Après nous avoir proposé des trompettes, des bugles et des trombones devenues de solides références, Acousticsamples complète sa série V-Horns en s’attaquant logiquement aux plus cuivrés des bois : les saxophones…
La facture d’instruments virtuels acoustiques demeure un art délicat où s’affrontent deux technologies : d’un côté le sampling et de l’autre la modélisation. Le premier est la méthode la plus souvent retenue car il permet, pour peu qu’on aligne des Go de samples pour enregistrer toutes les articulations de l’instrument dans le plus de vélocités et de variantes possibles, d’obtenir un résultat relativement authentique. En face de cela, tout en étant nettement plus compliquée à réaliser, la modélisation physique offre quantité d’avantages techniques (légèreté, vélocités et variantes a priori infinies, capacité à modifier toute ou partie du son) aboutissant à des instruments moins figés, moins raides, mais qui manquent de ces aspérités qui font le réalisme du sampling… Et c’est en comprenant cette problématique qu’Acousticsamples en est venu à combiner le meilleur des deux mondes, faisant usage de la modélisation physique sur une base d’échantillons. La recette nous avait conquis sur l’orgue Hammond de l’éditeur, comme sur son Rhodes et son Wurlitzer, mais c’est vraiment avec sa V-Horns Brass Section que l’habile mélange s’est avéré le plus probant car il proposait non seulement quelque chose de réellement convaincant en termes de réalisme, mais surtout une programmation extrêmement simple où il suffisait de jouer la mélodie souhaitée au clavier en gérant le souffle à la molette pour obtenir des parties qui réclameraient bien plus d’efforts avec un instrument reposant exclusivment sur du sampling : pas de keyswitches poulpesques à activer, il suffit simplement de jouer ce qu’on a en tête pour obtenir quelque chose de réellement crédible…
Une prouesse que l’on doit à l’éditeur évidemment mais qui, selon ses dires, serait bien plus complexe à tenir sous Kontakt dont le scripting n’est pas aussi évolué que sur l’UVI Workstation utilisée ici. Puisqu’on en parle, précisons donc que, comme la plupart des instruments utilisants la plateforme UVI, ces nouveaux venus sont protégés via iLok, en se basant sur un dongle USB, l’iLok Cloud ou un ordinateur dans la limite de trois machines différentes… De quoi les utiliser sans aucun problème donc.
Ces détails évoqués, on appréciera dès l’installation la légèreté des quatre libraires qui tournent autour d’un poids de 200 Mo… Un peu plus de 800 Mo pour un quartet : c’est plutôt une bonne nouvelle pour nos SSD quand on considère l’offre d’un 8Dio qui propose deux ténors et un baryton seulement pour 12 Go… Et c’est d’autant plus appréciable que comme pour la Brass Section, chaque librairie comprend en fait deux instruments bien différents : un à la personnalité classique dans son approche droite du jeu et l’autre à la personnalité jazz, avec plus de grain, de souffle…
Vous avez ainsi de quoi faire une section sax au grand complet pour aborder tous les genres, du classique au Jazz donc, ce qui inclut le rock, la pop, la musique urbaine ou tout ce qui vous fera envie au-delà de ça, même si, comme nous le verrons, le registre plus extrême de l’instrument n’est pas au programme…
Cap Horns
On ne change pas une recette qui fonctionne et c’est tout naturellement qu’Acousticsamples reprend les mêmes principes et la même ergonomie pour compléter sa série V-Horns. Les habitués de cette dernière ne seront donc pas dépaysés par l’interface qui demeure la même avec un panneau d’accueil donnant accès au principales fonctions de jeu : souffle, vibrato et réverbe.
Trois autres panneaux vous permettent de rentrer un peu plus dans les entrailles de la bête : Mix permet de gérer les différents micros réel ou virtuels utilisés ainsi que l’égalisation ou la réverbe à convolution, afin d’obtenir quelque chose de plus ou moins distant. Rien à dire sur tout cela : les contrôles sont simples et efficients, même si l’on a suffisamment de choses à régler à ce niveau pour regretter de ne pas disposer d’un gestionnaire de présets pour cette seule section.
