Vingt-sept ans après sa première version et quinze mois après la précédente, le plus populaire de tous les plug-ins nous revient dans une version 11 s’ouvrant à l’harmonie. Pour un résultat harmonieux ?

Peu de plug-ins peuvent se vanter, comme Auto-Tune, d’avoir eu autant d’impact sur la musique. Au-delà de son usage correctif qui a permis à des générations de casseroles de chanter juste, en studio comme en live, il a aussi servi à bâtir tout un pan esthétique de la musique moderne, notamment dans le hip-hop. Rien d’étonnant du coup à ce qu’il soit le plus populaire de tous les plug-ins jamais sortis, au point que le grand public connait son nom, au point que le dictionnaire Le Robert l’a intégré comme nom commun dans ses récentes éditions… En vis-à-vis de ce statut de superstar, il convient toutefois de noter qu’Auto-Tune fait aujourd’hui face à une concurrence assez fournie, des simples clones signés Waves, Brainworx, Slate, Melda ou encore Synchro Arts à l’alter ego Melodyne (qui a, lui aussi, bousculé le marché en imposant une ergonomie différente et d’autres fonctions, reprises à leur tour dans le mode graphique d’Auto-Tune), en passant par la fonction qui s’est déployée dans les STAN mêmes, qui disposent toute aujourd’hui d’un ersatz dans leur Stock Plug-ins.
Bref, il va sans dire que même nimbée de son aura de légende, cette version 11 est attendue au tournant, d’autant que la version Pro que nous testons est tout de même vendue 420 euros. Pour ce prix qui se situe dans la moyenne très haute du marché des plug-ins, on en veut donc forcément pour son argent…
En avoir pour son Tune
L’installation du plug-in passe par deux utilitaires : l’un pour installer les fichiers, l’autre pour l’autoriser en ligne. Tout cela se fait sans encombre et nous permet de découvrir deux nouveautés de cette version 11 : l’optimisation pour les processeurs M d’Apple d’une part, et le portage du logiciel au format ARA2 de l’autre, sachant que cela ne concerne visiblement que Logic, Cubase/Nuendo et Studio One…
Quatre de choeur

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Notez qu’il est possible de piloter le déclenchement de chaque transposition via des pads, ce qui donnera un côté un peu plus performance à tout cela, Antares ayant simplifié l’assignation MIDI sur cette version grâce à l’ajout d’une fonction MIDI Learn efficace…
Tout cela est plutôt bien pensé, même si on aurait préféré une interface graphique à courbe pour l’EQ, et qu’Antares aurait pu se fendre d’une section d’effets plus développée : compresseur « glue », effets à modulations, saturation ou réverbe, il y aurait bien des choses qu’on pourrait ajouter dans le sillage de ces parties. Rien n’empêche toutefois de faire sa tambouille soi-même en sortie du plug-in, avec son arsenal à soi où les outils d’Antares, ce qui tombe bien vu que l’éditeur propose pas mal d’outils intéressants qu’il a regroupés dans un bundle en formule abonnement…
Bref, les apports en harmonisation de cette V11 sont les bienvenus même s’il faut avoir conscience des limites de la chose : on est loin souvent d’obtenir quelque chose d’intéressant à moins de la sous-mixer, tant à cause du réalisme des voix ainsi générées que parce qu’on est limité à des valeurs de transposition fixes, ce qui n’empêche pas la fonction d’être intéressante car ce genre d’harmonies un peu « chimiques » est devenu une vraie esthétique à elle seule, répandu dans la musique urbaine comme dans la musique électronique, et même chez certains expérimentateurs rock comme le montre Bon Iver avec talent. Bref, chacun verra midi à sa porte en fonction de la musique qu’il produit ou des plug-ins dont il dispose déjà, sachant qu’on est pas loin ici d’un doublon de l’Harmony Engine donc, tandis que le concept existe chez d’autres concurrents : Waves, Izotope ou encore Devious Machine…
Mais évidemment, c’est moins pour cette capacité d’harmonisation qu’on achètera le plug-in que pour son aptitude à la correction tonale, Auto-Tune demeurant toujours, n’en déplaise à ses concurrents, LE standard en la matière…
Auto-Tune, le vrai
Et il en va de même pour l’effet Hard Tune à la Cher / T-Pain où là encore, il est LA référence, car on se rend compte
à le comparer à d’autres algos que chacun réagit différemment, avec plus ou moins de glitchs et de musicalité. Bref, même si l’on trouve moins cher chez les concurrents, on ne dispose pas pour autant du maître étalon à avoir lorsqu’on veut aborder ce type de prod. Antares en a d’ailleurs bien conscience et l’éditeur a de fait déployé sa gamme avec des versions plus ou moins allégées de son plug-in pour les rendre plus accessibles.
