inventée par les occidentaux demeurant très floue suivant qu’on la considère d’un point de vue politique ou culturel), on regrettera de ne pas trouver quantité d’autres instruments tels le duduk (certes arménien, mais également joué en Turquie), le zummara irakien ou encore le schofar israélien, ce qui est d’autant plus dommage que les instruments à vent sont ici sous représentés. Précisons-le enfin : comme tous les autres volumes des Discovery Series, Middle East fait l’impasse sur les voix. Ce n’est pas un défaut en soi, plutôt un parti-pris, mais il vaut mieux le savoir.
Les présentations faites, il convient à présent d’aller voir comment tout cela s’utilise.
Agence tout riq
Tous les instruments reprennent la même organisation d’interface : en vis-à-vis d’une jolie illustration de l’instrument, on dispose de 4 onglets : options pour gérer les détails de fonctionnement du moteur (polyphonie/monophonie, assignation des molettes de modulation et pitch bend, de la pédale de sustain et de l’aftertouch, etc.), mapping pour afficher sans possibilité d’édition les assignations de touches aux touches, phrasés et aux différents keyswitches sans possibilité d’éditer quoi que ce soit, Mixer pour doser les différents micros et la réverbe à convolution offrant cinq réponses à impulsion, et Perform pour accéder au lecteur et navigateur de phrasés et adapter ces derniers au contexte, en doublant ou diminuant de moitié leur vitesse de lecture et en les transposant dans une gamme particulière.
C’est en effet la grande force de ce Middle East que de proposer pour chaque instrument des séquences prêtes à l’emploi car il est bien peu évident pour le néophyte de jouer de tous ces instruments de façon crédible : au-delà de gammes qui ne sont pas forcément familières à l’oreille occidentale, le groove lui-même n’a rien d’évident à choper. Ces séquences, on pourra les déclencher simplement via l’octave qui leur est affectée ou bien les cliquer-glisser vers le séquenceur pour pouvoir ensuite les éditer à loisir.
Et pour les ensemble me demanderez-vous ? Eh bien, c’est à peu de chose près la même chose, à ceci près qu’on dispose d’une grille pour la séquence des différents instruments constituant l’ensemble au lieu d’une simple ligne. Mais les grooves prêts à l’emploi sont également de la partie. On dispose ainsi d’une bonne base pour la programmation, une base qui ne serait pas très intéressante si le son n’était pas au rendez-vous.
Oudblast
Deux micros (dont les positionnements varient suivant les cas) ont été utilisés pour la prise de son, et entre la tranche qui les concerne (volume, panoramique, EQ fixe 4 bandes, saturation et filtre coupe-bas / coupe-haut), l’envoi dans la réverbe à convolution et les traitements proposés sur la tranche Master (largeur stéréo, EQ 4 bandes fixe, réverbe de type Ambiance, processeur de transitoires, compresseur et simulation de saturation typée ‘magneto à bande’), il y a déjà de quoi faire pour obtenir un vaste panel de sons, sachant que plusieurs presets globaux sont à votre disposition. On pourra regretter le manque de réglages de la réverbe à convolution, mais la chose est rattrapée par le fait de pouvoir assigner des sorties audio différentes aux micros, ce qui permettra de faire sa petite cuisine dans son séquenceur. Pour les ensembles, on dispose d’une tranche par instrument, mais le principe global reste le même au niveau des traitements.
Tout cela est d’autant plus agréable que la qualité audio est au rendez-vous, même si, vu le nombre d’instruments proposés et la taille de la banque, on se doute bien que l’éditeur a dû faire des choix. Si les développeurs ont fait l’effort de sampler pas mal de techniques caractéristiques de chaque instrument (tremolos et hammers sur les saz et le oud, roulements et grattements sur les percussions, glissés et trilles sur les cordes frottées, etc.), le round robin se limite à du 3x dans le meilleur des cas et à du 2x la plupart du temps, tandis le nombre de couches de vélocités est lui aussi relativement limité : trois au mieux, deux le plus souvent. En pur jeu solo, les instruments de Middle East ne rivaliseront sans doute pas avec des banques dédiées qu’on trouve chez la concurrence (notamment chez Soundiron, Impact Soundworks ou Eduardo Tarilonte, pour n’en citer que quelques-uns) sur le plan de l’expressivité, mais sauront suffisamment convaincre une fois dans le mix, pourvu qu’on ne compte pas trop sur eux pour tenir le rôle de vedette.
Voyez cet exemple où vous pouvez entre chaque instrument isolément avant que le tout soit réuni :
Rien ne vous empêche enfin de tirer la banque vers d’autres registres, que ce soit vers le rock zeppelinien :
Conclusion
Même si elles ne sont pas toujours aussi exhaustives qu’on le voudrait, les Discovery Series demeurent enthousiasmantes et ce Middle East n’échappe pas à la règle. Pourquoi ? Parce que le son comme la simplicité d’emploi sont au rendez-vous et qu’on peut grâce à cela obtenir des choses crédibles très rapidement dans des genres bien difficiles à aborder pour le musicien occidental moyen. Bien sûr, on aurait voulu encore plus d’instruments, tout comme un sampling plus détaillé, toujours plus de boucles… Mais à cent euros la banque, avouons qu’il n’y a pas grand-chose à redire sur ce Middle East qui remplit très correctement son office.
De fait, le plus grand reproche que l’on fera donc à Native, c’est la faible cadence à laquelle sortent ces Discovery Series, car de l’Océanie aux trois Amériques en passant par toute l’Afrique et l’Europe dans son entier, il y a mille cultures et instruments qui n’ont toujours pas été abordés sous Kontakt, même par des éditeurs de tierce partie. À quand le Flamenco andalou ? À quand le Taiko japonais ? À quand le Huayno péruvien ? À quand les mariachis mexicains ? À quand les 1001 genres musicaux qu’on trouve en Chine ou en Russie ? Bref, ce voyage au Moyen-Orient est agréable, mais on a hâte de pouvoir ajouter quelques tampons exotiques à notre passeport musical.