32 Go de formes d'onde, 160 instruments venus de toutes les cultures musicales, une programmation up to date, un moteur audio puissant…. Le Colosse de Quantum Leap serait-il la nouvelle référence en matière de banque de sons universelle ?
32 Go de formes d’onde, 160 instruments venus de toutes les cultures musicales, une programmation up to date, un moteur audio puissant…. Le Colosse de Quantum Leap serait-il la nouvelle référence en matière de banque de sons universelle ?
Créer une banque gigantesque, qui puisse mettre à disposition une large palette d’instruments, suffisamment éclectique pour pouvoir s’aventurer bien armé dans la plupart des styles musicaux, tout en conservant une interface simple et pratique, facile à maîtriser, tel est le but que Quantum Leap s’est promis d’atteindre avec Colossus, qui, avec un tel patronyme, se devait d’être un projet conséquent s’il en est. Et effectivement, on nous la fait plutôt titanesque, avec 8 DVD contenant plus de 32 Go de données audio. Certes, quand on est un éditeur qui a su s’imposer avec pléthore de produits unanimement plébiscités par les compositeurs les plus différents, l’idée semble un peu plus facile à réaliser.
Car non seulement on possède un savoir faire qui permet de mieux gérer l’apparente démesure d’une telle entreprise, mais on a en plus en réserve dans sa besace un certain nombre de provisions que l’on va pouvoir utiliser, ou plutôt réutiliser. C’est en effet en partant d’une sorte de best of de ses meilleures banques de sons, ainsi que de celles conçues en collaboration avec East West, que Quantum Leap a ébauché Colossus, dont le concept même, de par son ampleur, permettait de recycler, sans trop de risque de critique, les incontournables de la maison.
Du bon grain
C’est ainsi que l’on récupère déjà 15 Go d’instruments octétisés empruntés aux différents titres phares de EW/QL, comme Symphonic Orchestra, Steinway B Piano, Stormdrum, Guitar and Bass, 56 Strat, Hardcore Bass, RA, Brass, Voices of the Apocalypse… De quoi se réjouir lorsque l’on a louché depuis un certain temps sur ces merveilles sans pour autant se décider à craquer : ils sont là réunis, en un seul lot, pour le meilleur et pour le pire.
Mais comme nous n’avons pas affaire à n’importe qui, et que l’éditeur ne saurait se contenter d’une simple compil (qui, même Colossale, sentirait un peu trop le réchauffé), Quantum Leap a entièrement remis à jour la programmation des banques existantes pour les rendre plus fluides, et nous gratifie de 15 Go d’instruments supplémentaires d’une part (enregistrés en 24 bits au studio B d’Ocean) et d’un piano de 2 Go d’autre part (samplé quant à lui en Europe, sur un magnifique Fazioli F308 réputé pour ses tonalités chaudes et son sustain exceptionnel). C’est ainsi que l’on se retrouve avec une somme de plus de 160 instruments venus de tous les coins du monde, gérés par Kompakt, le célèbre sampler virtuel de Native Instruments. Des instruments qui peuvent également être lus, pour ceux qui l’ont déjà sur leur disque dur, par Kontakt, dont la toute nouvelle version 2 devrait rassasier les accros de la triture et du sound design. Voilà qui augure de savoureuses nuits blanches!
Installons !
Et comme il est déjà assez tard, commençons donc sans perdre de temps, d’autant qu’il va falloir pas mal de manutention avant d’avoir enfin le plaisir d’entendre gémir notre chère carte son sous les telluriques assauts de notre Colosse. En effet, il faut les décharger, les 8 DVDs ! D’autant que dans le domaine de l’installeur, Quantum Leap ne s’est pas trop cassé la nénette.
Pas d’interface psychédélique où une sulfureuse animation vous offre un café tout en vous passant quelques bandes annonces des dernières sorties, pendant que les drives crépitent. Non, un simple utilitaire qui vous drope le plug-in et/ou le stand-alone dans la bécane là où il se doit (sans aucun soucis, il faut tout de même le préciser), et puis ensuite, on se termine à la main en copiant d’énigmatiques fichiers « nks » (suffixe des banques de la famille Native Instrument) dans le dossier du programme, en allant chercher sur chaque DVD le chemin d’accès idoine.
Vous allez m’objecter que franchement, ce n’est pas la mer à boire. D’accord, d’accord ! Mais quand même, pour les presque 1000 petites boules que notre Codevi a dramatiquement vu rouler au loin, non sans retenir un douloureux grincement, un peu de décorum n’aurait pas fait de mal ! Ne serait-ce qu’un petit message qui, comme le font les installeurs des produits Spectrasonics, par exemple, nous guide en nous indiquant lorsque qu’il faut changer de disque, et nous rassure en affirmant dans une petite bulle en bas de l’écran que, vous allez voir ce que vous allez voir, le temps ici perdu en vaut vraiment la peine ! Avec l’âge, on devient vraiment pointilleux, voire pénible, m’enfin !
