Il y a quelques mois, nous vous proposions le test de la Maschine Studio, la plus récente et imposante itération du système proposé depuis quelques années par Native Instruments, reposant sur l'interaction entre un contrôleur hardware et – entre autres - son logiciel dédié.
Aujourd’hui, c’est M-Audio qui nous offre son interprétation personnelle de cette partition, avec le contrôleur Trigger Finger Pro (TFP) accompagné entre autres de son camarade logiciel, Arsenal. En quoi cette nouvelle déclinaison du duo hard/soft se démarque-t-elle des autres solutions de ce type, telles que Maschine déjà citée mais également Ableton Push + Live ou encore Akai MPC Renaissance ? Son tarif inférieur à 380 €, soit environ 200 € de moins que son concurrent le moins cher (Ableton Push à 499 € + Ableton Live 9 Intro à 99 €, soit un tarif total de 588 €), est-il synonyme de performances au rabais, ou au contraire d’une évaluation rationnelle des besoins réels des utilisateurs ?
Revue des troupes
Pour ne pas déroger aux bonnes vieilles habitudes, c’est donc par l’exploration extérieure de la bête que je vais débuter ce test.
M-Audio nous gratifie avec le TFP d’une surface de contrôle de 33,5 cm de large, 30,5 cm de profondeur et environ 3 cm d’épaisseur, pouvant être rehaussée d’environ 3 autres cm grâce à un support métallique livré d’origine. Ledit support peut être utilisé pour relever, au choix, la partie arrière de l’appareil – classique et évident ! – ou bien la partie avant… En toute honnêteté, l’intérêt ne m’apparaît pas clairement, mais pourquoi pas.
À part ce support, le seul accessoire livré avec le TFP est le câble USB, qui fournit l’appareil en électricité lorsque celui-ci est utilisé avec un ordinateur. Par contre, une alimentation externe (optionnelle) sera bien entendu nécessaire si vous souhaitez connecter votre TFP à un module ou synthé MIDI externe. USB et MIDI OUT standards ainsi que DC IN sont d’ailleurs les seules connectiques disponibles, situées sur la tranche arrière de l’appareil à côté du bouton d’allumage. On aurait pu souhaiter éventuellement une prise supplémentaire pour une pédale qu’on aurait pu paramétrer à des fins diverses telles que l’envoi de sustain ou encore le déclenchement au pied d’une lecture ou d’un enregistrement de séquence. Mais nous devrons nous en passer, tant pis.
La surface de travail du TFP se divise en quatre parties bien distinctes. Nous avons tout d’abord l’écran LCD de 4 fois 68 caractères qui occupe le haut de l’appareil, accompagné d’un bouton rotatif sans fin, cranté et cliquable. Ce dernier permet de sélectionner facilement les presets de configuration, les séquences, et certains des principaux paramètres du TFP. Cet écran est globalement bien lisible, sa luminosité et son contraste pouvant bien entendu être ajustés selon les besoins de chacun. Ceci — entre bien d’autres choses — se fait grâce à deux des quatre encodeurs situés dans la seconde partie de la surface de travail. Ils surplombent quatre faders, en dessous desquels nous trouvons quatre boutons-poussoirs.
La troisième partie est bien entendu constituée de 16 pads de jeu sensibles à la vélocité ainsi qu’à l’aftertouch mono ou polyphonique. Nous détaillerons plus bas leurs qualités et utilisations. Et enfin, tout en bas de la surface de travail, nous avons un step-séquenceur de 16 pas matérialisés par autant de boutons-poussoirs surmontés d’autant de petites LEDs.
