Depuis décembre dernier, Yamaha propose Revstar, sa nouvelle série de guitares électriques. Après le succès des stratoïdes Pacifica, la firme japonaise compte bien réitérer l’exploit en concurrençant cette fois les mythiques modèles de Gibson. Vous l’aurez compris, le humbucker est à l’honneur dans cette série composée de 8 instruments. Voici enfin sur Audiofanzine le test de la série Revstar avec un modèle d’entrée de gamme, la RS420, et un modèle haut de gamme, la RS820CR.
Martin Luthier King
Les courbes généreuses des 8 guitares Revstar ne sont pas sans rappeler la Les Paul, mais dans sa version double cutaway. En les regardant, on pense aussi inévitablement à la SG de Yamaha ou encore à la Gretsch Duo Jet avec double pan coupé. Mais cette forme unique dans le catalogue des Japonais n’est pas l’unique innovation de cette nouvelle gamme. Ainsi, tous les micros ont été conçus en interne.
Un autre élément a également été développé spécifiquement pour la série Revstar : le système Dry-Switch. Ce Push/Pull placé sur le potard de tonalité a pour ambition de produire le même effet qu’un split, mais sans ses inconvénients. En d’autres termes, on devrait obtenir l’équivalent de micros simples, mais sans les parasites inhérents à ce type de micros. Pour ce faire, le système repose sur un circuit de filtrage passif des fréquences. Si le système est ingénieux, nous découvrirons vite qu’il ne tient pas tout à fait toutes ses promesses.
Les éléments que nous venons d’évoquer se retrouvent sur les 8 modèles Revstar. Pour autant, de nombreuses caractéristiques diffèrent selon les guitares, tout comme les tarifs, en adéquation avec le matériel embarqué. Ainsi, les prix débutent à 399 € pour le modèle le moins onéreux, et s’élèvent jusqu’à 1 499 €. Toutes les guitares sont fabriquées en Indonésie, à l’exception du modèle le plus haut de gamme (RSP20CR) qui provient du Japon. Les deux guitares que nous avons eues entre les mains ne se situent pas tout à fait aux extrémités de la gamme, puisque la RS420 est le deuxième modèle le moins cher, alors que la RS820CR est le deuxième modèle le plus cher. Voici les caractéristiques de ces deux guitares :
RS420 :
- Corps en nato
- Table en érable
- Manche collé en nato au profil Slim
- Touche en palissandre, radius de 13.75", 22 frettes de type Medium, incrustations Dots
- Sillet en plastique de 43 mm
- Diapason de 24.75" (62,865 cm)
- 2 micros humbucker VH3 à aimants Alnico V et base en argent
- 1 contrôle de volume et 1 contrôle de tonalité, 1 sélecteur de micros 3 positions
- Interrupteur Dry-Switch de type Push-Pull
- Chevalet Tune-O-Matic et cordier Stopbar
- Accastillage plaqué nickel
- Plaque de protection noire
- Finitions High Gloss Black Steel, Fired Red, Factory Blue
- Fabriquée en Indonésie
- Prix indicatif : 499 €
RS820CR :
- Corps en acajou
- Table en érable
- Manche collé en acajou
- Touche en palissandre, radius de 13.75", 22 frettes Jumbo, incrustations Dots
- Sillet en plastique de 43 mm
- Diapason de 24.75" (62,865 cm)
- 2 micros humbucker VH5 à aimants Alnico V, base en argent
- 1 contrôle de volume et 1 contrôle de tonalité, 1 sélecteur de micros 3 positions
- Interrupteur Dry-Switch de type Push-Pull
- Chevalet/cordier TonePros AVT-II
- Accastillage plaqué nickel satiné
- Plaque de protection en aluminium anodisé
- Finitions Steel Wool Rusty Rat, Steel Rust
- Fabriquée en Indonésie
- Livrée avec une housse de protection
- Prix indicatif : 999 €
Vroom, vroom !
Je dois vous confesser mon enthousiasme lorsque j’ai déballé les guitares. Elles ont indubitablement de la gueule. Tout le monde était séduit dans l’équipe d’Audiofanzine. Le pari de rendre hommage aux courses de moto Café Racer est réussi, puisque les finitions rappellent effectivement ces courses, et plus globalement l’esthétique de l’automobile des années 70.
