Pour ceux qui ne le sauraient pas, le mot anglais "silk" veut dire "soie". Un nom énigmatique pour un instrument virtuel qui, loin de vous proposer des samples de machines à tisser, entend bien vous faire voyager aux confins de la Chine, de la Perse et de l’Inde, remontant ainsi la célèbre route de la Soie.
Du tourisme sans bouger de sa chaise donc, et qui commence par l’ouverture d’une jolie et grosse boîte un peu décevante vu de l’intérieur : pas de manuel papier, cependant que les DVD sont dans de vulgaires pochettes en papier… On aurait préféré un ou deux boîtiers Crystal ou un boîtier DVD histoire de ranger tout ça plus facilement et de libérer un peu de place sur l’étagère…
Livré sur 4 DVD « seulement », le logiciel se montre simple à installer, à la faveur notamment d’un assistant pour la License iLok et d’un installeur qui copie les samples automatiquement sur votre disque dur (ça semble une évidence, sans doute, mais il existe encore chez certains éditeurs des procédures d’installation réclamant un bon vieux copier/coller…). Au bout de trois petits quarts d’heure, vous voici rendu, prêt à partir vers les contrées asiatiques.
Une autre destination, mais le même véhicule
ADT ? Artificial Double Tracking, ça vous rappelle quelque chose ? C’est une technique mise au point dans les studios d’Abbey Road tandis que les Beatles étaient en enregistrement. Il s’agit de simuler une re-take directement, sans avoir à faire une seconde fois l’enregistrement. Ce système est basé principalement sur l’utilisation d’une bande qui en jouant sur différents paramètres tels que le retard, ou la vitesse de celle-ci simule plus ou moins de différenciation de la prise. Cet effet ajoute du corps à une mélodie et permet d’éviter l’effet chorus pas forcément à propos. Si je vous en parle, c’est que SILK embarque un ADT tout à fait intégré à l’interface et permet facilement de jouer sur la présence de l’instrument utilisé sans pour autant parvenir à des résultats exceptionnels.
Tout cela est complété par un sélecteur de jeu (legato, portamento, etc.), un module de microtuning sur lequel nous reviendrons, deux réglages de spatialisations (un panoramique et un permettant de gérer la largeur de l’espace stéréo) et deux menus : l’un pour sélectionner les instruments et l’autre pour les options de configuration.
Tout cela est très lisible et, ce qui ne gâche rien, prend place au sein d’un design à la fois chaud et discret, entre bois et ambre, où passent discrètement des fantômes de dragons et de palmes exotiques. Bref, ça donne envie de jouer…
Voyage en première classe
China
- Bawu (vent)
- Dizi (vent)
- Er Hu (cordes frottées)
- Guzheng (cordes)
- Jin Hu (cordes frottées)
- Pipa (cordes)
- Sheng (accordéon)
- Suona (vent – cuivre)
- Xiao (vent)
- Yangqin (cordes)
- Zhong Hu (cordes frottées)
India
- Bansuri (vent)
- Breath (oui, des sons de souffle. Très pratique pour mettre de la vie dans la programmation)
- Dilruba (cordes frottées)
- Sarod (cordes)
- Tanpura (cordes)
Persian Empire
- 30 pieces String section (un bout d’orchestre harmonisé, programmé en monophonique)
- Duduk (vent)
- E Cello (cordes frottées)
- Kemenche (cordes frottées)
- Nay Flute (vent)
- Qanun (cordes)
- Tar (cordes)
Boucles de soie
Ces boucles sont classées par instruments, puis dans la catégorie « Performances ». Une fois le patch chargé, il faut passer en revue toutes les phrases enregistrées et simplement séquencer les boucles avec une simple note. Certains instruments proposent une centaine de boucles, réparties sur plusieurs patchs. Pour faciliter la navigation, chacun de ces patchs est nommé d’après sa tonalité, ou son tempo.
Tout ce matériau sonore s’avère très pratique, mais relativement statique. On peut certes sélectionner à l’aide du contrôleur continu CC#1 (mod wheel) un des « points d’entrée » de la boucle, programmés dans la banque de son, mais il n’est pas possible d’éditer celui-ci. L’énorme avantage demeure qu’on peut en très peu de temps utiliser ces boucles pour un rendu tout à fait remarquable. L’inconvénient, c’est qu’il faudra les utiliser vite avant qu’un autre les mette dans ses compos colorées ethniques sous peine de se retrouver avec le son de Monsieur Tout-le-Monde.
Et pour le jeu Live ?
Et voilà ce que ça peut donner en modulant :
Ce mapping est très intuitif et donne un compromis très intéressant aux boucles et à la complexité de la programmation des articulations. Malgré la grande quantité de patchs « LIVE », il faut toutefois noter qu’on ne peut pas éditer le mapping.
