Novation avait débuté cet automne le renouvellement de leur gamme de contrôleurs dédiés à Ableton Live. Ils poursuivent aujourd'hui avec un nouveau Launchpad Pro ainsi que quatre claviers comportant respectivement 25, 49, 61 et … 37 touches. C'est cette dernière version vendue aux alentours de 199 € à laquelle nous allons nous intéresser aujourd'hui.
« Déshabillez-vous »
Le contenu de la boîte est limité au strict minimum, à savoir le clavier lui-même et un câble USB. Quand on le branche, l’appareil est traité comme une unité de stockage externe et l’on accède aux documents de démarrage. Mais penchons-nous sur la bête.
Le dernier-né des claviers-contrôleurs de chez Novation mesure 555 mm de large pour 77 mm de profondeur et 258 mm de hauteur, pour un poids inférieur à 2,2 kg. Au-dessus du clavier de trois octaves sensible à la vélocité, nous trouvons 16 pads RGB sensibles à la vélocité et à l’aftertouch, eux-mêmes surmontés de 8 potards rotatifs. À la gauche du clavier se trouvent les traditionnelles molettes de pitch bend et de modulation. On dispose enfin d’une batterie de boutons pour la transposition, les choix de gammes et la création d’accords, les fonctions de transports et de contrôle de la STAN, et enfin les fonctions de paramétrage de l’ensemble – la création de presets personnalisés se faisant par voie logicielle via l’application téléchargeable Components. Le tout est accompagné d’un petit écran LCD monochrome capable d’afficher 2 lignes de 16 caractères.
La face arrière nous offre une prise USB-B femelle, une sortie MIDI au format DIN, une prise pour brancher une pédale de sustain et enfin une encoche de sécurité Kensington.
Quatre petits patins caoutchoutés sur la face inférieure permettent au clavier de bien tenir en place. Sans être haut de gamme, l’ensemble est plutôt bien fini et on saluera notamment les potards et les molettes à la course particulièrement précise et agréable.
Dites 37
Si le Launchkey est prévu pour contrôler Ableton Live, n’oublions pas qu’un clavier est avant tout fait pour jouer. Comment se débrouille le dernier-né de Novation dans le domaine ? Eh bien plutôt pas mal du tout, comme nous allons le voir.
L’un des gros défis que les concepteurs britanniques ont eu à relever était le suivant : comment associer nomadisme et plaisir de jeu ? Pour ce dernier point, on passera rapidement sur l’aspect le moins enthousiasmant mais également inhérent à ce type de produits, c’est-à-dire la mécanique semi-lestée. Elle n’est pas non plus particulièrement honteuse loin de là, elle « fait le taf » mais on dira que le toucher n’est pas le point le plus déterminant de ce clavier. Non, pour les claviéristes nomades, l’intérêt du Launchkey réside ailleurs. Par rapport à un clavier à 25 touches habituellement employé dans ce genre de contexte, les trois octaves du Launchkey 37 permettent en effet de développer des mélodies plus complexes même à une seule main, d’appliquer des accords dans tous leurs renversements sans devoir sans cesse recourir aux fonctions de transposition (12 demi-tons et 4 octaves dans le cas présent) et plus généralement d’envisager enfin le jeu à deux mains. Pour offrir toutes ces qualités, les dimensions des touches du Launchkey approchent celles des touches d’un piano normal, tout en restant légèrement inférieures pour conserver à l’ensemble son caractère nomade. Le compromis est parfait et les concepteurs de chez Novation ont à mon sens parfaitement relevé le défi qui leur était posé à ce niveau.
Mais le clavier offre également de nombreuses manières de seconder voire d’enrichir l’expérience de jeu, que ce soit par les possibilités de programmation de gammes et d’accords, ou encore par la présence de l’arpégiateur. On soulignera que toutes ces fonctionnalités sont matérielles, donc utilisables avec tous les modules logiciels ou matériels que l’on pilotera avec votre Launchkey.
