Complétons le tiercé RMI de la semaine par la Sonic Spark, un préampli Enhancer qui fait la différence...
« Bonjour Monsieur le commerçant !
— Bonjour madame, vous allez bien ?
— Oh oui, il fait un vilain temps, mais on fera avec !
— Ah ça, on nous a volé notre été ! Et il vous fallait quoi ?
— Mon fils vient cet après-midi, je vais vous prendre une bonne basse et une tête d’ampli avec, qu’avez vous de frais ? Il adore groover mais de temps en temps, mais il n’a rien contre un bon vieux growl.
— Vu la tendance, je vous mettrais bien une petite japonaise légère et dynamique et pour compenser, il y a du tout-lampes qui vient d’arriver. Ça lui donnera le change et du caractère, il sera content !
— Eh bien je vous fais confiance, la série L de Pâques lui a fait bien plaisir. Samedi, je reçois ma petite nièce, vous savez celle qui slape comme une furie, je passerai vous voir.
— N’hésitez pas, j’ai un excellent jeu de cordes à lui conseiller et puis j’aurai peut-être les nouvelles Lakland. Avec un bon préamp derrière, toutes les petites filles de son âge en raffolent !
— Ah mais que seraient nos enfants sans la guitare basse ?
— De la guitare peut-être. De la batterie ou pire… du piano !
— Hihihi, comme vous êtes taquin !
— Et avec ça ?
— Je ne sais pas trop, je me risquerais bien sur une pédale, mais on a déjà tout.
— Impossible que vous ayez ceci ! Tenez, c’est la petite dernière de chez RMI, qui débarque fraîchement du Luxembourg. Elle est toute chaude, il m’en dira des nouvelles.
— C’est parfait, je la prends.
— Je vous mets ça sur la note ?
— Oui et n’oubliez pas quelques médiators, c’est pour ma vieille Precision !
— Les plus vieilles sont les meilleures, comme en amour Madame…
— Hihihi ! Bonne journée Monsieur !
— Merci pour votre visite et à demain !
Elle ne fera pas d’étincelles
Le terme Spark est pourtant la traduction de ce qui précède la flamme ou du moins la lumière. Alors une “étincelle sonore”, moi je dis pourquoi pas. Les musiciens que nous sommes sont aussi sensibles à l’allégorie mercantile. Mais en somme, de quoi s’agit-il ? Eh bien, nous testons aujourd’hui un Enhancer et cela n’est pas rien, puisque c’est une première dans mes colonnes.
J’en profiterai pour parler de l’objet, de sa forme et même de son incidence sur votre grain.
Mais avant cela, un peu d’histoire…
Qui l’Aphex ?
Vous l’avez lu précédemment, l’égaliseur consiste à pousser une part du spectre sonore du signal, en ajustant le gain des fréquences qui le compose. Mais ce processus a ses limites, puisqu’il se résume à exploiter des fréquences déjà existantes : un égaliseur ne pourra pas sauver les murs si le signal manque trop d’aigus et si on s’amuse à trop pousser les bandes extrêmes, on finit par générer du souffle. Cette impasse perdura jusqu’au jour où un ampli défectueux produisit un miracle tout à fait commercial. On est en 1975, dans un atelier quelque part dans le Massachusetts : Curt Knoppel est en train de monter un amplificateur. En le mettant en route, il se rend compte que l’ampli fonctionne mal en stéréo, l’un des canaux ne donnant qu’un signal faible et distordu. Mais c’est en passant ce même ampli en Mono, que le futur inventeur fit une découverte qui allait bouleverser sa carrière d’ingénieur : une fois bridgé, l’ampli produisit un signal mieux définit que l’original. Ce résultat étonnant incita l’ingénieur à démonter l’amplificateur, pour trouver la cause du phénomène. Une fois éclairé sur ce point, il motivera Marvin Caesar à le joindre dans la conception d’un système basé sur l’incident technique. Et l’Aural Exciter naquit dans la foulée, ainsi que la marque Aphex. Voilà pour la légende.
