Longtemps restées la référence en matière de sonorités orchestrales, les banques de samples de Miroslav Vitous nous reviennent dans un logiciel signé IK Multimedia. Au programme, 2 DVD de sons passés à la moulinette SampleTank pour réveiller le Beethoven qui sommeille en chacun de nous.
Sous la signature d’un musicien légendaire dont seul le prénom suffit à faire frémir d’aise les samplers les plus revêches, IK Multimedia nous propose une compilation de l’une des banques orchestrales les plus réputées dans les arcanes de la production musicale, notamment dans le domaine de l’image. Ainsi Philharmonik Miroslav, tout en reprenant 7 Giga des sons de la collection Symphonic Orchestra réalisée par monsieur Vitous, lui adjoint toute la puissance héritée du moteur audio de SampleTank 2 et de ses fameux algorithmes de stretching, pour nous concocter un plug-in se voulant résolument exhaustif, tant au niveau des instruments que de l’édition. Un mélange détonnant que nous ne saurions manquer d’aller chatouiller…
Né sous des auspices plus que favorables (le jeune homme est dès son plus âge à la fois virtuose et champion de natation !), Miroslav Vitous est un musicien aussi polyvalent qu’expérimenté. Classé parmi les 3 meilleurs contrebassistes mondiaux, mais également pianiste, et violoniste, il participe à partir des années 70 à d’innombrables projets musicaux, en son nom, ou aux côtés d’artistes aussi prestigieux que Miles Davis, Joe Zawinul ou Stanley Clarke. Mais s’il décide de se consacrer essentiellement à la composition depuis une quinzaine d’année, enregistrant de nombreuses œuvres pour orchestre et basse solo, il se lance aussi dans la grande aventure du sampling en produisant des banques de sons dont le réalisme et la chaleur font vite l’unanimité de ses pairs de tout poils (sans jeu de mot !).
Ainsi, enregistrées au Dvorak Symphony Hall de son Prague natal, avec le concours de l’orchestre philharmonique de Tchécoslovaquie, et éditées avec un soin et un sens musical à l’image de leur producteur, les instruments virtuels de Miroslav Vitous sont devenus depuis plusieurs années des incontournables dans le monde de l’orchestration virtuelle, notamment en matière de cordes, lesquelles sont jugées par de nombreux compositeurs comme inégalées jusqu’à présent, et utilisés dans des centaines de bandes originales.
Dans ce contexte, il était bien naturel qu’un éditeur comme IK Multimedia tente d’associer son nom et de donner un second souffle à cette incomparable collection, en lui apportant son expérience dans le domaine du traitement des samples. Et c’est maintenant chose faite, grâce au Miroslav Philharmonik, qui reprend la majeure partie des banques de sons existantes, plus quelques enregistrements inédits, en les passant dans la moulinette sophistiquée du sampler phare d’IK, Sampletank 2. Résultat : une workstation virtuelle comprenant plus de 1200 instruments sur 7 Go de données, dotée d’une multitimbralité de 16 canaux, d’une vingtaine d’effet, et d’une trousse à outil d’édition complète, laquelle comprend notamment le nouveau moteur de stretching patenté par l’éditeur. De quoi avoir l’eau à la bouche, non ? Bon, installons vite tous nos musiciens dans le confortable hôtel de notre disque dur…
Installation
Comme d’habitude chez IK, pas de problème de ce côté, où tout est fluide et facile, même pour le plus dummie des informaticiens. On a vite fait de déglutir les 2 DVD de données, et l’on est ravi de la relative minceur de notre orchestre, qui ne nécessite pas, à l’heure du gigantisme obligé, de passer une demi journée à fourrer des galettes dans le lecteur avant de pouvoir poser ses doigts sur le clavier. On se rappelle d’ailleurs à l’occasion que monsieur Vitous est un champion dans la catégorie des légers, et qu’il nous a habitué depuis le début de son travail sur le sampling à un rapport qualité/poids absolument époustouflant. Cette installation nous prouve donc que ce nouveau produit s’inscrit dans cette lignée, et n’a pas cédé à la mode de la surcharge pondérale.