Bon, il est vraiment tard, alors laissons la procédure d’autorisation pour demain puisque l’on a encore 14 jours libres de droit avant de se connecter à Internet pour échanger quelques nombres à 1000 chiffres avec le serveur de Quantum Leap, procédure qui nous permettra de jouir définitivement du soft, et, hic et nunc, examinons de plus près les pieds de ce Colosse, qui ne semblent apparemment pas faits d’argile.
Le credo absolu
La devise de Colossus est claire et simple : dépasser tout ce qui a été imaginé jusque ici en matière d’éclectisme et de qualité, pour fournir un outil total, qui, dans l’idéal, un peu à la manière d’un clavier Workstation traditionnelle, mais avec une banque de sons de 100 à 500 fois plus lourde, permettrait de se passer de tout le reste. D’ailleurs, pour enfoncer le clou de l’universalité, la banque possède une section entièrement compatible GM, déclinant luxueusement les 128 presets de la norme internationale.
Bref, song-writing, musique de film, post-production, sound-design, illustration… Tout ce dont vous avez ou pourrez avoir un jour besoin en matière d’arrangement, quelque soit le cours que prenne votre existence musicale, ce couteau suisse de l’instrument virtuel sera capable de vous l’apporter. Fini les innombrables dossiers regorgeant de plug-ins aux configurations interminables : on installe Colossus juste après son séquenceur favori, et un point c’est tout ! Evidemment, ce credo va très probablement faire se dresser plus particulièrement les oreilles des voyageurs qui, travelling light, n’auront plus ni besoin d’alourdir inutilement leur laptop avec de multiples soundbytes désormais inutiles, ni à s’inquiéter, en tournée, de vérifier que la liste de voyage est complète: un pour tous et tous poubelle, voilà l’idée !
LA totale
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Certes, cela sonne assez bien sur le papier… Voyons donc ce qu’il en est sur le terrain, avec tout d’abord une petite balade dans les dédales de ce nouvel orchestre universel, et commençons à explorer les menus déroulants que nous livrent les 8 slots d’instruments proposés par Kompakt…
Effectivement, c’est assez massif ! Et, après quelques centaines d’heures passées à promener ses arpèges sur le clavier d’à peine un dixième des patches disponibles, le pauvre rédacteur du test que vous avez sous les yeux en vient inexorablement à se demander s’il ne convient de faire, plutôt qu’un article, une encyclopédie des instruments de musique, ou tout simplement, pour être plus réaliste, de tenter de parler des sons qui ne figurent pas dans l’interminable sommaire ici proposé. Mais dans un cas comme dans l’autre, cela semble difficile d’arriver à un résultat honnête : tout y est, c’est vrai, et avec une qualité de sampling irréprochable.
Ainsi, on a beau s’entêter à trouver la faille, c’est un véritable mur du son qui se dresse devant nous, la symphonie d’un nouveau monde où toutes les factions vivraient ensemble, sans frontière ni de lieu ni de temps, une tour de Babel où toutes les portées se donneraient la main, jetant leur clé par-dessus bord, une véritable maison bleue sur la colline VST, un Nirvana MIDI… Bon, demain, j’arrête !
5… 4… 3… 2… 1… Partez !
Drums vintages, funk, country, jazz, électroniques, rock; percussions brésilienne, orientales, afro-cubaines, asiatiques (de très beaux Taiko !), océaniques ; instruments world regroupant flûtes diverses, cornemuses, cordes du moyen orient, ocarinas, sitars, shamisens et autres binious insensés; racks de guitares protéiformes regorgeant de Strats, de PRS, de basses Fender, de contrebasses jazz, ou de fretless au milieu des banjos, des mandolines, des ukuleles (de la cocotte crunchy aux pelles ultra métal, du chorus surfin’ aux picking country, de l’arpège de Ségovia aux runs de Satriani, tout est ici représenté) ; instruments diatoniques (marimbas, xylo, glockenspiel…), orgues d’églises, accordéons, bandos, clavecins ; claviers (CP-80, DX7, Clavinet, sans oublier un splendide Fender Rhodes exceptionnellement chaleureux et réaliste) et pianos, dont le Fazioli en 2 versions (1 ou 2 Go), plus un Steinway B et un Honky Tonk pur ragtime ; orchestre symphonique au grands complet avec sections et instruments soliste, sans oublier les percussions (timbales, tubular bells…) ni les pêches d’ensemble ; cuivres plus modernes destinés aux sections bien groovy comprenant plusieurs trompettes (salsa, pop, jazz), toutes les catégories de sax, trombones et même tubas ; chœurs féminins et masculins ; orgues vintage (farfisa, B3, Vox Continental) ; drones en tous genres, avec 3 Go d’atmosphères utilisant la technique du morphing pour des variations à l’infini, plus une collection de soundscapes baptisés NewAge, qui comme leur nom l’indique viennent ici dérouler leur immense carré de ciel éthéré ; et enfin, panoplie de synthés (également avec morphing) déclinants les pads, les basses et les leads sur tous les modes de l’odyssée analogique…
Bon, si vous n’êtes pas encore asphyxié après la lecture de ce bottin mondain de l’avalanche sonique, il est temps de reprendre votre souffle et de me dire un peu ce qu’il va vous manquer une fois que vous aurez pour complice ce démon du MIDI.
