À la fin de l'année dernière, alors que nous testions le Fire d'Akai, nous étions loin de nous douter que l'ex-fabricant nippon allait nous réserver si rapidement une surprise de la taille de celle qui fait l'objet du banc d'essai d'aujourd'hui : j'ai nommé l'Akai Force !
Le projet avait en effet été gardé secret avec beaucoup d’efficacité, et c’est une véritable bombe qui semblait sortie de nulle part qu’Akai a balancé sur le monde de la musique à l’occasion du Winter NAMM 2019. Passé le choc de la première explosion, c’est à votre serviteur qu’il revient aujourd’hui la lourde tâche de définir si c’est bien effectivement d’une arme de destruction massive qu’il s’agit là… ou bien juste d’un gros pétard un peu mouillé sur les bords ? Une tâche qui s’avère d’ailleurs d’une telle ampleur qu’exceptionnellement, ce n’est pas un mais deux articles que nous allons consacrer à ce produit… vous saurez très rapidement pourquoi en lisant ce qui suit. Mais d’abord, l’Akai Force, c’est quoi exactement ?
Fils de Push
Proposé au tarif non négligeable de 1 499 €, l’Akai Force est une machine de production musicale dont la philosophie se veut à la fois autonome et en interaction avec le monde informatique. En cela, le Force semble se positionner comme le digne héritier de la MPC Live dont il reprend la grande majorité des fonctionnalités tactiles et une bonne partie de l’ergonomie générale. Mais déjà d’un pur point de vue visuel, il se distingue de cette dernière par la matrice de 64 pads façon Push. Bien entendu, cet abandon des 16 pads habituels de l’univers MPC pour une matrice beaucoup plus importante est synonyme d’un changement évident de workflow que nous allons détailler au cours de cet article. Cette évolution se manifestera bien sûr tant dans l’usage autonome de l’appareil que dans son utilisation en connexion avec un ordinateur : Akai prévoit en effet de permettre au Force un contrôle très avancé d’Ableton Live.
Prévoit ? Que signifie cette projection dans le futur ? Elle est tout simplement la traduction de l’état actuel des choses : pour l’instant, le Force ne fonctionne en effet qu’en version autonome (et encore en l’absence d’une fenêtre d’arrangement et de l’export MIDI des pistes – nous y reviendrons). Le mode Computer prévu et censé entre autres autoriser le contrôle d’Ableton Live n’est pas encore implémenté, en conséquence de quoi toutes les interactions que l’appareil est supposé avoir avec le monde informatique sont inopérantes pour le moment.
Akai a promis l’édition ce mois-ci d’au moins deux mises à jour du firmware de la machine mais sans aucune date de sortie précise.
Tour de Force
Bien entendu, vous ne couperez pas à notre habituelle description physique de la bestiole ! Le Force est livré avec une alimentation externe, un câble USB 3, trois adaptateurs MIDI DIN/mini-jack ainsi qu’un guide de mise en route rapide, la garantie constructeur et un carton d’instruction pour enregistrer votre achat sur le site d’Akai. En plus des instruments et effets virtuels sur lesquels nous reviendrons, le Force est livré avec plus de 10 Go de sons de chez Sample Tools by CR², MSX Audio et Sample Magic, 18 projets de démo, plus de 2 500 boucles et plus de 500 patterns. À noter également qu’une prochaine mise à jour permettra l’accès direct du Force au site internet Splice.
