Après avoir sorti sa Black Box, co-signée Roger Linn, à l'intention des guitaristes, M-Audio s'intéresse au monde des contrôleurs rythmiques en s'inspirant de la célèbre MPC. Le résultat tient en 16 pads, 8 potars et 4 faders sur lesquels nous avons posé les doigts.
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Vous avez toujours rêvé de tripoter une MPC, mais vous êtres un inconditionnel de Reason ou de Live ? Ou bien tout simplement, vous en avez marre de faire poum-poum-titakoum sur les touches de votre clavier ? Alors M-Audio vous sauve le coup avec le Trigger Finger, une surface de contrôle regroupant non seulement 16 pads conçus pour la programmations des grooves, mais aussi 4 faders et 8 potars rotatifs, offrant ainsi une véritable surface de contrôle MIDI ! A découvrir d’urgence…
Commençons par dépiauter le biniou, et découvrons les jolis reflets argentés malicieusement émis par le désormais traditionnel plastique finement granulé dans lequel sont moulées nombre de coques M-Audio. Celle-ci confère à la machine un bon look et une rigidité impeccable, pour une dimension d’environ 28 × 25 × 3 cm.
On remarque tout de suite 4 zones de travail : la matrice principale contenant les 16 pads, un bloc d’édition comprenant un led d’affichage à 3 caractères et 4 larges boutons avec témoins lumineux, deux lignes regroupant huit potars et une surface de contrôle munie de 4 faders proposant une course d’environ 60 mm.
Premier contact ! Les pads sont confortables, fabriqués dans un caoutchouc très fin, agréable à palper, et d’une taille suffisante de 3 × 3 cm qui permet de jouer sans problème des roulements, ou tout autre effet de percussion. Ils sont dynamiques, mais aussi sensibles à la pression, ce qui leur permet d’envoyer des informations de contrôles continus, exactement comme l’aftertouch sur un clavier.
Les faders sont souples et les potars, très classiques, possèdent un indicateur de position blanc bien visible, propice à la manipulation dans des environnements sombres.
Bref, côté physique, le Trigger Finger a une bonne tête et est équipé d’outils de contrôle solides, témoignant d’une fabrication soignée.
Sur le panneau arrière, on trouve une connexion USB, une sortie MIDI et une prise destinée à recevoir une alimentation externe 9v non fournie dans le pack. Notons ici que connecté à un ordinateur, le Trigger Finger est alimenté par la connexion USB et ne demande pas de jus supplémentaire.
L’adaptateur secteur sera par contre indispensable si l’on souhaite l’utiliser pour contrôler un expandeur hardware grâce à la sortie MIDI, sans passer par un ordinateur. Précisons aussi que la machine, toujours grâce à sa sortie MIDI, peut servir d’interface entre l’ordinateur et un tel expandeur externe, le driver installant un slot « Trigger Finger » dans les sorties MIDI de votre séquenceur.
Une installation en velours
Rien de plus évident que l’installation du Trigger Finger qui, étant compatible XP et Mac OS X, ne nécessite même pas d’installation de driver pour pouvoir être reconnu. Cependant, pour pouvoir l’utiliser dans plusieurs applications (en mode Rewire par exemple), il faut installer le driver MIDI. Lorsque l’on insère dans l’ordinateur le CD fourni par M-Audio, un petit utilitaire en français se lance automatiquement, permettant de choisir les produits à installer.
Notons ici qu’en plus de notre boîte à pads, on peut aussi installer un soft d’édition baptisé Enigma sur lequel nous reviendront. Après avoir fait ronfler le drive du CD pendant quelques secondes, on nous annonce que c’est terminé, et qu’il n’y a plus qu’à brancher la bête. C’est ce que nous faisons donc sans plus tarder, pour entendre alors le doux refrain de Windows (désolé pour les Macqueux) qui se débrouille tout seul avec son wizzard pour faire reconnaître la machine sur le port USB et faire fonctionner tout cela : un véritable hymne à la joie !
L’érgonomie
Avec un led de seulement 3 caractères, on ne peut s’attendre à une ergonomie d’édition exceptionnelle. D’ailleurs, M-Audio précise que pour les amateurs de tripatouillage des paramètres, c’est-à-dire pour pratiquement tout le monde, il est largement conseillé et préférable d’utiliser Enigma, le logiciel de commande du Trigger Finger, gracieusement fourni dans le pack.
Et c’est vrai, il faut l’avouer, ce n’est pas évident de rentrer dans le lard du chipset du premier coup. Les combinaisons de boutons, les paramètres signalés par des abréviation brutales (évidemment, bétasson, on n’a que 3 lettres !) et pas toujours très compréhensibles, le dièse noté, encore pour une question de place, par un point à côté de la note naturelle (le C dièse est noté C.)… tout cela est au départ un petit peu obscur.
Cela dit, avec un peu de pratique (et à l’heure où je vous parle, je n’ai pas encore 100 heures de vol…), on s’y fait relativement bien, arrivant même à une certaine vitesse d’exécution pour les opérations courantes. En effet, il ne faut pas oublier que le Trigger Finger est une surface de contrôle, et donc possède, nous l’avons vu, un certain nombre de contrôleurs… Alors, en utilisant toutes ces ressources pour accéder physiquement et directement de nombreux paramètres, l’interface s’avère finalement assez fluide, malgré les automatismes à acquérir, surtout quand on a l’habitude d’un écran 19''.
Le vrai problème, c’est que nos chers boutons et faders (un peu moins quant à eux) sont assez chatouilleux et qu’il faut vraiment les manier avec la plus extrême et précise sensualité, sous peine de tâtonner un bon moment avant d’obtenir le divin déclic, à savoir la valeur exacte que l’on souhaite entrer. Mais là encore, rien ne remplace l’expérience et l’on a tôt fait de prendre le coup de doigt. M’enfin quand même, un peu plus de netteté aurait été bienvenue, surtout sur scène.
