128 instruments et 9 kits de batterie pour 2 Go de sons : telles sont les mensurations de Bandstand, le premier expandeur General MIDI conçu par Native Instruments. Reste à savoir comment le papa de Kontakt et de Reaktor s'est sorti de cet exercice de style…
Véritablement increvable, la norme GM demeure la plus utilisée pour communiquer entre instruments électroniques. Roland et Yamaha ont beau avoir tenté de la remplacer par les standards GS et XG (leurs normes respectives, plus sophistiquées mais aussi plus complexes), rien n’a réussi à détrôner ce bon vieux General MIDI qui officie dans nos séquenceurs depuis des lustres.
Et c’est vrai qu’avec sa banque de 128 instruments et ses kits de batterie, la norme GM a été plutôt bien pensée : pour peu qu’elle s’appuie sur une banque de sons bien programmée, elle offre suffisamment de diversité pour aborder tous les genres musicaux, sans être trop compliquée à gérer : un vrai petit kit de survie instrumental, en somme, bien plus intuitif pour composer que la plupart des expandeurs dédiés qui, s’ils sont plus réalistes, sont aussi plus exigeant en terme de programmation.
Bref, un kit GM, c’est génial quand c’est bien fait, et on ne s’étonnera guère que Native Instruments, papa du génialissime Kontakt 2, se sente de taille à relever le défi. Le résultat s’appelle Bandstand et nous promet l’Amérique pour un peu moins de 200 €. Voyons ce qu’il est est.
Tour du propriétaire
Livré dans une jolie boîte avec son manuel en français, le logiciel s’installe sans problème. On s’enregistre en ligne, on double clique sur l’icône et, après avoir déclaré sa carte son, le driver et les entrées MIDI à utiliser, l’interface du logiciel apparaît enfin.
Cette dernière ne dépaysera pas les habitués des logiciels Native Instruments : carrée, marronâtre, elle n’a ni l’originalité des funky skins d’Ohm Force, ni l’esthétique léchée des instruments MOTU. Elle a toutefois le mérité d’être claire et fonctionnelle, au point que l’on peut commencer à utiliser le logiciel sans passer nécessairement par la case manuel.
Si l’on exclut la traditionnelle représentation du clavier et des molettes de modulation / pitch bend trônant au bas de la fenêtre, l’interface se divise en 3 parties. Commençons par le bloc Master situé à droite qui permet d’accéder au paramétrage des effets/traitements embarqués (Chorus, Réverb, EQ, Limiteur) et de définir le volume global du logiciel.
Les effets, puisqu’on en parle, peuvent être choisis simplement en utilisant un preset, ou être réglés en détail en cliquant sur l’icône Edit : on peut ainsi définir la fréquence, la profondeur et le dosage du chorus, le type (algorithmique ou à convolution), la durée et le dosage de la réverb, la fréquence médiane, le facteur Q et le boost des 3 bandes de l’EQ paramétrique, et enfin l’attaque, le relâchement et le volume de sortie du limiteur.
Juste au dessous du panneau Master, un petit lecteur offre la possibilité de charger un fichier MIDI et d’en effectuer un rendu audio à partir des instruments de Bandstand : une bonne idée qui permet de ne pas avoir à s’encombrer d’un séquenceur pour une manip aussi basique. Mais une idée un tant soit peu gâchée par le fait qu’aucune commande de transport ne soit disponible sur le lecteur : il est donc impossible d’avancer ou de reculer dans la lecture, de même qu’il est impossible de boucler une partie de séquence. C’est bien dommage.
Tout le reste de l’interface est dévolu à l’affichage de 2 panneaux switchables : Play pour affecter les instruments aux 16 canaux MIDI disponibles, et Mix… pour les mixer, forcément.
On ne s’attardera pas trop sur la partie mix qui s’avère sans surprise : les instruments chargés dans Play disposent chacun d’une tranche dotée d’un slider pour régler le volume, et de trois potars : l’un pour le panoramique, les deux autres pour doser chorus et réverb. Le tout est compléter par deux menus 'déroulants’, l’un pour choisir l’instrument MIDI comme dans Play, l’autre pour sélectionner un preset de l’EQ.
Le tout est complété par les habituels boutons Solo et Mute pour réduire la tranche au silence ou n’entendre qu’elle.