La machine elle-même mesure 350 mm de largeur, 389 mm de profondeur et 72,5 mm de hauteur, pour un poids total de 3,87 kg. Un beau bébé en somme, qui respire la solidité comme de nombreux appareils de la marque. La finition est très bonne. Le « clic » des boutons est rassurant, tout comme la rotation du gros bouton rotatif cranté et cliquable lui aussi, hérité des MPC Touch et MPC Live. Ce n’est d’ailleurs pas le seul élément repris de ces deux modèles, le principal étant bien entendu l’écran tactile multi-touch de 7 pouces. On retrouve également les potentiomètres rotatifs sans fin et non-crantés, capacitifs et cette fois-ci au nombre physique de 8 (virtuellement multipliables par deux). La grande nouveauté est qu’ils sont ici accompagnés de huit petits écrans LCD reproduisant les données actuellement modifiées par les potards. On notera également la présence nouvelle d’un crossfader bien pratique, accompagné de ses deux boutons Assign A et Assign B, permettant comme leur nom l’indique de rapidement affecter des pistes respectivement à l’une ou l’autre des extrémités du crossfader. D’ailleurs, on appréciera particulièrement le fait que de très nombreux boutons permettent un accès direct aux fonctions principales de l’appareil, comme par exemple les boutons de sauvegarde ou de chargement (de projets, samples, etc), ou encore le bouton d’Undo/Redo (via une fonction Shift). À noter à ce sujet que l’historique d’annulation n’est pas effacé avec la sauvegarde du projet en cours : excellente chose. Tout comme sur le Push, ces boutons s’allument en fonction du mode de travail actuellement actif. En revanche, leur revêtement se révèle un attrape-poussière très efficace, au point de parfois masquer leur rétro-éclarairage.
Poursuivons l’exploration extérieure de la bête avec ce qui passe peut-être le moins inaperçu dans l’ensemble : la matrice de 64 pads qui ne peut que rappeler très fortement le Push d’Ableton dont Akai avait d’ailleurs assuré la fabrication du premier modèle. Cette parenté est encore renforcée par la présence sur le côté droit de boutons Launch de lancement de scènes. Les pads sont, comme il est désormais d’usage, rétro-éclairés RVB et sensibles à la vélocité. Ce qui est plus rare, c’est qu’ils sont également sensibles à l’aftertouch, mais avec pour l’instant de sérieuses contraintes sur lesquelles nous reviendrons.
Sur la tranche avant de l’appareil, nous trouvons un lecteur de carte SD, la prise casque au format jack 6,35 mm, ainsi que deux petits potentiomètres à butée affectés respectivement au volume du casque et à la gestion du mixage du signal émis dans ledit casque entre la sortie audio principale et la sortie audio secondaire.
Lesdites sorties audio sont matérialisées sur la tranche arrière de l’appareil avec quatre sorties mono au format jack 6,35 mm, deux entrées combo XLR/jack 6,35 mm avec un bouton commun d’alimentation fantôme et deux boutons individuels de choix d’impédance instrument/ligne, accompagnés de deux potards individuels de réglage du gain. En ce qui concerne le pilotage de ou par des appareils externes, le Force est équipé de trois prises MIDI (In/Out/Through) au format mini-jack (d’où les adaptateurs cités plus haut…) et de quatre sorties CV. Enfin, la machine propose une prise USB 3 de type B et une prise Ethernet pour la connexion à l’ordinateur. Il est à noter que la prise Ethernet est là pour la synchronisation à Ableton Live via le protocole Link, synchro qui peut également se faire via WiFi (et qui fonctionne d’ailleurs très bien). Pour la connexion de périphériques externes tels que claviers MIDI/USB, claviers d’ordinateur, clés USB ou disques durs, le Force dispose de deux port USB 3 de type A. Enfin, il est à noter que l’on peut si on le souhaite placer un disque dur interne SATA de son choix dans la trappe située sous l’appareil : parfait ! On trouve enfin la prise d’alimentation et un bouton de mise sous tension.
Voyons maintenant comment fonctionne tout cela.
Utilisation générale
J’ai évoqué plus haut la filiation du Force avec la série MPC. Le dernier-né d’Akai est en effet un digne héritier des MPC, étant comme elles un instrument autonome pensé pour la création de musique MIDI jouée en interne, le pilotage d’instruments externes via ce même protocole et l’enregistrement, l’édition et la reproduction de samples audio et enfin le mixage de l’ensemble avec possibilité d’ajouter des effets. En ce qui concerne l’utilisation autonome, il n’y a jusque-là rien de particulièrement neuf, si ce n’est que l’on dispose de plus ici d’un crossfader permettant de facilement alterner entre pistes individuelles ou groupées, ou encore de la possibilité de communiquer avec le monde extérieur également par CV, un privilège jusqu’ici réservé à la MPC X.