Au milieu de ces 4 secteurs bien définis se trouvent une vingtaine de boutons permettant d’accéder entre autres au paramétrage des pads ou des contrôleurs, à la programmation, l’enregistrement et le lancement de séquences, à la définition du tempo ou encore à la sauvegarde de presets. Nous avons également un ensemble de 4 flèches directionnelles entourant un bouton central, destiné à faciliter la navigation au sein des différentes pistes de votre DAW. Bien vu et pratique. Notons qu’à part cet ensemble précis de boutons et quelques autres, tous les boutons de contrôle ou de pas de séquence ainsi que les pads de jeu sont rétro-éclairés. Il est à regretter toutefois que les sérigraphies desdits boutons n’aient pas été directement imprimées sur eux. De nuit, le rétro-éclairage important – et non réglable – de l’appareil rend illisibles les sérigraphies imprimées au-dessus des boutons. Il s’agit donc de bien connaître l’emplacement physique de chaque fonction avant de vous lancer dans une utilisation nocturne de votre TFP.
Mais à part ce petit inconvénient, deux choses sont principalement à retenir de ce premier tour d’horizon. D’abord, l’ensemble inspire confiance, une impression générale de solidité s’en dégage. Ensuite, l’ergonomie de l’appareil est – à quelques détails près que nous allons évoquer – plutôt bien pensée et, avec un peu d’entraînement, l’on acquiert assez vite une bonne maîtrise de l’engin. Le large écran LCD affichant toutes les informations nécessaires n’y est d’ailleurs pas étranger.
Configurations d’attaque
Lors de l’allumage de l’appareil — instantanément opérationnel, soulignons-le — cet écran affiche le numéro des banques de contrôleurs et de pads, ainsi que le nom du preset et de la séquence actifs. Ceux-ci sont toujours les mêmes, à savoir le preset et la séquence numéro 1. On aurait pu préférer que l’appareil conserve plutôt en mémoire les derniers presets et séquences actifs, mais tant pis.
Le choix à l’intérieur de ces deux catégories se fait via l’utilisation combinée du potard à droite de l’écran et de l’un des boutons de fonction situés en dessous. Enfantin et intuitif ! Attention toutefois, certains paramètres ne sont pas sauvegardables dans les presets : entre autres, le canal MIDI principal, le choix de la destination des messages MIDI (USB, prise MIDI ou les deux à la fois), la valeur attribuée à la vélocité fixe ou à celle des séquences ne peuvent différer d’un preset à l’autre. Dommage, on aurait par exemple aimé pouvoir bénéficier, par une simple pression de bouton, de l’alternance entre un preset adapté au pilotage de logiciels via USB et un autre au pilotage de hardware. Dans la situation actuelle, la procédure est rallongée de 2 ou 3 manips. C’est d’autant plus regrettable que l’affectation aux différentes banques de pads de canaux MIDI distincts n’est pas des plus intuitives, comme nous le verrons dans le paragraphe dédiés aux pads. Mais ne brûlons pas les étapes.
Les préférences générales du TFP permettent également de choisir si l’appareil doit être synchronisé à une horloge MIDI externe, ou si les boutons de transport de séquence doivent ou non servir à piloter le transport de la DAW éventuellement connectée.
Les banques de potards, de faders ou de boutons peuvent quant à elles avoir chacune 4 types de fonctionnement : le mode « Arsenal », qui affecte les contrôleurs automatiquement à certains paramètres des plug-ins chargés dans le soft du même nom (voir le paragraphe « Prêt à dégainer »), le mode « Mackie », qui reprend le protocole de la surface de contrôle du même nom, et qui permet de piloter les fonctions de base de la plupart des DAWs, son petit cousin le mode « HUI », bien connu des utilisateurs de Pro Tools et enfin le mode « MIDI » traditionnel. Sachant qu’un preset couvre les paramétrages de toutes les banques et que chacune peut suivre un protocole différent, on peut se constituer assez vite une collection importante de presets complexes, rappelables d’une simple pression de bouton. À condition toutefois d’avoir impérativement sauvegardé vos modifications de presets, car le TFP ne les conserve pas en mémoire si vous changez de preset !
Et il en va de même pour… les séquences !