La RS420 se pare d’un joli bleu métallisé finement pailleté. La forme Revstar, quant à elle, fait son effet ! C’est rock et doux à la fois, avec une bonne dose de rétro. Les finitions sont plus que correctes pour une guitare à 499 €. C’est globalement propre, quoique parfois un peu grossier. Mais étant donné que la guitare joue le minimalisme, l’ensemble est très cohérent et séduisant. Car c’est la simplicité de cette guitare qui marque. En effet, hormis le binding et la couleur de la table, l’instrument est d’une sobriété totale.
À l’inverse, la RS820CR est clairement plus aguicheuse. Le binding continue sur le manche et la tête, et les bois sont bien plus mis en évidence. La finition mate Steel Rust est aussi très jolie, mais elle a le malheur de garder toutes les traces de doigts ! Il faudra donc bichonner la belle pour préserver son charme. D’autant plus qu’une magnifique plaque de protection en métal brossé et deux petits traits au milieu de la table viennent encore apporter du cachet à la guitare. Enfin l’accastillage en nickel satiné apporte une dernière petite touche vintage à l’ensemble. C’est donc de l’excellent boulot, même si le modèle que j’ai eu entre les mains souffrait de légers défauts de vernis au niveau de la jonction entre le manche et le corps, ce qui contraste étonnement avec le soin apporté au design de l’instrument.
En main, les deux guitares sont très agréables et bien équilibrées. Le manche de la RS420 se parcourt aisément avec son profil légèrement arrondi, mais fin et moderne. En passant à la RS820CR, on comprend vite la différence de prix. Elle est un peu plus lourde, et surtout plus impressionnante à vide : le son est moins métallique, et le corps vibre plus.
Le manche est quasiment le même, avec cette liaison manche/corps très réussie, mais les sensations sont légèrement différentes. Les frettes Medium ont laissé place à des frettes Jumbo. Le binding sur la touche et le vernis modifient aussi le ressenti. De plus, la forme du manche est un peu plus ronde que sur la RS420. En définitive, la RS820CR lorgne vraiment du côté de Gibson. Mais qu’en est-il du son ? Découvrons-le tout de suite.
Les Revstaries du guitariste solitaire
Comme d’habitude, j’ai utilisé les guitares directement branchées dans un Kemper Profiler, lui-même relié en stéréo à une carte son Line 6 POD Studio UX2. Pour les sons clairs, le preset sélectionné dans le Kemper est « Simply Clean » (simulation d’un Rockerverb 50). Commençons avec la RS420. Je débute avec le micro grave, puis j’utilise le même micro, mais avec le Dry Switch activé. Je fais ensuite de même avec la position intermédiaire et la position chevalet.
- 1 RS420 Clean manche 00:34
- 2 RS420 Clean manche avec Dry Switch 00:38
- 3 RS420 Clean intermédiaire 00:43
- 4 RS420 Clean intermédiaire avec Dry Switch 00:43
- 5 RS420 Clean chevalet 00:43
- 6 RS420 Clean chevalet avec Dry Switch 00:38
Pas de doute, nous avons bien affaire à des humbuckers. Le micro grave offre de beaux sons bien ronds, qui peuvent laisser place à quelque chose d’un peu moins présent grâce au Dry Switch. Le son est assez équilibré, sans excès de basse, mais un peu terne. Le micro aigu offre un peu de claquant, mais on reste dans des sons gibsoniens. Il perd évidemment de la présence avec le Dry Switch, ce qui me satisfait moyennement pour des solos, mais qui s’avère intéressant en rythmique ou pour du funk sans prendre trop de place dans le mix. On reste tout de même très loin d’un micro simple, ça manque de claquant et de dynamique. Enfin, j’ai beaucoup aimé la position intermédiaire qui garde la rondeur du micro grave, tout en dynamisant un peu le tout avec le micro aigu. Voyons à présent ce que cela donne avec de la saturation. J’ai utilisé le preset « AC Normal Drive » (simulation d’un AC30).
