Pilier de la division logicielle d’IK multimédia, Sampletank nous revient dans une version 4 accompagnée de 250 Go de sons et d’une large refonte. De quoi revenir dans le jeu ?
Face aux colosses que sont Kontakt, Falcon ou HALion dont les banques rivalisent de réalisme grâce à des scripts sophistiqués, Sampletank a toujours su tenir sa place de boîte à sons. L’idée présidant à sa conception n’est pas en effet de reproduire le plus exhaustivement du monde tel ou tel instrument, mais d’offrir un large panel de sonorités inspirantes et simples à utiliser, dans la plus grande tradition des expandeurs hardware qui ne réclament pas des heures de programmation. Le genre d’instrument parfait pour composer et maquetter en somme, quitte à compléter ou remplacer certaines parties au moment de faire quelque chose de plus définitif. La promesse de la boîte â sons est d’autant plus alléchante que pour cette quatrième version, IK semble avoir significativement agrandi le terrain de jeu. Si Sampletank 3 reposait sur 60 Go de sons, l’éditeur livre cette quatrième version avec 200 Go de samples supplémentaires. Une bonne nouvelle a priori, mais qui a vite fait de tourner au calvaire dès qu’on passe à l’installation.
Vous pouvez découvrir tout cela en vidéo ou via le texte qui suit :
Pain in the apps
Dès l’installation en effet, on a vite fait de déchanter, IK Multimedia n’ayant toujours pas développé d’installeur ou de gestionnaire de téléchargement dignes de ce nom. Si vous avez acheté Sampletank 4 Max en numérique, il vous faudra ainsi télécharger 100 fichiers un à un, sans possibilité de lancer tout cela en une fois. La corvée accomplie, il vous faudra ensuite les décompresser et les installer un à un, sachant que sous Mac, certains sont au format DMG, d’autres au format Zip incluant l’installeur Windows, et qu’au gré de nombreux clics et de barres de progression qui n’en finissent plus de progresser, vous devrez rester derrière votre ordinateur pendant plusieurs heures, même en ayant la fibre et un SSD : on n’avait rien vu d’aussi laborieux depuis l’installation de Windows 95 sur disquettes, d’autant qu’aucun outil ne permet de savoir ce que l’on a déjà installé ou non : en est-on à Piano 11 ou Piano 12 ? Pour ne rien arranger, sachez que les banques de sons ne seront plus téléchargeables depuis votre espace utilisateur passé un délai de 180 jours. À moins d’avoir effectué une sauvegarde des fichiers, en cas de réinstallation, IK vous demandera alors de payer 12 euros pour réactiver la possibilité de télécharger… (points de suspension de sidération)
La façon dont les données sont réparties dans les installeurs est elle-même assez mal foutue sachant que 99 installeurs sont dédiés aux samples tandis qu’un seul et unique servira à installer tous les presets. En cas d’installation partielle (admettons que vous ne souhaitez installer que les pianos ou les guitares), vous aurez donc malgré tout l’intégralité des presets dans le navigateur du logiciel, avec tout ce que ça implique de messages d’erreur lorsque vous cliquez sur un preset utilisant des samples que vous n’avez pas installés.
Finissons cette mauvaise première impression en signalant qu’IK, comme à son habitude, pousse comme il peut vers sa boutique en ligne pour nous faire acheter toujours plus de samples. À la fin de chaque liste de presets, une ligne ‘More sounds’ vous redirige ainsi vers la boutique de l’éditeur, tandis qu’une icône shopping présente en permanence sur l’interface remplit la même fonction et que dans le navigateur par banque du logiciel, chaque banque affublée d’un petit cadenas en fera de même. C’est toujours aussi agaçant… (points de suspension encore plus sidérés)
Avant d’acheter quoi que ce soit de plus, on se contentera déjà des 260 Go de sons qui nous sont proposés et qui font figure de quasi-intégrale de l’éditeur.
Rénovation
Soulignons-le en effet, avec ce Sampletank 4 Max, IK nous propose 200 Go de sons supplémentaires par rapport à Sampletank 3 qui en comptait déjà 60 (et qui sont ici fournis). Bien que cette somme soit impressionnante sur le papier, elle n’en constitue pas pour autant l’intégrale de l’éditeur, sachant que les produits Syntronik et Miroslav Philharmonik 2 ne font pas partie de l’offre.
