Tendance oblige, E-mu adapte sa lignée Proteus au format boîte à groove. Avec leurs pads dynamiques, leurs commandes temps réel et leur séquenceur multitimbral, les nouvelles XL-7 et MP-7 viennent enrichir l’offre croissante des stations musicales dédiées aux musiques qui bougent.
Lancé il y a deux ans, le Proteus 2000 a engendré une série impressionnante de modules à lecture d’échantillons dédiés à autant d’univers sonores différents : B-3 pour le Hammond, XL-1 pour la Techno, MO-Phatt pour le Rap, Planet Earth pour la World et Virtuoso 2000 pour le classique. A chaque modèle correspond d’ailleurs une ou deux Rom 32 Mo compatibles avec toute la série. Si la qualité sonore de cette prestigieuse lignée n’est plus à démontrer, l’utilisation en live est en revanche plus ardue : manque de commandes, de séquenceur… bref, les Proteus sont des boîtes noires. Il est donc logique que le constructeur américain décline ses deux modules les plus turbulents, XL-1 et MO-Phatt, en puissantes boîtes à groove. Les XL/MP-7 ont ainsi été créées pour les musiciens qui utilisent toutes leurs phalanges.
Bonds de commandes
Carrossées dans une solide coque métallique (jaune fluo pour la XL-7 et violet flashy pour la MP-7), les machines se présentent sous la forme d’une console à plat de bonne taille. Le montage en rack 6U est possible grâce à des cornières hélas optionnelles. Le petit LCD 2 × 24 caractères et le gros encodeur rotatif maison sont secondés par une pléthore de commandes. Parmi celles-ci, 16 potentiomètres rotatifs situés à gauche permettent le pilotage des paramètres de synthèse et le mixage des pistes. Ils émettent des contrôleurs Midi et leur action est entièrement programmable. Juste au-dessus, il y a deux interrupteurs dédiés à la navigation rapide entre les pistes ou les canaux Midi, comme sur les séries K2000 Kurzweil. En-dessous des potentiomètres, on trouve un ruban de contrôle sensible à la position. Sous le LCD, un afficheur 4 diodes 7 segments indique différents paramètres tels que tempo, signature ou mesure en cours. Juste en-dessous, on trouve les commandes de transport du séquenceur.
A droite du panneau, deux rangées de huit boutons facilitent l’édition en appelant différentes pages menu. Elles agissent également sur les pistes et la programmation des séquences. Enfin, la partie inférieure comprend treize pads sensibles à la vélocité et à la pression. Au contact très agréable, ils forment un mini-clavier transposable sur plus ou moins 3 octaves grâce à 2 touches dédiées. Signalons aussi la présence d’une borne pour lampe 12V, sympa.
A l’arrière, la connectique se situe en retrait, bien vu pour la mise en rack sans encombre ! Elle comprend une borne pour câble secteur, 3 paires de sorties stéréo, un trio Midi amélioré (In, Out/Thru A, Out/Thru B) capable de gérer 32 canaux, une sortie numérique S/PDIF compatible AES/EBU, deux entrées pédales et une prise USB. A l’intérieur, il y a quatre Slots pour Rom / FlashRam 16 / 32 Mo, soit 128 Mo maximum. Un Slot est occupé par une Rom 32 Mo correspondant au modèle. Pour notre test, nous avons utilisé une XL-7 dopée par la Rom 32 Mo de la MP-7, un cocktail détonant !
Synthèse aboutie
Les XL/MP-7 affichent les mêmes caractéristiques techniques que les « gros Proteus » : 128 voix de polyphonie sur 32 canaux multitimbraux. La Rom XL-7 est identique à celle du XL-1. Résolument orientée Techno et Dance, elle offre pas moins de 1210 formes d’ondes (kits, multiéchantillons et échantillons simples) et 512 programmes : sons de l’Orbit et de l’Audity, formes d’ondes élémentaires, basses, leads, stabs, voix, cuivres, effets, pianos électriques, orgues, batteries et boucles rythmiques. Dans la collection, notre attention a été attirée par les sons de synthèse utilisant les filtres Z-Plane tels que les voix trafiquées et les basses résonantes. La Rom MP-7 est identique à celle du MO-Phatt. Idéale pour le Rap et le HipHop, elle se compose de 965 formes d’ondes et 512 programmes : basses sub, riffs de guitares, cuivres, voix plus ou moins humaines, pêches d’orchestres plus ou moins acoustiques et pads. Une collection abondante et très ciblée, sans véritable double emploi avec la Rom XL-7.