La gamme des émotions
Tous ceux qui ne sont pas des claviéristes seront heureux d’apprendre que le clavier du Launchkey 37 mk3 peut être configuré selon 5 gammes (majeure, mineure naturelle, mineure harmonique, pentatonique majeure ou mineure) et 3 modes (dorien, phrygien et mixolydien), avec le libre choix de la tonique pour les gammes ou de la fondamentale pour les modes. La fonction « Fixed Chord » permet quant à elle de définir très simplement la structure d’accord que l’on souhaite pour ensuite la déclencher par simple pression sur sa fondamentale. Tout cela est plutôt plaisant à utiliser, même si l’on aurait souhaité bénéficier d’un choix de gammes et de modes plus important.
Vers le haut, vers le bas, et toujours en rythme
L’arpégiateur est l’autre grande fonctionnalité pensée pour enrichir l’expérience de jeu via le Launchkey. Il s’appuie pour remplir cette tâche tout d’abord sur une collection éprouvée de fonctionnalités. Les notes dont les touches ont été enfoncées peuvent ainsi être jouées de multiples manières par l’arpégiateur : de la plus grave vers la plus aiguë, en sens inverse, en aller-retour, en accords, dans l’ordre dans lequel les touches ont été pressées ou bien de manière aléatoire. Les durées de notes peuvent être réglées de la noire à la triple-croche, le tout en binaire ou en ternaire. Des rythmes programmés d’usine peuvent être appliqués à l’arpégiateur. Rythmes et notes peuvent être modifiés aléatoirement grâce aux fonctions « Deviate » et « Mutate », dont on peut également individuellement gérer l’intensité. En ce qui concerne les accords, l’arpégiateur se marie d’ailleurs très bien à la fonction « Fixed Chord » citée dans le paragraphe précédent. Tout cela se fait non seulement dans le respect des informations de vélocité, ce qui ajoute de l’expressivité aux micro-séquences créées, mais également de manière très simple grâce à des combinaisons de touches très intuitives et un rappel des valeurs de paramètres sur l’écran LCD. On dispose donc avec l’arpégiateur d’un outil à la fois puissant et très simple d’utilisation. Bravo à Novation sur ce point également !
Des pads qu’on touche … et qu’on aftertouche…
Mais en sus du clavier, nous avons vu que le Launchkey 37 mk3 nous offre également une matrice de 16 pads. Nous reviendrons dans les prochains paragraphes sur la gestion des clips et de la matrice d’Ableton Live, ainsi que sur les différentes fonctionnalités de contrôle accessibles via ces mêmes pads, pour ne nous consacrer pour l’instant qu’à leurs « pures » fonctionnalités de jeu.
Comme pour le clavier, nous ne nous étendrons pas trop sur la qualité de leur toucher : ils ne sont pas du tout désagréables mais n’atteignent pas tout à fait la qualité de ceux du Launchpad X par exemple. Ils sont toutefois pleinement utilisables et le fait qu’ils soient sensibles à la vélocité tout comme à l’aftertouch ne nous les rend que plus sympathiques !
On notera au sujet de l’aftertouch que celui-ci peut être paramétré pour être polyphonique ! Pour un appareil officiellement dédié à Ableton Live, doit-on y voir un signe que la STAN allemande se préparerait à être enfin compatible avec cette fonctionnalité ? On ne peut que l’espérer ! Si ce n’est toutefois pas le cas, on se réjouira tout de même que les pads du Launchkey puissent envoyer ce type de messages vers d’autres STAN, plug-ins et matériels compatibles.
D’ailleurs, les pads bénéficient de plusieurs modes de jeu pré-programmés. Le premier mode de jeu proposé permet le pilotage des drum racks d’Ableton Live, avec notamment l’alternance aisée entre les différents groupes de seize pads constituant le drum rack concerné. Mais les pads du Launchkey nous offrent bien d’autres services. On peut ainsi jouer des suites d’accords pré-programmés d’usine ou par l’utilisateur. En ce qui concerne les gammes, leur gestion sur les pads est indépendante des possibilités offertes pour le clavier, et seule une gamme mineure naturelle transposable est programmée d’usine pour eux. On peut toutefois comme pour les accords créer ses propres gammes sur les pads grâce à l’application de paramétrage… dans certaines limites que nous verrons dans le dernier paragraphe. Mais ne brûlons pas les étapes.
