Bien décidé à ne pas laisser Roland seul sur la piste de « dance », Yamaha met à son tour une Groovemachine au prix léger comme la brise qui berce les vertes prairies. Mais attention, car le constructeur nippon en veut au scalp de ses frères de son.
Depuis quelques années, Roland s’est confortablement installé sur le marché des machines spécialisées Techno / Dance avec la MC-303, digne héritière de ses ancêtres TB-303 et TR-909. Le constructeur continue d’ailleurs à décliner avec succès son concept basé sur des patterns dédiés aux musiques d’agités et des commandes conçues pour les performances live, avec la magnifique MC-505 (test ici) et le récent JX-305 (test là). Ayant jusque-là plus ou moins regardé passer les trains de la groove, Yamaha déterre à son tour la hache de guerre avec le RM1x, une machine spécialement dédiée aux musiques de cette fin de siècle. Bâti comme le bison et agile comme la gazelle, le RM1x a toutes les qualités d’un grand guerrier, sauf le montant de la mise à prix. Alors, voyageurs imprudents, gare aux embuscades !
Visage coloré
Comme la plupart de ses frères de la tribu techno, le RM1x n’a rien d’un visage pâle et fait dans le bleu flashy sérigraphié blanc et orange. D’une construction métallique robuste et rassurante, la machine affiche 4,4 kg sur la bascule. On n’hésitera donc pas à l’emmener dans les Rocheuses ou les vastes plaines. Un rapide coup d’œil sur le panneau arrière laisse apparaître une rangée de 4 prises jack 6,35 (casque, sorties stéréo et entrée pédale), la prise pour alimentation externe (bloc au milieu), la molette de contraste du LCD et le duo Midi In / Out. On accepte l’alimentation externe mais on déplore l’absence de sortie séparée, surtout pour une machine multipiste.
Une fois posé à plat, le RM1x nous dévoile son vaste panneau avant de 42 × 28 cm bien dimensionné couvert de 13 potentiomètres et 72 interrupteurs. La section d’édition se compose d’un grand LCD éclairé de 240 × 64 points qui surmonte 4 potentiomètres et 4 interrupteurs logiciels, ainsi qu’un pavé d’édition constitué de 9 touches (pages, navigation, données) et d’un afficheur de tempo à diodes numériques 7 segments. A droite du LCD, 8 potentiomètres rotatifs (à prise directe, hélas) agissent en temps réel sur 16 paramètres programmables (avec émission Midi), en conjonction avec un sélecteur. Sous ces derniers, un pavé de 16 touches permet de choisir parmi les 3 modes et les 12 sous-modes de fonctionnement de la machine, couplé à une sérigraphie permettant de s’y retrouver. De retour à gauche, on trouve les commandes de transport du séquenceur surmontant les touches d’affectation des pads : sélection des pistes, transposition, entrée de nombres, mute / solo et choix des sections. Une touche rattachée à ce bloc fait office d’interrupteur pour l’arpégiateur. Enfin, le bas de la machine est occupé par 26 pads (hélas statiques) représentant un clavier de 2 octaves (E2 à F4) dont l’octave (-3 à +3) se décale grâce à 2 touches dédiées et un pad de Tap tempo. Enfin, un lecteur de disquettes 3,5 pouces HD a eu l’excellente idée de prendre place sur le devant de la machine. Bref, le RM1x a plus d’une corde à son arc !
Section Tam-Tam
Le RM1x est une machine de type boîte à rythmes capable de jouer, enchaîner et enregistrer des séquences 16 pistes produites à partir de son propre générateur sonore ou d’une unité Midi externe, avec une résolution de 480 cycles par noire. Son orientation techno / dance lui est conférée par sa panoplie sonore très marquée et son aspect temps réel qui permet de bidouiller les sons alors que les séquences tournent, en lecture comme en enregistrement.
La mémoire interne Rom de la partie séquenceur est constituée de 960 motifs multitimbraux 16 pistes réalisés à partir de plus de 7000 phrases monotimbrales. Dans la logique du RM1x, les motifs sont regroupés par paquets de 16 sections au sein d’un style. On dispose donc en Rom de 60 styles de 16 sections chacun, que l’on peut enchaîner parfaitement grâce aux 16 pads inférieurs (blancs). Le premier pad est la plupart du temps réservé à l’introduction (souvent sur 16 mesures) alors que les 4 derniers comportent généralement des fill-ins d’une mesure.
