Coïncidence, air du temps ? Quasi en même temps que Native Instruments et Soundiron avec Symphony Series Brass, l’éditeur Impact Soundworks propose sa version de la bibliothèque de cuivres avec Bravura Scoring Brass. Revue de détail.
C’est un phénomène qui arrive assez rarement dans notre monde, tout du moins celui du logiciel : la sortie concomitante de deux produits quasi équivalents, aux concepts ou sujets traités équivalents, et faisant appel à des moyens très semblables. C’est ce qui est pourtant arrivé en ce mois de juillet, avec la mise sur le marché par Native Instruments, en association avec Soundiron, de la bibliothèque pour Kontakt Symphony Series Brass (499 euros), constituée de deux parties, Ensemble (399 euros) et Solo (299 euros) dont on trouvera le test ici. Et celle des Bravura Scoring Brass (349 $), créée par Impact Soundworks, regroupant instruments en section et solistes, mais les proposant aussi par plus petites configurations, Ensembles (229 $), Soloists (149 $) et Chords & FX (79 $), voire par Ensembles (un pupitre pour 69 $), Sections avec toutes les articulations d’un pupitre (89 $) et Solo Instruments (39 $ chaque) L’upgrade se fera sans aucun problème vers les versions plus complètes, avec déduction du prix déjà payé.
L’éditeur a fait appel à un compositeur et ingénieur, Olajide Paris, pour gérer les enregistrements et à un mystérieux Georgian Studio Brass, qui est peut-être une émanation du Tbilisi State Chamber Orchestra avec lequel Paris travaille très régulièrement (l’éditeur précise que la réalisation de la bibliothèque a eu lieu sur deux continents, sur une durée d’un an).
Introducing Impact SoundWorks Bravura Scoring Brass
Machine de test MacPro Xeon 3,2 GHz |
L’achat de la bibliothèque s’effectue chez l’éditeur, et l’on utilisera le Download Manager fourni, même si l’option de téléchargement via des liens directs est aussi possible, par le compte utilisateur créé chez Impact SoundWorks. On choisit de télécharger les versions 16 et/ou 24 bits, qui contiennent un peu plus de 55 000 échantillons, que l’on pourra utiliser avec Kontakt Player (à partir de la version 5.4), sans obligation, donc, de posséder la version complète. Exception : tout achat d’une version dérivée de la banque complète implique l’usage du Kontakt complet.
L’autorisation s’effectue comme d’habitude via le Service Center de Native et le numéro de série fourni. Les spécifications requises, en dehors de 22 Go d’espace requis pour la bibliothèque complète, seront celles de Kontakt. L’éditeur conseille au moins 8 Go de RAM pour une utilisation confortable de la banque avec toutes ses articulations et prises de son.
On dispose en effet d’une prise de son de proximité, et de deux prises d’ambiance (pas de spécification quant au studio utilisé, mais il y a de chances que ce soit celui habituellement utilisé par Paris et le Tbilisi SCO).
Reflets cuivrés
Comme d’habitude, l’utilisation des contrôleurs MIDI sera indispensable, notamment la molette de modulation pour la gestion de la dynamique/volume (j’utilise parfois mon BC-3, contrôleur à vent signé Yamaha, très efficace), et l’on trouvera les habituels KeySwitches pour passer d’une articulation à une autre. La vélocité, même si elle ne sert a priori pas à gérer la dynamique, sera pourtant parfois utilisée, notamment sur les programmes legato, permettant de déclencher les échantillons de legato de plus en plus rapides en fonction de la vitesse à laquelle on joue.
Plus d’une vingtaine de Presets sont disponibles, conçus par pupitre plutôt que par articulations : les Ensemble (Full Brass, Trumpets, Horns, Trombones, Low Brass), les Solo (Piccolo Trumpet, Trumpet, Flugelhorn, Horn, Trombone, Tuba) et les FX (Full Brass, Horns, Trumpets, Trombones, Low Brass). Ensemble et Solo offrent deux programmes supplémentaires, Orchestrator et Chordmaker, aux caractéristiques originales sur lesquelles on reviendra. On ne se perd donc pas dans d’innombrables programmes. Bien sûr, cela a un coût : il faut la quantité de RAM nécessaire pour charger un pupitre complet. Mais grâce à la fonction Purge de Kontakt, et au choix de l’activation ou non des prises de son, un ordinateur ne disposant que de 4 Go peut s’en tirer (même si à l’heure actuelle, on ne recommendera pas de charger la bête au maximum de ses capacités).
L’éditeur, grand bien lui fasse, a choisi de tout présenter sur une unique fenêtre. Pas de menus, sous-menus, fenêtres, sous-fenêtres qui sont parfois présents pour donner une impression d’opulence et de professionnalisme… À gauche, on trouve les activations, volumes, Pan (Close) et Width (pour les Room A et B, mais pourquoi donc avoir utilisé des Stereo Imager qui vont créer plus de dégâts sur la phase que faire de belles stéréos. On évitera de s’en servir…), choix des sorties, et un EQ trois bandes pour chacune des prises, Close, Room A (prise de son à moyenne distance) et Room B (prise de son plus lointaine, avec des omnis). Il y a cependant un truc, mais commençons par faire entendre les trois prises séparément, puis avec le réglage par défaut (qui utilise la réverbe), sur les Ensemble Horns et Trombones, articulation Sustain et crescendo via CC1. Je n’ai mis que deux voix pour les cors, donc six au total (le pupitre étant constitué de trois instruments) et une pour les trombones.