Un peu moins rapide par contre, l’inévitable procédure d’autorisation nous conduit aux habituels allers et retours entre le site d’IK Multimedia et le soft, et après avoir rempli tout un formulaire permettant à l’éditeur italien de cerner notre profil psychologique et de déceler d’éventuelles névroses cachées que nous n’aurions pas pu jusqu’alors exulter sur le divan, on peut in fine planter fougueusement notre petit dongle rouge dans un port USB libre et frétillant, et monter sur le podium du chef d’orchestre (j’allais ajouter : la baguette à la main, mais là franchement, ç'eusse été abuser de votre bon goût !)…
Les musiciens
Philharmonique, c’est presque une litote, pour qualifier l’ampleur du débarquement musical que nous prescrit monsieur Miroslav. En effet, non seulement on retrouve les éternels Dalton de l’orchestration classique, à savoir les inséparables cordes-cuivres-bois-percussions, ici solistes ou déclinés selon de nombreux et néanmoins subtils assemblages verticaux (ensembles) ou horizontaux (splits), mais on découvre aussi toute une armada complémentaire constituée de clavecins, d’orgues, de guitares classiques, de harpes, de pianos et même de chœurs très complets, féminins et masculins. Bref une Arche de Noé remplie des espèces les plus rares et précieuses.
Grâce à un browser, mais aussi à un moteur de recherche fonctionnel, on peut naviguer parmi les innombrables patchs qui, non contents de proposer pratiquement tous les timbres de l’univers orchestral classique, nous fournissent aussi de nombreux modes de jeu ainsi que la plupart des effets propre à chaque instrument, échantillonnés sur plusieurs niveaux de vélocité. Ainsi, vibrato, staccato, détaché, pizzi, sul ponte, tremolo et autres petits trucs de pros sont là pour pimenter nos séquences en leur donnant tout le réalisme nécessaire.
De plus, grâce à des patches combinant ces divers modes de jeu, leur intégration est particulièrement pratique et l’on peut, sans être un virtusose du changement de programme, réaliser des tracks sophistiquées en un temps record, et sans notice.
Le moteur
Conçu avec le moteur de Sampletank 2, Philharmonik jouit de toutes les performances techniques apportées par ce logiciel. Bénéficiant pour l’occasion d’un skin boisé en forme de violon très classieux, l’interface propose donc tous les outils d’édition du célèbre sampler.
Ainsi, on dispose tout d’abord de 256 voix de polyphonie et de 16 sorties stéréo, affectables à chacun des 16 multi timbres, pour pouvoir traiter indépendamment chaque partie à l’intérieur du séquenceur. Cependant, un multi effet comprenant une vingtaine de presets (delay, EQ, compression, Filtre, distorsion, chorus, flanger…) dont une réverbération CS (Classic Studio Reverb) spécialement conçue pour les sons orchestraux, sera largement suffisant dans la plupart des cas. En effet, en plus de 4 envois d’effets Master, chacun des 16 instruments dispose de 4 inserts supplémentaires et autonomes.
L’édition s’accomplit grâce à une matrice de potars fixes, s’assignant automatiquement aux différents réglages proposés par les effets sélectionnés. Enfin, un mode MIDI Control permet d’affecter les numéros de contrôleurs MIDI à chaque paramètre, offrant la main en temps réel sur ceux-ci, et sans souris si l’on dispose d’un contrôleur hardware. Dommage ici qu’un mode Learn ne rende pas l’assignation plus intuitive.
Modulation
Côté modulation, l’interface donne un accès direct aux divers outils de synthèse classique, permettant de sculpter à loisir les échantillons de bases et de gérer leur comportement dynamique.
Au menu, 2 LFOs à 5 formes d’ondes assignables au volume, à la hauteur ou au filtre, 2 générateurs d’enveloppe (l’un assignable à l’amplitude et l’autre à la hauteur et au filtre), un filtre (LPF, BPF, HPF) avec 3 niveaux de coupure (6, 12 ou 24 dB par octave), un mode Velocity très efficace, permettant d’adapter la réponse d’un instrument (le pitch bend, le volume, le filtrer…) en fonction de la force de jeu, et un mode Macro, dédié aux contrôles spécifiques à chaque instrument, comme la vitesse du vibrato, ou le swell.
Enfin, pour les maniaques de la chirurgie, un mode Zone permet d’appliquer les différents paramètres d’édition à chaque note d’un patch, pour affiner par exemple l’attaque d’une partie seulement de la tessiture d’un violon, ou créer des effets de panoramique en fonction des notes utilisées dans une séquence : pratique !