Séquence d’armement
Eh oui, le TFP intègre, tout comme ses concurrents Maschine et Push, un step-séquenceur hardware. Les séquences peuvent être paramétrées globalement au niveau du tempo, du swing, du « gate », du nombre de pas et de mesures, et de la vélocité de chaque pas. À ce propos, et comme je le mentionnais plus haut, le step-séquenceur du TFP est classiquement constitué de 16 pas maximum, pour une programmation sur 4 mesures au plus, avec des subdivisions temporelles allant de la noire au triolet de triples croches (pas mal !).
Les boutons représentant les pas actifs sont bien entendu rétro-éclairés. Au-dessus, les petites LEDs s’allument en bleu au passage du « curseur » de la séquence. De plus, la mesure actuellement lue est également signalée, cette fois par une petite LED verte. C’est très simple, très clair, bref, bien vu.
N’importe quelle mesure de la séquence peut être copiée, collée ou dupliquée. On aurait souhaité qu’elle puisse être tout aussi instantanément effacée, mais non, il faut désactiver manuellement chaque pas. La séquence reprend là où on l’a stoppée, sauf si l’on a appuyé deux fois sur le bouton d’arrêt, auquel cas elle reprend du début. Pendant le jeu de la séquence, on peut modifier en temps réel le nombre de pas et de mesures pris en compte, ou bien encore décider de mettre une mesure en boucle.
Dans le cadre de l’utilisation avec une DAW, il est possible de choisir de synchroniser sa séquence avec le tempo de la DAW, ou non. Il est également possible de créer une séquence avec des instruments sur plusieurs canaux MIDI différents, et de récupérer ainsi les portions de séquence correspondant à chaque instrument séparément sous forme de clip MIDI dans la DAW.
Enfin, il est tout à fait possible, en utilisant la fonction REC, d’enregistrer directement dans le step-séquenceur une performance réalisée sur les pads. Ces derniers peuvent d’ailleurs servir à représenter les 16 séquences sauvegardables dans l’appareil lui-même (il est possible d’en exporter autant que l’on veut dans le logiciel Arsenal, comme nous le verrons plus bas). Ainsi, il est possible de déclencher instantanément la séquence que l’on souhaite via les pads. Dans ce mode, le déclenchement peut se faire soit immédiatement, soit à la fin de la mesure en cours. Toutefois, la séquence suivante commence toujours sur son premier pas, même si la séquence précédente a été arrêtée sur le 3e temps d’une mesure, par exemple.
Bien entendu, chaque type de son constituant la séquence peut également, toujours via les pads, être immédiatement mis en solo ou muté.
Pad histoires !
En dehors de ce mode-là, les pads envoient bien évidemment des notes MIDI, réparties de C-2 à G+8 sur l’ensemble des 4 banques disponibles. Ils sont sensibles à la vélocité et à l’aftertouch. Celui-ci peut être coupé, réglé en mode « Channel Pressure » (monophonique), en mode polyphonique ou bien encore paramétré pour envoyer un CC lorsqu’il est activé, et ce individuellement pour chaque pad, ce qui multiplie encore les possibilités de contrôle MIDI offertes par l’appareil.
En plus de l’aftertouch, les pads peuvent être paramétrés, toujours individuellement, au niveau des éléments suivants : la note envoyée, les valeurs minimales et maximales ou encore une valeur fixe de vélocité, la couleur, le canal et la sortie physique MIDI (USB, MIDI classique ou les deux). Si l’on est bien sûr ravi de pouvoir affecter éventuellement un réglage différencié à chacun des pads, on aurait aimé pouvoir bénéficier également d’une affectation par banque, ce qui n’est pas le cas, malheureusement.
Pour faire simple : si vous souhaitez affecter telle banque de pads à tel canal MIDI, par exemple, il vous faudra régler chacun des 16 pads individuels de cette banque sur le canal en question. Espérons qu’une future mise à jour du firmware rende les choses plus commodes. Par défaut, le canal MIDI est celui choisi dans les préférences générales du TFP.
