Nouvel ajout de Native à sa gamme pléthorique de produits, Session Horns, offrant à la fois les sons échantillonnés d’une section de cuivres et des phrases correspondant à divers styles musicaux. Pour quel résultat ?
Parmi les instruments réels proposés sous forme d’échantillons pour sampleurs (autrefois hardware, maintenant majoritairement virtuels, même si l’on peut remettre en cause l’appellation pour cause de non-échantillonnage réel, fin de l’incise et de la parenthèse, ouf) ou d’instruments à base de modélisation, les cuivres ont eu droit à de nombreuses propositions, peut-être pas autant que d’autres instruments ou pupitres/sections, mais en nombre suffisamment élevé pour offrir le choix aux musiciens et compositeurs en recherche de ce type de sonorités. L’orientation « section de cuivres » moderne (c’est-à-dire hors du domaine de l’orchestre classique) resserre un peu le champ des solutions, même si l’on se souvient (attention, précaution : « fut un temps », « sous réserve d’oublis », « liste non exhaustive »…) des Memphis Horns d’Ilio, Killer Horns de Best Service, Killer Brass de SoundScan, Horns Pro Complete de Chris Hein, Broadway Big Band ou Lites de Fable Sound, First Call Horns, Funk Soul Horns ou Mojo de Big Fish Audio, Phantom Horns de Zero-G, Brit Horns par AMG, de l’éphémère Brass d’Arturia, etc. Certaines des bibliothèques citées ci-dessus sont encore utilisées par des compositeurs, principalement les phrases toutes faites (moulinées ou non au pitch-shift et au time-stretch), toujours plus réalistes que les phrases conçues à partir d’échantillons note à note. On mettra volontairement à part (pour le moment) ce qui constitue à mon avis actuellement la meilleure des solutions virtuelles, les différents instruments de Sample Modeling (The Trumpet, The Sax Brothers, The Trombone).
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La collaboration entre Native Instruments et e-instruments a déjà porté ses fruits, avec Session Strings puis Session Strings Pro (peut-on déjà imaginer un Session Horns Pro ? Si c’est le cas, c’est un peu bas, comme procédé…). Voici donc leur nouvel effort, Session Horns, proposant une section constituée d’un trombone, d’un sax ténor et de deux trompettes, avec à la fois un système de reconnaissance d’accords avec phrases pré-programmées et un programme avec échantillons et diverses articulations permettant de compléter les phrases d’usine, voire de créer les siennes propres.
Introducing Native Instruments Session Horns
Disponible uniquement au téléchargement, la bibliothèque est vendue 99 euros (TTC) compatible Kontakt et Kontakt Player à partir de la version 5, donc pour Mac et PC, pèse 3,8 Go (à l’origine 4,9 Go passés à la compression native de Native…). La routine de chargement, installation et autorisation reste celle habituelle, cette dernière s’effectuant par l’intermédiaire du Service Center. Les caractéristiques et compatibilités sont donc celles de Kontakt 5 que l’on ne rappellera pas, sauf à dire que l’on peut du coup utiliser Session Horns sous forme d’application autonome et plug-in. On trouvera deux programmes .nki, Session Horns – Performance, regroupant les phrases et système de reconnaissance d’accords, et Session Horns – Single Articulation, qui fait ce que son nom indique. La documentation fournie est assez complète, mais uniquement en anglais, ce qui (re)devient une habitude que l’on peut dénoncer (je ne sais plus trop où l’on en est d’un point de vue obligation légale, vu l’achat dématérialisé dans un pays étranger), tout le monde ne pratiquant pas (plus ou moins) couramment cette langue.
Blood, Sweat and Tips
Premier programme, Single Articulation donne à l’utilisateur la possibilité de programmer des phrases note à note, et offre deux onglets, Main et Sound. Le premier donne accès à la façon de contrôler la dynamique, soit par le CC#11 (Expression) soit par la vélocité (selon trois choix de courbe). Plus importants, en haut de l’interface, deux menus jouent un rôle considérable sur le son de la bibliothèque : à gauche, on choisit la composition de la section, de l’ensemble complet à une réduction à deux ou trois instruments, selon sept variations et avec indication visuelle des instruments inactifs. Un sous-menu offre les diverses articulations, de Sustain à Doits, en passant par Rip, Grace Note, FoPiCre (Forte piano crescendo, dont une version s’adaptant au tempo de l’hôte/application grâce à TimeMachine Pro), Grace Note, etc. (12 articulations différentes en tout).
Intimement lié aux premiers menus, ceux placés à la droite de l’interface, d’abord Voicing Assistant puis Octave. Le premier est fondamental, puisqu’il permet de faire sonner la section via quatre choix : d’abord, le mode Polyphonic (le moins réaliste, si l’on plaque un accord de quatre sons, cela donne douze cuivres, chaque note déclenchant les quatre instruments). Ici cette suite d’accords donne une impression de fanfare :
Alors qu’en utilisant le mode Smart Voice Split (une répartition automatique sur les divers instruments des notes en fonction de leur hauteur), on arrive tout de suite à approcher ce que l’on recherche au départ (articulation Soft Sustain dans les deux exemples).