Mais avec le passage d’une matrice de 16 à une matrice de 64 pads, Akai délaisse clairement son workflow habituel basé sur la constitution de patterns organisés en séquences que l’on va ensuite aligner ensemble au sein du mode Song. Avec le Force, on entre en effet clairement dans le monde de la création musicale intégralement basée sur l’utilisation de clips sonores MIDI ou audio organisés sur une matrice et que l’on déclenche soit individuellement en cliquant dessus, soit par lignes entières grâce aux boutons Launch situés en bout desdites lignes. L’utilisation de clips n’est certes pas totalement nouvelle chez Akai puisque la marque avait déjà introduit ce principe lors de la sortie des MPC Live et X, d’une manière plutôt très maladroite d’ailleurs. Mais en ce qui concerne le Force, il s’agit aujourd’hui d’une toute nouvelle approche beaucoup plus mature du travail à base de clips car directement inspirée du modèle parfaitement fonctionnel du duo Ableton Live-Push.
Il est intéressant de noter que, pour l’instant en tout cas, les clips du Force et ceux de l’environnement MPC ne sont pas directement compatibles entre eux, sauf à passer par un export sous forme de patterns. D’ailleurs le niveau de compatibilité du Force avec la gamme MPC tant matérielle que logicielle reste actuellement l’une des grandes inconnues. En effet, si les projets du Force peuvent être exportés au format standard Akai XPJ, ils ne sont en revanche pas reconnus par le logiciel MPC… et vice versa. On peut par ailleurs se poser la question de la compatibilité future du Force avec le logiciel maison MPC, car si le fabricant a annoncé une forte interconnexion future de son dernier-né avec la STAN d’Ableton, il est resté pour l’instant étrangement muet concernant son propre logiciel de séquençage. Étrange.
Enfin, je rappelle ici que pour le moment, le mode autonome ne dispose ni de section d’arrangement, ce qui rend impossible l’organisation des scènes entre elles sous la forme d’un morceau complet, ni de la possibilité de bouncer les pistes (sauf à enregistrer en temps réel sur une piste audio dédiée), ni de l’export MIDI. Ce dernier existe uniquement au format « pattern » qui peut être converti en MIDI via le logiciel MPC… qui n’est pas livré avec le Force et coûte 220 Euros. Aux dires d’Akai, tout cela devrait toutefois être corrigé rapidement pas des mises à jour. Croisons les doigts !
Voyons à présent comment le workflow du Force se traduit concrètement, et commençons tout de suite par ce qui le différencie de celui de ses grandes sœurs MPC : la matrice de pads.
PaPad chanteur
Les pads du Force sont a priori identiques à ceux qu’Akai avait développés pour l’élaboration du Push premier du nom. On retrouve donc des pads RVB particulièrement agréables à utiliser, qui réagissent parfaitement bien à la vélocité et à l’aftertouch, même si l’implémentation de ce dernier n’est pour l’instant qu’embryonnaire : l’aftertouch ne concerne pour l’heure que la fonction Note Repeat de l’arpégiateur mais pas les instruments ou effets virtuels internes.
Comme sur les nombreux autres contrôleurs à matrice du marché, les pads s’avèrent multi-fonctionnels et peuvent être employés selon plusieurs modes : Launch, Note et Step Seq. L’accès à ces modes se fait de manière très simple grâce aux boutons dédiés sur le côté de la matrice, et l’on peut tout aussi facilement accéder à leur paramétrage sur l’écran tactile via l’emploi de la touche Shift. Parfait.
