Il y a 5 ans, en mai 2009, naissait l’APC 40, première du nom. À l’époque, il s’agissait d’une véritable petite révolution.
Pensez donc, pour la première fois apparaissait sur le marché un contrôleur intégralement dédié à Ableton Live. Il faut dire que la voie était libre. En effet, les spécificités dudit logiciel — notamment sa fameuse matrice de clips — étaient largement snobées par les contrôleurs MIDI de l’époque : on se débrouillait jusque-là comme l’on pouvait avec des contrôleurs à pads auxquels on affectait les déclenchements de clips, mais bon, rien de folichon.
Le succès fut tel que la concurrence dégaina très vite et très fort : moins de cinq mois plus tard, Novation répondait à Akai en présentant le Launchpad, dépourvu de faders et potards, mais bénéficiant d’une matrice physique de clips plus importante, d’une ergonomie ainsi que de fonctions astucieuses et d’un prix divisé par deux. Chacun de ces deux produits connut quelques variations (Launchpad S et Mini, APC20…), et surtout une belle carrière commerciale, qui se poursuivit malgré l’apparition l’année dernière du Push élaboré par Ableton « themselves » et produit par Akai.
Et voilà donc que la marque japonaise nous propose cette année la seconde mouture du contrôleur à l’origine de tout cela : l’APC40 mkII, que nous testons aujourd’hui, proposée à un tarif inférieur à 370 euros.
À noter qu’Akai sort simultanément deux autres produits dans la même gamme, l’APC Mini (autour de 100 euros) et l’APC Key 25 (moins de 130 euros).
Alors, la marque a-t-elle su tirer parti de ces cinq années et faire évoluer son produit initial fort intéressant en tenant compte des remarques des utilisateurs, des scripts développés par des indépendants, de certaines voies intéressantes explorées par la concurrence et des nouvelles fonctionnalités proposées par le partenaire Ableton tant au niveau du logiciel Live que du contrôleur Push ?
C’est ce que nous allons immédiatement investiguer…
Lifting
Quand on ouvre la boîte, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’accompagnement de la bête se limite au strict minimum : un câble USB, pas d’alimentation externe (l’appareil est intégralement alimenté par l’ordinateur hôte), un livret de garantie, une petite carte récapitulant les démarches à effectuer pour télécharger le bundle logiciel et un petit guide de démar… ah non, pardon, ce n’est pas le guide de démarrage, c’est bien le mode d’emploi complet qui ne fait que quatre pages (multipliées par cinq langues différentes…) ! Oulà, ça n’augure rien de bon… Mais continuons.
La bête se présente sous la forme d’un parallélépipède de 42 cm de large, 25 cm de profondeur et 4,5 cm de haut, boutons compris. Soit à peine 2 cm de plus en largeur, 7 cm de moins en profondeur et environ 1,5 cm de moins en hauteur que l’ancienne version. Le poids est à peu près équivalent.
Le tout donne l’impression que l’appareil a été pensé pour être plus nomade que son ancêtre, d’autant qu’Akai a abandonné la légère surélévation de l’arrière, facilitant le transport dans un sac à dos… ainsi que la nécessité d’une alimentation externe ! La MKII reçoit son alimentation électrique directement par la prise USB.
En débutant par le haut de la surface de contrôle, nous trouvons huit potards sans fin à couronnes de LEDs, surplombant une matrice de 8×5 pads, comme celle de l’APC40 d’origine, à la différence que les pads sont ici 2 fois plus larges et 2 fois moins profonds que ceux de l’APC première du nom.
À la droite de celle-ci se trouvent les boutons de déclenchement de scènes, et en dessous les boutons d’arrêt de clips, puis ceux de sélection de pistes. En continuant à descendre, nous avons les boutons d’activation, de mise en solo et d’armement desdites pistes. Grande nouveauté, à ces boutons viennent s’ajouter des boutons d’affectation de chaque piste aux groupes A ou B définis pour le fonctionnement du crossfader logiciel de Live, ce qui est une excellente chose. On retrouve d’ailleurs sur la MKII le même crossfader matériel que sur la première version, avec la même course de 5 cm et exactement le même feeling, que certains apprécient et d’autres moins, question de goût.
