Cette semaine, on se penche sur un cas à part, une étrangeté, un truc que personne n'a jamais refait : le Rhythm & Sound G-2, "pédale" multi-effet conçue dès les années 1960 par la géniale marque Maestro, qui contient plein d'effets mais aussi des percussions synthétiques commandables à la guitare !
Dans notre série de rétro-test, voici une rareté qui correspond peut-être moins à ce sur quoi l’on se concentre d’habitude, c’est-à-dire des appareils innovants, qui ont marqué leur époque, devenus techniquement obsolètes mais toujours intéressants musicalement, et encore accessibles (je ne parle pas de prix, mais de disponibilité sur le marché de l’occasion). Car cette semaine, nous allons nous pencher sur une pièce de musée, plutôt rare et généralement chère. Alors, certes, on dévie de notre ligne, mais l’occasion était trop belle !
Je veux donc vous parler de la Rhythm & Sound G-2, une des premières « pédales » multi-effet qui fût inventée et commercialisée. Et pas seulement une pédale d’effet, mais aussi une batterie synthétique (mais attention, pas une boîte à rythmes, car elle n’a pas d’horloge intégrée) commandable par l’instrument qui y est raccordé. Au passage, précisons que, bien entendu, une version G-1 existe, nous en reparlerons…
Ai-je des enregistrements connus à vous citer ? Oui, mais peu, car son usage reste marginal : on sait que le (remarquable) guitariste Joe Gore l’a employé sur une face B de PJ Harvey (Maniac, désormais disponible sur l’album B-Sides, Demos & Rarities, sorti en 2022), on peut l’entendre sur la guitare (la wah-wah et le fuzz, à deux moments différents) sur le tube Redbone de Childish Gambino, ou encore sur The Maestro des Beastie Boys (sur l’album Check Your Head).
Présentation générale du Rhythm & Sound G-2 : design et fonctionnalités
Comme un certain nombre d’autres créations Maestro, cette « pédale » n’en est pas une, car elle ne peut être commandée au pied. La version W-2 (voir la partie « Un peu d’histoire » ci-dessous) avait une vraie commande au pied avec plusieurs fonctions contrôlables, tandis que la Rhythm & Sound ne possède qu’un footswitch simpliste, qui a pour seul effet de couper la sortie des sons percussifs. Elle est donc plutôt conçue pour être posée sur un trépied, une table, le dessus d’un ampli. Il y a même un écrou sur la partie inférieure, pour permettre son installation sur un pied.
L’appareil se présente sous la forme d’un appareil de 45 cm de long, 28 cm de profondeur, pesant presque 1 kg. Il peut être rangé et transporté dans une mallette en plastique, mais son boîtier est particulièrement robuste, réalisé en aluminium de presque 2 mm d’épaisseur, avec des décrochés qui lui assure une grande rigidité.
Tous les contrôles et toutes les entrées et sorties sont accessibles sur la face supérieure. L’entrée se fait en bas à gauche, la sortie en haut à gauche, et l’interrupteur à pied se connecte juste en dessous. L’entrée est accompagnée d’un potentiomètre de réglage de sensibilité, qui permet de choisir le niveau d’entrée permettant de déclencher les sons percussifs.
Le clavier de sélecteur à bascule permet, de gauche à droite, de sélectionner le son de percussion choisi (bongo, tambourine, brush, clave), l’octaveur censé imiter une contrebasse (string bass), le son clair (acoustic amp), le son saturé (fuzz amp), deux colorations de timbre (voicing 1 & 2), un filtre suiveur d’enveloppe (wah-wah, en fait une auto-wah) et un tremolo (à l’étrange nom : echo repeat). Le code couleur du clavier se trouve employé comme référence dans la partie supérieure, avec des contrôles de volume, de tonalité ou de profondeur d’effet, classés selon le groupe de touches sur lequel ils agissent.
Avant de se pencher plus en détail sur le fonctionnement interne de l’appareil, faisons un petit retour en arrière…
Un peu d’histoire : les origines du Rhythm & Sound G-2 et ses prédécesseurs
Voici la G-2 dans le catalogue Maestro nommé, de façon inspiré, Sound Odyssey !