On constate tout de suite quelque chose : les prises sont relativement « sèches », la réverbération naturelle du studio est courte. Il faudra alors, si l’on veut des résonances plus marquées, utiliser la réverbe à convolution de Native, qui permet de charger une des 11 réponses impulsionnelles spécialement créées par l’éditeur (on peut toujours passer par l’édition dans Kontakt pour charger d’autres réponses si on le souhaite). On peut régler le mix Dry/Wet, le taux de d’application des Low et Hi Pass (Tone), le pré-délai et la taille de la pièce. Ce choix de pièce légèrement diffusante permet d’utiliser la bibliothèque dans plusieurs contextes, sans la limiter à la musique classique ou à la musique de films, c’est bien vu.
Au centre se trouvent toutes les articulations disponibles par programme (jusqu’à 11 différentes), avec bouton de chargement, choix du KeySwitch, et indication d’un menu complémentaire offrant différentes options (décalage du point de départ de la lecture, accents, réglage manuel ou automatique de la vitesse du legato, etc.). On trouve aussi les indicateurs de dynamique et du vibrato (vibrato non inclus avec tous les instruments).
Parmi les diverses articulations, on trouve les Legato (réels), Sustain, Staccato, Tenuto, Marcato, Trill Maj et Min (hélas ne pouvant être synchronisées au tempo), Rip, Fall et Multi-Tongue (qui, elles, peuvent être synchronisées) et Flutter.
Voici quelques articulations de l’Ensemble Trumpets, puis de Solo Trumpet.
Enfin, sur la droite sont implémentés les réglages dits de Performance : courbe de réponse à la vélocité, accord grossier et fin, transposition. L’éditeur n’a pas enregistré les instruments avec leur(s) sourdine(s), mais propose en option une simulation via EQ, forcément moins convaincante, même si plutôt crédible.
Voici ce que cela donne sur la trompette en solo, puis les cors.
Bonne idée, on peut choisir de faire dépendre la sélection des articulations courtes par la vélocité (Shorts Mode), ainsi que leur dynamique (Shorts Dyn). On dispose si l’on veut d’échantillons de relâchement, garants de réalisme, et Stack permet de doubler ou tripler le nombre d’instrumentistes en utilisant les samples adjacents de la note jouée.
En voici un exemple sur le tuba solo, puis doublé et ensuite triplé.
Enfin on choisira la façon dont le Round Robin fonctionne, de façon pseudo-aléatoire ou en cycle.
Facilitateurs ?
Impact SoundWorks a aussi inclus des programmes Orchestrator et Chordmaker, proposant des solutions sinon innovantes, du moins très intéressantes pour mettre rapidement en place des idées, voire pour gagner du temps dans des réalisations finales (il faudra néanmoins avoir une petite idée de la façon dont on écrit, ce qui est tout de même le minimum pour utiliser au maximum de son potentiel ce type de bibliothèque).
Le Chordmaker est une excellente idée, dotée d’un très belle mise en œuvre. En jouant une simple note, on produira des accords dont la répartition des voix dépendra du script de l’éditeur et du Mode choisi, affichant le type de construction d’accord (expliqué) ou le mode Custom qui permettra de créer les siens propres (grâce à une sélection d’intervalles, y compris les inversions de triades, par l’intermédiaire d’un menu, ou directement en cliquant sur le point d’interrogation pour chaque voix, qui reconnaît l’intervalle joué…). Sur le clavier sont proposés en bleu les accords majeurs, en rose les mineurs. Un bouton Bass Note active le jeu de la fondamentale par le tuba, ou plutôt de la note la plus basse de l’inversion. En jouant sur les constructions, les inversions, les notes basses, toutes les combinaisons sont quasiment possibles, dans toutes les complexités d’accords, de polytonalité. Très bon point pour le produit !
Voici quelques exemples d’accords, selon plusieurs modes et jeu de basse ou non.
Le deuxième, Orchestrator, va diriger les voix de vos accords (ou d’une seule note, considérée alors comme la plus basse), vers les quatre instruments/sections disponibles, dans une répartition réaliste, ou selon les cases cochées dans un sélecteur : cinq cases, cinq notes, avec possibilités de doublage, ou d’assignation de plusieurs notes par instrument. Peu importe que vous jouiez un accord au voicing serré sur votre clavier, Orchestrator pourra l’éclater sur les quatre instruments, avec en plus la possibilité de transposer par octave chaque instrument. Là encore un outil très astucieux et très bien conçu, dont la réalisation offre un ergonomie impeccable.
Voici quelques exemples à partir d’un accord cinq sons, que l’on entendra au départ joué par un Rhodes virtuel, suivi de différentes interprétations grâce aux fonctions de l’Orchestrator (notes en moins, notes doublées, triplées, jouées à l’octave, etc.).
Bilan
On a affaire là à une bibliothèque associant parfaitement qualité sonore et réalisation, avec suffisamment d’articulations pour répondre à un certain nombre de besoins (la place manquait ici, car il faudrait plus de la moitié de ce test pour en rendre compte, mais les FX sont particulièrement bien venus et réussis, assez rares hors achat optionnel), le tout à un prix très bien placé au regard de la concurrence.
S’il fallait choisir entre les deux banques sorties ce mois de juillet 2015, la Symphony Series Brass et la Bravura Scoring Brass, le choix serait assez compliqué, l’une offrant les choses dont manque l’autre et vice versa. Mon goût personnel et ce que je recherche me ferait pencher pour la Bravura, tout en regrettant l’absence de véritables enregistrements avec sourdine(s). Entre les exemples des tests, plus les démos éditeurs, et en comparant les caractéristiques de l’une et l’autre, nul doute que vous arriverez aussi à faire votre choix.
Un très beau produit en tout cas, mes compliments à Impact SoundWorks.
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