À la droite desdits boutons, nous retrouvons également, comme sur l’ainée, un potard sans fin pour régler le volume de l’éventuelle sortie auxiliaire (en fonction de la carte son) du séquenceur. Et enfin, tout en bas, nous avons huit faders de pistes plus celui du master, là aussi de même course (6 cm) et procurant les mêmes sensations que sur l’ancêtre. Personnellement, sans les trouver exceptionnels, j’ai toujours considéré qu’ils proposaient une résistance et une précision correctes.
Sur la partie droite de la bestiole, nous avons les boutons de transport incluant l’enregistrement de session apparu sur Live 9, les boutons de tap-tempo et de nudge ainsi qu’un nouveau potentiomètre sans fin dédié au réglage du tempo. Nous avons ensuite un deuxième groupe de huit potentiomètres sans fin à couronnes de LEDs destinés à contrôler les paramètres de plug-ins, potards bien connus des utilisateurs de la première mouture, ainsi que les boutons permettant de sélectionner lesdits plug-ins. À noter l’apparition d’un nouveau bouton — « dev lock » pour « device lock » — qui permet de verrouiller la MKII au contrôle d’un seul et unique plug-in directement à partir de l’appareil, sans devoir passer par le menu contextuel de Live. Bien vu. Enfin nous avons les fameuses flèches de direction permettant de naviguer dans la matrice de clips, secondées par une nouvelle touche « bank » facilitant ladite navigation, le crossfader déjà cité, ainsi que la touche « shift » qui permet d’accéder à des fonctions alternatives pour certains boutons.
L’ensemble inspire confiance au niveau de la fabrication, les potards ont une course veloutée et agréable, et les faders, sont, comme je l’ai dit, corrects sans être extraordinaires.
Au niveau des connectiques, nous avons une prise USB 2.0, une sécurité Kensington et une prise pour un footswitch « on/off », très bien vu.
À (pas si) petits pads
Comme je l’indiquais plus haut, la matrice de lancement de clips est composée de 5 lignes de huit pads. Ceux-ci sont rétro-éclairés avec des LEDs RVB, permettant la reproduction plutôt fidèle des couleurs de clips originelles telles que définies dans Ableton Live, à la manière de ce que l’on peut trouver sur le Push. C’est un très bon point. Et pour bien différencier les clips actifs des autres, Akai a choisi de les faire doucement clignoter, ainsi que d’illuminer les boutons « stop clips » des pistes correspondantes. Cela facilite grandement le repérage lors de la lecture de sets de taille importante, et représente un autre bon point. La possibilité d’affecter à la volée telle ou telle piste au groupe A ou au groupe B du crossfader est également une très bonne chose. Enfin, on retrouve la possibilité, comme sur l’APC des origines, de naviguer d’une matrice de 8×5 clips à une autre via touche « shift » + flèche de direction, mais également via la nouvelle touche « bank » : une fois celle-ci activée, les boutons fléchés permettent de passer instantanément d’une matrice à l’autre.
La taille même des pads pourrait sembler un peu petite à certains, mais elle ne m’a personnellement pas dérangé : leur largeur un peu plus importante que la moyenne sur ce genre d’appareils fait qu’on ne les rate pas, même lors de sessions frénétiques de déclenchements de clips. Non, personnellement, ce sont plusieurs autres choses qui m’ont nettement plus gêné.
Tout d’abord, je n’étais déjà pas très fan de la matrice 8×5 de l’APC d’origine, et je ne le suis toujours pas. Du coup, j’aurais préféré une APC plus grande, avec une véritable matrice 8×8. Certes, ce ne sont que trois lignes supplémentaires, mais sur un Push, un Novation Launchpad ou encore l’APC Mini, ça change la vie.
Ensuite, je regrette que les pads ne puissent toujours pas être utilisés pour le jeu. Pourtant, ce ne sont pas les scripts indépendants développés pour l’APC40 d’origine qui ont manqué pour indiquer à Akai la voie à suivre ! On aurait pu légitimement attendre d’une MKII qu’elle intègre nativement cette fonction. Eh bien ce n’est pas le cas, il faudra attendre sans doute que des petits développeurs astucieux nous mitonnent de nouveaux scripts. Rappelons que le Launchpad de Novation propose cette fonction depuis sa sortie.
