Ceux qui ont déjà posé leurs doigts virtuels sur les orgues, pianos électriques et guitares d’AcousticSamples savent le degré d’exigence auquel se situe l’éditeur lorsqu’il reproduit un instrument. Autant dire que l’arrivée dans son catalogue d’instruments à vent a de quoi faire lever un sourcil, et même le deuxième jusqu’à la pointe des cheveux…
Il faut dire qu’il y a eu un avant et un après le B-5 dans le petit monde des orgues virtuels, l’éditeur poussant non seulement très loin sa reproduction de l’orgue Hammond B3, mais recourant surtout à une méthode payante à plus d’un titre : utiliser la modélisation physique sur une base de sampling pour disposer de la souplesse de la première et du grain de la seconde, et atteindre ainsi un réalisme saisissant au sein d’un instrument ne pesant pourtant que quelques centaines de Mo. Dans ce contexte, le B-5 est devenu LA référence de quantité d’organistes en matière d’instruments virtuels, et il en a été de même pour le Rhodes (VTines) et le Wurlitzer (VReed) qui ont suivi, reposant eux-aussi sur ce mélange de modélisation et d’échantillonnage.
La démarche ne sera pas d’ailleurs sans rappeler à certains celle d’autres éditeurs nommés Sample Modeling et Audio Modeling (l’un étant l’émanation de l’autre suite à une brouille) qui proposent des cuivres devenus des références sur le marché en termes de réalisme sous Kontakt ou le moteur maison SWAM. Seul hic avec ces derniers : certains parti-pris ergonomiques discutables qui rendent les instruments moins jouables sans disposer d’un breath controller, ce qui restreint forcément le public ; faire des instruments à vents pour des gens qui savent jouer des instruments à vent, c’est un marché de niche on va dire…
Voir Acousticsamples s’aventurer sur ce terrain est donc une excellente nouvelle, car l’éditeur a pour le coup toujours eu à coeur de proposer des produits qui ne nécessitaient pas le pilotage permanent de 30 contrôleurs continus via une douzaine de keyswitches pour sonner crédibles… Et c’est en effet le principal enjeu des instruments virtuels aujourd’hui, un enjeu qui tourne à l’écueil chez bien des éditeurs : le problème n’est pas tant souvent d’amasser des dizaines de Go de samples ultraréalistes mais plutôt d’accoucher d’une interface et de scripts qui permettent de programmer l’instrument simplement, dans l’idéal avec un simple clavier MIDI et sa molette, soit l’équipement de la grosse majorité des home studistes.
Et c’est forcément face à ces attentes que se trouve confronter le V-Horns Brass Section qui nous occupe…
Section d’assaut
Comme son nom le laisse suggérer, V-Horns Brass Section propose un ensemble de cuivres, soit deux trompettes, deux bugles et deux trombones, rassemblés en trois banques qui squatteront un peu plus de 400 Mo au total sur votre disque dur… C’est déjà la très bonne nouvelle que l’on doit à ce mélange de sampling et de modélisation physique : il n’est pas besoin de déployer des dizaines de Go de samples, avec tout ce que cela implique en termes de consommation de mémoire ou d’accès disques. Précisons-le aussi : contrairement à ce que pourrait laisser penser le nom du produit, on ne dispose pas d’un moyen de jouer de la section en entier ; il faudra dealer avec chaque cuivre en instrument solo, même si nous verrons qu’il y a bien un moyen de les solidariser.
Quel que soit l’instrument, l’interface est toujours la même et s’organise en 4 onglets. Celui qui nous accueille est extrêmement épuré et propose, outre une représentation de l’instrument, trois potards correspondant au souffle, au vibrato et à la réverb, tous assignés à un contrôleur continu par défaut, lequel est bien évidemment éditable.
Les trois autres onglets serviront aux réglages avancés de l’instrument et sont donc nettement plus fournis ! Mix permet bien évidemment de doser les sons utilisés par les différents microphones lors de la prise : ces derniers sont au nombre de quatre et l’illutration proposée en regard des faders détaille leur positionnement. Tout près d’un panneau dédié à la réverb du logiciel, on aperçoit aussi toutefois une paire de micros appelée « Virtual Space Mic » et qui nous conduit fort logiquement à nous intéresser à l’onglet Virtual Space.
Dans ce dernier, on aura le loisir de positionner en 3D l’instrument au sein de la section de cuivre, comme de choisir la configuration de micros utilisée pour la captation de la section : AB, XY, MS, Tête, ORTF, avec paramétrage de la largeur stéréo. C’est de cette façon qu’on va pouvoir retrouver le rendu d’une section d’un instrument à l’autre.
PREFS, le dernier onglet, est enfin dévolu réglages avancés de l’instrument et
s’organise en 6 panneaux : PITCH, LEGATO TRANSITIONS, VIBRATO, GENERAL et MIDI.
