Pendant que certaines banques de sons font la course aux gigaoctets, d’autres jouent la carte de la légèreté comme Wallander WIVI qui, avec quelques centaines de mégaoctets, arrive à rivaliser avec les sumos de sa catégorie.
Pendant que certaines banques de sons font la course aux gigaoctets, d’autres jouent la carte de la légèreté comme Wallander WIVI qui, avec quelques centaines de mégaoctets, arrive à rivaliser avec les sumos de sa catégorie.
La puissance des ordinateurs récents permet d’assembler des solutions d’orchestres virtuels jusque-là inimaginables. Il fallait naguère toute une armoire d’Akai ou d’E-mu, ou une batterie de PC et/ou Mac en réseau pour simuler correctement des scores orchestraux, à partir de bibliothèques qui n’étaient pas forcément à la hauteur des moyens mis en route.
Puis sont arrivées les banques gigantesques, telles la Vienna ou le Symphonic Orchestra d’East West. Non seulement il a fallu des bécanes puissantes mais aussi des espaces de stockage en rapport… On peut raisonnablement envisager maintenant de reproduire un orchestre complet et toute autre instrumentation avec deux ou trois MacPro 8 cœurs ou PC.
Il est donc d’autant plus étonnant de voir débarquer des solutions totalement à contre-courant. Ainsi de Synful Orchestra, qui nécessite 140 Mo d’espace disque et Wallander WIVI, objet de ce test, dont la banque complète occupe 241,4 Mo, sans aucun sample. Comparés aux centaines de Go de la Vienna, on commence par sourire. Puis on écoute, et on change d’avis. Revue du Wallander WIVI Player, instrument dédié aux bois et cuivres.
Principe
Le principe adopté par l’éditeur est un instrument hôte auquel on ajoute des instruments. Vendu par téléchargement sur le site de l’éditeur, le WIVI Player est personnalisé avec les données de l’acheteur. Le plug est disponible pour Mac et PC, en VST et AU uniquement. Les vents et bois les plus couramment utilisés sont disponibles (voir page Products sur le site de l’éditeur, chaque “package” d’instruments en offrant trois différents (2 pour les Tubas, 4 pour les French Horns et 6 pour les clarinettes en La et Sib). Mais avant, il faut comprendre le principe de l’instrument et le pourquoi de ces extensions Instruments.
D’abord, le WIVI est un synthétiseur, et non un sampleur. Il ne fait pas non plus de modélisation physique au sens strict, c’est-à-dire qu’il n’émule pas le comportement mécanique ou la structure d’un instrument, mais sa ‘sortie’, le son final. L’éditeur dit avoir analysé un grand nombre de paramètres pour proposer non pas un instrument utilisant des principes de traitement du signal ou de la synthèse, mais des principes acoustiques et les concepts physiques permettant de les décrire. Plus concrètement, on se retrouve en face de paramètres de synthèse spécifiquement conçus pour les instruments et qui ne permettent pas, à l’inverse d’autres synthés utilisant la modélisation, de régler la longueur d’un tuyau, son matériau, la forme de l’embouchure et autres paramètres “physiques”. Quand on charge un instrument, on charge donc une somme d’informations de synthèse et de placement dans l’espace, informations modifiables dans le synthé.
Présentation
D’abord, pourquoi Visual Player ? L’éditeur a créé une interface qui permet aussi bien le travail en profondeur qu’une utilisation très simple : le principe reposant sur le choix d’un instrument et celui de son placement dans l’espace, on peut très simplement ouvrir (ou enlever) un instrument (avec les boutons + et -), le placer sur la scène et déplacer “l’audience”, donc changer le point de vue de l’émission et celui de l’écoute de façon graphique, en procédant par des déplacements dans l’interface centrale. D’autre part, un système de couleur très fonctionnel permet d’avoir en un coup d’œil une information rapide sur les réglages et leur état.
Mais on peut aussi, et c’est là le plus intéressant, intervenir de façon très précise. À gauche on trouvera les réglages propres à la gestion de l’espace (très nombreux paramètres pour la définition de la salle, du son direct, des premières réflexions et de la queue de réverbe) et à droite tous les réglages propres à l’instrument (accord, vibrato, assignation des contrôleurs, etc.). Mais c’est plus complexe que ça. Et en même temps simple, ce qui est la grande force de l’instrument.
À propos de contrôleurs : on peut naturellement jouer du WIVI à partir de son clavier de commande et utiliser la molette de modulation pour les crescendo ou autres effets. Mais le logiciel a été dès le départ conçu pour être utilisé avec un contrôleur à vent, qu’il soit un instrument de type EWI ou un simple contrôleur de type BC3. Ayant investi dans ce dernier, je peux certifier qu’on y gagne énormément, car même si l’on n’est pas joueur de bois ou vent, la complémentarité jeu au clavier et souffle produit des résultats étonnants.