Je terminerai par le côté marrant de cette petite anecdote : si l’origine du produit phare de la marque est assez invraisemblable, il en va de même pour sa commercialisation. Pour garder le secret de leur découverte, les deux fondateurs d’Aphex System décident d’abord de ne pas vendre l’Aural Exciter, mais de le louer aux studios, à 30 dollars la minute d’enregistrement ! Si vous avez des disques d’époque, enregistrés à Los Angeles, cherchez bien au dos des pochettes. Vous y trouverez peut-être la mention : “Mixed with the oral exciter”.
Ainsi naquit l’Enhancer, dont la première appellation ainsi que le concept, furent l’objet d’un brevet. Par la suite d’autres marques se mirent sur ce marché en élaborant de nouvelles approches pour aboutir au même résultat.
Comment cela fonctionne ?
Vulgarisons les amis, pour essayer de comprendre comment cet outil fait le travail.
Vous l’avez compris, un enhancer va apporter quelque chose de plus à votre signal et pour le faire, chacune des marques qui s’y risquent a sa recette. Pour faire court et passer vite au concret, les enhancers se concentrent pour la plupart sur le principe de distorsion harmonique. On épure une partie du signal, en le débarrassant des fréquences qui dérangent (filtre passe-haut) et on l’envoie dans un processeur dynamique qui va générer des harmoniques. Il suffit ensuite de réinjecter une petite partie du signal obtenu à celui d’origine et le tour est joué. Un peu comme un sportif à qui on réinjecterait son propre sang après l’avoir entreposé au freezer, votre son est dopé.
Les harmoniques viennent galber votre grain, en haut, mais aussi en bas de son spectre, en fonction de ses besoins. Et ce qui est bien dans tout cela, c’est que cela affecte à peine votre gain.
La Sonic Spark s’aventure sur des terres presque vierges, jusque là, peu de marques ont mis sur le marché des Enhancers spécifiques à la basse. On notera la participation notoire d’Aphex sur ce segment étriqué avec le Bass Exciter, aujourd’hui discontinué et remplacé par un produit hybride.
RMI a donc les coudées franches, voyons si son bébé sait ramer…
Viens là que je te branche…
Même boîtier, même nombre de contrôles que ses sœurs précédemment lues, la Sonic Spark est pourtant différente dans son contenu. Le footswitch sert bien évidemment de bypass, quant aux potards, leur fonction est particulière. D’abord il faut considérer ces réglages comme deux panneaux indépendants en soi. Car en plus d’être un enhancer, la Sonic Spark est aussi un préampli qui embarque un égaliseur, qui pour être plus précis, se résume à un contrôle de contour. Les potards “Gain” “Bright/Deep” et “Intensity” servent à manipuler la section préampli :
— “GAIN” permet d’ajuster le niveau de sortie du préampli.
— “Bright/Deep” ajuste la position du contour sur la courbe de votre son, vous pouvez ainsi placer le creux plus près des graves ou des aigus ou vous décider à le laisser au milieu. En fonction du décalage opéré, vous pourrez creuser les médiums ou révéler une partie de leurs fréquences à l’aide d’un simple potard.
— Et enfin “Intensity”, va vous permettre d’affecter le niveau du contour, de creuser plus ou moins.
De son côté, le potard Enhance gérera seul le niveau des harmoniques ajoutées.
Techniquement, cette pédale demande de la pratique pour être maîtrisée, car si en soi il est facile de gérer les deux étages individuellement, il est plus délicat d’user des deux simultanément, car les deux sections agissent un peu comme des vases communicants. Et c’est bien logique : puisque le générateur d’harmonique se place en aval du circuit de contour, il en sera forcément tributaire.
Mais en usant d’un peu de patience, on aboutit à une méthode qui marchera à peu près sur toutes les basses, tant que l’on dispose d’une oreille attentive. Car tout se jauge à la feuille sur la Sonic Spark. Laissez-moi vous l’expliquer en musique, si vous le voulez bien.
