Dans la série des appareils de studio sans fil, voici le casque : les danois d'AIAIAI essaie actuellement de surnager dans un marché en mouvement constant en proposant des objets sonores de qualité, élégants et "durables", et à la latence courte, pour travailler sans attaches.
« Designed in Denmark. Manufactured in China for AIAIAI. Assembled by you. » À tout le moins, s’il ne devait rester que cela du test, on devrait bien remarquer que les communicants de la marque AIAIAI sont très forts. Certains diront cela « ludique », d’autres « anti-gaspi ». En tout cas, ça a un petit goût novateur qui devrait séduire un public actuel.
Cela dit, c’est vrai que l’on avait jamais vu cela pour un casque (et par « on », je veux dire « je »). Mais il n’y a pas que le montage en kit : le projet d’un casque fait d’éléments modulables, dont chaque pièce est remplaçable (ce n’est pas nouveau, mais c’est rare) mais aussi – et sur ce point AIAIAI va plus loin que toutes les autres marques – que l’on peut composer selon ses préférences. C’est intéressant, même franchement enthousiasmant.
Pour en dire plus, à notre avis c’est en particulier ce dernier point qui fait mouche : composer son propre casque, selon ses besoins ou ses préférences, cela promet l’obtention potentielle d’un casque adapté à chaque utilisateur, et donc qui pousse moins au remplacement régulier. Obtention potentielle, j’insiste sur ce mot, et j’y reviendrai, car l’on se doute aisément que ce qui apparaît comme une solution optimale, en théorie, révèlera rapidement ses limites dans la réalité.
Toutefois, avant d’arriver à de telles considérations générales, entrons dans le détail de ce casque arrivé dans nos mains en morceaux (mais c’est voulu).
Spécifications
Le TMA-2 Studio Wireless+ est un casque de type circumauriculaire, fermé, avec un transducteur dynamique. La taille du transducteur est de 40 mm.
Les spécifications annoncées par le constructeur sont les suivantes :
- impédance : 32 ohms
- réponse en fréquence : 20 Hz – 20 kHz
La première chose frappante, c’est en effet que l’on reçoit le casque en morceaux, chaque pièce emballée dans un sac plastique noir standard, que l’on peut soit décoller sur un côté (il est réutilisable, alors) soit déchirer (le long des pointillés).
Chaque sac porte l’indication exacte de son contenu, et le nom de modèle de chaque pièce, ainsi que plein de détails sur l’objet en question :
Et une fois tout déballé, ça donne ça :
Un arceau-récepteur, deux écouteurs, deux coussinets, un câble torsadé de 1,5 m (extension jusqu’à 3,2 m) qui se termine par une fiche jack TRS 3,5 mm (avec adaptateur 6,35 mm) et un mini-jack à baïonnette pour le raccordement au casque (car le casque peut bien entendu être utilisé avec un câble classique), un transmetteur (environ de la taille d’un petit smartphone) plus un petit câble (vert acide) pour le raccorder à la source (la sortie casque de la carte son, par exemple). Un câble USB-A vers USB-C permet de recharger l’arceau-récepteur et le transmetteur aisément.
Le montage se fait facilement. Une seule chose à noter : il faut faire très attention à l’orientation des écouteurs. Je ne parle pas du sens droite-gauche (qui est indiqué par un anneau coloré), mais de quelle prise mini-jack est faite pour recevoir le câble de l’arceau, et laquelle est faite pour le câble de raccordement à la source : leur seule différence est la présence d’une baïonnette, et un mauvais raccordement empêche un côté du casque de fonctionner, en tout cas en mode filaire.
Une fois les pièces assemblées, on obtient un casque assez robuste : chaque pièce à l’air plutôt solide, un peu à la manière du HD-25 de Sennheiser (inspiration évidente des casques TMA-2), où tout est léger et fabriqué en plastique, mais où tout se révèle également assez durable, par effort de simplicité et par une bonne adaptation forme / matériaux.
Démontable ?
Oui, ça tombe sous le sens.
Je vous passe le démontage des coussinets et des écouteurs, de toute façon vous les recevrez démontés. Sur chaque écouteur on trouve trois vis, visibles sur la pièce supérieure dans cette photo :
Il suffit de les enlever pour démonter la plaque de fixation du haut-parleur :
On découvre alors un circuit imprimé recevant les deux prises de connexion, avec deux petites résistances (nous ignorons leur fonction) :
Le HP peut facilement se décrocher puisqu’il est connecté grâce à un petit connecteur molex.