Le mode Launch concerne la gestion de la matrice de clips. On peut facilement créer des clips de trois manières différentes. Bien entendu, on a tout d’abord la possibilité d’enregistrer directement un clip en cliquant dessus à condition que la piste concernée soit armée. Les deux autres manières de créer un clip consistent soit à combiner la touche Edit avec un pad, soit à sélectionner un clip puis à enfoncer la touche du même nom. Dans les deux derniers cas, on accède immédiatement sur l’écran tactile à l’affichage du mode Piano Roll pour les pistes MIDI ou à l’éditeur de formes d’ondes pour les pistes audio. La gestion de l’armement des pistes et de leur activation ou de leur mise en solo se fait aussi très facilement via les boutons dédiés à gauche et sous la matrice. On appréciera également la navigation aisée à travers l’ensemble des clips, soit via les boutons matériels fléchés, soit via la fonction Navigate qui permet d’utiliser l’écran tactile pour se déplacer à travers une version virtuelle de la matrice. Le mode Launch permet également très facilement de copier ou supprimer des clips, des pistes ou des scènes absolument où et comme on le souhaite grâce aux boutons Copy et Delete. On appréciera enfin de pouvoir accéder directement à de nombreux paramètres concernant la gestion des clips et de leur lancement : taille des clips, quantification de lancement, quantification des événements MIDI à l’enregistrement, octaves de jeu etc. Puisque l’on parle de lui, le jeu « instrumental » sur les pads est pris en charge par le mode Note. Celui-ci s’avère particulièrement riche en possibilités.
Tout d’abord, on peut bien sûr organiser les pads selon différents types de gammes (18 au total), mais aussi choisir que chaque pad déclenche soit une note isolée, soit un accord. Dans ce dernier cas, le type d’accords peut être soit fixé (par exemple uniquement des accords majeurs), soit adapté selon la gamme choisie (dans le cas d’une gamme majeure par exemple, l’accord du premier degré sera majeur, celui du deuxième degré mineur, etc., je vous invite à consulter notre dossier sur l’harmonie si vous avez des questions) soit enfin suivre une progression prédéfinie. Enfin, on peut jouer avec une vélocité libre ou fixée.
Ceci étant dit, l’une des fonctions les plus intéressantes du mode Note est l’arpégiateur. Celui-ci peut être employé de multiples manières, et tout d’abord bien sûr comme… arpégiateur avec pas moins de 900 schémas possibles (oui, vous avez bien lu). Mais on peut aussi l’utiliser pour répéter des notes, non seulement selon une valeur de durée de notes fixe, mais également selon cinq rythmes prédéfinis. Enfin, on peut définir que chaque pad peut provoquer le déclenchement d’une phrase mélodique parmi une sélection de 80. S’il s’avère très intéressant à utiliser, il est pour l’instant malheureusement d’un défaut assez rédhibitoire… mais dont je ne parlerai que dans le dernier paragraphe de cet article. Oui je sais, c’est cruel.
Le dernier mode accessible sur la matrice de pads est le step séquenceur. Si les trois modes d’affichages (Lanes, Drums et Melodic) sont plutôt classiques, on saluera la possibilité de jouer d’une main tout en activant de l’autre les pas de séquence à volonté, de bénéficier ici aussi de la sélection des gammes ainsi que de la possibilité de choisir directement sur les pads d’activer ou non la réponse à la vélocité et dans quelle mesure.
Tous ces modes que je viens de vous présenter dialoguent particulièrement bien entre eux et ce dialogue est encore amélioré par deux caractéristiques fort astucieuses. La première tient dans le fait que l’on peut continuer à lancer des scènes, même si l’on n’est pas en mode de lancement de clips, grâce aux fameux boutons Launch qui restent non seulement constamment actifs mais ne sont en plus rétro-éclairés que s’ils correspondent à une scène peuplée par des clips. Quant à la seconde caractéristique, elle réside dans le fait que chaque mode est configurable sur l’écran du Force indépendamment du mode actuellement actif sur les pads de l’appareil.
C’est par ce dernier point que nous commençons réellement à prendre la mesure de l’intérêt de la multiplicité des interfaces du Force, et cela m’amène tout naturellement à vous parler du deuxième élément principal de l’ergonomie de la machine : son écran tactile.
Au doigt et à l’œil
Comme je viens de l’évoquer, l’un des principaux intérêts de l’écran du Force est de pouvoir afficher autre chose que ce qui est piloté par la matrice de pads, comme par exemple l’écran de paramétrage de l’arpégiateur pendant que l’on est en train de réorganiser des clips sur la matrice réelle, ou encore une matrice de clips virtuelle pendant que l’on utilise le step séquenceur matériel. Mais l’écran tactile permet surtout d’accéder au menu des fonctionnalités qui regroupe le navigateur de fichiers, les différents outils d’édition MIDI et audio, les plug-ins et la table de mixage de l’appareil. Tout ceci reprend d’ailleurs de manière quasi-identique ce que l’on peut trouver sur les MPC Touch et Live, dont je vous invite à lire les bancs d’essai si vous souhaitez obtenir davantage d’informations : je me contenterai en effet ici d’un rapide tour d’horizon des fonctionnalités générales et de leurs évolutions apparues dernièrement.
