Une fois de plus les Anglais de chez Spitfire Audio nous livrent une banque de son qui semble magique, rien que par son nom et tout ce qu’il représente dans l’histoire de la musique. Après une BBC Symphony Orchestra tape-à-l’œil, voyons ensemble si la magie opère dans ce nouvel opus et s’il s’agit bien d’un « game changer » comme on aime à dire chez nos amis d’outre-Manche.
On ne vous apprend rien en disant que cette banque a été samplée dans les célèbres « Abbey Road Studios » à Londres, plus précisément au « Studio One ». Dans le milieu de la musique à l’image, on pourra citer les œuvres de Star Wars, d’Harry Potter ou encore du Seigneur des Anneaux, toutes enregistrées entre ces murs. Le lieu est donc réputé pour son patrimoine musical et son acoustique.
Avec l’Abbey Road One, Spitfire Audio propose une approche différente de celle de la BBC Symphony Orchestra citée précédemment. En effet, les différents pupitres sont regroupés sous forme de sections avec une philosophie finalement assez proche de celle de la série Albion. Les sections sont construites de la manière suivante :
- Cordes aiguës : 16 premiers violons, 14 seconds violons, 12 altos
- Cordes graves : 10 violoncelles, 8 contrebasses
- Vents aigus : 1 piccolo, 2 flûtes, 2 hautbois, 1 cor et 2 clarinettes
- Vents graves : 1 clarinette basse, 2 bassons et 1 contrebasson
- 4 trompettes
- 4 cors français
- Cuivres graves : 3 trombones, 2 trombones basses, 1 trombone contrebasse, 1 tuba, 1 tuba contrebasse
- Une section de percussions disponibles en ensemble mais aussi au détail (Drums, Metal, Tuned)
- Un patch « Orchestra » comprenant tous les pupitres à l’unisson.
Ce sont là les ingrédients initiaux auxquels moyennant une centaine d’euros, il est possible de joindre un premier patch « Legendary Low Strings » contenant les 10 violoncelles et les 8 contrebasses, mais joués à l’octave et non plus à l’unisson ainsi qu’un second patch « Sparkling Woodwinds » reprenant quant à lui la section des vents aigus, le cor en moins, mais un glockenspiel en plus, là aussi à l’octave. Notez d’ailleurs que ces extensions sont totalement autonomes.
Cette approche par sections ne sera probablement pas au goût de tout le monde. Son avantage est sans aucun doute une approche de la composition et du mixage facilité, avec des pupitres qui sont déjà équilibrés entre eux. Cependant, cette banque ne propose aucun « divisi », ce qui signifie que si par exemple, on souhaite jouer deux lignes mélodiques avec les cordes aiguës, on se retrouve en théorie à doubler les effectifs, ce qui est dans la « vraie vie », tout à fait irréaliste. Il faut noter que les instruments sont déjà naturellement à leur place dans le panoramique, chose, en général, plutôt appréciée des compositeurs 2.0.
L’installation réclame environ 70 Go d’espace disque, de préférence sur un SSD pour le confort d’utilisation. C’est très raisonnable et assez surprenant pour une banque généraliste aussi complète. C’est aussi bien plus accessible que la grande sœur BBC Symphony Orchestra qui, pour une installation complète, s’approche des 600 Go.
Musique sans KONTAKT
Une nouvelle fois, Spitfire Audio décide de se passer du célébrissime et incontournable Kontakt pour leur propre plug-in. Les habitués ne seront pas dépaysés car l’interface est strictement identique à d’autres banques proposées par l’éditeur. Celle-ci est toujours aussi classieuse et élégante avec l’accès à deux parties. Une première bien trop grande pour ce qu’elle fait, à savoir, présenter les fadeurs d’expression et de modulation ainsi qu’un gros bouton permettant de gérer, entre autres, le niveau de réverbe interne à la banque de son.
Une seconde, correctement dimensionnée, listant les différentes articulations chargées, le choix entre les configurations de micros ainsi que des paramètres supplémentaires tels que le niveau de réverbe, le « release », le « tightness » et le vibrato.
Il faut admettre que du chemin a été parcouru depuis les premières versions de ce plug-in maison, qui étaient particulièrement buggées avec notamment une mauvaise gestion de la mémoire et une utilisation excessive de la puissance processeur. Le plug-in semble aujourd’hui bien plus fluide et optimisé. On peut donc saluer l’effort des équipes anglaises pour prendre en compte les retours de ses utilisateurs.
Malgré cela, optez pour une machine puissante, équipée de 16, voir 32 Go de RAM pour une utilisation confortable. La configuration utilisée pour le test est d’ailleurs basée sur un Ryzen 1600, 32 Go de RAM, SSD, carte son Audient iD22, Cubase 10.5.
On AR-TI-CU-LE
Le catalogue des articulations est très standard, et pour être totalement honnête, un peu décevant par rapport à ce que Spitfire Audio propose habituellement. Par exemple, pour les pupitres de cordes on retrouve les classiques long, long CS, tremolo, spiccato, pizzicato. On nous propose quand même quelques crescendos de différentes vitesses pour les cuivres et les vents.
En réalité, ce sont les articulations les plus courantes et qui satisferont la plupart des gens dans la grande majorité des compositions, mais ne vous attendez pas à avoir quelques bizarreries à votre disposition.