Elle a un prédécesseur : introduite en 1967, la première version du Rhythm & Sound (« for guitar », tel qu’il est clairement écrit sur le coffret) comporte quelques différences importantes avec la version 2 – plus axé sur les percussions, elle ne contient ni wah ni tremolo, et le fuzz s’y trouve obligatoirement couplé à l’effet d’octaveur.
Dans le catalogue de 1972 que nous reproduisons ci-dessus, la version G-2 est décrite ainsi : « branchez-vous et poussez un sélecteur, et votre guitare active un ou tous les sons actuels les plus fous. Et certains venus du futur. » C’est moi qui souligne bien sûr, pour mettre en avant deux éléments : Maestro mise sur l’aspect combinatoire du multi-effet et sur son caractère futuriste.
J’avais déjà insisté sur ce point, dans l’histoire de la marque américaine : son caractère radical, avec des pédales d’effets connus pour leur capacité à changer fortement le son des instruments. Et l’on ne parle pas ici de leur manque de transparence (normal pour l’époque) mais sur le fait que le Rhythm & sound était commercialisé aux côtés d’un haut-parleur rotatif au look très space age, le Rover (RO-1, voir ci-contre) ou d’un Ring Modulator (RM-1) conçu par Tom Oberheim, ou encore d’un Sustainer (SS-2).
Par ailleurs, la G-2 se déclinait en une version spécialisée, conçue pour modifier le son des instruments à vent, et nommée Woodwind Sound Système (W-2). Cette version est surtout connue pour être employée par le saxophoniste Eddie Harris, qui la fait apparaître en couverture de son album Plug Me In en 1968, et surtout pour son utilisation par Frank Zappa, avec les Mothers of Invention, aussi bien en concert qu’en studio. On l’entend particulièrement tout au long de l’album Uncle Meat, tout particulièrement sur le long morceau final, King Kong.
Analyse technique : les secrets du fonctionnement interne du Rhythm & Sound G-2
La disposition des éléments à l’intérieur de l’effet est très serrée, avec un circuit imprimé que l’on peut soulever pour révéler les contrôles (potentiomètres et interrupteurs à levier) et l’alimentation avec son transformateur, son gros condensateur électrolytique multi-section de forme « cannette » (et de marque Mallory), et son porte fusible (accessible depuis l’extérieur grâce à un trou dans le fond du boîtier). On remarquera que le bloc d’alimentation est la seule partie où le montage est traité en « point par point », c’est-à-dire sans circuit imprimé et avec des composants maintenus entre eux par leurs soudures.
Pour une première inspection visuelle de l’électronique, on remarque pas mal de condensateurs à film polystyrène et deux inducteurs de marque El Rad (un orange, un noir). Si vous vous intéressez aux pédales Wah-Wah, vous savez peut-être qu’il existe tout un culte (plus ou moins basé sur des mythes) autour des inducteurs utilisés dans les Wah, et que les El Rad sont historiquement présents dans les Cry Baby (Dunlop) ainsi que dans les Boomerang (Maestro). Ces inducteurs sont donc aujourd’hui très recherchés (et très chers). Pour finir, sur le côté droit du circuit imprimé, on remarque un bloc noir, maintenu par une vis : il s’agit d’un couple ampoule/photorésistance, ancêtre des photocoupleurs à semi-conducteurs actuels.
Un coup d’oeil au schéma nous permet de remarquer l’architecture suivante (attention les yeux !) :
- Le signal entre à gauche, en bas, sur « input »
- Le signal clair (en bleu) traverse un préampli (section bleue) et arrive directement à l’ampli de sortie (section jaune, à droite, en bas), constitué d’un réglage d’aigu (filtre passe-bas réglable), d’un atténuateur de niveau, d’un ampli basé sur un transistor à effet de champ (FET, cet amplificateur sert aussi à recombiner différents signaux en sortie) suivi d’un ampli tampon (buffer) basé sur un transistor bipolaire NPN permettant d’avoir une impédance de sortie basse.
- Le signal écrêté (le signal fuzz, signalé en rouge) travers le circuit de fuzz (section orange, en bas à gauche) puis se recombine avec le signal clair.
