Metric Halo, c'est l'histoire de deux frères qui décidèrent un jour de 1996 de coder leur propre analyseur audio, SpectraFoo, car ils n'avaient pas l'argent pour en acquérir un. Quelques années plus tard, la marque est synonyme d'excellence pour ses logiciels, mais aussi pour ses interfaces audio-numériques dont nous testons aujourd'hui le fleuron de la gamme, l'ULN-8.
Nous tenons à prévenir tout de suite nos lecteurs : l’interface que nous avons sous les mains aujourd’hui n’est pas accessible à toutes les bourses. Malgré ses qualités indéniables, son prix avoisinant les 5000€ en magasin la relègue au rang d’interface audio-platonique pour la majorité des AFiens, qui néanmoins pourront lire cet article les yeux remplis de rêve en marmonnant tel Wayne Campbell devant la Stratocaster blanche : « un jour elle sera mienne, oh oui, un jour elle sera mienne. »
Mais alors, ça ressemble à quoi une interface audio à 5000€ ? A un rack 1U, mais qui coûte 5000€. Entendez par là que si l’ULN-8 ne souffre d’aucun réel défaut cosmétique, son look ne laisse pas forcément transparaitre son excellence intérieure. Nous avons donc le droit à une flopée de jolies LEDs entourant les encodeurs rotatifs crantés et composant les 16 VUmètres servant par la même occasion d’afficheur de fortune. Car il n’y pas ici de joli écran comme sur les Apogee ou l’UFX de RME et les différentes informations affichées sur les VUmètres resteront peu lisibles. Heureusement, cela demeure relativement accessoire… Le rack est assez profond (33 cm), mais l’alimentation est malheureusement externe, ce qui fera un bloc secteur de plus qui trainera dans votre studio ou home-studio.
Halo ?
Côté connectique, c’est à la fois simple et complet : devant, on retrouve deux entrées DI qui serviront à connecter une guitare ou une basse, par exemple, et qui seront automatiquement affectées aux deux premiers canaux analogiques.
Car des canaux analogiques, il y en a 8 en entrée et 8 en sortie, sans compter la sortie casque elle aussi disponible en façade. Les autres E/S analogiques sont disponibles derrière, grâce aux trois connecteurs DB-25 : un pour les sorties lignes, un pour les entrées ligne et un dernier pour les entrées micros. On pourra donc patcher 8 entrées ligne et 8 entrées micro simultanément et passer de l’une à l’autre d’un simple clic de souris ou directement sur le rack, ce qui est assez pratique pour ceux qui ont beaucoup de matériels dans leur studio et qui veulent tout laisser branché.
On retrouve aussi un connecteur DB-25 pour les inserts hardware sur chaque entrée analogique, et un autre pour les entrées/sorties numériques AES/EBU. Là où le bât blesse, c’est que les câbles DB-25 ne sont pas fournis… Si vous voulez la totale, c’est-à-dire 5 câbles DB-25, il faudra donc rajouter au moins 5 × 70€ à la facture, ce qui n’est pas négligeable, même quand on est prêt à dépenser 5000€ dans une interface audio. Sans ces câbles, les seules choses que vous pourrez brancher, mis à part votre casque et votre guitare, ce sont vos enceintes de monitoring grâce aux deux sorties Jack TRS disponibles à l’arrière et reliée aux deux premiers canaux. Une bonne nouvelle, car en situation de mix, vous n’aurez pas à trimballer les encombrants câbles DB-25.
Ha l’huile !
Sur la façade, on retrouve beaucoup de réglages, ce qui peut être assez pratique suivant les configurations. Ainsi, on pourra changer la fréquence d’échantillonnage, la source de l’horloge, et aussi faire plein d’autres choses via le bouton « Control Mode » : changer la source pour les moniteurs, changer de préset, le type d’entrée (micro, ligne), linker des canaux, enclencher l’alimentation 48V, changer les gains en entrée et les niveaux de sortie… Bref, on peut faire beaucoup de choses sans même regarder son écran d’ordinateur. C’est un bon point.
Pour la partie monitoring (casque et enceintes), on pourra évidemment régler les niveaux de sortie, mais aussi enclencher les mute et dim. Le seul reproche que l’on pourrait faire concerne la taille des boutons qui est vraiment minuscule. En même temps, vu le nombre de choses qu’on peut faire, et la taille assez réduite du panneau frontal (c’est un rack 1U, rappelons-le), le constructeur n’avait pas vraiment le choix.
Jetons maintenant un coup d’oeil à la partie logicielle.
Le système Metric
Une fois les drivers installés sur notre MacBook Retina (nous utilisons un adaptateur FireWire-Thunderbolt) tournant sous Mountain Lion (l’ULN-8 n’est malheureusement pas compatible Windows…), nous lançons la MIO Console 5 qui révèle deux fenêtres : la console et le mixer. La première affiche les états des entrées et sorties physiques, analogiques et numériques, la source de l’horloge, la fréquence d’échantillonnage, mais aussi le routing des traitements gérés par le DSP et enfin une fonction recording, très simple, mais qui permettra de s’affranchir d’un séquenceur pour les tâches élémentaires. Pour tout le reste, on passera par la fenêtre Mixer qui, nous allons le voir, permet toutes les fantaisies.