Mais alors, quelle déception de ne pas voir de patchs de legato ! C’est probablement le manque le plus handicapant à l’usage. Ces derniers sont disponibles dans les deux extensions actuellement proposées sur le site de l’éditeur : Sparkling Woodwinds et Legendary Low Strings. Néanmoins, à l’heure actuelle, cela ne concerne que les cordes graves ainsi que les vents. Il est évident que la politique de Spitfire Audio va consister à proposer dans le futur des extensions supplémentaires afin de venir compléter cette Abbey Road One. C’est en tout cas l’impression que l’on a au moment de la rédaction de cet article.
Profitons-en pour écouter quelques sons issus de cette Abbey Road One. Comme toujours pour ce genre de test, les exemples proposés sont bruts, sans traitements supplémentaires. La réverbe est interne au plug-in et est réglée à environ 40 % de sa course. La programmation se limite ici à quelques mouvements de la molette de modulation.
- SparklingWoodwinds_Legato_Mix100:18
- Xylophone_Mix100:17
- Glockenspiel_Mix100:18
- Percussions_Mix100:18
- LowWoods_Long_Mix100:18
- HighWoods_Long_Mix100:18
- Horns_Staccatissimo_Mix100:18
- LowBrass_Staccatissimo_Mix100:18
- LowBrass_Long_Mix100:18
- Horns_Long_Mix100:20
- Strings_Pizzicato_Mix100:17
- Orchestra_Mix100:18
- Strings_Spiccato_Mix100:39
- Strings_Tremolo_Mix100:25
- Strings_LongCS_Mix100:30
- Strings_Long_Mix100:28
Le rendu, sans aucun traitement, est particulièrement convaincant. Il se dégage une homogénéité très agréable entre les différents ensembles et les différentes articulations. C’est très hollywoodien et on peut facilement orienter l’écriture vers des œuvres épiques. L’approche de la composition par sections rend le travail de détail un peu plus complexe sans être impossible pour autant.
Le patch « Orchestra » est particulièrement surprenant avec l’ensemble de l’orchestre sous chaque touche. Gros son garanti ! Parfaitement adapté pour venir gonfler le passage hollywoodien d’une composition. Ce patch est d’ailleurs assez fun à utiliser, au risque d’en mettre un peu partout.
Les cuivres sonnent vraiment bien. Les quatre cors français, armes indispensables à tout thème épique, sont généreux avec une plage de nuances très large. De plus, le fait de diviser les cuivres en seulement trois ensembles (trompettes, cors français ainsi que les cuivres graves) facilite énormément la composition et la programmation.
On pourra également saluer le kit de percussions vraiment complet offrant des sons très convaincants et proposant deux très beaux glockenspiel et xylophone.
Check ! Check micro ! 1,2,1,2
Malgré ses 70 petits giga-octets d’espace disque, cette Abbey Road One reste généreuse dans son offre de micros avec quatre mixages (deux modernes et deux typés vintage) ainsi que huit combinaisons de micros, couvrant à peu près tous les besoins possibles et imaginables. Les deux premiers mixages notés « Mix1 & Mix2 » sont proposés par Simon Rhodes et les deux mixages dits « vintage » sont des combinaisons de micros à ruban. La différence est assez flagrante entre ces quatre propositions et chacun y trouvera la version qui lui convient le mieux.
Dans les exemples audio suivants, on passe en revue tous les micros disponibles. La réverbe est totalement désactivée pour plus d’objectivité. A ce propos, on pourra noter que les prises sont très propres et suffisamment « sèches » pour se voir appliquer les effets de réverbe tiers. C’est là toujours un excellent point qui, entre autres, facilite le mélange des banques de sons de différents éditeurs au mixage.
- Strings_Spill00:30
- Strings_Outriggers00:30
- Strings_Ambient00:30
- Strings_Tree200:30
- Strings_Tree100:30
- Strings_Close00:30
- Strings_Pop_room00:30
- Strings_Pop_close00:30
- Strings_Mix100:30
- Strings_Vint200:30
- Strings_Vint100:30
- Strings_Mix200:30
Pour terminer ce test, écoutons cette Abbey Road One en situation avec une courte pièce proposée en quatre versions, faisant varier simplement la combinaison de micros entre les quatre mixages à notre disposition. Le placement des instruments est d’origine, la réverbe également. Aucun effet extérieur n’a été ajouté. Seul un léger traitement de mastering a été appliqué, mais rien qui puisse dénaturer le son brut qui nous intéresse.
- Pièce_finale_vint100:35
- Pièce_finale_vint200:35
- Pièce_finale_mix100:35
- Pièce_finale_mix200:35
Conclusion
Cette nouvelle œuvre signée par Spitfire Audio a bien des arguments pour convaincre des compositeurs de divers horizons. Elle est beaucoup plus accessible que le vaisseau mère BBC Symphony Orchestra aussi bien sur le plan technique que tarifaire. À ce sujet, le tarif reste, dans ce milieu concurrentiel, plutôt correct avec une version sans les extensions proposées à 449 euros. Son approche par sections pourra être problématique dans le cadre d’une écriture très académique et classique mais apportera beaucoup de confort d’écriture et de programmation dans le monde des musiques actuelles. On peut simplement espérer quelques mises à jour, pourquoi pas gratuites, venant combler le léger manque d’articulations. L’Abbey Road One sera également un excellent choix en tant que premier investissement dans une banque de sons généraliste.