Kali nous revient depuis la west coast avec une 2e vague de LP-6, des moniteurs très abordables qui pourraient plaire à bon nombre de home-studios. Une paire de poids plume au rapport qualité prix plus qu'intéressant !
Kali est un acteur récent du marché des enceintes de monitoring, mais néanmoins très présent et actif, et on a donc testé plusieurs de leurs produits ces derniers mois. Nous avons ici affaire à une nouvelle « 2nd Wave », donc une V2, des petites LP-6 qui sont l’entrée de gamme de la marque. LP, c’est pour Lone Pine, une ville californienne située au pied de la Sierra Nevada. La marque basée dans le Golden State a donné à chacune de ses séries de produits le nom d’un lieu du même état. Dans cette série dont le nom complet est Project Lone Pine, on trouve donc les LP-6 et leur haut-parleur 6,5 pouces et leurs grands frères LP-8 en 8 pouces. On ne va pas tourner autour du pot, le gros point fort de Kali, c’est le prix, à plus forte raison encore sur cette série LP puisque la paire que l’on teste aujourd’hui est vendue autour de 400 €. On avait eu l’opportunité de tester les IN-8 de la même marque il y a un an, et leur rapport qualité prix nous avait plutôt séduits… voyons maintenant s’il en va de même pour le projet Lone Pine !
Papiers s’il vous plaît !
On déballe les enceintes, et le premier constat qu’on peut faire, c’est qu’elles ne vont pas nous faire mal au dos : elles sont très légères, seulement 7 kg ! Leur taille est assez standard, plutôt allongée dans la hauteur (359 mm), pour une base moins large (222 mm) que profonde (260 mm). L’allure est sobre, noire, ayant pour seule excentricité le petit logo Kali et ses waveforms bleues, tout en bas. Deux formes de vagues, pour une 2nd wave d’une marque basée en Californie du Sud chez les surfeurs… On travaille bien le visuel chez Kali ! Juste au-dessus, on trouve un large évent pour le Bass Reflex, puis le haut-parleur 6,5 en papier. Ce choix de matériau n’est pas anodin, on n’a pas vu beaucoup de marques prendre cette option sur les moniteurs récemment testés, mais Kali en a fait une de ses spécificités puisque la plupart de leurs modèles sont équipés de haut-parleurs grave ou médium en papier. Une discrète LED bleue nous indique que l’enceinte est allumée, puis on trouve tout en haut le tweeter 1 pouce en textile, dans un guide d’onde ovale et horizontal que la marque appelle avec fierté « 3D Imaginary ». Les deux haut-parleurs sont insérés dans une forme arrondie comme un 8, ce qui donne une allure élégante au panneau avant. À l’arrière, on trouve une connectique très simple, des entrées en XLR, TRS ou RCA, ainsi que quelques réglages. Le rotatif de volume n’est pas cranté, ce qu’on regrette toujours, mais sa course de moins l’infini à +6 dB marque un arrêt à 0 dB. On trouve juste au-dessus une série de huit très petits sélecteurs. Les trois premiers servent à choisir un préréglage du moniteur, adapté à la position dans laquelle il est situé : sur un pied, sur une console ou un bureau, à proximité ou non d’un mur arrière. Les quatre sélecteurs suivants nous permettront d’utiliser les filtres, un shelf dans les fréquences graves et un autre pour les aiguës, tous deux disponibles à –2 dB ou +2 dB. Enfin, le huitième servira à sélectionner l’entrée entre RCA et les deux entrées symétriques XLR ou TRS. Pour ce test, on commence par sélectionner notre option de placement, enceintes posées sur la console du studio, et on attendra un peu avant d’activer les filtres.
Pour compléter la description technique des enceintes, elles comportent donc deux amplifications, une par voie, de classe D. La fréquence de coupure entre les deux haut-parleurs est de 1500 Hz. La marque insiste sur la réduction du bruit (noise floor), en ce qui concerne cette 2nd Wave, qui serait 12 dB inférieur à la version précédente. Chaque moniteur est livré avec son câble d’alimentation, quatre minuscules plots pour l’isoler de la surface sur laquelle on le pose, et une feuille « guide de démarrage rapide ». On n’apprendra pas grand-chose de ce document, si ce n’est que les LP-6 peuvent être disposés debout, à l’envers (tweeter vers le bas), mais certainement pas à l’horizontale.
De jolies courbes
L’installation est rapide, les moniteurs légers se placent presque tous seuls, on regrettera juste ce potentiomètre pour le volume qui n’est pas cranté : on choisit d’écouter les enceintes autour de +3 dB, pour pouvoir comparer avec les autres moniteurs présents dans le studio à volume égal, mais on ne peut pas être assuré d’une stéréo parfaite avec ces rotatifs. La première impression est assez séduisante ! Pour des enceintes de cette gamme de prix, la précision nous semble très bonne, la balance tonale plutôt cohérente, et l’image stéréo effectivement très belle. On note tout de même une certaine douceur, un léger manque dans des fréquences haut-médiums et aiguës, qui édulcore un peu trop les attaques et certains éléments rythmiques. Le grave est plutôt convaincant, présent (dans la limite de ce que peuvent fournir des moniteurs de ce format) mais pas envahissant. Les bas médiums paraissent un peu denses, notamment au regard de ce qui se passe plus haut dans le spectre. On va effectuer des mesures pour vérifier ces premières impressions et on commence par une mesure avec notre micro Sonarworks du bruit blanc diffusé par les LP-6 dont voici l’analyse fréquentielle.