Pour terminer, notons que deux fonctions classiques de ce genre d’appareils sont également disponibles sur le TFP et viennent enrichir le jeu. Tout d’abord la fonction « roll », qui permet de répéter la note jouée selon un délai paramétrable tant que l’on maintient le pad enfoncé. Ensuite la fonction « fixed », qui permet de jouer tous les pads selon une seule valeur de vélocité préétablie. Toutefois, si l’on souhaite à l’inverse bénéficier, comme sur Maschine, d’un mode où chaque pad envoie la même note, mais à une valeur différente de vélocité, il faudra se bidouiller un preset approprié après avoir paramétré soi-même chacun des pads.
Pour conclure ce paragraphe, je tiens à dire que les pads du TFP s’avèrent très agréables à jouer, avec une bonne réponse aux vélocités aussi bien faibles que plus élevées. L’aftertouch, sans être exceptionnel, reste toutefois parfaitement maîtrisable à la main.
Sous contrôle
Les contrôleurs se répartissent, comme nous l’avons vu plus haut, en un groupe physique de 4 potentiomètres sans fin, 4 faders et 4 boutons poussoirs, groupe qui peut se multiplier virtuellement en 4 banques, elles-mêmes indépendantes des 4 banques de pads dont nous avons parlé à l’instant. Personnellement, je trouve que des ensembles d’uniquement 4 contrôleurs de même type sont un peu restreints à mon goût. Peut-être est-ce dû au fait que la concurrence nous a habitués à aligner au moins huit potards accessibles simultanément ? Mais quoi qu’il en soit, je ne suis pas fan de devoir changer constamment de banque dès que je souhaite manipuler un paramètre différent, surtout en live. Mais passons sur cet aspect des choses pour nous concentrer plutôt sur les possibilités offertes.
Les potards réagissent parfaitement à la sollicitation : rotation rapide pour atteindre aisément les valeurs extrêmes, et rotation lente pour une édition fine, réellement à l’unité près. Les faders pourraient avoir une course un poil plus fluide, mais rien de bien gênant.
Tous les contrôleurs peuvent envoyer des messages MIDI de control ou program change, des messages NRPN, ou adopter comme nous l’avons vu les protocoles Mackie, HUI, ou Arsenal pour le dialogue spécifique avec des DAWs ou avec le logiciel maison. Les plages de valeurs peuvent également être définies pour chacun des contrôleurs. Pour les boutons-poussoirs, on retrouve en plus des autres paramètres les traditionnels modes « Toggle » et « Single » pour respectivement basculer d’un état à l’autre ou n’envoyer qu’un message unique à chaque pression, ainsi que « Momentary » pour émettre un message en continu tant que le bouton est enfoncé. Enfin, on peut définir, tout comme pour les pads, le canal et la sortie physique MIDI que l’on souhaite pour chaque contrôleur.
Comme nous l’avons dit plus haut, les boutons de transport du step-séquenceur peuvent également être configurés pour piloter la DAW. Tout comme pour les pads, le paramétrage des contrôleurs ne peut se faire majoritairement que de manière individuelle, et non par banque, ce qui est un peu fastidieux. Signalons qu’en mode Mackie ou HUI, on ne peut pas contrôler plus de huit pistes en tout, dommage. Mais d’une certaine manière, cela affirme l’identité de l’appareil comme une station de beatmaking, faite pour travailler avec un nombre restreint de pistes. Et puis, rien n’empêche de repasser en MIDI et de se fabriquer un preset mieux adapté.