Pour continuer dans les sujets qui fâchent, ceux qui s’attendaient à ce que cette nouvelle mouture intègre d’emblée un step-sequencer en seront également pour leurs frais. Là aussi, Akai en délègue implicitement — involontairement ? — le développement à la communauté. À moins qu’un éventuel update du firmware ne vienne changer la donne… Enfin, on pouvait également attendre de cette MKII que l’on puisse dupliquer ou supprimer des clips directement à partir de l’appareil. Eh bien c’est niet là aussi.
Alors bien sûr, vous me direz que tout cela, ce sont des fonctions présentes sur le Push, produit également par Akai, et que le risque était que les deux produits se fassent concurrence. Certes, c’est un argument de poids. J’y répondrai toutefois que précisément, le Push ainsi que d’autres dispositifs — Touchable Mini était constamment activé sur mon iPhone durant tout ce test ! — nous ont rendus plus exigeants, et que certaines fonctions semblent dorénavant incontournables sur ce type de produit. La duplication/suppression de clips est personnellement la fonction qui m’a le plus fait défaut concernant la matrice de pads de la MKII. Et si vous souhaitez affecter les pads à autre chose que le déclenchement de clips, le seul moyen est de passer par le traditionnel mode d’affectation MIDI de Live. Mais dans ce cas, vous perdez la possibilité de lancer des clips avec les pads réaffectés à d’autres fonctions tant que vous ne les avez pas manuellement désaffectés à la souris dans Live. Il existe bien un bouton « user » sur la MKII autorisant la bascule entre les paramétrages utilisateurs et le script préprogrammé de l’appareil, mais il ne concerne qu’exclusivement les potards rotatifs du haut.
Contrôle MIDIcal
Mais soyons juste : si ce mode « utilisateur » est particulièrement limité, c’est parce que la MK2 est censée pouvoir répondre à toutes les exigences de contrôle des plugs et du séquenceur d’Ableton grâce à ses trois groupes de contrôleurs physiques, à savoir les faders, le groupe de potards réaffectables du haut et le groupe de potards de droite. Ce dernier, tout comme sur l’ancienne version — et comme son nom (« device control ») l’indique — s’affecte automatiquement aux paramètres préalablement sélectionnés des plugs. Et il faut reconnaître que de ce point de vue là, la dernière création d’Akai s’en sort plutôt pas mal…
Contrairement à l’ancienne version, les banques de potards ne sont plus limités à huit, mais on peut en disposer d’une infinité. Vous pourrez donc ajouter autant de paramètres que vous le souhaitez dans la fenêtre « déploiement de paramètres » de votre plug-in sous Live, il y aura toujours des boutons sur la MKII pour les prendre en charge. De plus, la navigation entre les banques se fait maintenant par l’intermédiaire de deux boutons fléchés dédiés et n’engage plus l’utilisation de la touche « shift », un calvaire de l’ancien modèle. Calvaire qui était essentiellement dû au fait que cette fameuse touche « shift » était, sur la première APC, séparée des touches qu’elle était censée affecter par le groupe de potards de contrôle de plugs, ce qui obligeait à certaines acrobaties de la main droite si l’on souhaitait conserver sa main gauche disponible pour le lancement de clips par exemple. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, la touche « shift » ayant trouvé une position nettement plus judicieuse sur la MKII. Enfin, on apprécie, comme je le disais plus haut, la présence de la nouvelle touche « dev lock » pour verrouiller ou déverrouiller la MK2 au contrôle d’un plug en particulier.
Mais, tout comme pour la matrice de pads, au niveau des contrôles aussi, les manques se font sérieusement sentir. Ainsi, le bouton permettant d’activer/désactiver la quantification d’enregistrement a mystérieusement disparu. Il a été remplacé par une fonction alternative des huit boutons de sélection de pistes permettant de choisir les niveaux de quantification globale, de 8 mesures à une double-croche. C’est très bien, mais cela aurait pu cohabiter avec la quantification d’enregistrement… non ?
Si les couronnes de LEDs autour des boutons font toujours leur petit effet et ne peuvent décemment pas être qualifiées d’inutiles, nous sommes aujourd’hui habitués, dans cette gamme de prix, à avoir au moins un écran LCD reprenant la dénomination et la valeur du paramètre concerné. Là, sans autre repère que les LEDs, il est impossible de ne pas quitter l’écran d’ordinateur des yeux pour s’y retrouver. Et si l’on se félicite que les banques de potards soient désormais illimitées, le manque de repères sur l’appareil rend encore plus délicate la gestion de grosses configurations de contrôles.