Espaces
Arne Wallander, développeur de WIVI, a voulu que son logiciel soit aussi un support pédagogique. Bien entendu il précise lui-même que WIVI ne prétend pas rivaliser avec les outils pédagogiques professionnels, mais qu’il permet d’ouvrir ses oreilles à des notions d’acoustique.
Il est vrai qu’en termes de réglages, la partie gauche offre un nombre de paramètres assez inhabituel. Il faut envisager le son dans WIVI comme composé de trois couches : le son direct, les premières réflexions et la résonance finale, corrélées à l’espace dans lequel le son est émis. C’est-à-dire que l’espace choisi détermine comment chaque composant sonne. Chaque couche est indépendante des deux autres, ce qui permet par exemple de n’utiliser que le layer Late Reverb ou d’isoler totalement le son de toute résonance, pour utilisation avec une réverbe externe.
Le premier onglet ouvre Room Settings, qui va permettre de créer la pièce dans laquelle on veut placer ses instruments, rien de moins. On commence par choisir le type d’espace : Hall, Studio, Church, External Reverb (son totalement sec), Wet et Dry Sample Library (qui émule l’espace utilisé par les bibliothèques à base de samples). Les trois dimensions sont paramétrables. On peut ainsi créer une boîte de 1 à 500 m de côté… On paramètre ensuite mur par mur (!) les réflexions, ainsi que le bruit propre du micro, avec choix d’une des trois paires de sorties.
On retrouve dans chacun des trois autres onglets des paramètres communs : ainsi le choix de la sortie, les Volume, Hi et Low Cut, Pa, Bass Boost et Cut et la largeur stéréo. Ou encore Ear Angle et Angle Dep. qui règlent l’angle de perception et Falloff qui détermine le ratio chute du son/distance (avec graphiques de contrôle). Late Reverb dispose en plus de réglages de réverbe proprement dite, avec Time (de 0,1 à 20 secondes), PreDelay, Damping et Diffusion.
Un dernier onglet, Global Settings est dédié aux choix de couleurs de l’interface (par thème), de la vitesse de réponse des paramètres (les réglages se font par click’n’drag), du mode de fonctionnement du plug (stéréo, mono et mono compatible) et de la fréquence d’échantillonnage (de 6 à 384 kHz).
Contrôles
On retrouve à droite un système à cinq onglets. Le premier, General Settings, offre Volume, Pan (qui prend le pas sur celui impliqué par la position sur la scène), ainsi que différents réglages Midi, dont celui du Breath CC qui génère la dynamique de l’instrument (on pourra ici remplacer le Breath Controller prévu par n’importe quel autre contrôleur), de tessiture et du pitch bend. À noter que WIVI reconnaît les contrôleurs 14 bits (16384 pas au lieu de 128). On trouve dans le deuxième onglet, Instrument Tuning, les paramètres relatifs à l’accord du synthé.
Le troisième onglet, Vibrato Control, permet de paramétrer deux LFO, le premier dédié par défaut au vibrato, l’autre aux growl et autres techniques. Au menu : retard, vitesse et modification de l’onde d’origine (sinus) vers une dent-de-scie, profondeur, choix des contrôleurs de commande (un pour le taux, l’autre pour la vitesse) et réglages de déviation aléatoire qui permettent d’affecter la régularité des vibrato/tremolo afin d’en réduire le côté artificiel.
On passe ensuite à l’onglet Tone/Timbre. Un premier ensemble de réglages est dédié aux Mute, qui seront spécifiques selon les instruments. Ainsi pour les flûtes on aura un mode Overblown, pour les cuivres plusieurs types de sourdines et… rien pour les clarinettes, hautbois, etc. ce qui est normal. Ensuite on passe au Tone/Timbre proprement dit, qui n’est pas réellement un filtre, mais une série de modifications du son préréglé. Ainsi Amount (0 à 2500 %) règle le volume du timbre hors transitoires et bruits de souffle.
Ensuite on trouve un outil très intéressant, le réglage de formants, car il permet de créer des instruments inédits (un contrebasson dix fois plus grand que l’original, ou une trompette de 2 cm), tout en gardant une sonorité “réaliste”. Ou de s’approcher avec des réglages moins extrêmes d’instruments anciens ou orientaux (serpent, bombarde, ney, doudouk, etc.).
On peut aussi régler niveau, hauteur, profondeur et autres paramètres des différents bruits associés à l’instrument et à l’instrumentiste (bruits de clés, de pistons, de souffle, de lèvres, etc.). Enfin, un ensemble de réglages permet de retravailler le comportement dans l’espace (Angle et Falloff pour chacun des trois layers Direct, Early, Late), mais cette fois n’agissant que sur l’instrument en cours et non l’environnement global. Dernier onglet, Control Parameters, qui offre tout un panel d’ajustements des contrôleurs (portamento, pith bend, breath, randomizer, etc.). Les réglages du contrôleur peuvent être ici peaufinés, avec limite de la valeur reçue et compression, ceci soit de façon globale, soit note par note ! On apprécie aussi le mode Polyphonic qui permet d’ouvrir plusieurs instruments, de leur affecter un numéro de voix (notes graves pour un tuba, notes supérieures pour un hautbois, par exemple). Une façon très simple et pratique d’essayer, voire valider, un arrangement en jouant les accords au clavier.