L’exploration des capacités de paramétrage du TFP montre clairement que la philosophie de l’appareil est à l’opposé de celle de ses concurrents directs Maschine et Push. Là où ces derniers proposent un maximum de fonctionnalités « clés en main », mais un unique mode « User », le TFP offre moins de fonctionnalités prédéfinies, mais un nombre quasi illimité de possibilités de configurations personnelles. À condition bien sûr de régulièrement transférer ses presets (et séquences…) sur l’ordinateur afin de libérer les slots-mémoire de l’appareil, l’une des nombreuses raisons d’être du logiciel livré avec le TFP, j’ai nommé Arsenal.
Prêt à dégainer
Pour que les choses soient claires immédiatement : Arsenal n’est pas, comme dans le cas de la MPC Renaissance, de Maschine avec le logiciel du même nom, ou bien de Push avec Ableton Live, un séquenceur. M-Audio a du considérer, à raison, que le marché était déjà bien occupé dans le domaine, et ce majoritairement par des softs qui ont fait leurs preuves depuis longtemps. De plus, les coûts de développement auraient certainement été bien supérieurs et n’auraient pas permis de maintenir le tarif du TFP à un niveau aussi bas. Sans compter enfin que les MAOïstes sont bien souvent déjà équipés dans le domaine. M-Audio a donc plutôt décidé de proposer un outil complémentaire.
Arsenal est avant tout deux choses, un « browser » et un « wrapper ». En tant que « browser », il permet de répertorier tous les instruments virtuels (attention, uniquement les instruments, pas les effets !) de votre système, qu’ils soient en VST, RTAS ou Audio Unit. Arsenal est également prévu pour lister et tagger les presets des instruments virtuels. Toutefois, le logiciel n’est pour l’instant pas en mesure de reconnaître les presets de manière totalement automatique. M-Audio offre sur son site de nombreux templates reprenant la totalité des presets de certains des principaux instruments virtuels du marché. Pour les autres, Arsenal permet de récupérer un par un dans sa base de données chaque preset que vous êtes en train d’utiliser. Et en ce qui concerne les tags, vous pouvez en créer autant que vous voulez – à condition de ne pas oublier de passer du mode « browser » au mode « tag » ! – ou bien renommer ceux déjà existants.Même les noms des plugins peuvent être modifiés. On peut également créer des setlists qui permettent de dépasser le classement par tag pour réunir différents presets selon des critères plus personnels..
En tant que « wrapper », il est capable de charger n’importe lequel des plug-ins préalablement reconnus (un plug-in par instance du logiciel), et de reconnaître automatiquement – sans aucun template cette fois-ci - tous les éléments MIDIfiables dudit plug-in, qu’il affecte automatiquement aux contrôleurs physiques du TFP, à la manière de l’Automap de Novation. Les affectations en question sont bien entendu totalement modifiables ultérieurement par l’utilisateur. Le logiciel permet également de modifier le pitch de chaque plug-in. Ceci est particulièrement pratique quand chaque banque de pads pilote un plug-in différent, en permettant de contourner la pré-programmation des hauteurs de notes des pads. Arsenal fonctionne aussi bien en stand-alone qu’en plug-in au sein d’une DAW, où l’on peut en charger autant d’instances que l’on souhaite.
Enfin, comme je le précisais dans le paragraphe précédent, Arsenal permet de sauvegarder sur l’ordinateur les presets et les séquences du TFP, ou de les recharger dans l’appareil. Mais Arsenal n’est pas le seul logiciel livré en bundle avec Trigger Finger Pro. M-Audio nous propose également Air Drums et Hybrid 3, deux instruments virtuels développés par Air Music Technology, une autre marque du groupe InMusic dont fait partie M-Audio.
Roulement de tonnerre
Air Drums est un petit module virtuel de lecture de samples, basé sur une architecture à pads et utilisable exclusivement au sein d’Arsenal. Tout comme pour ce dernier, on sent la volonté des développeurs de proposer un produit dont l’ADN est intimement lié à celui du TFP, même si, toujours comme Arsenal, il peut très bien être utilisé sans le contrôleur matériel.