Ar-ti-cule !
Une quantité étonnante d’articulations – correspondant à des intentions de jeu – a en effet été enregistrée. Du plus vif staccato au plus lent legato, nous avons accès dans cette banque de son à un panel ahurissant de sonorités par instrument. On retrouve pour l’utilisation de ces articulations les méthodes de travail chères à EastWest, à commencer par l’assignation d’une articulation par canal MIDI.
Si on souhaite que notre ligne de dilruba soit en notes tenues du début jusqu’à la fin, aucune raison de s’encombrer d’autres articulations. On peut simplement ouvrir le patch « Legato » de l’instrument et jouer avec. Cette méthode a l’avantage d’être très simple d’utilisation, même si beaucoup préfèreront certainement les patchs « LIVE » qui apporteront une touche plus humaine très rapidement.
Si on souhaite cependant ajouter juste une poignée de notes courtes, on peut simplement recourir à un nouveau patch, assigné à un autre canal MIDI. Dans l’interface PLAY, on a alors la possibilité de router le nouveau patch vers la même sortie que le premier. Cette méthode très claire au niveau de la programmation et transparente pour le mixage pose cependant un problème lorsqu’on charge beaucoup d’articulations. En effet, au niveau de la programmation, on se retrouve à jouer sur plusieurs canaux MIDI et du côté de PLAY, on doit gérer de plus en plus de patchs. Ca peut vite devenir le Bronx.
On est d’accord, PLAY est multitimbral sur 16 canaux, pas de problème là-dessus, ceux qui sont expérimentés avec le multitimbrale n’auront pas de problème. L’idée d’EastWest pour améliorer ce système a été de mettre en place des patchs « Keyswitch ». Complètement intégrés à l’interface de PLAY et utilisés sur la quasi-totalité de leurs banques de sons, ces patchs chargent un grand nombre d’articulations directement dans un seul patch. Plutôt que de changer de canal MIDI pour changer d’articulation, on utilise des notes ni plus ni moins. Ces notes MIDI ne sont pas liées à des sons, et sont identifiées en bleu sur le clavier de PLAY. Elles permettent de passer d’une articulation à l’autre directement, au sein du même patch. En plus d’être multitimbal sur 16 canaux, PLAY devient ainsi multitimbal de X articulations sur 16 canaux.
Les heureux utilisateurs du VST Expression dans Cubase 5 trouveront leur bonheur avec ce système par exemple. Les autres auront le plaisir de manipuler très simplement avec leur clavier maître le type d’articulation activée à un moment donné. Attention cependant aux ressources. Si ce système est très pratique, il est tout de même conseillé de « muter » quelques articulations – celles dont on ne se sert pas – ce qui permet d’alléger un peu le poids de la session.
Au final au niveau de l’utilisation, il y en a pour tous les goûts et tous les usages. On peut aller très vite et poser une boucle très belle en quelques instants, on peut travailler simplement avec les patchs « LIVE » pour un rendu cohérent et très intuitif à programmer, et enfin, aller chercher le détail en utilisant les articulations une par une ou dans un « Keyswitch ».
Sortie de gamme
L’utilisation est très simple : on choisit un type de gamme, on choisit la tonalité. Ensuite, quelle que soit la note qu’on va jouer, SILK détermine si cette note est ou n’est pas dans la gamme sélectionnée et choisit alors de jouer la note ou celle qui sera la plus proche tout en respectant les intervalles. Si on séquence une montée chromatique, certaines notes seront jouées deux fois. Aussi, ce qu’EastWest propose est d’étudier le comportement de SILK et de se mettre les gammes en tête avant de programmer. Force est de constater que la méthode est très intéressante et permet une approche très claire des gammes obscures.
Le microtuning ne s’arrête pas là car SILK permet de contrôler à partir du piano roll ou du clavier maître des intervalles en dessous d’un demi-ton sans s’acharner avec la molette de pitch pour trouver le bon écart. A partir de là, musicalement, les frontières sont ouvertes et il est tout à fait possible de bluffer des coutumiers des musiques ethniques.
Le son de la soie
(notez que les instruments fonctionnent tout à fait sur un paysage africain… pour des oreilles occidentales…)
Le constat est cependant sans appel : c’est un régal. Le temps de production est simplement ridicule compte tenu du résultat. L’approche pro de SILK est très réussie et si certaines banques de sons peuvent être terriblement riches au niveau du spectre, rendant le mixage quelquefois compliqué, il s’avère que SILK demeure tout à fait exploitable dans un mixage.
Dans l’exemple ci-dessus, tout l’intérêt était bien sûr de faire sortir le côté ethnique de la musique. Le Bansuri n’a été que très peu retouché au mix, cependant dans une application plus fondue dans un groupe d’instruments, son exploitation sera tout à fait agréable.
Conclusion