Le spectre est effectivement plus dense, un peu au-dessus de 100 Hz, et ce, jusqu’à 470 Hz. L’analyse vient aussi nous confirmer une petite lacune entre 5 kHz et 13 kHz, qui va dans le sens de nos premières impressions. À titre de comparaison, les dernières paires mesurées de cette manière dans cette pièce, les KRK classic 8ss et les Fluid Audio Image 2, présentaient pour l’une un pic autour de 5 kHz, pour l’autre un dôme autour de 50 Hz. Des profils bien différents, donc… On précise que la courbe descendante au-dessus de 470 Hz n’est pas spécifique à ces enceintes, on la retrouve régulièrement dans nos mesures, et on l’imputera donc plutôt à notre pièce. À l’aide du logiciel SoundID Reference de Sonarworks, on va effectuer une deuxième mesure, qui consiste en fait en 32 mesures à différents points de la pièce. Le graphique qu’on obtient vient là encore confirmer nos impressions : le niveau est important entre 115 Hz et 500 Hz environ, puis dans les aigus la courbe descend légèrement entre 5 kHz et 13 kHz. Ce qu’il nous révèle et qu’on n’avait pas perçu, en revanche, c’est un manque dans les graves entre 60 Hz et 115 Hz.
L.A. Woman
On va maintenant écouter un peu de musique, parce que les bruits blancs et autres swipes utilisés pour ces mesures, ça ne ravit pas franchement nos oreilles. Pour évaluer ces moniteurs, on va les confronter sur quelques morceaux à nos enceintes de référence, à savoir les Genelec 1030a et les Adam A7X.
Radiohead — 15 step
Comme on s’y attendait un peu, la voix et la guitare électrique sont très charnues, le bas médium leur donne une belle substance, mais on manque un peu de définition en haut du spectre. Les parties rythmiques, ciselées dans cette production, manquent un peu de nervosité, et même la voix de Thom Yorke n’a pas la clarté qu’on lui connaît. Cela dit, l’image stéréo est vraiment belle et l’écoute très agréable. À l’entrée de la basse, on perçoit en effet que son registre le plus grave manque très légèrement. Sans plus attendre, on va tester un petit réglage et augmenter les aigus à l’aide du filtre.
Kendrick Lamar — Alright
Après ce détour chez les intellos britanniques, retour en Kalifornie. Grâce à notre réglage +2 dB en shelf dans les aigus, on trouve l’équilibre fréquentiel bien meilleur et cette écoute est vraiment convaincante. Au-delà de la question des fréquences, les transitoires ne sont pas aussi saillantes que sur nos Genelec, mais c’est le cas de presque toutes les enceintes qu’on a pu tester. A priori, le choix d’une membrane en papier laisse plutôt penser que les transitoires vont être légèrement amorties. Mais sur ce plan comme sur d’autres, la comparaison avec les Adam A7X est plutôt flatteuse pour les LP-6. Après quelques minutes d’écoute, on remarque tout de même que la bande de fréquence augmentée par le filtre descend un peu trop bas, et on a l’impression d’avoir un peu plus de niveau dans la zone autour de 2 kHz, ce qui est un peu dommage.
Fleetwood Mac — Dreams
On reste sur le territoire des LP-6 avec ce classique du L.A. des années 70. On manque encore un peu d’air, mais la balance tonale est tout de même très honorable pour des enceintes à ce prix-là. Comparées à des modèles nettement plus cher, on ressent un manque de profondeur, tous les éléments de l’arrangement semblent être davantage au premier plan, mais à nouveau, on ne peut pas attendre d’une paire à 400 € qu’elle rivalise avec des moniteurs bien plus chers. D’ailleurs, sur le plan des fréquences, on a entendu des paires cinq fois plus chères qui étaient moins équilibrées !
Moderat — A New Error
On quitte le soleil californien pour la froideur berlinoise avec ce morceau qui nous sert quasi systématiquement de référence pour les fréquences graves. On va donc en profiter pour tester le filtre du bas, et écouter ce qu’il peut nous apporter. Avec ce petit shelf de +2 dB dans les graves, les basses du morceau sont bien plus mises en valeur, et on est assez impressionnés par l’effectivité de cette égalisation. Les deux filtres sont donc désormais à +2 dB, et franchement ce réglage nous semble très convaincant, en ce sens qu’il compense le petit excès de médium qu’on avait perçu au départ. L’équilibre en volume avec nos écoutes de référence n’est plus vraiment là, on se rend compte qu’on a nettement gagné en niveau avec ces deux réglages. En passant en revue les morceaux précédents, on regrette à nouveau que ce filtre bas monte un peu trop, et on sent bien qu’il ne remonte pas seulement ce qui nous manquait, mais aussi des fréquences au-dessus de 120 Hz dont on ne manquait pas. Mais tout de même, si on se détache un peu des comparaisons avec nos habitudes et nos références, ça sonne vraiment bien !
Conclusion
Sur le marché des moniteurs à moins de 500 € la paire, Kali est incontestablement très bien placé. Cette paire de LP-6 est très agréable à écouter, plutôt équilibrée dans la balance tonale, et sa précision est impressionnante, au vu du prix. Les filtres ne sont pas parfaits, mais ils sont tout de même utiles. Un produit réellement intéressant pour les musiciens et producteurs qui disposent d’un petit budget.