De quoi dispose-t-on du coup ? De l’intégralité des banques qu’on trouvait dans Sampletank 3 donc, de l’intégralité des banques additionnelles proposées pour ce dernier, de Miroslav Philharmonik 2 CE (version allégée du Philharmonik tout court) et de nouvelles banques spécialement réalisées pour cette quatrième mouture du logiciel. Histoire d’avoir un aperçu plus global de tout cela, disons que dans l’ensemble, les batteries, synthés, pianos et guitares dominent, mais qu’on dispose malgré tout de quoi donner le change sur quasiment tous les fronts. Fort heureusement, pour naviguer dans cette impressionnante collection, l’éditeur s’est fendu d’un navigateur de presets digne de ce nom permettant un filtrage par banques, catégories ou attributs. De quoi trouver vite et bien ce que l’on est venu chercher, d’autant que le graphisme a été revu de fond en comble.
Alternant sur fond noir différentes nuances de gris et de rouge, la charte graphique n’est pas toujours irréprochable en termes de contrastes, mais elle n’en demeure pas moins lisible grâce à des polices assez grosses et des éléments bien espacés et organisés tandis que Sampletank 4, malgré son approche photoréaliste sur pas mal d’éléments, joue à fond la carte du Responsive Design : sans qu’on ait à aller dans le moindre menu, on peut redimensionner la fenêtre comme bon nous semble, comme on le ferait avec n’importe quelle fenêtre Windows ou MacOS. Chapeau pour ça.
L’interface s’organise en six onglets : au sommet, trois onglets vous permettent d’accéder à tout ce qui va vous permettre de charger vos sons et configurer vos éventuels mutlis. Dans le premier, on gère les options MIDI (canal, transposition) ou de mixage de base (Solo, Mute, volume et pan). Dans le second, on définit le mapping de chaque instrument sur le clavier. Le troisième consiste enfin en une table de mixage où vous vous aurez plus d’options pour travailler le mélange de vos différents instruments et notamment leur routing audio ou les effets qu’ils utilisent (5 en insert et le dosage vers chacun des 4 auxiliaire sur chaque tranche).
Au bas de l’interface, outre la possibilité de switcher entre une vue clavier, pads ou macros (8 potards assignés à différents contrôles d’un preset pour un paramétrage rapide), trois autres onglets vous permettent d’aller plus en profondeur dans les propriétés d’un instrument, qu’il s’agisse de son édition via des outils de synthèse, des effets qui lui sont appliqués (et qui fait un peu double emploi avec la table de mixage) ou de son pilotage via des grooves MIDI et des outils de séquençage prêts à l’usage. Trois onglets qui méritent bien qu’on s’y arrête d’ailleurs puisqu’ils sont le cœur même de Sampletank 4.
Synthpler
La partie synthèse du logiciel est assez particulière dans la mesure où elle ne sera pas la même selon qu’on utilise un preset Sampletank 3 ou Sampletank 4. Avec un patch Sampletank 3, vous disposez de deux oscillateurs complétés d’un filtre multimode ou à formants, et de deux LFO et deux enveloppes dont les assignations sont limitées, tandis que sur les presets Sampletank 4, on gagne en souplesse avec une vraie matrice de modulation. Notons-le toutefois : en termes de moteur pur et dur, on reste sur les mêmes technologies qu’auparavant avec trois modes de lecture d’échantillons : sampler basique, Timestretch ou STRETCH, la techno maison gérant les formants apparue dans Sampletank 2.
Évidemment, tout ce petit monde est ensuite soumis à une section d’effets de belle qualité si l’on considère que les modules sont directement issus d’Amplitube et T-Racks. En dehors d’un processeur de transitoires, aucun manque n’est à déplorer vu qu’on dispose tout de même de 70 effets ou traitements ! Soulignons que l’éditeur a opté pour des interfaces façon Modules 500 qui s’avèrent agréables à l’usage.
Une fois le son de votre instrument produit, vous avez la possibilité de vous simplifier le jeu en utilisant les outils de séquençage MIDI du logiciel : on retrouve ici un lecteur de Groove prêts à l’emploi (Grooves que vous pourrez assigner à n’importe quelle touche du clavier pour les jouer en live), mais aussi à un arpégiateur et un « strummer » pensé pour simplifier la programmation des guitares, voire plus si affinités. Tout cela est vraiment bienvenu et permet de réaliser des multis assez évolués sans trop se prendre la tête.
Last but not least, on trouvera aussi, outre les options du programme, de quoi gérer les assignations MIDI du logiciel. De fait, pas de problèmes pour ceux qui envisageraient un usage Live du logiciel : entre la possibilité de faire des multis et les commodités du côté du MIDI, Sampletank 4 répond présent.