Un programme est composé d’une à quatre couches dont les fenêtres de tessiture et de vélocité sont entièrement paramétrables (zone et fondu). Chaque couche passe dans un filtre sophistiqué proposant 50 algorithmes de 2 à 12 pôles : passe-bas, passe-haut, passe-bande, phasers, flangers, formants, EQ et effets spéciaux. De tradition Z-Plane, le filtre permet le morphing entre deux profils prédéfinis : cela permet notamment le contrôle des formants en temps réel ou de spectaculaires transformations de pianos électriques en pads planants. De nombreux paramètres sont modulables grâce à une palette impressionnante d’outils (voir ci-dessous*). Cependant, les XL/MP-7 n’autorisent pas la création de kits de percussions personnalisés, contrairement à la plupart des autres Groovebox…
Il y a 512 emplacements pour les programmes utilisateur ! Plusieurs programmes peuvent être groupés au sein de 64 Setups. Pour chacun des 32 canaux d’un Setup, on mémorise le numéro de programme, le volume, le panoramique et le statut de l’arpégiateur. Chaque Setup contient également les réglages globaux de la machine, y compris un paramétrage complet des effets, au cas où l’on souhaite les appliquer à la place de ceux du programme désigné.
*Agitations assurées
Les XL/MP-7 sont dotées de magnifiques possibilités de modulation. A commencer par 3 générateurs d’enveloppes 6 segments (avec bouclage sur les 4 premiers) dont les temps sont synchronisables à tout ce qui bouge dans la machine : séquenceur, arpégiateurs et LFO. Au nombre de 2, les LFO proposent 17 formes d’ondes. Le délai est paramétrable et le tempo peut être plus ou moins aléatoire. Mais le clou du chapitre modulation, c’est la matrice à 24 points permettant de relier 64 sources à 64 destinations, avec modulation bipolaire. Parmi les sources, on trouve les enveloppes, les LFO, la vélocité, la pression, le numéro de note, les potards et des fonctions mathématiques.
Dans la liste des destinations, il y a la fréquence de coupure du filtre, sa résonance, les points de lecture et de bouclage des ondes, le panoramique, les enveloppes et les LFO. Chacune des quatre couches d’un programme « simple » a sa propre matrice. Au niveau global du programme, il existe deux modulations supplémentaires : une fonction Lag, intégrant un signal d’impulsion en signal linéaire et un générateur de rampe, permettant de démarrer progressivement une modulation. Enfin, toujours au niveau global, une dernière matrice à 12 points permet d’agir sur les départs effets, les arpégiateurs et les séquences via les contrôleurs physiques. De quoi avoir envie de se faire greffer d’autres doigts !
Poule mouillée
Résolument calquée sur les Proteus, la section effets des XL/MP-7 n’a rien d’original, avec ses deux processeurs 24 bits stéréo. Le processeur A propose 44 réverbérations (Hall, Plate, Gate) et délais avec combinaisons. Le processeur B comporte 32 chorus, délais et distorsions. On peut mémoriser l’envoi de l’effet A vers l’effet B. Les paramètres d’effets sont rares : temps de déclin et absorption des hautes fréquences pour le processeur A ; feedback, vitesse du LFO et temps de délai pour le processeur B.
Tout aussi rudimentaire, les routages d’effets en mode multitimbral s’opèrent via l’un des quatre bus qui représentent les quatre niveaux d’envoi possibles vers les processeurs. Donc pas de dosage séparé pour chaque canal. Autre et dernier reproche, les algorithmes proposés sont trop « propres » pour les musiques ciblées par les machines. Où sont les effets lo-fi, le Time Stretch en temps réel, le vocodeur ? Il est temps qu’E-mu revoie sa copie sur ce point.