Tout naturellement, Air Drums reproduit donc les 4 banques de 16 pads virtuels d’Arsenal et du TFP, adoptant les mêmes codes couleur pour identifier chaque banque. À noter pour l’instant un petit bug, pas très grave, mais tout de même : dans Air Drums (et exclusivement dans Air Drums, Arsenal ne présente pas ce défaut), lorsque le TFP est branché et que l’on choisit les banques à la souris, il est très fréquent que le logiciel présente des difficultés à passer d’une banque à l’autre. Le problème est inexistant lorsqu’on utilise le contrôleur physique, ou alors à l’inverse quand on utilise Air Drums sans le contrôleur. Comme je le disais, rien de bien grave, mais cela mériterait une petite attention de la part des gens de AIR Music Technology. Je l’ai signalé, mais pas encore eu de réponse à ce jour (23 juillet 2014).
Pour en revenir aux fonctionnalités du soft, des presets entiers peuvent bien entendu être sauvegardés ou bien rappelés. L’ensemble d’un preset peut bénéficier des effets suivants : « Pitch », « Cutoff », « Decay » et « Swing ». Sur chaque pad peuvent être chargés deux samples distincts. Toutefois, il ne faut pas s’attendre à pouvoir régler une quelconque interaction entre eux : ils sont joués simultanément, point. Pas de déclenchement différencié selon le niveau de vélocité par exemple. Nous ne sommes clairement pas dans le « multi-layering ».
Sinon, chacun des samples bénéficie bien sûr d’un affichage de la forme d’onde, mais également d’un réglage du pitch, de la fréquence de coupure du filtre et de la résonance, d’un bouton de hold et d’un de release, d’un potard de pan, et d’un de gain, ainsi que d’un bouton de quantization lors de la lecture de fichiers *.rex. En plus de cela, on accède à trois éditeurs d’enveloppes différents concernant le pitch, le filtre et l’amplification. À noter que dans chacun de ces éditeurs d’enveloppe, un potard permet de régler l’intensité avec laquelle la vélocité va influer sur le paramètre sélectionné : une manière intéressante d’enrichir sensiblement le jeu. À noter que les fichiers *.wav bénéficient de quelques options supplémentaires par rapport aux fichiers *.rex, tels que la définition du point de départ et de fin du sample ou la possibilité d’être lus à l’envers.
Il ne faut pas non plus rechercher une trop grande précision dans le paramétrage. En effet, si dans les fenêtres d’affichage de sample, les valeurs temporelles sont bien indiquées en abscisse, il manque en ordonnée une échelle des valeurs du paramètre en cours de modification. De plus, si une petite fenêtre affiche bien la valeur des points d’enveloppe pendant qu’on les dessine, il est impossible de connaître celle des points déjà dessinés. On réservera donc les fonctions d’édition d’Air Drums à des modifications rapides, un travail plus précis sur les samples avec un véritable contrôle des valeurs de paramètres se fera plutôt sur un logiciel dédié (un Wavosaur gratuit fait déjà très bien le job dans le domaine).
Comme nous le voyons, Air Drums ne propose rien de transcendant, mais la bibliothèque de samples – réunissant des banques programmées par Prime Loops et Toolroom Records – est très bonne, et le soft fait correctement ce qu’on lui demande. Un bon petit outil de base qui permet surtout à M-Audio de fournir au TFP quelques très bonnes banques sonores.
Super-soldat
Quelles que soient les qualités d’AIR Drums, le second instrument virtuel livré avec le TFP est à mon sens plus intéressant.