Le mixer se présente comme une console classique avec ses faders linéaires, ses inserts, ses boutons mute, solo et record. Pour commencer, il conviendra d’appeler un préset, quelques-uns étant fournis. On pourra aussi partir de zéro, ajouter les voies et faire sa configuration aux petits oignons. La taille de la fenêtre est d’ailleurs modifiable et vous pourrez la réduire si vous n’utilisez que quelques entrées, par exemple. Une des particularités du mixer est d’afficher les envois auxiliaires (pour les réverbes et/ou les retours musiciens) dans une autre fenêtre. On a alors accès à une autre table de mixage permettant de doser les envois via une autre série de faders linéaires. Ça surprend au début, mais en pratique c’est une bonne idée, pour peu que l’on ait un grand écran.
Sur chaque tranche, on retrouve la sélection de la source physique (entrées numériques et analogiques, mais aussi les retours du DAW). Pour les entrées analogiques, on sélectionnera le niveau : ligne (-10dBV ou +4 dBu), micro, instrument, ou mic S/R pour utiliser les inserts (le signal est amplifié, envoyé vers le périphérique branché sur les inserts, puis converti en numérique). On pourra ensuite choisir une modélisation de préampli afin de rajouter du caractère à ses prises : transformer, valve, FET, softsat… On a aussi le droit à une brochette de présets. C’est un plus non négligeable pour ceux qui n’ont pas forcément différents préamplis à disposition. Les différences restent subtiles (à part le SoftSat !), à essayer suivant l’instrument enregistré et le micro utilisé ! Voici quelques exemples sonores d’une voix passée dans différents characters:
Téléchargez les exemples audio characters
La tranche propose ensuite 10 inserts qui serviront pour les envois vers les circuits auxiliaires, mais aussi vers les traitements proposés par Metric Halo : c’est vraiment très complet et on retrouve des égaliseurs, compresseurs, limiteurs, channel strips, des outils de mastering, une réverbe, un pitch shift, des modules de distorsion, un dither… De quoi travailler correctement, d’autant plus que la qualité des plug-ins Metric Halo n’est plus à démontrer (rappelons qu’à la base, ils faisaient du software). De plus, le DSP tient bien la charge et on peut mettre des plug-ins un peu partout sans trop compter (un indicateur en % est disponible dans la fenêtre Console), il faut préciser que la latence (proche de zéro) est compensée par ce même DSP afin d’éviter les éventuels problèmes de phase. Durant nos tests, nous avons utilisé des traitements en insert pour les retours casques sans aucun problème. Il est aussi possible de faire des macros, rassemblant plusieurs traitements dans un module, via l’interface rappelant un peu celle de Reaktor (en moins complexe !). Évidemment, le tout est extrêmement puissant et comblera les plus exigeants. La seule limite assez logique est la non-ouverture aux plug-ins tiers, mais on comprend pourquoi.
Ajoutez à cela une sortie directe pour chaque tranche, avant et après les inserts, et vous obtiendrez un système qui peut faire un peu mal à la tête les premiers temps (certaines configurations peuvent être assez complexes), mais qu’il est difficile de prendre en défaut. C’est simple, on peut tout faire, même prendre, par exemple, un retour DAW, le traiter via des plug-ins intégrés et renvoyer le tout vers n’importe quelle sortie physique.
La partie logicielle propose aussi une gestion de plusieurs moniteurs (5.1 possible), avec plusieurs sources (que l’on pourra choisir directement sur la façade du rack). Il sera aussi possible de faire les niveaux entre vos différentes paires d’enceintes, afin de ne pas avoir de saut de niveau en switchant de l’un à l’autre.
Vous l’aurez compris, mis à part son côté un peu austère, il est difficile de reprocher quoi que ce soit au duo Mixer/Console de l’ULN-8.
Eh ben, ça sonne
Que dire du son de cette interface, si ce n’est qu’elle est devenue notre référence ? Les huit préamplis sont assez monstrueux, offrant un gain de 91 dB (!), le tout avec un souffle très discret. La transparence est aussi de mise, le but étant de « colorer » si besoin la prise après coup via les « characters » disponibles dans le mixer. Côté convertisseurs, nous avons obtenu un très bon score sur notre loopback test, qui est du même ordre que les ténors du marché équipant les grands studios. A l’écoute, c’est évidemment du très haut niveau et cela confirme les très bons résultats que nous avons obtenus. Voici les exemples audio :
Téléchargez les prises de son de guitare acoustique et les tests des convertisseurs
ULN rules
Alors oui, elle coûte 5000€, oui, le FireWire est en voie de disparition, oui, l’afficheur est d’un autre âge, elle n’est compatible que Mac, mais que cette interface est complète ! L’interface et les plug-ins peuvent sembler austères, mais le tout fonctionne parfaitement, c’est stable, avec une latence minime, des préamplis d’une rare qualité pour une interface audio, des convertos boxant dans la catégorie poids lourds, et un routing ultra flexible. Cette interface n’est certes pas parfaite, mais l’essentiel est là et il ne lui manque vraiment pas grand-chose pour atteindre la perfection.