Le panneau Play est pour sa part plus intéressant. En bas, la liste des instruments MIDI disponibles. En haut, 16 cellules correspondant aux différents canaux MIDI. Entre les deux, 7 boutons pour accéder à divers paramétrage dans les cellules même : Pitch et Tune pour jouer de façon plus ou moins fine sur l’accordage de l’instrument et sa transposition, Scale pour le contraindre à une gamme particulière, Slide pour activer et paramétrer le Portamento, Humanize pour ajouter un peu d’imprécision à une séquence MIDI trop mécanique, Quantize pour la rendre plus carrée au contraire, et enfin MIDI Input pour définir le canal MIDI physique attribué et gérer la polyphonie.
L’assignation d’un instrument à un canal MIDI se fait par simple Drag & Drop sur une des 16 cellules. Difficile de faire plus simple, d’autant que Native a pensé à intégrer une petite séquence de démo pour chacun des programmes. L’occasion de se rendre compte des qualités et défauts de la banque de sons dans son ensemble.
Les sons
Comme nous le disions précédemment, réaliser un kit GM n’est pas une mince affaire et nombre d’éditeurs n’ayant pas l’expérience d’un Roland, d’un Korg ou d’un Yamaha s’y sont cassés les dents. Les sons doivent à la fois être suffisamment génériques pour être utilisés dans tous les genres musicaux, suffisamment variés pour offrir un maximum de possibilités au musicien, mais surtout, ils doivent former un ensemble cohérent, homogène et garder leur identité lorsqu’on utilise les contrôleurs continus pour réaliser des effets.
Pour mener à bien ce difficile exercice, Native Instruments a pioché dans les catalogues de différents éditeurs plus ou moins réputés : Sonic Reality, Best Service, Big Fish, The Badroom, soundwarrior, Sound Ideas, Modo Bierkamp, Peter Siedlaczek… Et force est de constater que la démarche porte ses fruits. Les sonorités sont en effet réussies pour la plupart, les enregistrements de bonne qualité et, malgré la taille « raisonnable » de la banque (2 Go) en ces temps où le moindre VSTi squatte plusieurs dizaines de Go sur le disque dur, l’ensemble s’en tire plutôt bien une fois mis en situation.
Soyons tout de même clair : si par ses meilleurs côtés, Bandstand offre une alternative intéressante au PlugSound Volume 6 Global Collection, à l’HyperCanvas HQ d’Edirol ou encore au Sonik Synth 2 d’IK Multimedia, il n’arrive pas à la cheville d’une somme d’instruments dédiés, ou même d’un Colossus : pour faire tenir un kit GM dans 2 Go, Native a dû en effet faire des concessions en terme de sustain, et surtout de multisampling. Ainsi, les instruments possèdent au mieux 2 niveaux de vélocité, ce qui nuit forcément à leur expressivité…
Ceci étant dit et pour peu que l’on accepte les limites du genre, il faut reconnaître quelques belles réussites ça et là, à commencer par les pianos acoustiques issus d’Akoustik Piano, ou encore leurs homologues électriques : un Rhodes-like bien baveux dans le bas comme on aime, et un Yamaha-like qui devrait faire merveille pour servir la soupe façon Whitney Houston. Seul déception de cette section : le piano Honky Tonk qui sonne comme un piano traffiqué à coup de filtres, bien artificiel en somme.
Les percussions chromatiques et orgues sont quant eux plutôt réussis, avec de beaux spécimens d’Hammond B3, entre autres choses. De leur côté, les basses tiennent la route même si l’on regrettera leur raideur et leur manque de sustain, notamment sur le programme 'Picked Bass’. Moins enthousiasmantes, les guitares alternent le meilleur (belles guitares nylon, jazz et clean), le passable (guitare folk beaucoup trop terne) et le franchement mauvais, comme d’habitude, avec les programmes de guitare saturée.
De manière générale, les instruments à cordes frottés, issus pour la plupart des banques de Peter Siedlaczek, remplissent parfaitement leur rôle. Evidemment, on les prendra facilement en défaut sur un solo, mais confrontés au sein d’une partition pour orchestre, ils atteignent une certaine cohérence.
Compte tenu de la difficulté à rendre ce genre d’instrument, les cuivres et autres instruments à vent s’en tirent relativement correctement (en dehors du sax soprano bien pourri) mais on regrettera leur côté molasson : pour la marche funèbre, ça passe, mais pour taper du Tower of Power ou du James Brown, ça risque de faire juste.