Hybrid 3 est un synthé virtuel polyphonique, basé sur une combinaison de synthèse soustractive et de synthèse à tables d’ondes. Il est composé de deux parties identiques, comprenant chacune 3 oscillateurs, 2 enveloppes de modulation, 2 filtres avec enveloppes, 3 LFOs classiques ainsi qu’un LFO « pump » (sic) censé simuler l’effet de pompe d’un compresseur. Chaque partie est en outre équipée d’un step séquenceur très complet autorisant même l’import de phrases MIDI, le tout aboutissant bien sûr dans l’étage d’amplification. Ce dernier se trouve équipé de deux réglages un peu ésotériques, « hype low » et « hype high », censés régler les fréquences basses et hautes « with an optimal range and curve determined by Hybrid’s Hype algorithm », dixit le manuel en anglais… Mouais, pas hyper convaincu pour le coup, contrairement au reste de ce synthé qui sonne plutôt très bien.
Outre les paramètres « hype » sus-cités, l’étage d’amplification de chacune des deux parties d’Hybrid 3 propose chorus, delay et reverb, ainsi que deux inserts, dans chacun desquels on peut peut glisser un effet parmi… 43, sans compter à nouveau un chorus, un delay et une reverb, mais cette fois sur le master réunissant les deux parties d’Hybrid. Ouf, si avec tout ça, vous n’obtenez pas un son qui dépote !
Pour finir, les deux parties peuvent être mixées ensemble, ou bien être réparties de part et d’autre d’un key split… mais c’est tout. Tout comme pour AIR Drums, inutile d’espérer lier les deux parties par d’autres types d’interactions. Pas de vrai « multi-layering » ici non plus, donc. Mais après tout, il s’agit ici d’un synthé et non d’un sampleur, ne l’oublions pas. Et d’un synthé qui, en plus d’un gros son (on joue ici dans la cour d’un Massive de Native Instruments en termes de richesse et de présence sonores), offre de grandes possibilités de paramétrage, tout en bénéficiant d’une ergonomie parfaitement pensée. Celle-ci en fait d’ailleurs également un excellent outil pédagogique pour qui souhaite s’initier à la synthèse, tant il est aisé de se représenter le cheminement du flux audio sur ce synthé. Une très bonne surprise, donc, dans la hotte du TFP !
On remarquera simplement que, tout comme Air Drums, Hybrid 3 ne dispose pas de browser propre. Il semble ici évident que la volonté de M-Audio a été d’imposer Arsenal comme principal outil de gestion des plug-ins et des presets.
Conclusion
M-Audio a réussi, avec le Trigger Finger Pro, à se démarquer de la concurrence de manière plutôt maligne, en évitant d’opposer frontalement son produit aux ténors du genre que sont Maschine, MPC Renaissance et le duo Push/Live. M-Audio a ainsi choisi de ne pas proposer un énième séquenceur logiciel de plus, partant du principe que la majeure partie des MAOïstes en étaient déjà pourvus, ce qui lui a permis de réduire les coûts… et par conséquent le prix. Au lieu de ça, le compagnon logiciel que propose la marque américaine à son nouveau contrôleur hardware est Arsenal, un astucieux « browser/wrapper » aux très intéressantes fonctions d’affectations de contrôles MIDI et de gestions de presets, et dont on aimerait juste qu’outre les instruments virtuels, il puisse également contrôler les effets. Le contrôleur lui-même est pourvu d’une ergonomie simple et efficace, qui lui permet d’être opérationnel aussi bien pour des instruments virtuels que pour du hardware grâce, entre autres, à ses deux connectiques USB et MIDI OUT 5 broches. Il ne manque aucune fonctionnalité de base, et pour le reste, chacun peut très facilement créer autant de configurations adaptées à ses besoins qu’il le souhaite, à condition de mettre un peu les mains dans le cambouis.
Si on ajoute à cela des pads très agréables à jouer, sensibles à la vélocité et à l’aftertouch, un step-séquenceur matériel assez complet, une offre logicielle de qualité (superbe Hybrid 3, et très bonnes banques de samples pour AIR Drums), il n’y a vraiment pas grand-chose à reprocher à ce produit, sauf peut-être quelques détails mineurs d’ergonomie.