Reste à voir comment tout cela sonne pour savoir ce que le tank a dans le ventre.
SimpleTonk
IK annonce que son logiciel gère enfin le streaming depuis le disque dur, ce qui permet de ne plus être limité par la qualité de mémoire vive dont vous disposez. C’est une bonne nouvelle même si le chargement des plus grosses banques n’est pas véloce pour autant, même sur un SSD, et que l’instrument n’est jouable qu’une fois qu’il est complètement chargé.
Qu’importe, on se jette sur les nouveaux sons pour juger des progrès réalisés et qui, selon que vous êtes ou non un utilisateur de Sampletank, vous sauteront plus ou moins aux oreilles. En effet, si l’on excepte tout ce qui provient de Sampletank 3, il y a une amélioration perceptible de la qualité des banques dans leur globalité : outre les nombreux patches de synthés toujours bon à prendre, le nouveau piano Yamaha C7 est clairement le meilleur piano qu’on ait vu sous Sampletank en dépit d’une certaine raideur. Voyez ce qu’il donne comparé aux anciens pianos Sampletank 3 fournis dans cette version Max.
- C7binaural01:24
- C7cinematic01:24
- ArtDeco01:24
- BrandenBurg01:24
- ImperialGrand01:24
Idem pour la Les Paul Black Beauty ou une strat du côté des guitares.
- Black Beauty01:02
- Strat01:02
- PowerChords00:11
On le voit bien toutefois sur cet exemple : même avec une saturation qui masque les détails du jeu, l’absence d’hammer/pull-offs pose problème. Et on se rend compte aussi des progrès comme des limites de Sampletank 4 sur la J200, ici utilisée avec Strummer :
Côté synthés, pas de problème :
- synthpad100:11
- synthpad200:11
- synthpad300:11
- Synthbass00:11
- Synthbass200:11
- Synthbass300:11
- Synthbass400:11
Et le nouveau Rhodes s’en sort très très bien, en termes de nuances comme de sustain :
- ST4rhodes(2)00:12
- ST4rhodesballad00:24
Voyons à présent les batteries, qui même si elles proposent un réglage par percu et une room globale, peinent à convaincre quand on songe à EZdrummer, fut-il en première version :
- AcousticPopKit00:11
- AcousticPopKit0room00:11
- AcousticPopKit100room00:11
- 21drums00:11
Et finissons par une petite démo sans mixage qui utilise un peu tout cela et d’autres choses :
Les progrès depuis Sampletank 3 sont donc manifestes. Reste que si on sort de la comparaison avec Sampletank 3 pour confronter les sons qui nous sont proposés avec ceux de la concurrence, le constat est nettement plus mitigé. Et il est pire évidemment avec les banques provenant de l’époque Sampletank 3 qui, pour ne pas saturer la RAM, se montraient plus économes en volume de. samples. Globalement, on ne peut pas dire que le sampling soit extrêmement détaillé et, en l’absence très regrettable de scripts ou de configurations de micros plus évoluées lors de la prise, on se retrouve avec des instruments souvent très basiques et raides derrière une section d’effets qui fait son possible pour masquer ces carences. Il n’y a rien de dramatique là-dedans car on se retrouve souvent au niveau d’une workstation matérielle d’entrée de gamme et si telles sont vos références, vous ne devriez pas être déçu de ce que Sampletank 4 propose. Ce côté cheap se prête en outre parfaitement à certains genres musicaux où l’on joue avec des timbres sans a priori plutôt qu’avec des instruments : dans la musique urbaine ou l’électronique, on ne se formalise pas souvent d’un patch guitare qui ne sonne pas comme une vraie guitare ou d’une trompette qui fait pouet pour jouer avec cette texture comme on le ferait avec n’importe quel patch de synthé. Mais dans d’autres genres, qu’il s’agisse du pop/rock, du jazz, du blues, de la funk/soul, du métal ou du « classique », il y a fort à parier que les limites des instruments de Sampletank agacent. Il vaut mieux n’avoir jamais essayé les guitares, basses et batteries virtuelles qu’on trouve sur le marché pour s’en accommoder. Et même sur ce qu’il y a de plus réussi, à savoir les claviers (pianos comme orgues ou synthétiseurs), il faut avouer que Sampletank ne se sortira pas forcément très bien de la confrontation avec ses rivaux.