Arpèges bariolées
Tout comme les XL-1 et MO-Phatt, les XL/MP-7 embarquent un puissant arpégiateur capable de jouer 32 motifs différents sur 32 canaux Midi. On commence par déterminer le type de reproduction parmi huit possibilités : vers le haut, vers le bas, haut & bas, à l’endroit, à l’envers, endroit & envers, aléatoire et motif. Ce dernier mode est très puissant : réglage de la durée des notes, numéro de motif, vélocité, temps de Gate, intervalle et fenêtre d’action. Le motif peut être synchronisé, quantisé, retardé et arrêté à volonté. L’arpégiateur peut continuer seul après relâchement de note ou démarrer lors de la réception d’un message « Midi Song Start ». Les notes arpégées sont envoyées via Midi.
Il existe 200 motifs en Rom et 100 motifs utilisateur. Ces derniers possèdent jusqu’à 32 pas de 4 paramètres : décalage de note, vélocité, durée et répétition. Le décalage de note peut s’opérer sur plus ou moins 48 demi-tons. Un pas peut être lié avec son prédécesseur, passé sous silence ou carrément supprimé. Ce dernier réglage s’avère fort utile lorsqu’on veut adapter légèrement un motif existant sans tout refaire. N’oublions pas que 32 arpèges peuvent tourner simultanément sans que les machines ne bronchent !
Séquences gonflées
Les XL/MP-7 sont en permanence dans l’un des deux modes du séquenceur, à savoir Pattern ou Song. Les programmes sont d’ailleurs accessibles à partir de ces modes. Les XL-1 et MO-Phatt étaient dotés de sympathiques « Beat Patterns », phrases monotimbrales pré-programmées réparties sur deux octaves et déclenchables en temps réel. Cette fois, on passe à la vitesse supérieure, avec un véritable séquenceur 16 pistes capables de gérer chacune 16 canaux Midi simultanés avec une résolution de 384bpqn. Si on affecte différents instruments individuels aux pistes, on peut alors les déclencher / muter via deux rangées de huit touches lumineuses, parfait pour le live !
Les Patterns peuvent atteindre 32 mesures et sont enregistrés selon trois modes : temps réel, pas à pas et grille. Le passage entre les modes s’opère sans interruption, merci ! En mode grille, les deux rangées de huit boutons lumineux permettent d’insérer des notes directement à la position souhaitée. En pas à pas, on peut intervenir en détail, mais l’écran trop petit est incapable d’afficher la liste des événements. En temps réel, on peut quantiser à l’entrée ou en différé. On peut également enregistrer les mouvements de tous les potentiomètres, technique très appréciée des technomaniaques. E-mu a même prévu des fonctions d’effacement / réduction de données, histoire de désaturer les pistes.
En plus des 128 Patterns en Rom, l’utilisateur peut mémoriser 1024 de ses œuvres à concurrence de 300.000 notes. Les Patterns peuvent être assemblés au sein de 512 Songs de 999 mesures. Chaque pas a une durée indépendante de celle du Pattern, ce qui est très souple. Mieux, les mouvements des potentiomètres de la façade peuvent être à nouveau enregistrés en temps réel. Encore mieux, le stockage de toutes les données du séquenceur s’opère en mémoire Flash non volatile, bravo !
Presque parfaites
Au final, les XL/MP-7 impressionnent par leur musicalité, leurs commandes temps réel et leur séquenceur ultrapuissant. Tout est conçu pour une utilisation optimale avec priorité à la création et l’expressivité. Les machines s’effacent vraiment devant l’utilisateur, tant par leur simplicité d’utilisation que leur concept judicieux. Le fait qu’elles n’interrompent pas le processus créatif est une bénédiction. En revanche, elles présentent deux défauts majeurs, étant donné leur territoire de chasse : l’absence d’édition de kits de percussions et l’orientation trop classique des effets. Deux lacunes qu’E-mu ferait bien d’adresser dans une future mise à jour d’OS. Dès lors, les XL/MP-7 seront parfaites !