L’onglet Virtual Space permet pour sa part de positionner l’instrument dans une pièce pour créer des sections réalistes avec les autres V-Horns.
Là encore, c’est extrêmement simple : il suffit de pointer un pupitre pour y placer le saxophone, et de choisir une méthode de prise de son. L’image stéréo obtenue est alors pleinement convaincante et permet d’obtenir une section réaliste lorsqu’on répartit les différents V-Horns dans la pièce…
Prefs vous donne enfin accès aux réglages avancés de l’instrument, que ce soit du côté du MIDI (transposition et accordage, courbe de vélocité, contrainte à une gamme, usage d’un breath controler), du côté du sampling (round robin, bruits mécaniques) et enfin surtout du côté du comportement de l’instrument au travers de trois rubriques : pitch, legato et vibrato. Les paramètres sont à peu de choses près les mêmes que ceux dont on disposait sur les Brass, à cette seule différence qu’on dispose de la possibilité de régler la variation de timbre pour le pitch bend et pour le legato.
Comme pour les Brass, ces nombreux réglages seront assez déterminants pour adapter le saxophone à vos désirs, bien entendu, mais aussi pour en créer des déclinaisons qui seront complémentaires en section… Voyons ce que cela donne maintenant en termes de son…
Let’s blow
Le vrai bonheur des V-Horns, c’est le côté intuitif de la programmation qui ne s’embarrasse pas de douzaines de keyswitches pour obtenir un résultat réaliste : si l’on joue legato, les notes sortent en legato, si l’on joue staccato, elles sortent en staccato, tandis que les attaques sont gérées par la vélocité et que le souffle se règle à la molette de modulation. De fait, même en étant un claviériste moyen, on obtient sans trop de peine des résultats probants :
- ALTOlegato(2)00:03
- ALTOstaccato00:03
En queue de phrase, on notera une des articulations disponibles et qui sont plus des ornements destinés à amener un plus de réalisme que de réelles articulations dont vous ferez grand usage….
La belle réussite des instruments tient dans leur vibrato de base, dont la force est dosable en temps réel, et qu’on pourra éditer lorsqu’on veut démultiplier les saxophones et éviter de se retrouver avec des modulations de souffle et de pitch trop similaires pour être crédibles. Voyez ce que ça donne sur le thème de Carless Whispers pour ce qui est du vibrato sur les notes tenues :
Sachant que si l’on dispose de quelques effets spéciaux pour agrémenter un peu le jeu, le pitch bend est aussi bien pratique pour réaliser des effets, soit en fin de note où le souffle se relâche, soit en début pour donner des attaques particulières (ici à la fin du thème). Voyez ça avec la plus fameuse des panthères :
Et le truc génial, c’est que pour peu qu’on soit attentif à la gestion des tessitures, on peut évidemment récupérer la programmation d’un sax sur un autre, ou encore l’utiliser avec les trompettes, bugles et trombones de la Brass Section…
Bref, on obtient vite des choses très convaincantes… dans la limite du raisonnable. Précisons-le en effet, si l’on trouve bien dans les préférences de quoi gérer le Growl, cela demeure trop artificiel si l’on va à fond dans ce registre de l’instrument. Mieux vaut le savoir donc : pour du sax classique ou du jazz-pop relativement sage, ça le fera. Mais pour refaire le Buena de Morphine ou le Out for Lunch d’Eric Dolphy, on n’y est pas…
Mais voyez qu’on peut se faire bien plaisir dans des registres assez larges tout de même, le premier morceau mettant en valeur les différents sax sur une programmation quasi identique :
- WAIT4tom02:18
- CANDopen03:03
Conclusion
Enfonçant le clou planté avec les Brass Section, Acousticsamples réussit complètement son pari et nous livre quatre saxophones qui vont désormais faire figure de référence par leur rapport simplicité/réalisme ainsi que leur faible poids, le tout pour un prix très raisonnable. Et si le jeu bruitiste plus contemporain n’est pas à l’ordre du jour, force est de constater qu’en solo comme en section, ces quatre nouveaux instruments devraient en ravir plus d’un. D’ailleurs, on attend déjà le reste des bois et des cuivres avec impatience, histoire de compléter le Big Band comme l’orchestre symphonique…