- 7 RS420 Crunch manche 00:42
- 8 RS420 Crunch manche avec Dry Switch 00:42
- 9 RS420 Crunch intermédiaire 00:35
- 10 RS420 Crunch intermédiaire avec Dry Switch 00:31
- 11 RS420 Crunch chevalet 00:35
- 12 RS420 Crunch chevalet avec Dry Switch 00:40
La saturation met tout de suite en avant les défauts des micros de la RS420. Le micro grave est baveux, pas très précis. On le sentait déjà avec les sons clairs, mais là c’est vraiment prononcé. En utilisant le push/pull on retrouve un peu plus de clarté, mais c’est loin d’être parfait. Le micro aigu manque lui de tranchant. Quant au Dry Switch, il apporte de la polyvalence, mais on ne retrouve pas les sensations jouissives des micros simples qui crunchent. Pour terminer, j’ai voulu voir ce qu’avait vraiment dans le ventre cette Yamaha, et j’ai donc sélectionné un preset avec plus de gain (Steave Lead). Voici ce que cela donne :
Avec la grosse saturation, la guitare bave, ce n’est pas précis. Bref, on retrouve les défauts déjà ciblés, mais ça ne pardonne pas sur ce type de sonorités. Avec ses micros d’origine, la guitare ne me parait pas exploitable pour obtenir un vrai son tranchant heavy ou rock furieux.
Passons à présent aux exemples sonores de la RS820CR. Les micros ne sont pas les mêmes, ce qui peut nous laisser espérer un meilleur rendu. Je n’ai pas utilisé cette fois-ci le Dry-Switch, car son action reste la même. Voici les sons clairs :
- 14 RS820CR Clean manche 00:36
- 15 RS820CR Clean intermédiaire 00:41
- 16 RS820CR Clean chevalet 01:02
Sans interruption, écoutons ce que cela donne avec la saturation modérée de la modélisation de l’AC30 :
- 17 RS820CR Crunch manche 00:40
- 18 RS820CR Crunch intermédiaire 00:35
- 19 RS820CR Crunch chevalet 00:39
Et enfin, basculons sur le preset Steve Lead pour éprouver un peu plus la guitare :
Le résultat est sans appel, on retrouve les mêmes caractéristiques sonores globales que le modèle RS420, mais avec beaucoup plus de clarté. Les micros sont plus précis, moins boueux, un peu moins ternes aussi. C’est du tout bon, même si on pouvait apprécier le côté un peu muddy des précédents micros, notamment pour les solos avec crunch. Le Dry Switch ne transforme toujours par les humbuckers en micros simples, mais il offre encore une fois des possibilités sonores intéressantes. Certes il agit avant tout sur les basses, mais la clarté originelle des micros de la RS820CR sied parfaitement au système de Yamaha en offrant des sons cristallins lorsque le push/pusll est activé. Dans le dernier extrait, la précision des micros est d’autant plus flagrante. Les rythmiques sont plus tranchantes et les notes sont bien distinctes les unes des autres.
Final Lap
Sans révolutionner le genre, les Revstar apportent un petit vent de fraîcheur dans l’univers des guitares « à la Gibson ». Je retiendrai surtout le plaisir immédiat que m’ont procuré ces guitares. Elles sont simples et bien faites. J’adore les potards qui coulissent aisément, qui sont très progressifs et bien placés. J’ai instinctivement plus joué ave ces contrôles que sur d’autres guitares. L’ergonomie est donc excellente, même si j’aurais personnellement préféré un manche sans vernis à l’arrière : ça accroche un peu.
Évidemment, les micros de la RS420 seront décevants pour un guitariste expérimenté. Mais les débutants devraient y trouver leur bonheur, car le son reste très équilibré, plutôt chaud avec un petit côté vintage. Pour les autres, il est toujours possible de changer les micros. Quant à la RS820CR, elle comble clairement les lacunes du modèle d’entrée de gamme. C’est un délice de jouer sur cette guitare. Alors certes, elle ne rivalisera pas avec les modèles les plus typés de Gibson. Il manque certainement une identité sonore plus marquée, un surplus d’âme ! Mais au regard des productions parfois contestées de la marque américaine ces dernières années, les Revstar semblent être une alternative intéressante et surtout moins coûteuse. On déplorera tout de même qu’une guitare proposée à 999 € soit produite en Indonésie, et soit équipée d’un sillet en plastique. Mais après tout, les finitions sont très bonnes, à défaut d’être parfaites. C’est au final les seuls vrais reproches que l’on peut faire à cette guitare au vu de son prix. Quels que soient les défauts énumérés pour les deux modèles, le pari de Yamaha est donc réussi. Le reste est une affaire de goût.