Comment poser un enduit musical
Pour ces prises, je n’ai pas pu utiliser ma propre basse, mais celle de la rédaction : une Jazz Bass mexicaine, branchée directement dans la pédale. L’interface utilisée est une Steinberg UR22.
D’abord, il faut baisser tous les potards de niveau à zéro pour régler le gain. On tourne donc l’Intensity et l’enhancer à fond à gauche. Puis on règle le gain, en fonction de celui de sa basse.
Il faut ensuite régler le potard “Bright Deep” pour ajuster la position du creux ainsi que sa profondeur avec le potard intensity. Je vous laisse écouter l’action de ce réglage, sur une progression allant du plus grave à l’aigu, l’intensité étant réglée à mi-course.
Le potard Intensity est capital, car il vous permet de réduire la profondeur du creux et ainsi d’augmenter la tranche des médiums. En fonction de la position du creux, vous pourrez ainsi choisir le type de médiums qui vous intéresse, les hauts comme les bas. Il suffit ensuite d’ajuster le niveau de l’enhancer en fonction de ce qui manque. Sachant que plus on le pousse, plus on ajoute d’harmoniques dans les aigus et les médiums, sans rien enlever aux graves. Écoutez ce qui suit, j’ai mis tous les réglages de l’étage inférieur à mi-course et j’ai simplement enregistré une incrémentation de ce potard. La première ligne de cette piste est prise avec le niveau à zéro, pour que vous puissiez entendre l’effet produit.
Si le Classic Boost comme le Clean Boost proposent tous les deux un égaliseur plus évident à gérer (trois bandes élémentaires), la Sonic Spark donne plus le change sur l’ajustement de la tranche des médiums. Reste maintenant à vous faire entendre quelques mises en application. Les lignes de basses étant les mêmes que dans les tests précédents, d’abord une ligne en bypass, puis la même avec l’effet activé :
- 3 Groove 00:22
- 4 Oldie 00:22
- 5 Slap 00:22
Je n’ai pas réussi à peaufiner le rendu de slap comme je l’aurai souhaité. Sur cette prise, mes ajustements poussent un peu trop, ça sature presque et ça n’était pas mon intention première. Il m’aurait fallu un peu plus de temps en studio pour mieux faire et pour être franc, les cordes de cette basse qui n’est pas mienne, sont assez rincées. J’aurais pu, je pense, ajuster un peu mieux le gain après en avoir réglé l’Enhancer. Par contre, sur toutes les autres prises, je suis assez satisfait de ce que j’entends et me dis que cette pédale, bien maîtrisée, peut proposer bien des services à un bassiste qui souhaiterait ajouter juste ce qui manque au ramage de sa belle.
Ecoutez particulièrement l’extrait au médiator, comme le grain des deux micros simples prend du punch pour sublimer le growl, une fois que l’on active la pédale. Je trouve aussi que l’extrait joué au pouce, à l’ancienne sur le micro grave, est très évocateur…
Bien joué
Avec cette nouvelle trilogie proposée par RMI, la marque complète savamment son catalogue de préamplis pour basse, avec des pédales à la fois plus accessibles et orientées, sans jamais faire l’impasse sur la qualité des composants employés. La Sonic Spark (257€) conserve les attributs de ses sœurs : un footswitch silencieux, un bypass avec buffer, une alimentation externe mixte et une qualité sonore qui est à la hauteur de sa transparence. C’est un produit original qui pourrait s’imposer sur ce marché de niche, on peut l’utiliser seul ou en complément d’un autre préampli, pour étoffer efficacement le signal d’un instrument. Reste à savoir si les bassistes sauront lui tendre la main. On espère en tous cas que si ce circuit ne rencontre pas le succès escompté en tant que pédale, la marque pensera à l’ajouter à toutes les futures éditions de ses préamplis !