Toutes hélas sont pour l’heure toujours en V10 : Access à 45 euros très limité, EFX+ à 210 euros qui ajoute des effets intéressants à Access pour plus de créativité, et Artist à 320 euros qui se rapproche des contrôles de la pro mais abandonne les effets, de sorte qu’il présente vraiment un rapport prestation/prix déséquilibré face à la V11 Pro. Autant acheter cette dernière dont le prix est juste 100 euros plus cher pour beaucoup plus de fonctionnalités. Quant à savoir si pour ce prix, le logiciel d’Antares est ce qui se fait de mieux à tout niveau en correction vocale, c’est une autre histoire.
Peut mieux faire…
Bref, il reste une confortable marge de progression pour le logiciel, tandis qu’à la question que vaut-il mieux avoir entre Melodyne et Auto-tune, la réponse variera en fonction du type de musique que vous faites et de la nécessité d’un effet en temps réel. Les professionnels auront en tout cas probablement les deux pour disposer de la plus large polyvalence possible…
Reste à évoquer le bundle Unlimited et ses récents ajouts qui peuvent s’avérer pertinents à considérer si Auto-Tune vous intéresse…
Un (long) mot sur Auto-Tune Unlimited
Proposée en abonnement au mois (11,50 euros) ou à l’année (150 euros), l’offre Auto-Tune Unlimited vous permet d’accéder à l’intégralité du catalogue d’Antares, lequel couvre à peu près tous les besoins en matière de production de voix sur le papier… En plus des différentes versions d’Auto-tune, on y trouve ainsi des traitements (EQ, compresseurs, distorsion, simulateur de micros…) comme des effets (modélisation de voix, harmoniseur, doubleur, générateur de chœur, vocodeur, talk-box…) ou des outils de restauration (denoiser, de-breather, deesseur…), et même une sorte de rompler à boucles façon Output Arcade (Auto-Tune Slice) ou encore un multieffet créatif (Auto-Tune EFX+ 10) et un Mutator qui n’a pas son pareil pour faire des voix d’outre-monde…
Globalement, ce qui nous est proposé est de plutôt bonne qualité, même si certains plug-ins accusent leur âge, soit en termes d’interface non redimensionnable un peu oldschool, soit en termes d’algos : le denoiser, le deesseur ou le debreather sont loin d’être au niveau des références du marché qu’on trouve chez Izotope, Supertone ou encore Waves, surtout depuis que l’IA s’en est mêlée… On ne s’attardera pas trop sur ces outils de restauration qui ne valent pas vraiment le déplacement pour se focaliser sur le reste, et notamment les ajouts les plus récents : Vocal Reverb, Vocal EQ et Vocal Compressor.
Il y a en tout cas de quoi faire, même si les redondances fonctionnelles ne sont pas rares : sans parler des différentes versions d’Auto-Tune qu’on trouve dans le bundle, plus ou moins développées fonctionnellement, on notera que si Auto-Tune Pro intègre désormais l’essentiel de l’Harmony Engine, ce dernier intègre une fonction Choir qu’on retrouve dans le plug-in AVOX Choir, tandis qu’AVOX Duo n’est pas bien loin de la fonction Choir à deux voix… Avec plus ou moins de fonctions, on retrouve aussi dans plusieurs plug-ins la saturation d’AVOX Warm ou les paramètres de modélisation d’AVOX Throat… Bref, Antares rentabilise à mort sa R&D en reprenant des fonctions d’un plug-in à l’autre : c’est de bonne guerre et peut se justifier d’un point de vue ergonomique, mais on a peu le sentiment que le nombre de plug-ins proposés est peu gonflé artificiellement…
Reconnaissons-le pour conclure sur le bundle : l’offre est cohérente, avec un prix somme toute assez correct, mais son attractivité dépendra beaucoup de ce dont vous disposez déjà en matière de plug-ins et de vos besoins en termes de production vocale… Il serait bon aussi qu’Antares revoie de fond en comble la partie restauration et modernise les interfaces des plus anciens plug-ins. Enfin, on ne pourra s’empêcher de penser qu’il est dommage que l’éditeur ait abandonné l’avant-gardiste Kantos, sachant que c’est le genre de joujou, imité depuis par Izotope comme par Waves, qui complèterait parfaitement l’arsenal ici présent…