- En sortie du premier préampli (section bleue), le signal est aussi envoyé vers un second préampli (section vert clair) en sortie duquel le signal préamplifié (signalé en vert clair) est envoyé vers une série de sélecteurs (wah-wah, echo repeat, brush, clave, tambourine et bongo). Chacun de ces sélecteurs permet d’envoyer le signal préamplifié vers un potentiomètre de réglage de la sensibilité. Celui-ci va plus ou moins atténuer le niveau du signal envoyé à la section suivante…
- …la section de détection de signal (section bleu clair), constituée d’un amplificateur et d’un ampli tampon, avec un filtre passe-bande, de façon à amplifier spécifiquement les sons aigus et percussifs. Ce signal filtré et amplifié est ensuite envoyé…
- à un multivibrateur monostable (section brun clair, en haut à gauche) qui à partir de ce signal d’entrée émet à sa sortie une impulsion rectangulaire. En terme logique, il agit comme une fonction porte : sa sortie est à 0, et lorsqu’il reçoit un signal à son entrée (note ou simplement coup de médiator venu de l’instrument), sa sortie passe temporairement à 1, avant de revenir à 0. Ce 1 constitue une impulsion qui se trouve envoyée (à travers un étage d’amplification, ou non, selon les besoins) vers 3 autres sections.
- 1 – la section de formation de l’impulsion « wah-wah » (section rose au milieu). Ici, l’impulsion est mise en forme (avec une montée et une descente plus ou moins rapide) pour activer une ampoule, située dans le compartiment noir dont nous avons parlé ci-dessus et placée en face d’une photorésistance (LDR), c’est-à-dire une résistance dont la valeur varie selon la lumière. Cette résistance va ensuite venir fait varier le bias du second transistor dans la section wah-wah de traitement du signal instrument (section rose encore, cette fois tout en bas du schéma). Ces deux sections mises ensemble constituent l’auto-wah.
- 2 – la section « echo reapeat » (section mauve), constituée d’un multivibrateur bistable, dont la sortie va se mettre alternativement à 0 et 1, et va ensuite moduler le signal d’entrée (à travers la section bordeaux située juste en dessous). On obtient alors ce son de tremolo « carré », très haché.
- 3 – la section « percussion » (section vert foncé) que cette impulsion contrôle. Celle-ci est complétée par un générateur de bruit blanc (section noire) pour produire le son de base à partir de quoi les différentes percussions sont synthétisées. Les sons « clave », « brush » et « tambourine » sont issus de ce générateur de bruit blanc, avec différentes enveloppes et différents filtres, le son « bongo » est quant à lui généré par un oscillateur indépendant.
- Pour finir, le signal d’entrée un fois préamplifié est également envoyé vers la section « basse » (section marron), en fait un octaveur primitif constitué d’une section permettant de produire un signal saturé proche d’une onde carrée à partir du signal instrument, puis un diviseur, qui va produire une oscillation deux fois plus lente, donc générant une sonorité une octave en dessous, puis un filtre pour permettre de « lisser » cette oscillation proche de la forme carrée en en éliminant les harmoniques.
- Pour finir, la section rouge, en haut, est l’alimentation régulée. Les sélecteurs de voicings, quant à eux, permettent d’envoyer vers la sortie de signal passant par la section wah-wah de traitement du signal audio (deuxième section rose, celle du bas), mais sans mettre en route le système d’impulsion qui en fait une auto-wah. Chaque sélecteur permet de sélectionner une résistance de bias différente, et donc donne le son de filtrage « en cloche » d’une wah enclenchée mais immobile. A noter pour finir, la wah se trouve après le tremolo dans la chaîne d’effets au sein de l’appareil.
Quelques petites réflexions nous viennent en regardant ce schéma. Premièrement, il fait un usage intéressant des prémices du traitement de signal numérique (à travers les multivibrateurs, déjà utilisés à l’époque dans les boîtes à rythmes monophoniques non-programmables) en utilisant des circuits capables de traiter et de transformer un signal audio en commande impulsionnelle. Deuxièmement, une solution plus complexe, mais par ailleurs facile à reproduire, d’un circuit pour tremolo haché similaire à l’oreille au Repeat Percussion de Vox (le V809, pensez à la voix sur Crimson and Clover de Tommy James and the Shondells). Troisièmement, un circuit primitif d’octaveur, qui annonce dans les grandes lignes de Boss OC-2, mais en beaucoup plus simple. Pour finir, le circuit de la fuzz est très similaire à celui de la FZ-1 de Maestro, c’est-à-dire la fameuse première fuzz commercialisé, autrement dit celle employé sur (I Can’t Get No) Satisfaction. Bref, pas mal de solutions intelligentes, innovantes ou carrément légendaires, pour un seul appareil.