Ce HP est fixé sur la plaque par une colle silicone. Les soudures sont très bien réalisées, le câblage est solide.
Confort
Correct
La matière des coussinets (de l’Alcantara, matière déposée) qui évoque certains tissus micro-fibre, ou le daim, est très doux, sans être trop chaud, et l’arceau, bien qu’un peu lourd (électronique embarquée oblige) arrive assez bien à se faire oublier et ne pèse pas trop sur le sommet du crâne. Seul petit souci : le TMA-2 serre un peu fort, mais on espère que cela se relâchera avec l’usage régulier.
Isolation
Bonne.
Les coussinets ne sont pas trop petits et arrivent bien à prendre tout le pourtour de l’oreille. Il nous a semblé qu’ils s’adaptaient bien à la forme du crâne et qu’ils offraient donc une réjection tout à fait appréciable des sons extérieurs. On pourra même envisager d’utiliser le casque dans des environnements professionnels bruyants, ce qui en fait un casque adapté à la prise, mais aussi à des écoutes « nomades » de loisir.
Transport
Assez facile.
Le casque ne se plie pas, mais il est accompagné d’un sac de transport et vous pouvez toujours le démonter pour, par exemple, le transporter à plat dans une valise – option un peu lourde, certes, mais possible.
Benchmark
Voici donc notre protocole de mesures objectives, mené par nos soins afin de compléter l’écoute subjective. Avec l’aide précieuse de notre testeur EARS de MiniDSP, nous avons le plaisir de pouvoir vous fournir des courbes de réponse en fréquence et distorsion, réalisées dans notre atelier.
Réponse en fréquence (en version filaire) :
On remarque :
- Un profil montant de 20 Hz à 150 Hz (Δ : 10 dB)
- Une descente progressive de 150 Hz jusqu’à 500 Hz (Δ : 3 dB)
- Une accentuation à 1 kHz
- Une accentuation importante à 5 kHz
- Une accentuation encore plus importante à 8 kHz
- Un creux à 10 kHz
- Des aigus accentués au-dessus de 10 kHz
Les transducteurs sont plutôt bien appariés, et le profil général est plutôt linéaire, avec surtout un creux important à 10 kHz.
Une mesure réalisée en mode sans fil a donné exactement les mêmes résultats.
Distorsion :
La distorsion mesurée est plutôt basse, sous 0,5 % à partir de 40 Hz, et inférieur ou égale à 0,2 % à partir de 100 Hz. La seconde mesure publiée a été réalisée en mode sans fil, et l’on observe des résultats différents, surtout entre 1 et 3 kHz. Toutefois, rien ne nous paraît vraiment clivant : ici, il est important de noter que les mesures de distorsions sont particulièrement sensibles, et deux mesures faites l’une après l’autre dans des conditions similaires peuvent déjà présenter des différences légères (d’environ 0,5%). Nous concluons donc que, connecté ou sans fil, le casque présente une courbe générale de THD relativement similaire.
Écoute
Richard Hawley – Don’t Get Hung Up In Your Soul (sur Truelove’s Gutter)
Une ballade acoustique, avec beaucoup de réverbe et une différence de dynamique importante entre la voix et la guitare. Le résultat est assez surprenant, non pas par une courbe particulièrement originale (ces courbes « linéaires » sont de plus en plus courantes ces derniers temps, il me semble), mais par un mélange de clarté sur les aigus et les médiums, et une impression légère (mais présente) de brouillon sur le grave et particulièrement le bas-médium. Ce n’est pas criant, ni rédhibitoire, mais on aimerait peut-être une égalisation un peu plus tournée vers le haut-médium ou l’aigu, ou un bas-médium un peu plus en retrait, de façon à équilibrer l’ensemble. L’image stéréo est très précise, la guitare se place légèrement sur la droite, la voix légèrement sur la gauche, les queues de réverbe sont un peu plus longues sur la gauche… Tout cela est très précisément rendu.