Et les RAMes ?
Bien entendu, non seulement les samples sont d’une qualité irréprochable, mais la programmation soignée, qui tire tous les avantages des avancées technologiques des nouveaux moteurs audio comme celui de Kompakt, donne fluidité et réalisme à la plupart des patches.
Ainsi les batteries et les percus profitent de la technique du déclenchement aléatoire (le moteur ne lit jamais 2 fois le même sample pour recréer l’imprécision de la frappe humaine), le vibrato des choeurs peut être déclenché par une molette de contrôle, tous les programmes de guitare peuvent aussi être modulés par un filtre assignable, pour assouplir le son avant qu’il ne soit envoyé dans une chaîne d’effets, et enfin, pour les pressés, la section GM, regroupant 14 Go des meilleurs presets, (elle est ainsi la plus imposante du marché à l’heure d’aujourd’hui) permet d’ébaucher un projet sans perdre de temps à feuilleter dans l’interminable index de Colossus ! Ne serait-on pas comblé à moins ?
D’autant que tout ce beau monde s’organise parfaitement grâce à la simplicité de Kompakt dont l’ergonomie exceptionnelle à fenêtre unique n’est plus à démontrer, saufs aux sceptiques qui n’hésiteront pas à aller consulter dans les archives d’Audiofanzine les nombreux tests sur les banques de son virtuelles utilisant ce moteur audio. On est ici tout de suite en selle, avec un outil puissant offrant 256 voix de polyphonie, un traitement audio en 32 bits, une multi-timbralité de 8 instruments, ainsi que de nombreux outils de sound-design (filtres, LFO, enveloppes, réverbération, délai, chorus…) sans oublier la fameuse fonction DFD qui permet de lire les échantillons à partir du disque dur, et de charger par exemple 8 Fazioli d’un coup, même si l’on ne possède que les 512 Mo de RAM minimum requis (notons quand même que l’éditeur en recommande 1Go) .
Sans hésiter ?
Sans hésiter ?
J’en vois qui sont déjà partis en courant comme des dératés direction le magasin de musique le plus proche pour ne pas louper un tel évènement ! Et ils n’ont sans doute pas tort, car Colossus est un véritable foudre de guerre dont l’inénarrable éclectisme permet de se tirer de pratiquement toutes les galères. Et aussi bien sur scène qu’en studio, un disque dur chargé de ses 32 Go de pur bonheur ne sera jamais en manque de répartie. Certes, il y a le prix à payer, car on est quand même dans les tops du reuch, même si, au bout du compte, vu la surface, on n’est pas si cher que ça au mètre carré (à peine 6 euros l’instrument !).
Cependant, même si l’ensemble de la banque est sans reproche, la plupart des instruments, comme presque toujours lorsqu’il s’agit de sampling de haut niveau, avec de très longs échantillons, ont une personnalité très marquée, ce qui, tout en étant une qualité indéniable, peut aussi poser quelques problèmes dans l’agencement, le cachet, et la compatibilités des séquences. Et l’on sait très bien que dans le domaine du MIDI, qui peut le plus ne peut pas forcément le moins.
C’est d’ailleurs ce que l’on constate lorsque l’on regarde d’un peu plus près cette fameuse compatibilité MIDI proposée ici. Certes, on possède bien une banque homologuée, avec ses 128 patches réglementaires. Mais ce n’est pas pour autant que l’on retrouve le côté pratique d’une bonne veille Workstation hardware ou software ne disposant souvent que 32 Mo (et non Go) de formes d’onde, mais permettant de lire vite fait n’importe quel fichier GM en appuyant sur un seul bouton ! Si le titre *.mid qui nous intéresse est composé d’une dizaine d’instruments, il faudra non seulement ouvrir 2 instances de Kompakt, mais aussi assigner chaque son à chaque slot (et donc repérer chaque program change), puis à chaque canal MIDI, puis affiner les niveaux… Bref, une bonne petite demi-heure au minimum ! Ce n’est donc pas cela la véritable force de Colossus, mais bien plutôt son incroyable éclectisme, et la qualité de ses patches dont certains (comme le Fazioli ou le Rhodes) approchent les sommets du genre.
Mais de ce fait même, il s’adresse néanmoins à des compositeurs expérimentés, qui auront le souci de travailler chaque détail de leur programmation, et qui, trop habitués à la pluralité et à l’originalité des textures, ne pourront pas se satisfaire d’une seule instance, aussi resplendissante fut-elle. Le monopole de la banque absolue n’est donc peut-être pas encore pour aujourd’hui. Mais en tous cas, la qualité, la fluidité et l’universalité de Colossus devraient faire trembler le landernau de la création musicale.