Enfin, on aurait aimé avoir accès à un peu plus de fonctions de Live. Certes, nous avons maintenant un bouton d’enregistrement de session bien pratique, ainsi qu’un potard de réglage du tempo tout aussi bienvenu, mais quid du retour à l’automation, du retour à l’arrangement et, dans ce dernier mode, de la possibilité de sélectionner les points de bouclage, par exemple ? Alors oui, on dépasse un peu le strict cadre du mode « session » d’Ableton Live, pour lequel ce produit a été pensé, mais c’est précisément cette possibilité d’effectuer des allers-retours entre une « partition » musicale écrite dans le mode arrangement et le déclenchement libre de clips dans le mode session qui fait à mon sens l’un des grands intérêts de ce séquenceur. Il est dommage que les fabricants de contrôleurs passent à côté de cet aspect-là.
Et pour information, je n’ai pas réussi une seule fois à faire fonctionner ensemble ma vieille APC et la nouvelle, alors que chacune fonctionne très bien avec n’importe quel autre contrôleur.
Et au fond du cabas…?
Enfin, pour terminer, un mot sur le bundle logiciel livré avec l’appareil, offre plutôt complète. Nous avons tout d’abord une version lite de Live 9 limitée à 8 pistes MIDI et audio, 8 scènes, 2 pistes de retour et 4 entrées/sorties audio, une dizaine d’effets audio et une demi-douzaine d’effets MIDI. C’est très léger, mais ça permet de démarrer pour quelqu’un qui n’aurait pas déjà Live.
Beaucoup plus intéressante est la présence des synthés virtuels Hybrid 3, de AIR Music Technology, dont j’ai déjà parlé dans le test consacré au Trigger Finger Pro, et Twist de Sonivox.
Enfin, le pack contient également les excellentes banques de sons de Prime Loops et de Toolroom que l’on retrouve actuellement en bundle d’un certain nombre d’appareils récents, et qui offrent une bonne base pour le beatmaking.
Conclusion
Là, je me trouve un peu embêté. La nouvelle version de l’APC40 n’est pas un mauvais appareil en soi, loin s’en faut. La construction est tout à fait correcte, les fonctions sont clairement identifiées — globalement un bouton par fonction, plus, de temps en temps, une fonction alternative accessible par une touche « shift » mieux placée que sur la première APC. Les pads sont agréables, d’autant qu’ils reprennent comme sur le Push les couleurs des clips tels qu’ils apparaissent dans le séquenceur. De plus, certaines nouvelles fonctions sont bien vues, telles que la possibilité d’affecter directement des pistes aux groupes du crossfader, celle de verrouiller l’APC sur un plug donné sans passer par le menu de Live, les banques de potards illimitées. À tous ces points positifs s’ajoute un bundle logiciel téléchargeable très intéressant.
Mais il y a des nombreuses lacunes. Car aujourd’hui, à une époque où se multiplient notamment les contrôleurs virtuels de type Touchable ou TouchOSC sur interface tactile, il ne me semble plus possible de sortir un « gros » contrôleur physique pour Ableton Live à ce tarif-là sans un minimum de fonctionnalités telles que la duplication/suppression de clips et un écran LCD reprenant les noms et valeurs des paramètres contrôlés. Dans l’état actuel des choses malheureusement, impossible de quitter l’ordinateur des yeux et la souris de la main.
Je ne parle pas non plus de l’absence de step-sequencer ou de mode de jeu pour les pads, deux fonctionnalités que Novation a depuis toujours intégrées sur son Launchpad, ni de l’absence d’un mode utilisateur digne de ce nom ou encore de l’impossibilité de paramétrer les fonctions MIDI de l’appareil, le rendant de facto extrêmement fermé.
Ce dernier point — la fermeture — n’aurait pas été grave si la MKII avait proposé une gestion plus poussée des fonctionnalités de Live, un peu à la Push. Or, on a la sensation qu’Akai n’a justement pas voulu porter ombrage au Push. Du coup, ils ont pris clairement le risque de faire passer l’APC40 MKII (370€ environ) pour un appareil… sorti trop tard.