C’est lui qui guide
Le Launchkey 37 mk3 n’est pas qu’un « simple » clavier-maître. Tout comme ses prédécesseurs il a été conçu pour contrôler une STAN en particulier, à savoir Ableton Live. Et force est de constater que le Launchkey met la quasi-intégralité de ses éléments de contrôle – potards, poussoirs et pads – au service du pilotage de la STAN allemande. Les pads tout d’abord nous donnent le contrôle du mode session de Live en nous permettant d’enregistrer et de lancer/stopper la lecture des clips individuels, de déclencher des scènes, de se déplacer entre les pistes, de les activer ou de les mettre en solo. On peut également paramétrer les pads pour qu’ils servent d’interrupteurs MIDI. Tout cela se fait de manière extrêmement simple et intuitive. Une petite fonctionnalité supplémentaire – appelée opportunément le mode « Navigate » – permet en plus de se déplacer librement dans les menus, le browser, etc. ainsi que dans les racks ou les plug-ins et de sélectionner et déclencher des items. Racks et plug-ins sont également sélectionnables via le bouton « Device Select », ce qui activera alors la possibilité de contrôler leurs paramètres via les potards rotatifs, avec un rappel de leurs noms et valeurs respectifs sur l’écran LCD. Si les paramètres sont supérieurs à huit, on pourra également naviguer aisément entre leurs différentes banques. Enfin, on pourra verrouiller ou déverrouiller à volonté le contrôle d’un rack ou d’un plug-in grâce à la touche « Device Lock » – une attention que l’on ne retrouve que trop peu souvent dans les contrôleurs dédiés à la STAN d’Ableton et qu’il convient donc de saluer.
En-dehors des plug-ins ou des racks, les potards peuvent bien entendu être affectés au contrôle du volume ou du panoramique de piste, ainsi que des envois vers les deux premières pistes auxiliaires.
Enfin, on dispose toujours pour le contrôle d’Ableton Live de huit boutons dédiés au transport, à la capture MIDI (une fonctionnalité de Live 10 dont je ne me passe plus !), à la mise en boucle, à la quantification selon des paramètres pré-établis dans la STAN, au déclenchement du métronome et à l’annulation d’action (« Undo »). On retrouve dans ce contexte la même recherche d’accessibilité et de simplicité d’utilisation que pour les fonctionnalités de jeu décrites plus haut . Bref, le Launchkey 37 mk3 est ergonomique, c’est un fait !
Pour finir, on précisera que le clavier-contrôleur de Novation est compatible également pour le moment avec Logic, Reason, et toutes les STAN qui reconnaissent le protocole HUI de Mackie (notamment Studio One, Cubase et Pro Tools).
Components, l’hôtel du libre-échange…
Les fonctionnalités dont bénéficie le Launchkey 37 Mk3 par défaut ne peuvent pas être modifiées plus en profondeur mais on peut en revanche en remplacer certaines par des presets confectionnés par l’utilisateur. On peut ainsi programmer jusqu’à 4 banques de 16 paramètres pour les pads, et 4 banques de 8 paramètres pour les potards. Comme pour tous les autres contrôleurs et instruments de Novation de ces dernières années, cette étape passe par l’application Components.
Grâce à elle, on peut créer, sauvegarder, charger, modifier et envoyer nos presets vers les emplacements disponibles de l’appareil connecté. Components peut être employée en parallèle de la STAN sans nécessiter de sortir de celle-ci pour effectuer les modifications souhaitées, ce qui permet une assez bonne fluidité dans le travail.
Les pads peuvent être paramétrés pour envoyer des notes, des messages de control ou de program change, être programmés en interrupteurs discrets ou temporaires, et bénéficier d’une couleur choisie parmi 28 teintes possibles. Les potards quant à eux peuvent envoyer des messages de control change sur une amplitude de valeur, un canal MIDI et avec un comportement de saut de valeur définis individuellement pour chacun d’eux. Potards et pads peuvent tous être librement renommés.
Et nous voici arrivés au stade où, après tout ce que j’ai pu dire de positif sur le Launchkey 37 Mk3, il va me falloir sortir le stylo rouge et souligner quelques points qui me semblent discutables.