Le navigateur est accessible via l’écran, mais également via deux boutons d’accès direct Save et Load situés à côté de l’écran, ce qui s’avère très pratique et participe grandement à la sensation de fluidité du workflow. Le navigateur nous permet toujours de librement circuler au sein de l’arborescence de fichiers de la machine tout comme d’accéder à des unités de stockage de tierce partie de la même manière que sur les MPC Touch et Live.
En ce qui concerne l’édition MIDI, on retrouve l’affichage classique façon orgue de barbarie (Piano Roll) avec des événements qui peuvent librement être créés, transposés, déplacés, supprimés, copiés et collés comme bon vous semble. On peut également les éditer de manière détaillée grâce à la MIDI List comme avec les vieux trackers MIDI du passé.
L’enregistrement et l’édition audio reprennent également tous les éléments de travail présents sur les MPC Touch, Live et X. Toutefois, l’ergonomie « à la Ableton » s’impose ici aussi et l’on saluera la possibilité d’enregistrer directement le signal dans un clip audio, sans plus nécessiter de passer préalablement par l’habituel module Sampler.
On a plaisir en revanche à constater que celui-ci reprend l’option Autosampler apparue comme de multiples autres améliorations avec la MAJ 2.3 du système MPC. Cette fonction permet de créer automatiquement une banque de samples à partir de n’importe synthétiseur matériel ou logiciel selon ce qui est connecté à la sortie MIDI du Force, et ce en un seul clic. Génialement simple et efficace.
Le signal de l’ensemble de vos pistes MIDI et audio peut toujours être traité via la table de mixage intégrée. Chaque piste peut accueillir jusqu’à quatre effets en insert, et vous bénéficiez de quatre pistes de retours qui peuvent elles-mêmes accueillir quatre effets chacune. On notera encore parmi les nouveautés l’arrivée de l’effet Mother Ducker, lequel permet grâce à deux petits modules distincts, d’associer n’importe quelle sortie de piste à n’importe quelle entrée d’une autre piste afin de gérer le side-chain entre les deux, ce qui s’avère hyper pratique. Les effets sont globalement de qualité correcte, sans plus toutefois. Ils sont développés à la fois par Akai et par AIR Music, marque partenaire depuis longtemps sous la même bannière INMusic et qui est par ailleurs le développeur des instruments virtuels internes au Force que je vais vous présenter maintenant.
Bol d’AIR
AIR Music est à mon sens l’un de ces studios de développement qui mériteraient d’être placés davantage sous les feux des projecteurs qu’il ne l’est aujourd’hui. Car si les effets qu’ils ont programmés pour le Force sont corrects sans être ébouriffants, les instruments virtuels qu’ils développent habituellement sont d’un autre acabit. Ainsi et à titre personnel, j’apprécie particulièrement Loom et Hybrid par exemple, deux de leurs synthés virtuels qui figurent dans nombre de mes projets. Et dans leur collaboration avec Akai, ils font à nouveau la preuve de leur capacité à créer des instruments qui allient à la fois qualité sonore et simplicité d’utilisation.
Avec le Force, AIR Music nous livre quatre instruments virtuels. Les trois premiers ne sont pas des nouveautés, étant déjà apparus en fin d’année dernière dans la mise à jour 2.3 de l’environnement MPC. Il s’agit du synthétiseur de basses monodique Bassline, du synthétiseur VA polyphonique Tubesynth et de l’émulateur de pianos et orgues électriques…Electric. Le quatrième instrument se nomme Hype et s’avère être à la fois une nouveauté et pour l’instant une exclusivité du Force, n’étant pas encore disponible dans l’environnement MPC. Hype est un synthé à deux oscillateurs proposant une multitude de types de synthèse (soustractive, FM, à tables d’ondes et à lecture de samples).