L’occasion de préciser que les principaux contrôleurs à vent du marché sont pris en charge : EWI, EVI, Aerophone, Sylphyo en plus d’un Breath Controler générique et du clavier MIDI de base… Au-delà de ce détail et de choses attendues (accordage fin et transposition, contrainte de l’instrument à une gamme par exemple), c’est ici qu’on se rend compte des apports de la modélisation et de la minutie des scripts mis en oeuvre vu qu’on peut régler des choses très précises comme les variations de pitch sur les attaques ou encore l’imprécision de ce dernier de manière globale (oui, la fanfare bourrée, c’est possible), ou encore le seuil et le temps du Glide en jeu legato… On peut même dessiner à main levée son propre vibrato comme définir sa durée ou sa vitesse. Bref, c’est relativement complet et c’est d’autant plus important que c’est grâce à ces multiples paramètres qu’on va pouvoir faire des variantes de comportement à partir d’un même instrument et obtenir de plus grosses sections en multipliant les occurences de V-Horns sans avoir l’impression d’un doublage artificiel.
Reste à voir ce qu’il en est des sensations de jeu…
Le cercle des Pouets retrouvés
Et c’est là qu’on se prend une bonne petite claque ! Pourquoi ? Parce qu’avec un simple clavier et une molette de modulation, on parvient à réaliser des phrasés ultra-réalistes quelle que soit la vitesse à laquelle on joue. Pas besoin d’un keyswitch pour passer du staccato au legato, il suffit simplement… de jouer staccato ou legato ! On ne se lasse pas en outre de jouer entre la vélocité et la molette de modulation pour faire varier les attaques comme le sustain de chaque note, avec au maximum du souffle des effets de Growl à tomber par terre. Et cela sans qu’on ait jamais l’impression de passer d’un layer de sample à un autre, voire d’une note à l’autre comme sur le trombone : seamless comme disent les anglais. De fait, on se retrouve avec des instruments au feeling organique, répondant au doigt et à l’oeil avec tout ce qu’il faut de dynamique et d’expressivité : on y croit à mort ! Et sans aucun keyswitches (ces derniers étant réservés aux articulations plus anecdotiques types Rises et Falls) ! Voyez cet exemple, illustrant la dynamique des instruments, d’abord sur du pianissimo allant vers du fortissimo pour chopper le grand méchant growl, puis la même chose en contexte :
Et voyez cet autre exemple où le motif en staccato est rejoint par des swells, puis par le même solo adapté au regsitre de la trompette, du bugle puis du trombone. L’occasion de se rendre compte que le bugle est clairement moins dynamique que le trombone ou la trompette, un peu plus mou, dirons-nous, mais qui tient visiblement à la nature même de l’instrument qui ne fonctionne pas tout à fait pareil dans sa conception.
Or ce n’est pas tout car l’éditeur a même pensé à joindre des sourdines à ses instruments, très convaicantes pour la plupart en dehors de la plunger dont l’ouverture est automatisable mais qui peine à convaincre et se fait un peu marcher sur les pieds par le vibrato dès qu’on pousse un peu le souffle : dur d’arriver à faire un trompette wah-wah …telle qu’on l’imagine. Ce détail mis à part, admettons tout de même que ces différents accessoires permettent d’obtenir des sons extrêmement réalistes ; bravo pour cela aussi. Voyez ce que ça donne :
- NoMute(2)00:18
- MuteHarmon(2)00:18
- MutePlunger00:18
- MuteStraight00:18
- MuteCup00:18
- MuteBucket00:18
La remarque sur le plunger nous fera d’ailleurs verser sur la phase plus critique de ce test, en sachant que le principal défaut de V-Horns pour l’instant, c’est qu’il donne envie de menotter son développeur à un radiateur et à ne pas l’en détacher avant qu’il ait finit de sampler et modéliser tout ce dans quoi on peut souffler ; cor, tuba, euphonium, cornets à piston, trombone basse, et puis évidemment la famille des bois à commencer par les saxophones, histoire d’avoir une vraie section de Jazz Band, puis les flûtes, bassons, hautbois, etc. Car c’est un fait, une fois qu’on y a goûté, on voudrait retrouver le même rapport simplicité/réalisme sur tous les instruments à vent virtuels dont on peu avoir l’usage… Bref, c’est une très belle réussite.
Conclusion
AcousticSamples a encore frappé en livrant avec V-Horns Brass Section des cuivres qui sonnent du feu de dieu sans nécessiter des heures de programmation, et pléthores d’options pour personnaliser les instruments, dont des sourdines sacrément efficace. Le tout en quelques centaines de mega et pour un prix parfaitement raisonnable, à plus forte raison si l’on considère que le pack est actuellement en promo pour les fêtes de Noël. On est si emballé que le plus grand reproche qu’on fera à V-Horns, c’est de ne pas en proposer assez : on espère vite voir débarquer la suite pour compléter l’orchestre…