Editions des différents contrôleurs
Le Trigger Finger peut mémoriser en interne jusqu’à 16 patchs, ou « scenes » contenant un certain nombre de paramètres concernant les pads, les faders et les potars.
Le mode d’édition des pads utilise les potars pour entrer les données, les curseurs étant réservés aux paramètres généraux pour tous les pads : la transposition, le canal MIDI, la courbe de vélocité et la sensibilité du pad à la pression. On peut ainsi, grâce à une dizaine de courbes, adapter la réponse de la machine à la force des coups frappés sur les pads et au poids lui étant ensuite appliqué en fonction de son style de jeu.
Pour chaque pad, on peut ensuite modifier le numéro de note MIDI transmis, le numéro de contrôleur MIDI à utiliser pour transmettre les informations de pression (une option de compression de la plage des valeurs -par défaut de 0 à 127– permet en outre de déterminer les seuils minimum et maximum qui limiteront l’amplitude des données, par exemple entre 60 et 110), la valeur de vélocité fixe (un mode de jeu du Trigger Finger permet de fixer une vélocité pour chaque pad, qui sera utilisée quelque soit la force avec lequel on le frappe, désactivant ainsi sa sensibilité dynamique), le numéro de canal MIDI sur lequel le pad transmettra (une valeur de 0 le soumet au réglage global de la machine), le numéro de changement de programme, de MSB et de LSB, ainsi que le numéro de canal MIDI sur lequel les informations de changement de programme seront transmises, autorisant de jouer les notes sur un canal et d’émettre les Program Change sur un autre. Ouf !
Les potars et les faders peuvent quant à eux recevoir les paramètres suivants : numéro de contrôleur continu assigné, valeur minimale et maximale quand le fader ou le potar est à sa position minimale et maximale, et canal MIDI utilisé pour transmettre les informations, avec, comme pour les pads, une valeur 0 pour le global.
Enigmatique Enigma
Tous les paramètres peuvent être édité à partir de l’ordinateur à partir de l’utilitaire d’édition Enigma. Il permet aussi de charger dans le Trigger Finger des patches programmés à l’usine et dédiés à certains logiciels comme Live d’Ableton (une version 4 Lite est d’ailleurs offerte avec le pack), Redrum de Reason… ainsi qu’à des standards comme le GM ou le XG.
On peut aussi sauvegarder sur disque dur les patches contenus dans la machine, si l’on dépasse les 16 slots disponibles en mémoire interne. C’est assez pratique et il est vrai que l’édition est un peu plus compréhensible à l’intérieur du logiciel.
Cela dit, ce n’est pas non plus un foudre de guerre, l’interface obligeant de rentrer les valeurs à la souris ou au clavier numérique, avec en plus un manque de fluidité notable. Et l’on s’aperçoit bientôt que l’édition à partir du Trigger Finger lui-même est aussi efficace pour les opérations simples.
Dommage qu’aucun potar de la machine ne puisse être assigné à l’entrée numérique des données dans le logiciel ! Heureusement, Enigma, en plus des patches pré programmés, propose une librairie de la plupart des softs du marché.
Ainsi, on peut, par simple glisser/déposer, affecter la coupure de filtre dans Stylus ou bien le volume de la wave du VCO1 de Oddity à n’importe quel contrôleur. Et là, cela devient vraiment sympa, surtout pour les softs qui n’ont pas de fonction MIDI learn.
Le jeu
Malgré le bon toucher que procurent les pads, la première impression n’est pas à la grande souplesse ! En effet, il faut là encore une petite phase d’apprivoisement, car on a tout d’abord du mal à trouver la juste frappe qui permettra de programmer toutes les nuances percussives souhaitées. Cependant, les courbes de vélocité disponibles permettent de s’approcher beaucoup de ce que l’on veut dans la plupart des cas.
De plus, la sensibilité à la pression s’avère rapidement être une fonction particulièrement créatrice, qui permet par exemple de contrôler les panoramiques ou les envois dans les effets en temps réel, tout en jouant un pattern : un vrai bonheur ! Ensuite, la présence des potars et des faders complète agréablement la panoplie de pads, décuplant les possibilités de contrôle des différents logiciels en temps réel.
Enfin, on s’aperçoit que même s’il est essentiellement destiné aux percussions, le Trigger Finger excelle aussi non seulement dans le trig des boucles, notamment dans Live, mais aussi dans le jeu des synthés, pour lesquels, en offrant une approche géométrique et non pas linéaire, comme peut le faire un clavier, il permet de nombreuses configurations particulièrement fructueuses, comme la programmation des différentes notes d’un accord, ou l’assignation d’un seul instrument avec des valeurs de vélocités différentes sur chaque pad…
Conclusion
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Si l’on est un peu déçu par la sensibilité dynamique des pads (il faut avouer que pour la percussion, c’est extrêmement complexe, et que même des machines 50 fois plus chères n’arrivent pas à faire beaucoup mieux !), le Trigger Finger n’en demeure pas moins un produit intéressant qui permettra de faire des saisies rythmiques de manière intuitive, quitte à affiner ensuite les enregistrements dans le séquenceur.
On est surtout rapidement séduit par toutes les fonctions très musicales de la machine, et par son ergonomie qui nous change un peu de l’éternel clavier. Ainsi, bien que l’engin tout comme son éditeur logiciel soit perfectibles, il apparaît qu’en regard d’un prix très raisonable, le Trigger Finger vaut, sinon le détour, dumoins l’essai : il se pourrait bien, d’ailleurs, que certains ne puissent bientôt plus s’en passer.