Chaque plug-in propose une belle variété de plus d’une centaine de presets bien organisés et sonnant globalement très bien, avec un son particulièrement « gros » pour Bassline. Tous disposent également d’effets intégrés : chorus, delay, compresseur, réverbe pour la plupart et l’EQ maison d’AIR Music – Hype – qui a donné son nom au quatrième synthé de la suite intégrée. La gestion des enveloppes est très bonne sur Hype et sur Tubesynth, mais plus limitée sur Bassline et sur Electric. Ce dernier est d’ailleurs le seul à ne pas disposer réellement de filtre à proprement parler, et il s’agit d’ailleurs globalement de l’instrument qui m’a le moins convaincu parmi les quatre. Il est à noter que Hype est celui qui propose la plus grande richesse et la meilleure gestion des effets à mon sens (avec notamment une prise en charge assez poussée du LFO). Si vous souhaitez vous faire une petite idée de la valeur sonore de chacun des instruments virtuels du Force, voici quelques petits exemples audio concoctés par votre serviteur :
- Bassline 100:15
- Bassline 200:15
- Bassline 300:15
- Bassline 400:15
- Bassline 500:16
- Bassline 600:10
- Electric 100:10
- Electric 200:16
- Electric 300:30
- Electric 400:16
- Hype 100:17
- Hype 200:16
- Hype 300:21
- Hype 400:13
- Hype 500:24
- Hype 600:16
- Tubesynth 100:16
- Tubesynth 200:18
- Tubesynth 300:21
- Tubesynth 400:23
On notera enfin que ces quatre instruments sont pour l’instant les seuls auxquels le Force vous donne accès. Nous verrons là aussi dans le prochain article quelle aura été l’évolution des choses avec les futures mises à jour prévues.
Pour finir, et après avoir fait le tour de toutes les fonctionnalités du Force, il convient de ne pas oublier le dernier élément important de l’ergonomie générale de l’appareil : je veux bien sûr parler des boutons rotatifs sans fin accompagnés de leurs petits écrans LCD situés entre la matrice de pads et l’écran tactile.
Les potards en question avec leurs petits écrans LCD dédiés interviennent comme un véritable soutien de tous les autres modes à la fois d’affichage et de contrôle du Force. Particulièrement doux et précis tout en offrant de grandes possibilités de paramétrage, ils sont globalement un vrai bonheur à utiliser. On appréciera notamment beaucoup leur « capacitivité ». Il est par exemple tout à fait agréable en édition MIDI ou audio d’accéder immédiatement à la fin du clip par simple toucher du potard correspondant au réglage de longueur du clip concerné, même s’ils ne sont toutefois pas exempts de défauts, tout comme le reste de la machine d’ailleurs.
Les défauts du status quo
Outre les manques cités en début d’article et pour lesquels Akai a promis des mises à jour très prochainement, l’origine de la plupart des défauts que j’ai relevés concernant le Force provient d’un certain status quo choisi par Akai qui n’a pas vraiment fait évoluer les fonctionnalités des dernières MPC. Ainsi en est-il par exemple des potards qui ne sont rien d’autre qu’une reprise directe du système des Q-Links de la série MPC. On y retrouve toutes les limitations de ces derniers, comme l’impossibilité de dépasser 16 boutons par écran, ou encore de contrôler un autre plug-in via les potards que celui affiché sur l’écran principal.
En ce qui concerne l’édition MIDI, on pourra reprocher le fait que la modification du paramètre de vélocité n’entraîne pas de modification audible en temps réel. Mais c’est principalement la gestion des automations dont il va être intéressant de parler. En effet, cette dernière se fait essentiellement via une liste textuelle d’événements MIDI, ce qui réduit pour l’instant l’édition d’automations aux seules pistes MIDI. Pour les pistes audio et Master, l’édition d’automations se limite à la seule suppression globale de toutes les courbes, ce qui est très problématique. Et c’est sans compter sur le fait que l’on aurait aimé pouvoir bénéficier d’une édition graphique des courbes d’automation en question !