Parmi les styles que nous propose le RM1x, priorité est donnée à la dance / techno avec 25 styles. Viennent ensuite 12 styles Drum’n’Bass, 11 rythmes House et quelques motifs Hip-Hop, Ambient, Ethnic et Jazz. On y trouve de superbes programmations telles que Psyche 2, un rythme soutenu de trance avec percussions claquantes façon TR-909, basses rondes et punchy, staccato avec filtrage évolutif à souhait et arpèges aigrelets ne sachant plus où se mettre dans le spectre stéréo. Superbe ! Autre réussite, Eurotech est un style de techno tantôt basé sur des arpèges, tantôt sur des motifs soutenus de percussions. Pour sa part, Berlin est un style techno de chez nos cousins germains comme on sait si bien les faire chez Quasimidi. En résumé, tout ce que nous livre Yamaha est d’une excellente facture, finement programmé, expressif à souhait (comme quoi la techno ne se résume pas à 4 coups de grosse caisse et une charley de TR-909 à contretemps) et surtout immédiatement exploitable. On sent l’aboutissement des développements effectués par le constructeur sur le QY70. Bravo !
Pow-wow sonore
La seconde unité de production sonore embarquée dans le RM1x est un générateur à lecture d’échantillons, produisant 32 voix de polyphonie à allocation dynamique sur 16 canaux multitimbraux. La Rom renferme 782 programmes et 47 kits de batterie dont 128 programmes et 1 kit GM, bien que cette dernière compatibilité se limite aux programmes. On ne s’en plaindra pas ! Bien évidemment, l’arsenal sonore comporte tous les ingrédients pour se concocter des potions techno, avec pas moins de 86 basses et leads, 99 pads et effets, 128 synthés divers, 105 effets spéciaux en plus de la liste GM (128), des instruments pop / rock (91), classiques (41) et ethniques (104).
Certes les instruments acoustiques ne constituent pas le point fort du RM1x, avec peu de multisamples et des boucles courtes intervenant trop vite. Le piano acoustique est suffisant pour des accords staccato de House mais insuffisant pour faire du Robert Miles. Par contre, la mine d’or se trouve parmi les basses synthétiques (analogiques ou numériques), les leads, les pads et les kits de percussions comme toujours presque exhaustifs. Il ne manque apparemment rien pour les technomaniaques et s’il faut ici un peu d’attaque ou là un zeste de résonance, le RM1x permet une édition sonore simplifiée à la manière d’un module GM de la marque : enveloppe de volume ADR, niveau de pitchbend, portamento, LFO (vitesse, modulation de la hauteur, du filtre et du volume) et filtre (fréquence de coupure et résonance). La puissance de synthèse, point fort de la MC-505 Roland, est donc le talon d’Achille du modèle Yamaha.
La sauvegarde des programmes s’effectue au sein des 50 styles utilisateurs que la machine met à notre disposition (nous y reviendrons). La règle du jeu instaurée par Yamaha est de permettre la mémorisation d’un programme et de ses réglages pour chacune des 16 pistes, communs aux 16 sections d’un même style. Dommage, c’est beaucoup plus restrictif que les motifs en Rom qui utilisent souvent des programmes différents d’une section à l’autre. C’est décidé, le calumet de la paix, ce sera pour plus tard !
Danse du scalp
Après ce bref tour de Tipi, passons aux choses sérieuses, c’est-à-dire la programmation des styles. Le RM1x fonctionne suivant trois modes : pattern, enchaînement de patterns et song. Commençons par le mode patterns, composé de 50 styles utilisateur de 16 sections chacun (soit 800 motifs !). A chacune des pistes de chaque section, on peut assigner une phrase monotimbrale différente tirée des 7000 de la Rom ou des 256 programmables. Pour nous aider à nous y retrouver, Yamaha a eu l’excellente idée de nommer les phrases, de les regrouper en 17 catégories (bass drum, séquences synthétiques, accords, utilisateur…) et de les numéroter. Sur chaque piste, on peut transposer, programmer un groove graphiquement (décalage de note, d’horloge, de gate et de vélocité suivant une grille de 16 divisions), harmoniser sur 3 voix (octave et deux voix parallèles libres), créer un effet d’unisson, utiliser un délai Midi (donc synchronisable !) et programmer des arpèges (5 types avec tessiture de 1 à 4 octaves).