De fait, si vous êtes un habitué de Kontakt, Falcon ou HALion, il se peut que vous ne voyiez pas trop l’intérêt d’utiliser 250 Go de disque dur pour accéder à des instruments dont la facture détonne en 2019. Bien sûr, il y a au milieu de tout cela de bonnes surprises : les saxophones issus de Sampletank 2 demeurent toujours aussi pertinents dans leur rapport jouabilité/réalisme, et les vieilles banques Miroslav font encore la blague pour certaines choses, mais à faire défiler les milliers de presets qui nous sont proposés, on se dit deux choses. La première, c’est que leur design n’est pas toujours du meilleur goût (qui a besoin d’une batterie ou d’une basse noyée dans la réverb ?), et la seconde, c’est qu’on aurait sans doute préféré qu’IK bosse la qualité de ses presets plutôt que leur quantité. À quoi bon nous proposer plus de 8000 presets et 250 Go de sons si à la fin, rien ne se situe au niveau d’une concurrence moins chère. On a par exemple 56 basses fournies : mais aucune qui approche, ne serait-ce qu’un tout petit peu, que ce soit au niveau du son, des articulations ou des possibilités de programmation, de la qualité de la Rickenbacker Bass de Scarbee, pour ne citer que celle-ci.
D’ailleurs, c’est sans doute le plus gros problème de Sampletank 4 Max : à 240 euros, il y aurait déjà de quoi discuter du rapport qualité/prix en considérant que quantité d’instruments datant de l’époque Sampletank 3 et ne présentent guerre d’intérêt. Mais le soft est vendu 600 euros TTC ! À ce prix là, il est plus cher que Falcon, Kontakt ou HALion qui le surpassent sur tous les points technologiquement en dehors du nombre de Go de samples proposés en standard et de la section d’effets embarquée. Et le problème, c’est qu’on se situe en face d’une Komplete qui pulvérise le produit d’IK sur le rapport qualité/prix : on trouve, même en freeware, quantité de banques pour Kontakt qui surpasseront ce qu’on trouve de mieux dans Sampletank.
Sans même parler des samplers à scripts pour ne pas déséquilibrer le débat, à 600 euros TTC, Sampletank Max est 200 euros plus cher… qu’Omnisphere 2 qui, pour le coup, propose tellement plus de possibilités côté synthèse et profite de Sound Designer autrement plus inspirés. Bref, notre ami Max est bien dur à défendre à ce prix. Et même si l’on sait qu’IK va régulièrement réaliser des opérations promotionnelles sur ce dernier, on le voit mal devenir le nouveau plug-in que tout le monde s’arrache. Quant aux deux autres versions, leurs prix plus raisonnables les rend plus attractives, d’autant que les banques ST3 qui grossissent la dote de la version Max ne devraient pas forcément manquer à grand monde.
Conclusion
Si du point de vue de Sampletank 3, Sampletank 4 n’est pas une mauvaise mise à jour et si les aficionados du ROMpler d’IK Multimedia pourrait bien se laisser tenter par l’upgrade pour bénéficier d’un tout en un qui peut rendre des services pour de la maquette comme du live, force est d’admettre qu’au prix où il se situe et avec les lacunes qui sont les siennes, ST4 a bien du mal à faire valoir ses arguments face à la concurrence. Certes, il jouit d’une fort belle section d’effets et l’addition des modules MIDI n’a rien d’anecdotique. Mais le problème tient vraiment au fait que le moteur de base, même avec ses possibilités de modulation, est relativement dépassé comme la plupart des banques fournies. De deux choses l’une, soit Sampletank se met donc à niveau face à Kontakt, HALion et Falcon en intégrant des possibilités de scripts et en consacrant ses GigaOctets à détailler le sampling des instruments plutôt qu’à les démultiplier, soit il joue la carte de la synthèse à la Omnisphere, auquel cas on attendra beaucoup plus de lui qu’une nouvelle matrice de modulation. Quant à la troisième voie possible, celle de la boîte à sons pour maquetter vite fait ou aborder des genres musicaux qui s’accomodent d’instruments un peu cheap, disons qu’elle demeure toujours possible, mais très certainement pas à ce prix là, même avec 250 Go de sons (dont un certain nombre sont redondants par ailleurs). Le positionnement du produit manque donc de clarté, et comme quantité de petites choses agacent, de l’installation poussive jusqu’au marketing agressif des raccourcis vers le shop, notre vieil ami perd une demie-étoile sur la note qu’avait octroyé Sleepless à Sampletank 3. Bref, la moyenne tout juste pour un soft moyennement convaincant en l’état en regard de son prix, sachant qu’on le sait grâce à Modobass, IK est capable d’infiniment mieux. On attend du coup Sampletank 5 de pied ferme…