Cela soulève d’ailleurs un problème que l’on retrouve sur tous les produits basés sur les MPC Touch et Live : l’utilisation des capacités d’affichage et des caractéristiques tactiles de la machine n’est pas forcément optimale. Ainsi, l’interface graphique de la plupart des plugs se contente de « singer » des interfaces matérielles, essentiellement avec potards virtuels rotatifs, sans chercher à proposer des représentations plus visuelles des paramètres concernés.
On aurait également apprécié la possibilité de bénéficier de routages de pistes plus développés, d’autant que l’on n’a pas (encore) de possibilité de bouncer. C’est d’autant plus rageant lorsqu’on voudrait router une piste d’instrument virtuel vers une piste audio vierge à fins d’enregistrement par exemple ! Non, si vous souhaitez sampler une piste unique, il vous faut sampler tout votre projet en temps réel avec ladite piste mise en solo, ce qui est très pénible.
Enfin, pour en terminer avec les défauts qu’Akai n’a pas daigné corriger, notons que les éléments du navigateur des dernières MPC qui étaient ratés… le sont toujours autant. Ainsi, nous n’avons toujours pas de classement réel par tag. Il y a certes un système de recherche par mots-clés que l’on peut cliquer dans une liste ou taper dans la barre de recherche. Mais ce système présente deux défauts : non seulement on ne peut rechercher qu’un seul mot-clé à la fois, mais ces mots-clés sont directement rattachés au nom des fichiers. Ainsi, si vous souhaitez importer vos propres banques de samples et les rendre accessibles avec les mêmes mots-clés que les sons internes du Force, il vous faudra renommer vos fichiers, ce qui peut s’avérer quasi impossible si l’on parle de milliers de fichiers comme cela peut être parfois le cas.
Par ailleurs, est-il bien nécessaire d’avoir une dizaine de plugs de réverbe ou de delay différents, surtout quand ils ne se distinguent les uns des autres que par une seule petite modification de paramètre ? On peut en douter.
Mais pour finir, voici un authentique bug : dans la version actuelle du firmware (3.0.1), l’arpégiateur se déclenche quelques millisecondes après la pression sur un pad. Si l’on enregistre la prestation dans un clip MIDI, les événements sont parfaitement re-quantifiés. En revanche en live, le décalage avec le reste des pistes est malheureusement audible. L’information a été transmise à Akai dont on attend la réponse. Espérons que ce défaut sera corrigé dans les mises à jour promises !
Conclusion
Nous voici donc arrivés à la fin de ce test. Dans ses fonctionnalités autonomes soutenues par de bons outils de génération sonore intégrés et certains effets astucieux comme le Mother Ducker, le Force s’avère globalement très agréable à utiliser, et l’intégration à la tradition MPC d’un nouveau workflow façon Ableton Live se fait finalement assez naturellement (la synchronisation via le protocole Link fonctionne d’ailleurs très bien). Mais ce qui rend l’utilisation du Force particulièrement agréable, c’est l’interaction très bien pensée entre les différents éléments ergonomiques de l’appareil, à savoir la matrice de pads, l’écran tactile, les boutons d’accès direct aux fonctions et les potards rotatifs.
Là où le bât blesse pour l’heure, c’est que ces derniers ainsi que de nombreuses autres fonctionnalités de la machine présentent les limitations de l’environnement MPC dont le Force est l’héritier. Enfin, s’il était prévu que les fonctionnalités MAO allaient être intégrées plus tard (ce qui est déjà questionnable en soi), il est tout de même extrêmement regrettable que des fonctions essentielles de l’option autonome comme une fenêtre d’arrangement, l’export offline, l’export MIDI ou une intégration complète de l’aftertouch ne soient que partiellement ou pas du tout implémentées dans un produit déjà mis en vente (sans compter le fameux bug de l’arpégiateur).
Je ne peux donc pas m’empêcher de protester vivement contre ce genre de politique commerciale qui consiste trop souvent à mettre sur le marché des produits non finalisés. Le Force n’étant pas attendu, qu’avaient-ils besoin de le sortir ainsi ?
Nous attendons donc avec impatience les mises à jour promises, avec l’espoir qu’elles transformeront l’essai prometteur mais pour l’instant très perfectible de la dernière production d’Akai.