Pour les sons, on peut régler le volume, le panoramique, les départs effets en plus des paramètres de synthèse évoqués auparavant et ce, sur chaque piste. Pour programmer un style en partant de rien (pour les courageux !), on commence d’abord à programmer une phrase, soit en pas à pas (mode step ou grille à la Roland), soit en temps réel (overdub en boucle ou en remplacement). On spécifie un nombre définitif de mesures (1 à 256), un nombre de mesures de décompte, on presse sur Record puis Play, un métronome se fait entendre et hop, c’est parti. Sans arrêter l’enregistrement, on fait alors appel aux 8 potentiomètres d’édition en temps réel (16 fonctions) et paf, un petit zeste de coupure de filtre, une petite pointe de résonance, un peu de réverbération sur le dernier coup de caisse claire de la mesure, ou encore un grand coup de Flanger sur la basse (si, on a le droit !). Tout ceci est mémorisé en temps réel jusqu’à concurrence des 110.000 notes que contient la mémoire vive de la machine. Mieux, les phrases peuvent être plus longues ou plus courtes que les patterns (le RM1x l’indique par une petite icône) et dans ce dernier cas, la machine boucle d’elle-même les phrases concernées. Bien vu ! De plus, toute la mémoire utilisateur est conservée à l’extinction, ce qui permet d’allumer le RM1x deux secondes seulement avant la danse du scalp.
Grand Manitou
Pour éditer en détail les phrases assemblées en patterns assemblés en sections assemblées en styles (ouf !), le RM1x possède trois sous-modes extrêmement souples et puissants : Job (c’est donc un Yamaha pure souche), Edit et Split. Le seul inconvénient de ces modes est qu’ils nécessitent l’arrêt de la reproduction sonore pour y entrer, ce qui gâche un peu l’excellente approche temps réel dont faisait jusque-là preuve la machine.
Pour commencer, Job est une palette d’outils extrêmement bien fournie (genre flèches de 8, flèches de 12, tomahawk à molette et arcs à souder) comprenant pas moins de 37 opérations. Pour ajouter à la convivialité, Yamaha a eu l’excellente idée de regrouper les outils par catégorie : Undo, opérations sur les notes, sur les événements, les phrases, les pistes ou les patterns. Grâce à deux des potentiomètres logiciels, on sélectionne la catégorie et la fonction en un éclair. Les opérations concernent, en vrac, la quantisation (résolution au 480e de noire, les réglages de vélocité, l’échange de phrases, la copie d’événements, le remixage, la fusion des effets de groove ou d’harmonie (destructive) ou encore l’éclatement d’une piste de percussions en « n » pistes. Complet et astucieux.
Mais si cela n’est pas suffisant, on peut faire appel à un puissant éditeur d’événements Midi via le sous-mode Edit. Et là, à nous la liste déroulante et le détail de tous les événements. Mieux, on peut choisir de masquer certains messages (comme l’Aftertouch) pour aller droit au but, directement sur les événements recherchés. A chaque pas, on peut insérer ou supprimer un événement de type note, pitchbend, Sysex ou changement de programme, contrôleur Midi (ah, ce balayage de filtre tellement techno !), Aftertouch (par canal ou polyphonique), RPN, NRPN (Midi ou XG Yamaha) et Sysex. Dans ce dernier mode, le RM1x invite à entrer les données sous forme hexadécimale (réservé aux plus courageux). Bref, le RM1x est capable de satisfaire à la fois celui qui recherche le jeu immédiat de patterns sans prise de tête et celui qui veut entrer dans le moindre détail. Magique !
Hordes de mustangs
Jusqu’à présent, nous nous sommes contentés de décrire le mode Pattern, premier des trois modes de fonctionnement du RM1x. Passons maintenant aux deux derniers, qui permettent de regrouper des Patterns (Pattern Chain) ou des événements Midi (Song). Chaque mode dispose de 20 mémoires utilisateur non volatiles. En mode Pattern Chain, la programmation se fait au sein d’une liste aussi conviviale qu’en sous-mode Pattern Edit, où chaque pas représente une mesure. Pour chaque mesure, on détermine le style choisi (Preset 01 à 60, User 01 à 50) puis l’une des 16 sections du style (A à H). De plus, Off permet de couper la reproduction sur une mesure alors que End indique la fin d’un enchaînement. Seules limites, la lecture d’un pattern commence à son point de départ et on ne peut pas mémoriser les statuts de pistes (play / mute / solo) à chaque pas comme cela est possible sur une MC-505. Dommage car cela limite les possibilités de remixage de la machine.