… qui mériterait un petit coup de ménage
Et une fois de plus, comme pour mes précédents bancs d’essai des produits Novation, c’est l’application Components qui va introduire le bal. Je ne vais pas forcément revenir sur tout ce que j’ai déjà pu en dire dans mes précédents articles. Mais par trop d’aspects, Components reste encore lourde à manipuler. On n’a ainsi toujours pas la possibilité d’effectuer par exemple des copier-coller de paramètres, ni une sélection globale qui permettrait d’affecter une caractéristique commune à tous les éléments sélectionnés. Si vous voulez par exemple que tous vos pads soient bleus, il vous faudra affecter cette couleur individuellement à chacun des 16 pads. Mais cet exemple n’est pas le pire. Car le manque d’automatisation se fait bien autrement sentir dans d’autres domaines, notamment celui de la création de gammes. Déjà pour le clavier en lui-même, il vous sera impossible de créer d’autres gammes que celles proposées d’usine et qui ne sont pas très nombreuses comme nous avons pu le voir plus haut. Il vous sera en revanche possible de créer des gammes pour les pads, mais celles-ci ne seront pas automatiquement transposables ni par octaves, ni par tonique ! Si vous voulez créer une gamme répartie sur le maximum de pads possibles, il vous faudra créer 4 presets de 2 octaves (pour les gammes hepta ou octatoniques) chacun, soit programmer 64 pads individuellement. Et ce pour toutes les toniques ! Il faut reconnaître qu’en termes informatiques, on est un peu loin des standards de 2020 à ce niveau !
Concernant le pilotage d’Ableton, on regrettera que les paramètres d’usine ne nous permettent de ne contrôler les envois que vers les deux premières pistes auxiliaires, qu’aucune de ces pistes ni celle de master ne soit pilotables directement depuis le contrôleur, que la fonction matérielle « Undo » ne soit pas affublée de sa comparse habituelle « Redo », et qu’il n’y ait enfin pas de fonction prévue pour la reprise de lecture en cours. On regrettera aussi, encore une fois, l’absence de toute fonctionnalité de création/copie/suppression de pistes ou de clips (en-dehors de l’enregistrement direct pour ces derniers). On le voit, si le Launchkey 37 mk3 mérite tous les éloges que j’ai pu lui faire dans les précédents paragraphes, il ne permet en revanche pas du tout de se passer de la souris et de l’écran.
Ensuite, si l’on salue le fait que les pads soient sensibles à l’aftertouch (polyphonique en plus !), on peut très légitimement s’interroger sur le fait que le clavier ne soit pour sa part sensible qu’à la vélocité ! Le choix d’avoir favorisé les pads à ce niveau-là me semble très étrange, l’aftertouch étant une fonctionnalité généralement davantage appréciée des claviéristes que des finger drummers.
Enfin, à titre tout à fait personnel, je n’aurais pas craché sur la présence d’une touche de sustain sur un clavier qui par son format peut encore appartenir à la catégorie « nomade » : l’obligation d’emporter avec soi une pédale vient un peu gâcher cet aspect.
Conclusion
Novation réussit avec le Launchkey 37 mk3 à proposer un clavier-contrôleur intéressant à plus d’un titre. Tout d’abord, le format à 37 touches pourrait bien s’avérer le meilleur compromis entre plaisir de jeu et mobilité pour ceux comme moi qui aiment pouvoir jouer du clavier à deux mains, développer des mélodies sur plus de deux octaves ou pouvoir plaquer des accords dans tous les renversements possibles… tout en pouvant glisser le clavier dans un sac à dos. Et qu’il s’agisse des fonctions de jeu comme des fonctions de contrôle d’Ableton Live (et de quelques autres…), on sent qu’un effort particulier a été fourni pour rendre l’expérience la plus ergonomique possible malgré quelques petits défauts et oublis. On ne peut hélas pas en dire autant de l’application Components qui accompagne le contrôleur. Si elle permet de créer ses propres presets de contrôle, son utilisation est toujours aussi rigide et fastidieuse. Dommage, mais gageons que Novation saura la faire évoluer pour qu’elle accompagne d’autant mieux ce clavier par ailleurs très sympathique !
Tarif : 199 €