Résultats
La prise en main est assez rapide, le temps de s’habituer à gérer le “volume” de l’instrument par le contrôleur BC3 (ou avec la molette ou autre CC). Pas de souffle, pas de son, donc une petite gymnastique à prendre, mais une fois acquise, le plug dévoile toute son efficacité, son expressivité et son réalisme. Tous les instruments ne sont pas logés à la même enseigne, certes. Mais nombre de figures difficilement réalisables avec une banque à base de samples sont ici parfaitement et rapidement mises en place. La dynamique continue y est pour beaucoup, car même si on ne dispose que d’un CC à 127 pas, nulle bibliothèque d’échantillons ne peut rivaliser dans la régularité.
On s’habitue aussi à ne pas avoir d’automation ou de Midi Learn. Ceci est dû au choix de l’éditeur d’utiliser une interface graphique “hardware-accelerated”, impliquant que l’interface du plug est parfois prioritaire sur celle de l’hôte. Ce qui peut poser problème en cas d’automation copieuse. Et l’éditeur a prédéfini suffisamment d’assignations Midi pour répondre aux besoins les plus fréquents. À l’usage, on se rend compte de l’extrême importance de la partie “réverbe” : c’est une des grandes composantes du son, plutôt qu’un simple effet. Et même si l’emploi d’une réverbe externe peut être souhaitée, pour intégrer WIVI avec d’autres instruments, on essaiera d’utiliser le plus possible les réglages internes. La précision de l’image, la résonance des instruments dans la salle sont assez bluffantes. Si la destination première de WIVI est l’orchestre, on pourra aussi l’utiliser dans un contexte plus moderne, voire big band pour certains sons (les cuivres bouchés ou wah-wah fonctionnent très bien dans ce contexte).
Prenons quelques exemples : une clarinette contrebasse pour un crescendo sur une trille, par exemple. Ou un hautbois jouant une phrase legato puis staccato, à différentes dynamiques (et non pas vélocité). Un flutter à la trompette, totalement libre, puisqu’on peut adapter son souffle au tempo du morceau, ce qui n’est pas le cas avec du sample. Trois trompettes bouchées, jouées en mode polyphonique, volume au BC et Wah à l’aftertouch.
Voici une flûte, jouée avec les réglages par défaut. On va ensuite remonter le niveau des bruits, puis jouer avec les formants pour créer des instruments inédits (-78 avec transposition Midi moins une octave puis + 78 avec transposition Midi plus une octave, et sans transposition. Un tuba pour finir, naturel, puis transformé à coups de formants, breath noise, key noise, etc. Je vous invite aussi à aller écouter les démos chez l’éditeur.
Conclusion
Wallander WIVI montre qu’à côté des orchestres à base de samples/instruments complets (l’incroyable Vienna et la très attendue version Play du Symphonic d’EW), il y a encore de la place pour d’autres solutions. Les ordinateurs puissants ouvrent aussi le chemin à des avancées spectaculaires en termes de modélisation. Le parti pris retenu par l’éditeur est original, en ce sens où il se démarque de la production, en travaillant la modélisation d’une autre façon. Et le résultat est à la hauteur.
WIVI est un instrument très expressif, et c’est sa première qualité. Pas de bugs ou de sons inexploitables, tout juste quelques bruits ou clicks lors du changement de certains paramètres, ou du passage d’une réverbe à l’autre, mais rien de rédhibitoire, car il ne s’agit pas de paramètres temps réel. Pour un premier logiciel, c’est un véritable coup de maître, d’autant qu’il consomme très peu de ressources CPU, malgré le nombre assez conséquent de réglages, preuve d’une optimisation soignée, très soignée même.
Alors, que choisir ? Samples, modélisation ? Question de goût, certainement, mais aussi de destination et de rapidité de mise en œuvre. Les deux sonnent assurément très bien, même si certains instruments solos version sample ont une qualité d’épaisseur qui semble parfois manquer à WIVI. Pourtant, une fois intégré dans un ensemble, ce “problème” ne se pose plus. Et question rapidité de mise en œuvre, WIVI est imbattable. Pas de layers différents à charger, pas de programmation d’articulations, tout se fait en direct avec une dynamique inégalable. Autre gros avantage, les possibilités créatives : on peut créer des instruments totalement inédits, qui garderont cependant un son “réaliste” et les placer dans des espaces farfelus (limités aux parallélépipèdes), mais soumis aux lois de l’acoustique. Assurément un nom de plus à ajouter aux ténors du genre quand on pense cuivres et bois orchestraux. On attend avec impatience les développements à venir.