Sun Kil Moon – Butch Lullabye (sur Common As Light And Love…)
Sur l’intro, on doit entendre à la fois les notes graves, les harmoniques médiums ajoutées par la distorsion, l’attaque légèrement piquée des notes, tout en séparant bien la grosse caisse qui sonne assez sèche et médium. On commence à mieux percevoir la spécificité : l’accentuation de 10 dB à 100 Hz (relativement à 20 Hz) à tendance à colorer légèrement la basse en faisant ressortir le bas-médium : zone du spectre très importante, mais un peu compliquée à traiter, et qui peut vite devenir trop présente. Ici, sur un arrangement aussi minimal et plus électronique (basse synthétique), le casque s’en tire mieux que précédemment (où le grave était apporté par une contrebasse) mais on perçoit comment cette basse un peu « colorée » par la prééminence des bas-médiums peut paraître manquer de précision. Par ailleurs, nos remarques sur le haut du spectre tiennent toujours (c’est clair et détaillé, sans être fatigant) et l’image stéréo est toujours très bien rendue.
Massive Attack – Teardrop (sur Mezzanine)
Un titre avec beaucoup d’extrême grave, mais qui ne doit jamais masquer les nombreux détails dans le haut médium et l’aigu. Le sub sur la grosse caisse est perceptible mais pas très bien rendu (vu la réponse en fréquence, rien d’étonnant), mais la basse très grave s’en tire en revanche mieux, puisqu’elle se situe déjà dans une partie du spectre inférieure à cette bosse des 100 Hz. Encore une fois, sur un morceau plus synthétique, plus électronique, on trouve le rendu du casque plus convaincant. Les remarques sur les aigus, la voix, la fatigue auditive (absente), l’image stéréo… Tout cela se confirme.
Charlie Mingus – Solo Dancer (sur The Black Saint And The Sinner Lady)
Voilà un morceau avec beaucoup de soufflants jouant dans des tessitures similaires : c’est très touffu et le but est d’essayer de discerner les timbres. Encore une fois, l’impression se confirme : le casque est dans l’ensemble plutôt appréciable et intéressant, avec pour seul défaut vraiment notoire cette bosse un peu trop marquée dans le bas-médium qui a tendance à gonfler un peu artificiellement certains instruments : ici une grosse contrebasse, un trombone un peu lourd, qui envahissent un peu l’ensemble et déséquilibrent légèrement le mix.
Edgar Varèse – Ionisation (New York Philharmonic, dir. Pierre Boulez)
Ici on cherche à juger de l’image stéréo et du suivi de la réverbération naturelle de la salle, qui joue sur l’impression d’espace. L’écoute se fait entre 0:30 et 1:15 min. Dans une composition avec plus d’espace, plus d’air, comme c’est le cas ici, l’impression de renflement du bas-médium disparaît largement et laisse entendre les qualités du casque : excellente image stéréo, aigus précis mais pas fatigants, bon rendu des dynamiques. Sur les triples forte, c’est tout de suite moins bien, avec une des grosses caisses (la moins grave) qui résonne fortement, et « mange » un peu les autres instruments.
Conclusion
L’écoute a donc été vraiment révélatrice du seul vrai reproche que l’on ferait à ce casque : un profil avec une accentuation même légère des bas-médiums, relativement aux graves et aux médiums, avec cette tendance sur certains morceaux à mettre trop en avant certains instruments graves, ou à les colorer indûment. Rien qui ne soit pas rattrapable avec un égalisateur, mais qui demande à être perçu avant d’engager quelque vrai travail avec ce casque, au risque de se retrouver avec des résultats un peu déséquilibrés.
À part cela, rien à redire ni sur la qualité de construction, ni sur l’idée du casque en kit, un peu gadget, mais également bien pensée malgré tout, et séduisante. Comme le montre la mesure, la connexion sans-fil est d’excellente qualité, et n’ajoute pas de distorsion vraiment significative : la transmission est fidèle.
Pour ce qui est de l’idée du casque « sur mesure », composé avec des éléments sélectionnés sur le site selon les désirs de chacun, si l’idée est intrigante, à n’en pas douter elle ne sera jamais parfaitement réalisable, et l’impression d’une amélioration possible en changeant tel ou tel élément se révèlera chez certain une vraie « poussée à la consommation » : tous ceux qui ont essayé les modifications d’instrument ou de casque en espérant l’amélioration sonore savent combien cela peut se transformer en course sans fin vers plus de frustration. Cela dit, l’idée d’un casque que l’on compose reste séduisante, mais ne doit tout simplement pas être vue comme la solution – à laquelle personne n’aurait pensée… – à la surconsommation. La customisation a toujours existé, et a plutôt promu la consommation qu’elle l’a limitée. Reste la possibilité de réparer son casque en se fournissant auprès du constructeur, dont on peut discuter, mais qui a au moins l’intérêt d’être proposé, ce qui est par ailleurs trop rare.