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Deux modes supplémentaires sont disponibles, mais uniquement pour l’articulation Sustain, Legato (tous les instruments sont joués sur une note, avec legato monophonique, pratique pour des trilles par exemple) et Chord + Legato (on peut jouer un accord, et les notes rajoutées seront interprétées legato). Autant dire que le Smart Voice Split, et le Legato seront les modes les plus utilisés, car les plus réalistes. On regrette d’ailleurs de n’avoir pas accès dans le menu Section Setup aux instruments séparés (minimum deux) de façon à pouvoir placer la voix supérieure par-dessus les trois autres instruments (voir cependant encadré).
Autre réglage intéressant, le menu Drop qui permet de passer à l’octave inférieure les première, deuxième ou troisième notes (et première et deuxième simultanément) d’un accord joué normalement, un principe bien connu des arrangeurs et guitaristes, par exemple. Dans l’exemple suivant, la suite originale, puis divers renversements (rappel, c’est le logiciel qui transpose automatiquement, l’accord joué ne change pas).
Ça fonctionne plutôt bien, et on pourra créer des phrases relativement convaincantes en utilisant les différentes articulations, même si l’on est loin de l’ergonomie et le réalisme des instruments virtuels de Sample Modeling.
Derniers réglages (que l’on retrouvera aussi dans Performance), avec Sound, deux menus, l’un toujours actif et offrant des présets pour la section (Section Mix), agissant principalement sur les rapports des instruments entre eux et leur son, l’autre un effet Master FX (avec Bypass), influant sur le son global, avec des recherches plus esthétiques, de la saturation vintage à des effets d’écho, par exemple. Les résultats sont assez fidèles à leur intitulé, attention cependant, car EQ, compression (utilisant les deux émulations SSL), saturation (modélisation du Fender) seront peut-être à faire en dehors de Kontakt, les présets ici n’étant pas modifiables via l’interface (on peut cependant rentrer en mode édition) et les différentes approches pouvant être mieux restituées avec d’autres outils. Sans compter le son prédéfini qui risque de perturber au moment du mixage. Autres paramètres, Humanize, offrant un désaccord des instruments (plutôt utile), Stereo (que j’évite systématiquement, sauf pour rendre mono un son stéréo) et la réverbe à convolution habituelle de Kontakt offrant habituelles et (il me semble) nouvelles IR.
Voici quelques exemples, à partir des deux précédents :
Même si ce préset d’articulations semble avant tout avoir été conçu comme un complément de la partie offrant les phrases, on ne peut pas ne pas mentionner l’énorme défaut de ce programme : il est impossible d’appeler les articulations via KeySwitches ! Pour un travail plus complet il faudra donc ouvrir dans un Kontakt autant de programmes sur différents canaux Midi que l’on aura besoin d’articulations, façon de faire nous ramenant quelques années en arrière…
Cover of Power
Deuxième programme, Performance va permettre d’utiliser des phrases préenregistrées, à la façon d’Action Strings, par exemple, sauf que la bibliothèque utilise ici un script d’harmonisation temps réel, comme un arrangeur avec reconnaissance d’accords. Trois onglets cette fois-ci, certains reprenant des réglages et paramètres déjà abordés. Ainsi Sound propose logiquement les mêmes possibilités, afin d’assurer la cohérence sonore entre phrases de la bibliothèque et celles créées par l’utilisateur. Control offre quant à lui le choix concernant la vélocité, et y ajoute l’action du Pitch Bend de façon normale, ou sur les Doits/falls en jouant la note ou au relâchement de celle-ci. Enfin la pédale de sustain peut ici activer l’Animator (les phrases, avec une astuce pour pouvoir jouer des notes par-dessus, voir le manuel) ou Same Note Legato, qui déclenche un échantillon différent afin d’éviter l’effet mitraillette lors de répétition de notes, en reproduisant plus ou moins le coup de langue joué dans la réalité. D’où la question : pourquoi diable ne pas l’avoir inclus dans l’autre programme ?
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La page Main regroupe tout ce qui permet d’exploiter la bibliothèque selon une optique temps réel, jeu live. On retrouve les menus dans la partie supérieure, quoique différents : Section Setup offre bien les différentes configurations, mais le sous-menu est cette fois dédié à la sélection d’une articulation déclenchée par la vélocité (sept choix possibles). Voicing Assistant reprend les modes de jeu, du Smart Voice Split au Polyphonic, en y ajoutant le mode Animator (on y revient tout de suite). Dans l’exemple suivant, on entend d’abord l’articulation par défaut (Sustain), puis chaque note réattaquée pour faire entendre l’articulation via vélocité (ici, les Rip) pour finir par les Doits sur le release via le Pitch Bend.