Par contre, là où le RM1x surpasse sa rivale, c’est au niveau de son troisième et dernier mode : le mode Song. Là, nous avons affaire à un véritable séquenceur 16 pistes, capable de mémoriser 20 chansons en partageant la capacité mémoire de 110.000 notes avec le mode Pattern. La reproduction et l’enregistrement ont un fonctionnement assez similaire au mode Pattern. En fait, les chansons ne tournent pas en boucle et n’ont pas de section. Par contre, on dispose des mêmes facultés d’édition de programmes, de grooves, d’effets, d’arpèges et d’événements Midi. De plus, une dix-septième piste de tempo apparaît, ainsi que la possibilité d’enregistrer en multipiste, de faire des punch in / out et de choisir des mesures ternaires (car le mode Pattern n’autorise que le quaternaire et condamne donc les valses de Vienne si prisées le jour de l’an). Le mieux, c’est qu’on peut envoyer un enchaînement de patterns sur une piste d’une chanson ou, réciproquement, un extrait d’une piste d’une chanson vers un pattern utilisateur, en moins de temps qu’il n’en faut à Lucky Luke pour dégainer. Bien vu !
Peintures de guerre
Pour colorer les braves avant le grand galop hors du village, le RM1x possède trois processeurs d’effets indépendants de fort bonne qualité. Le premier, baptisé Variation, est un multi-effets composé de 42 algorithmes, parmi lesquels des réverbérations, des effets d’ensemble, des distorsions, des simulateurs d’ampli et des égaliseurs. Il peut être mis en insertion sur l’une des 16 pistes ou fonctionner comme effet système avec départ séparé sur les 16 pistes.
Le deuxième processeur est un classique chorus capable de produire 11 algorithmes (4 chorus, 4 célestes et 3 flangers). Enfin, le dernier processeur est dédié à la réverbération, avec 11 algorithmes (hall, room, stage, plate…). Pour chaque processeur, on peut régler jusqu’à 16 paramètres et l’un d’entre eux (fixé par le constructeur) peut être modulé grâce à un contrôle change Midi au choix. Dommage que ce soit 9 fois sur 10 la balance wet / dry. De plus, l’effet de variation (en mode système), le chorus et la réverbération disposent d’un réglage séparé de panoramique. Enfin, on peut régler les niveaux d’envoi de l’effet de variation dans le chorus et la réverbération ainsi que le niveau d’envoi du chorus dans la réverbération, ce qui est beaucoup plus souple qu’un simple choix série ou parallèle. Ceci dit, pour une machine techno, il manque tout de même au RM1x des effets lo-fi et platine vinyle. Pour ce dernier, on pourra utiliser le son de craquement de disque échantillonné en Rom. Pour être complet, signalons la présence d’un égaliseur du type Low Shelf qui permet d’accentuer ou couper les basses (fréquence de 50Hz à 2kHz, gain de –24 à + 24dB), histoire de redonner un peu de gravité aux vieux Sages ou de leur couper le sifflet une fois pour toutes !
Bison futé
Avec le RM1x, Yamaha nous propose une machine de fort bonne facture, astucieuse et très agréable à utiliser. Elle tire ses qualités de son fonctionnement en temps réel, son organisation en modes et sous-modes, son large écran graphique et ses possibilités avancées d’édition microscopique. De plus, l’instrument est suffisamment solide et compact pour être emmené au combat. Sur scène, on appréciera le lecteur de disquettes qui lui permet des chargements et des sauvegardes rapides (patterns, chansons ou SMF 0) et la mémoire non volatile qui le rend immédiatement prêt à décocher ses flèches. Par contre, il manque un certain nombre de fonctions pour que le RM1x soit le Grand Sachem : les sorties séparées font défaut, la synthèse est beaucoup trop limitée, les sons acoustiques sont pauvres (pourquoi donc inclure des saxes ou des cordes solo dans une machine techno ?), l’arpégiateur est trop dépouillé en regard de la concurrence et certains sous-modes primordiaux (boîte à outils, édition microscopique) nécessitent l’arrêt complet de la machine. Le RM1x n’est donc pas destiné à ceux qui veulent agrandir leur collection de sons acoustiques ou se plonger dans la création de programmes originaux, mais plutôt aux musiciens ou DJs dont le sport préféré est d’enchaîner des rythmiques mitonnées en usine ou minutieusement programmées sous le Tipi. En plus, étant donné son prix très agressif, voici un guerrier qu’il ne faut pas hésiter à sortir de sa réserve !
Glossaire
MSB : acronyme anglais pour octet de poids fort. Octet supérieur lorsque les transmissions de données se font sur deux octets.
LSB : acronyme anglais pour octet de poids faible. Octet inférieur lorsque les transmissions de données se font sur deux octets.
Bank Select : message Midi de sélection de banque, codé sur deux octets (pour la banque GM, le BS est MSB=0 - LSB=0).