Stretch patenté !
Mais la marque distinctive de Philharmonik est le recours aux 3 moteurs différents de Sampletank 2 pour la gestion des hauteurs et des durées. En effet, on trouve, en plus des traditionnels modes Resampling et Time/Pitch (ce dernier plus spécialement dédié à la synchronisation des loops), un nouvel algorithme baptisé Stretch qui permet des performances exceptionnelles dans le domaine des instruments multi-samplés. Ce dernier autorise ainsi des crossfades naturels entre les différents échantillons, sans le décrochage des enveloppes respectives que l’on observe souvent lors du jeu en tenues assez longues.
La chose est aussi très efficace sur le staccato et le pitch bend (particulièrement réussi sur les cordes), où elle procure une attaque franche, d’une précision dynamique impressionnante, due là encore à l’homogénéité des enveloppes quelle que soit la hauteur des notes utilisées dans un accord.
Des solistes performants
Comme nous l’avons évoqué, Philharmonik propose une liste pratiquement exhaustive de tous les instruments de l’orchestre classique, joués sur une large palette de registres, en ensemble et en solo. Or côté soliste, on est immédiatement impressionné par le réalisme des patches.
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Dans pratiquement tous les domaines, le soft fait des merveilles, tant au niveau de la chaleur et du réalisme des sons, que de la souplesse et du feeling du toucher, et il est difficile de prendre un instrument en défaut, sauf peut-être les pianos qui sont probablement les moins réussis du groupe. On appréciera par contre les patches de percussion, ici particulièrement bien conçus, et très complets.
Bref, dans chaque catégorie, les différents samples, profitant du moteur audio de Sampletank 2, semblent tous avoir une vie propre, évoluant dans le temps avec des enveloppes subtiles et totalement conformes au jeu réel. Le Stretch fait en plus ici des merveilles, permettant non seulement d’adapter au tempi les tenues et les glides, mais aussi les tremolos, qui perdent définitivement le côté mécanique que l’on retrouve dans la plupart des banques, aussitôt que l’on tente d’incorporer ce genre d’effet dans un ensemble.
Les orchestres
Plus ici encore que la qualité des instruments séparés, ce qui est particulièrement jubilatoire avec Philharmonik, c’est les nombreuses combinaisons d’instruments (plus d’une centaine) qui nous sont proposées. Elles permettent en effet de composer rapidement des orchestrations variées et réalistes qui, dépassant de loin le seul champ de l’orchestre classique, s’étendent la pop et à de nombreux autres styles.
On reconnaît ici toute l’expérience de compositeur et d’orchestrateur de Miroslav Vitous, qui, parallèlement aux layers habituels d’ensembles de cordes ou de cuivres, nous propose ici des textures complexes et originales, fabriquées à partir d’assemblages incroyablement musicaux et faciles à jouer sur le clavier. Point en effet besoin de passer de longues heures à réapprendre sa technique, les ensembles instrumentaux semblent prendre vie juste derrière les monitors, avec caractère, mais aussi souplesse.
Duo basse/piano, quatuor à corde, chorale, ensemble contemporain, orchestre de chambre ou philharmonique complet…
Un seul clic, et l’on part immédiatement pour un univers nouveau, revêtant une multitude de visages à la fois expressifs et précis, où les instruments les plus divers semblent s’unir dans une osmose rarement synthétisable avec une machine : du grand art, il faut bien l’avouer, et l’on se plaît à découvrir que même avec des lacunes considérables dans la science de l’orchestration, on est d’un seul coup devenu un véritable gourou de l’arrangement.
Conclusion
C’est le côté immédiat et intuitif qui constitue la qualité essentielle de Philharmonic Miroslav. Car où que l’on se dirige à travers ce magnifique paysage orchestral, on est toujours séduit par l’efficacité des patches, qui sonnent tout de suite, même avec peu de virtuosité ou d’habitude du clavier. Il sera donc idéal non seulement pour les pros de la séquence, qui trouveront, à côté de patches exceptionnellement bien conçus, tous les éléments nécessaires à un travail de montage et d’édition approfondis, mais aussi pour ceux qui, sans vouloir se prendre la tête, ont besoin de textures instrumentales convaincantes et faciles à jouer. Bref, une superbe réalisation…