La partie inférieure présente les réglages de gestion des phrases d’abord selon un style générique, RNB/Soul, Pop, Nu-Jazz/Funk, Latin et Reggae. Ensuite via un menu Songs, offrant respectivement six, neuf, quatre, six et trois ensembles de phrases. On dispose de six phrases par Song, à déclencher via KeySwitch, un menu affichant la touche sélectionnée, ainsi que la progression de la phrase.
Ces 168 phrases peuvent être lues en boucle, ou en One Shot grâce au premier des boutons Mode, l’autre limitant la lecture au rythme, sans les mélodies. Le pourquoi de cette dernière fonction est évident dès que l’on aborde des accords plus riches que les simples mineur, majeur, 7M, dominante, mineur 7, etc. Par exemple un dominante/9+ ne sera pas reconnu, il conviendra alors de le faire jouer de façon rythmique. Ici un Bb7 pour commencer avec le phrasé, puis le F7/9+ attendu, mais pas reconnu. Et le même en mode Rhythm Only :
Ces boutons peuvent être automatisés via Midi, bien vu. À noter, l’interprétation doit être extrêmement précise, l’Animator se déclenchant dès la première note. Si l’on ne veut pas de départ dans une tonalité autre, on prendra soin de se caler pile-poil, quitte en cas de programmation à quantiser, ce qui n’affectera que la reconnaissance d’accord, le timing des cuivres pouvant être ajusté via les paramètres fournis.
Derniers réglages, Swing, qui fait ce que son nom indique, Dynamic, balance entre la dynamique intrinsèque de la phrase et celle du jeu au clavier, Timing, pour décaler les instruments entre eux, et Tempo, dédoublant ou doublant le tempo par rapport à celui de l’hôte.
Voici quelques extraits des différentes phrases, principalement en Full Section, avec quelques variations sur deux ou trois instruments, avec la fonction Link Sound Preset activée (chargeant automatiquement les présets Section Mix et Master FX) :
Il est important de préciser que ces phrases ne sont pas des phrases jouées par la section et transposées/mises au tempo en temps réel, mais des phrases utilisant un principe de séquences apparemment Midi (pas moyen d’accéder à quelque détail ou programmation), d’où un suivi de clavier aussi intéressant, puisque transposant aux octaves supérieures (même si l’on évitera l’octave supérieure, sonnant régulièrement de façon assez peu naturelle).
Bilan
Du point de vue du concept, et de sa mise en œuvre, la bibliothèque est plutôt réussie, en tout cas plus que ne le laissent croire les démos de l’éditeur. On peut travailler en interne avec les phrases, sans avoir recours à des processus de pitch-shift comme avec Action Strings, même si ça reste tout à fait possible, ce qui repoussera les limites du principe de phrases. Le mode Smart Voice Split est convaincant, à tel point que l’on se demande pourquoi utiliser autre chose. L’Animator, malgré son principe purement mécanique (déclenchement de notes via séquences et non phrases audio bidouillées), remplit très bien son office, et on peut parfaitement imaginer que des updates de l’éditeur enrichiront son contenu mélodique et rythmique, afin d’aller encore plus loin. On peut, à charge, vouloir une reconnaissance étendue des accords, pour l’instant trop limitée aux basiques.
Concernant le son, on reprochera les quelques bidouilles à base de filtres, et les présets d’effets, certes réussis pour certains, mais la plupart du temps faisant briller ou ressortir les fréquences que l’on cherche plutôt à éviter dans ce genre de contexte (les trompettes qui vrillent les têtes, aux harmoniques trop présents les faisant ressembler à une dent-de-scie, par exemple). Autre reproche de taille, l’absence de KeySwitches dans le programme Single Articulation, qui simplifierait énormément sa mise en œuvre.
Un produit bien conçu et réalisé, donc, qui pourra rendre de nombreux services aux musiciens et compositeurs ne maîtrisant pas forcément l’écriture à quatre voix, ou l’arrangement en général, avec une bonne qualité sonore d’ensemble, tout en offrant quelques possibilités de traitements et de modifications (on gagnera cependant à utiliser des traitements externes de meilleure qualité). Les plus avancés souhaiteront cependant moins de restrictions, et se tourneront vers des produits permettant une totale liberté d’écriture, d’interprétation (Session Horns montre vite ses limites en termes de création de phrases avec Single Articulation) et une qualité sonore plus élevée. De tels produits ne sont pas légion, les meilleurs d’entre eux (à mon avis) ayant été mentionnés par deux fois dans ce test.
Mais ne minorons pas l’intérêt de ces Session Horns, la politique tarifaire de Native étant d’ailleurs plutôt incitative (99 euros). Que l’on se rappelle simplement le tarif des banques d’échantillons ou d’instruments virtuels à des lieues des qualités et des possibilités offertes par Session Horns.
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