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Sans surprise, les synthés sont propres sur eux et composent un ensemble relativement varié de leads, pads et basses (bien que certains aient été adaptés un peu trop librement pour ne pas jurer dans certains fichiers MIDI, tel le patch Ice Rain). Bonne surprise : les voix et chœurs sont particulièrement réussis, qu’il s’agisse des 'Aahhs’ à utiliser en nappes ou des 'Oohhs’ plus jazzy…
Pas moins de 8 kits de batterie répondent aussi à l’appel, dont un joué avec des balais et un ensemble de percus orchestrales. En dépit d’un nombre relativement faible de vélocités gérées, ces derniers sont convaincants en situation de jeu ou lors du rendu d’un fichier MIDI. Pas de souci, donc.
Finissons en précisant que le reste des instruments, des instruments ethniques aux percussions en passant par les divers bruitages sont sans histoires : rien d’extraordinaire mais rien qui soit inexploitable non plus…
Bref, vous l’aurez compris : la banque de Bandstand tient plutôt ses promesses dans l’ensemble. Reste que les sons ne font pas tout, comme nous allons le voir.
Peut mieux faire
En effet, le chargement de quelques fichiers MIDI standard montre que la banque n’est pas toujours à son aise : on a parfois des problèmes de niveaux cependant que la réverb est systématiquement réglée sur un programme trop « spatialisant ». Du coup, bien que de manière générale, les sonorités soient plus convaincantes que celles d’un HyperCanvas, elles semblent aussi moins homogènes, moins équilibrées, et il faut jouer avec les faders et potars du mixeur pour obtenir un rendu correct.
Par ailleurs, si Native parle d’un pseudo-support des standards GS et XG, force est de constater que cette compatibilité est toute relative, certains effets et patchs liés à ces technologies manquant ici à l’appel (à titre d’exemple, la norme XG repose sur une banque de 676 instruments…). Bref, si cette particularité vous intéresse dans le produit, vous risquez d’être déçu.
Mais le plus gros reproche qu’on pourrait adresser à Bandstand tient à son potentiel inexploité. Offrir un instrument capable de transformer des fichiers MIDI en audio est une bonne chose pour les chanteurs de karaoké, mais on aurait préféré que Native pense un peu plus aux musiciens. Basé sur le moteur audio de Kontakt 2, le logiciel semble ne tirer de cette filiation qu’un bénéfice marketing et, en dépit d’une gestion correcte des ressources (lecture en streaming et optimisation de la RAM), il se contente d’assurer un minimum syndical quand il aurait pu fournir tellement plus.
Premier regret : on ne dispose que d’une sortie stéréo. Si vous comptez retravailler à coup de plug-ins les pistes passant par Bandstand depuis la table de mixage de votre séquenceur, vous devrez donc ouvrir autant d’occurrence du logiciel que vous avez d’instruments.
Deuxième regret : en feuilletant le manuel (qui, drame du copier/coller, contient d’ailleurs l’index du manuel d’Akoustik Piano en lieu et place de son propre index), on découvre que l’on peut piloter des filtres et des enveloppes mais uniquement en passant par les Contrôleurs Continus. Plutôt que de nous proposer les gammes de Messiaen dans une option Scale qui n’intéressera que quelques utilisateurs, il eût été plus judicieux de dédier une petite interface graphique à ces paramètres tellement plus utiles. Bref, je ne sais pas qui a fait les specs du soft, mais il est passé, sur ce point, complètement à côté de son sujet.
Ultime reproche : à défaut de disposer de multiples sorties audio, on aurait bien aimé avoir droit à une section d’effets un peu plus étoffée, cette dernière étant plutôt chiche en vis-à-vis de certains concurrents…
Conclusion
Vendu un peu moins de 200 €, Bandstand aurait pu être un très bon plan pour les musiciens à la recherche d’un kit GM offrant un bon rapport qualité/poids, dans une interface simple et conviviale.
A quelques exceptions près, la banque est en effet de bonne qualité en regard de sa taille et le logiciel, sur ce point, donne le change à certains concurrents vieillissant tels que l’HyperCanvas ou le PlugSound PS-06. Hélas, Native l’a joué un peu 'petits bras’ en bridant certaines fonctionnalités de son moteur audio, ou en les enfouissant sous une interface lacunaire.
Du coup, on se dit que c’est au grand public méloMIDIman plus qu’aux musiciens que semble s’adresser ce logiciel. Or, même réduit à ce contexte, le soft n’est pas exempt de défauts (problèmes de niveaux, de réverb, player MIDI lacunaire). Bref, à moins de lorgner du côté du Purity de Luxonix, plus complexe mais aussi plus versatile, il semble bien qu’on doive encore longtemps attendre un expandeur GM logiciel digne de ce nom.