Exploration sonore : les tests audio du Rhythm & Sound G-2
Ci-dessous quelques prises de son réalisées avec la Rhythm & Sound, qui permettent de bien saisir la sonorité particulière (à la fois limitée, et très unique) de cet appareil. Dans le premier enregistrement, on entend à la suite :
- la guitare en « son clair » (je mets des guillemets car c’est déjà très coloré) à travers la section « acoustic amp »
- la même guitare à travers la section « fuzz »
- pareil à travers le voicing 1 puis voicing 2, puis les deux voicings sélectionnés ensemble
- à travers la « wah-wah », en vérité une envellope follower
- à travers la section « echo », en vérité un tremolo très haché
Puis dans le deuxième enregistrement, d’abord les percussions, puis les percussions + la guitare ensemble :
- bongo
- cymbale
- brush
- clave
- clave et cymbale
- clave et brush
- cymbale et brush
- bongo et cymbale
- guitare à travers la fuzz, les deux voicings, et servant de trigger à la clave, avec quelques touches de tremolo (« echo »)
- Maestro_FX_guitare01:46
- Maestro_FX_percussion+guitare01:08
Mais tout cela, ce ne sont que des exemples, alors voilà un petit instrumental lo-fi, boiteux et rigolo, où tous les sons originaux ont été soit traités à travers la Rhythm & Sound, ou soit proviennent d’elle (je parle là des percussions). Petit son, mais gros caractère :
On le comprend donc, si ce multi-effet peut paraître bien modeste en comparaison de l’infinie multitude de possibilité offerte à l’utilisateur de plug-ins, son intérêt réside dans son caractère unique, dans ses bizzareries et ses « défauts » et, par ailleurs, dans le fait qu’elle n’a jamais été copiée ou émulée sous aucune forme, physique ou numérique. Une rareté sur le marché de l’occasion, c’est vrai, mais aussi une rareté sonore donc, sans véritable équivalent aujourd’hui.
FAQ
1. Qu’est-ce que le Rhythm & Sound G-2 de Maestro ?
Le Rhythm & Sound G-2 est un appareil vintage des années 1960 combinant des effets pour guitare et des sons percussifs commandables via l’instrument connecté.
2. Quelles sont les particularités du Rhythm & Sound G-2 ?
Il intègre une batterie synthétique, plusieurs effets comme le fuzz et la wah-wah, ainsi qu’un système unique de contrôle des sons percussifs.
3. Le Rhythm & Sound G-2 est-il toujours accessible aujourd’hui ?
Cet appareil est rare et cher sur le marché de l’occasion, mais reste prisé pour son caractère sonore unique.
4. Quels artistes ont utilisé le Rhythm & Sound G-2 ?
Joe Gore, PJ Harvey, les Beastie Boys et Childish Gambino figurent parmi les artistes ayant exploité cet appareil.
5. Le Rhythm & Sound G-2 a-t-il des équivalents modernes ?
Non, il n’a jamais été copié ou émulé, ce qui le rend unique dans le monde des effets.
Caractéristiques techniques du Rhythm & Sound G-2
• Type d’appareil : Multi-effet pour guitare avec sons percussifs intégrés.
• Dimensions : 45 cm de long, 28 cm de profondeur.
• Poids : Environ 1 kg.
• Boîtier : Aluminium robuste de 2 mm d’épaisseur.
• Contrôles : Sélecteurs à bascule pour les effets (fuzz, wah-wah, tremolo, etc.).
• Effets intégrés : Fuzz, Wah-Wah (auto-wah), Tremolo (echo repeat), Octaveur, Sons percussifs (bongo, clave, etc.).
• Connexions : Entrée instrument, Sortie audio, Commande footswitch.
• Alimentation : Bloc interne avec transformateur.
• Construction interne : Circuits imprimés et montage point par point pour l’alimentation.